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Olivier Talagrand

Désireux de valoriser la formation scientifique que j’avais reçue, j’ai rejoint à l’automne 1966 le groupe que Pierre Morel était en train de constituer autour du projet Eole, destiné à l’étude de la circulation atmosphérique à l’aide de ballons plafonnants localisés par satellite (voir la contribution de Catherine Gauthier). Voulant tirer plein profit des possibilités nouvelles qu’ouvraient les satellites et les calculateurs électroniques, P. Morel souhaitait développer, en plus de ce qui concernait directement le projet Eole, la modélisation numérique de l’écoulement atmosphérique. Cela correspondait à mes goûts pour les travaux un peu mathématiques, et je commençais à m’initier aux modèles numériques de prévision météorologique. La question de l’évolution du climat, passée ou future, sans que je m’en désintéresse (j’étais certainement intrigué par le mécanisme des glaciations) n’était pas à l’époque au premier plan de mes intérêts.

P. Morel appartenait dès ces années à plusieurs comités constitués à l’occasion du projet international Global Atmospheric Research Program (GARP, un ensemble de campagnes d’observation coordonnées réalisées dans les années 1970), et apportait à ce titre beaucoup d’informations aux jeunes chercheurs qui travaillaient avec lui.

Au début de 1969, je partais effectuer un séjour au Geophysical Fluid Dynamics Laboratory (GFDL), à Princeton aux États-Unis. J’y fis la connaissance de nombreux chercheurs, dont Syukoro Manabe et Kirk Bryan qui, dans mon souvenir, se consacraient principalement à l’époque au développement de modèles couplés océan-atmosphère. Mais S. Manabe avait déjà commencé les travaux sur le bilan radiatif de l’atmosphère qui lui ont valu en 2021 (conjointement avec Klaus Hasselmann et Giorgio Parisi) le Prix Nobel de Physique. C’est en tout cas à cette époque (peut-être dès 1967, mais au plus tard en 1969) que j’ai appris que l’on pouvait attendre une élévation significative de la température de l’atmosphère du fait des émissions anthropiques de CO2 .

De retour en France au sein du Laboratoire de Météorologie Dynamique (dans lequel était désormais incorporé le groupe Eole de P. Morel), j’ai continué à travailler sur la prévision météorologique à relativement courte échéance et sur son complément indispensable, l’assimilation des observations. Mais l’échauffement global était un thème de discussion permanente au sein du Laboratoire. J’ai publié en 1973 dans la Revue des Questions Scientifiques (une revue de vulgarisation de haut niveau publiée par l’Université de Namur) un article consacré à la prévision météorologique. J’y parlais principalement des modèles numériques de prévision et de leurs performances. Mais, par acquit de conscience et parce que c’était un sujet qui prenait de plus en plus d’importance, je consacrais deux pages à l’effet de serre dû au CO2 et à l’échauffement qu’on en attendait. Ce que je disais sur les modèles de prévision météorologique et leurs performances est devenu totalement obsolète (même si la science de base est évidemment restée la même, ainsi que les principes de la modélisation numérique). Mais, en ce qui concerne l’effet de serre, il n’y a quasiment rien à changer à ce que j ‘écrivais en 1973. Je surestimais légèrement la croissance de contenu atmosphérique en CO2 pour la fin du siècle, et disais que l’on ne savait pas si l’effet des aérosols serait d’amplifier ou de diminuer l’effet de serre (on sait maintenant qu’il le diminue légèrement). Mais à part cela, ce que j’écrivais, et en particulier l’ordre de grandeur de l’échauffement attendu, qui devait se compter en degrés, était exact.

Cela étant, je n’étais pas encore au fond de moi totalement convaincu et, lorsque je parlais d’effet de serre, c’était plus sur le ton Les spécialistes disent que … que sur le ton de la certitude absolue. Ce n’est que dans les années 1990, lorsque l’échauffement est devenu visible, que j’ai été pleinement convaincu.

Tout cela était de toute façon un peu marginal par rapport à mon activité principale, qui portait sur la prévision météorologique à relativement court terme et sur l’assimilation des observations. J’ai beaucoup travaillé sur ces sujets avec la Météorologie Nationale, devenue entre temps Météo-France (avec entre autres Jean Pailleux et Philippe Courtier) et avec le Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (CEPMMT) (en particulier à l’époque ou Jean Labrousse, l’un des fondateurs du Club des Argonautes, en était Directeur). J’ai aussi lancé au LMD un programme de recherche sur les atmosphères planétaires, qui s’est largement développé avec Frédéric Hourdin et François Forget. Tous ces travaux étaient évidemment liés à l’étude du climat, en ce sens qu’ils utilisaient un même outil commun, la modélisation numérique, et que j’étais en contact quasi-quotidien avec des chercheurs (P. Morel, R. Sadourny, puis K. Laval et ultérieurement H. Le Treut) qui étudiaient, eux, le climat terrestre. Mais si j’ai été tôt informé du réchauffement climatique et de ce qu’on pouvait en attendre, et aussi redouter, c’est en ‘témoin privilégié’ ou en ‘compagnon de route’, beaucoup plus qu’en participant actif, que j’ai suivi le développement de toute la science qui s’est développée à son sujet.

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