Introduction aux Energies Marines
Michel Gauthier
L’océan est un vaste réservoir d’énergie. Sous des formes diverses, cette énergie se manifeste par des phénomènes naturels dont la puissance a fasciné les hommes depuis très longtemps. Dès l’Antiquité, ils ont su utiliser les vents et les courants pour mouvoir leurs navires, et le flux des marées pour actionner leurs moulins. Au début de l’ère industrielle, ils ont conçu des machines utilisant l’énergie mécanique des vagues et la chaleur des eaux de l’océan pour servir leur industrie.
L’abondance relative et le faible coût, en termes financiers, de l’énergie produite par la combustion du charbon, puis du pétrole et du gaz, n’en a pas permis le développement.
Aujourd’hui, avec le constat de l’inadaptation de nos modes de production dits «traditionnels» aux exigences du développement durable, ces «Énergies Marines» renouvelables suscitent un regain d’intérêt et un consensus international semble établi selon lequel elles pourraient contribuer à satisfaire nos besoins en énergie primaire.
La valeur de référence de ces besoins est celle de la consommation mondiale actuelle d’énergie primaire, soit 10 milliards de tonnes d’équivalent pétrole par an (10 Gtoe/a) ou 120 000 TWh/a)
Par ce dossier Océan et Énergie, le Club des Argonautes souhaite faire connaître les principes et l’état de l’art des techniques de conversion de l’énergie de ces phénomènes naturels en travail utile, et donner des avis documentés sur leurs avantages et leurs inconvénients.
Avant de décrire ces techniques, ce texte d' introduction est un essai pour apporter des éléments de réponse à la question :
«Quelle fraction de ces besoins l’exploitation des énergies marines pourrait-elle satisfaire de façon durable ?»
Les énergies marines
Les phénomènes marins susceptibles d’être utilisés pour produire de l’énergie sont nombreux. On se limitera ici à l’examen de ceux dont l’expérimentation a atteint le stade de la démonstration technique in situ à des échelles extrapolables jusqu’à plusieurs millions de watts (MW) et pour lesquels on dispose d’estimations de coûts de production réputés acceptables économiquement à plus ou moins long terme.
Le critère d’acceptabilité économique auquel on fait ici allusion est d’autant plus flou que l’évolution des coûts de l’énergie, à 20 où 50 ans, est très incertaine. Cette évolution dépend non seulement de celle des coûts de combustibles mais aussi du changement de la structure même des coûts de production avec l’introduction de taxes nouvelles et la prise en compte de coûts aujourd’hui «externalisés ».
Les phénomènes et les procédés de conversion retenus sont :
-
la marée avec les procédés du type «la Rance» et du type «hydroliennes» ,
-
le vent avec les éoliennes «en mer»,
-
la houle avec les « houlomotrices »,
-
la circulation générale des masses d’eaux avec le procédé « ETM - Energie Thermique des Mers ».
À l’exception des marées qui résultent de l’action de forces gravitationnelles tous ces phénomènes sont les résultats d’échanges d’énergie et de matière - de l’eau notamment sous ses trois formes : liquide, vapeur et glace - entre les masses d’eau océanique, l’atmosphère et les terres émergées. L’ETM puise dans la chaleur stockée dans l’eau de surface de l’océan tropical. Les éoliennes et les houlomotrices puisent dans le flux commun de l’énergie mécanique exprimée par le vent dont la source primaire est la même que celle de l’ETM :
C’est l’apport thermique du Soleil à la planète Terre.
Les technologies développées pour l’exploitation de ces phénomènes sont par nature réputées non polluantes dans la mesure où elles n’introduisent dans la biosphère ni énergie, ni composants chimiques nouveau ; elles n’impliquent que des perturbations des flux naturels d’énergie et de matière, des emprises sur le domaine maritime, des contraintes pour la navigation et d’autres nuisances, visuelles, voire auditives. La connaissance des effets de toutes ces perturbations, contraintes et nuisances est encore insuffisante pour évaluer avec précision les limites d’acceptabilité environnementale et sociale de l’exploitation de ces ressources. On ne pourra donc en tenir compte que de façon très incomplète dans ce premier essai.
Pour chacune des formes d’énergie on a quantifié :
-
La puissance moyenne du flux d’énergie exprimée dans l’ensemble des mers et des océans par le phénomène naturel «source ». On l’appelle RNG - Ressource Naturelle Globale. On a extrait les données pertinentes d’un document relativement récent de Rui Xin Huang du WHOI
et, -
La fraction de ce flux naturel que l’on estime pouvoir exploiter durablement à l’horizon des décennies à venir. On l’appelle PTE, Potentiel Techniquement Exploitable.
Le manque d’expériences industrielles prolongées dans l’exploitation de la plupart de ces énergies ne permet pas d’apprécier de façon fiable les limites de leur « acceptabilité » en termes économiques, sociaux et environnementaux. Les valeurs des PTE utilisées dans cet essai ne sont donc encore que des ordres de grandeurs, des « best guesses », qu’il conviendra de préciser au fur et à mesure du développement de l’exploitation de ces nouvelles formes d’énergies .
Conclusions
L’objet de cet essai était d’approcher une réponse à la question:
«Quelle fraction de nos besoins en énergie l’exploitation des énergies marines pourrait-elle satisfaire de façon durable ?».
Une première réponse à cette interrogation est donnée par le tableau ci-dessous :
Formes d'énergie |
Potentiel Techniquement Exploitable PTE en TWh/a |
Potentiel relatif en % |
ETM |
100 000 |
82 |
Vent & Houle |
18 400 & 1400 |
17 |
Marée |
800 |
<1 |
Total |
120 000 |
100 |
Les hypothèses et le détail de ces calculs sont donnés dans la page : "Calcul des potentiels exploitables des énergies marines"
Ces résultats montrent que l’exploitation des énergies marines pourrait assurer une production annuelle de 120.000 TWh. Ceci est de l’ordre de grandeur de la consommation mondiale actuelle d’énergie primaire.
Ces résultats montrent aussi que la ressource renouvelable en énergie marine est abondante mais n’est probablement pas démesurée par rapport aux besoins à venir de l’humanité. Il convient de prendre conscience de cette dimension pour ne pas laisser accroire que les générations futures pourraient puiser sans réserve dans l’océan toute l’énergie nécessaire à leurs besoins (hors extraction éventuelle des combustibles de la filière « fusion nucléaire »).
Le tableau montre que les contributions respectives des quatre formes d’énergies retenues varient dans une fourchette de 1 à 80. Ce résultat, sans occulter l’existence de «niches» propices à l’exploitation de la houle, du vent et des marées dans des sites particulièrement propices, met en évidence l‘importance du potentiel de production de l’ETM.
Il conforte la recommandation exprimée par le club des Argonautes pour que l’Europe, aujourd’hui absente du domaine de la recherche et du développement de cette filière, en fasse l’évaluation objective.
Mise à jour : juin 2012