Actualité : océan, climat, énergie
Janvier 2023
Quelques nouvelles de Mercator Ocean International.
Près de vingt huit ans après la réunion fondatrice de la Chapelle-Aubareil (juin 1995), la reconnaissance au plus haut niveau de l'utilité sociale de l'Océanographie opérationnelle...
À l'instar de la prévision météo, l'océanographie opérationnelle tire profit des progrès constants de la puissance des moyens de calcul, ainsi que de divers dispositifs d'observations géophysiques en temps réel. Ces systèmes ont d'abord été mis en place à titre expérimental. Leur intérêt a conduit les chercheurs de nombreux pays à demander, (et souvent... obtenir !), leur pérennisation, notamment dans le cadre de l'organisation EuMetSat, ou du programme Copernicus de l'Union Européenne.
Prévisions océanographiques Issues des systèmes opérationnels de Mercator Océan
Exemple de Bulletin physique global journalier au 1/12° - Source Mercator Ocean
Dans une approche intégrée, (ou plutôt "systémique"), l'océanographie opérationnelle associe toutes les ressources disponibles :
- longues séries d'observations du milieu océanique, (In Situ et depuis l'espace),
- modèles numériques toujours plus élaborés,
- réanalyses sur plusieurs décennies du comportement des composantes du système couplé Océan-Atmosphère...
Cette formule s'est révélée vraiment féconde et stimulante, car elle se décline aussi entre acteurs et entre nations : scientifiques, ingénieurs, techniciens, (bientôt rejoints par les politiques), tous concentrés sur la réalisation d'un rêve partagé, né il y a presque 3 décennies.
Formule stimulante, car elle permet l'effet qui enchante les spectateurs de sport d'équipes, lorsque... "ça joue" : comme le jeu collectif, la coopération internationale a permis à chacun, (humain ou groupe d'humains formant une nation !), de faire plus et mieux que ce qu'il est capable de faire tout seul.
Cette consécration, largement méritée par notre collègue Pierre Bahurel, ses équipes, et ses partenaires, en Europe et dans le monde, est un sujet de satisfaction indéniable pour le Club des Argonautes.
Voir :
L'article : "Vers une organisation collaborative et inclusive conçue pour l’Océan, par Pierre Bahurel – DG de Mercator Océan International" dans la revue Marine et Océans.
2022, année la plus chaude en France.
Une semaine seulement après la fin de l'année 2022, Meteo France est déjà en mesure de publier un article :
"L’année 2022 est la plus chaude que la France métropolitaine ait jamais mesurée. Ponctuée d’extrêmes climatiques, 2022 est un symptôme du changement climatique en France. Remarquable dans le climat actuel, elle pourrait devenir “normale” en 2050."
Au niveau mondial, elle est aussi bien placée pour être l'une des six années les plus chaudes...
En France, sur les 9 dernières années (2014 à 2022 inclus), 7 se situent parmi les 10 années les plus chaudes. Il manque seulement 2016 et 2021.
Voir l'article de Meteo France
Décembre 2022
Très bonne année 2023 à nos lecteurs
Satellite meteo MTG-I1
Le 13 décembre, 3 jours avant le lancement de SWOT, il y eut le lancement réussi de MTG-I1, premier satellite de la 3ème génération Meteosat. Ce premier satellite est dédié à la fonction "imageur", qui est maintenant séparée de la fonction "sondeur".
Il va permettre d’améliorer la connaissance de l’atmosphère, la détection des phénomènes dangereux et la qualité des prévisions météorologiques.
Le premier "Météosat sondeur" MTG-S1 doit être lancé en 2024.
Voir les sites Oscar et Meteo France.
Mise sur orbite du satellite SWOT
Le satellite Swot doit ouvrir une nouvelle ère de la surveillance des océans lacs et rivières par sa capacité de mesure à haute résolution de la topographie de surface sur de vastes étendues d'eau.
Il a été lancé avec succès un peu avant 13 h (heure de Paris) le vendredi 16 décembre 2022.
"SWOT est la 1ère mission spatiale qui étudiera la quasi-totalité de l'eau à la surface de la Terre. Ses instruments mesureront la hauteur de l'eau des lacs, des rivières, des réservoirs et des océans de notre planète avec une définition plus précise que jamais. Cela contribuera à faciliter les décisions en matière de gestion de l'eau et fournira également de nouvelles informations sur le cycle de l'eau sur Terre. Les données du satellite aideront à mieux comprendre la montée du niveau des océans et l'évolution des côtes dans un climat en pleine mutation."
Les premières générations de satellites altimétriques (Topex Poseidon, puis la série Jason et enfin les Sentinel 3 et Sentinel 6 ont permis de cartographier la circulation océanique méso échelle (suivi des tourbillons ayant une taille supérieure à environ 100 km). SWOT apporte une amélioration : tandis que les satellites qui ont précédé SWOT ne collectaient des données que le long d'une ligne sous la trajectoire du satellite, SWOT effectue des mesures sur toute une bande d'une centaine de kilomètres de largeur. Cette capacité de mesure bidimensionnelle avec une résolution améliorée d’un ordre de grandeur doit lui permettre de connaître les échanges verticaux qui se produisent notamment à la frontière entre ces tourbillons, et ainsi mieux comprendre la façon dont la chaleur et le CO2 échangés entre l’océan et l’atmosphère sont transportés en profondeur dans l’océan.
De plus SWOT recueillera des données sur les lacs et les réservoirs de plus de 62 500 m2 et sur les rivières de plus de 100 mètres de large, données inconnues à ce jour.
Voir le film du lancement (cliquer sur l'image) :
et plus de détails sur cette page du site CNES : Swot Vigie des eaux
Voir aussi le site de la NASA/Jet Propulsion Laboratory :
Cliquer sur l'image pour voir le déploiement en orbite des deux antennes de l'interféromètre radar en bande Ka (KaRIn) de SWOT.
Crédit : NASA/JPL-Caltech
Voir aussi l'article très détaillé Swot est en orbite du site Energies de la mer, site d'information et d'analyse sur l'actualité du secteur des énergies renouvelable de la mer et de ses filières associées.
Août 2022
"GIEC, la voix du climat"
de Kari De Pryck ((postdoctorante, boursière du Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS), et chercheuse associée au laboratoire PACTE de l'Université Grenoble Alpes)
Édition : Presses de Sciences Po
Recension d'Yves Dandonneau.
Le Groupe Intergouvernemental pour l’Étude du Climat (GIEC) est perçu comme un groupe de scientifiques qui fournissent périodiquement aux décideurs une analyse, la meilleure possible, sur les connaissances que l’on a du climat et de son évolution, en particulier celle liée aux rejets de gaz à effet de serre. L’ouvrage écrit par Kari de Pryck est consacré au fonctionnement de cette institution et ne commente pas les résultats mis en avant par ses trois groupes de travail. Il décortique sa composition, son mandat, son articulation avec ses tutelles, l’adéquation de ses rapports avec l’attente de celles ci, son évolution, et les complexités sous-jacentes à tous ces aspects. C’est donc une vision politique du GIEC et de son articulation avec le monde de la recherche, les états et les organisations internationales.
Après un rappel du pourquoi et des conditions qui l’ont conduite à écrire ce livre, elle détaille les principes qui doivent être respectés pour le choix des membres qui composent l’assemblée générale et les groupes de travail, au sein desquels figurent des scientifiques et aussi des représentants des états, et les contraintes qui résultent de la nécessité de respecter autant que possible une variété correspondant aux grandes régions du globe et au partage entre pays développés et pays en développement.
Présenter de manière objective, claire et précise l’ensemble des connaissances sur l’état du climat est une tâche inédite pour un groupe aussi large et diversifié que l’est le GIEC. La polémique née par exemple autour d’une erreur sur une disparition prochaine des glaciers de l’Himalaya publiée dans la littérature grise et reproduite dans le rapport final (l’Himalaya Gate) montre bien la difficulté de la tâche. Les rapports des trois groupes sont le reflet des connaissances publiées dans des revues à comité de lecture au moment où ils sont rédigés. Depuis sa création, le GIEC n’a pas cessé d’améliorer les procédures d’élaboration et de correction collective des rapports afin d’aboutir au meilleur résultat possible tout en restant neutre sur les éventuels sujets de désaccord.
Les assemblées du GIEC ne comprennent pas que des scientifiques, mais aussi des représentants des états qui discutent parfois certaines conclusions qui seraient mal acceptées dans leur pays. L’approbation des rapports fait donc l’objet de négociations et d’une recherche de consensus sur ces points litigieux. Les travaux du GIEC sont étroitement coordonnés avec les activités de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) qui indique d’éventuels points à approfondir, adresse des demandes particulières aux groupes de travail du GIEC (rapport sur un réchauffement de 1,5°C, rapport sur les océans et la cryosphère), et qui définit l’ordre du jour des COP annuelles (Conférences des parties), où les états s’appuient sur les conclusions du GIEC pour définir leur politique en matière de Climat.
Compte tenu de l’interaction de plus en plus forte du GIEC avec la politique de lutte contre le changement climatique, et du caractère non prescriptif de ses conclusions, la communication auprès des médias doit être contrôlée. Cette tâche est de plus en plus difficile à mesure que la question du changement climatique devient de plus en plus préoccupante. Le livre se termine par une réflexion sur la possibilité pour le GIEC de répondre à des problèmes qui se ramifient dans des particularités régionales et sont perçus différemment selon les groupes sociétaux.
Tous ces enjeux sont expliqués en détail avec une compétence aiguë. La masse de documents consultés, le grand nombre d’interviews de personnalités du monde scientifique impliquées dans l’activité du GIEC, sont impressionnantes, et font de ce livre une source très utile pour prendre conscience de la complexité à laquelle l’humanité est confrontée face au changement climatique.