Actualité : océan, climat, énergie
Mars 2023
Alors que le niveau des océans s'élève, en février, les canaux de Venise ont manqué d'eau pour la navigation
Yves Dandonneau (synthèse d'échanges entre Argonautes)
En octobre 2020, un gigantesque ouvrage débuté en 2003 est entré en fonction : dénommé MOSE ((acronyme de MOdulo Sperimentale Elettromeccanico, «module expérimental électromécanique»), il est destiné à protéger Venise des épisodes de hautes eaux, bien connus sous le nom "d'acqua_alta", qui, souvent en automne, inondent la Sérénissime et ses palais, comme ce fut le cas en 2018 et 2019. Constitué de gigantesques panneaux articulés qui se relèvent en cas de forte hausse du niveau de la mer, il semble désormais mettre Venise à l'abri des hautes eaux. Cette menace était devenue de plus en plus pressante à cause du lent enfoncement de la ville, et surtout à cause des la montée inexorable des océans consécutive au changement climatique. Or, en février 2023, ce n'est pas une inondation qui a semé le désordre à Venise, mais au contraire un niveau des eaux tellement bas que la navigation a un temps été rendue impossible, même pour les fameuses gondoles.
Qu'est ce qui peut expliquer cet épisode de basses eaux qui, paradoxalement, s'oppose au contexte actuel de hausse du niveau marin ?
Les pays qui entourent la Méditerranée ont un climat plutôt sec, avec, comme la Méditerranée elle même, des températures relativement élevées. Il s'en suit que l'évaporation l'emporte nettement sur les précipitations, la perte d'eau correspondant à ce bilan étant en moyenne de 580 mm/an.
La Méditerranée reçoit les apports de fleuves, Rhône, Po, Nil, pour ne citer que les principaux, et de la Mer Noire, qui reçoit le Danube et le Dniepr. Ces contributions apportent d'environ 250 mm/an en moyenne (Sanchez-Gomez et al., 2011), et ne suffisent donc pas à combler ce déficit.
C'est l'Océan Atlantique qui, via le détroit de Gibraltar, joue le rôle de régulateur, en fournissant le complément. Cet apport d’eau de l’Atlantique se fait en surface, tandis qu’au fond du détroit, l’eau de la Méditerranée, plus dense parce que plus salée, s’écoule vers l’Atlantique. Le bilan de ces écoulements en directions opposées devrait être d’environ 330 mm/an pour que la Méditerranée ait un niveau constant.
Ces apports d'eau et ces pertes varient cependant d'une année à l'autre, en fonction du climat. Ainsi, 2022 a été marqué par la sécheresse dans la plupart des pays qui entourent la Méditerranée, de telle sorte que l'apport des fleuves et de la Mer Noire a été moins abondant que la moyenne. D'autre part, l'intensité du courant d'eau de l'Atlantique qui entre par Gibraltar dépend de la différence de niveau entre l'Atlantique et la Méditerranée, et, dans une moindre mesure, de l'influence d'un régime de vent favorable ou défavorable. Or, la période qui a précédé cet épisode de basses eaux à Venise a été caractérisée par un anticyclone sur l'Europe de l'ouest et des vents de nord est, qui ont tendance à abaisser le niveau de l'Atlantique à l'ouest du Portugal et du Maroc, contribuant à diminuer l'entrée d'eau Atlantique à travers le détroit de Gibraltar. De façon générale, le niveau de la Méditerranée est corrélé négativement avec le transport d’eau vers le nord en Atlantique (Volkov et al., 2019). Un autre paramètre qui a aussi conduit à un niveau anormalement bas de l'eau au nord de la Méditerranée et dans l'Adriatique est la pression atmosphérique à laquelle le niveau marin s’ajuste : un accroissement de 10 hPa de la pression atmosphérique fait baisser le niveau de la mer de 10 cm. Or, l’année 2022 a été marquée par la stabilité de l'anticyclone sur l'Europe de l'ouest. Enfin, s'il est généralement admis que la Méditerranée est soumise à un régime de marée de très faible amplitude, ce n'est pas le cas dans la partie nord de l'Adriatique près de Venise, où la configuration du bassin et la faible profondeur amplifient la marée : l'amplitude peut y dépasser 1 m
Le niveau de la mer à Venise dépend donc de plusieurs paramètres, dont les effets peuvent se neutraliser ou s'ajouter les uns aux autres. Les conditions climatiques très particulières de l'hiver 2022-2023 ont conduit à cette baisse des eaux qui a concerné non seulement à Venise, mais aussi l'étang de Leucate où les barges des ostréiculteurs se sont trouvées immobilisées au fond du Grau.
Sanchez-Gomez, E., Somot, S., Josey, S.A., Dubois, C., Elguindi, N., Déqué, M. (2011) : Evaluation of Mediterranean Sea water and heat budgets simulated by an ensemble of high resolution regional climate models. Climate Dynamics 37 : 2067–2086.
Denis L. Volkov, Molly Baringer, David Smeed, William Johns, and Felix W. Landerer (2019) : Teleconnection between the Atlantic Meridional Overturning Circulation and Sea Level in the Mediterranean Sea. Journal of Climate, 32 (3) : 935-955.
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Le journal météo de France Télévisions se transforme pour donner plus de place au changement climatique
Le journal météo de France Télévision qui n'avait pas changé depuis plus de trente ans évolue. Il devient un journal "Météo-Climat".
"Fini le traditionnel bulletin météo avec les températures et les cartes des territoires de France. "La météo du jour va être mise dans le contexte d'un climat qui change", explique Christophe Cassou, climatologue et directeur de recherche au CNRS. Face à l'urgence climatique, France Télévisions change la formule de son journal météo et lance dès ce lundi 13 mars son "journal météo-climat". Un journal rallongé, sur un nouveau plateau, dans lequel la météo sera détaillée à la lumière des changements climatiques. Chaque phénomène sera analysé par des spécialistes."
Voir :
Page Radiofrance
Page infographie Franceinfo
Janvier 2023
Le sabordage du porte-avions Foch
Yves Dandonneau
Source Wiipédia
Cédé par la France au Brésil en 2000, et rebaptisé «Sao Paulo», le porte avions Foch vient d’être coulé le 19 janvier dernier à 350 km au large des côtes brésiliennes par 5000 m de fond. Ce sabordage contrevient à l’esprit des traités et accords censés encadrer la mise au rebut des grands navires : la première convention internationale pour le recyclage dans des conditions optimales des navires en fin de vie a été adoptée par les États membres de l'Organisation maritime internationale en 2009, et la France a été le premier des 15 États à la ratifier. Un règlement européen qui s’en inspire est en vigueur depuis janvier 2019, et s’applique aux navires commerciaux d'une jauge brute supérieure à 500 tonneaux battant pavillon d'un État membre de l'UE, mais il ne s'applique pas aux navires de guerre.
C’est donc dans un flou juridique qu’ONGs et associations de défense de l’environnement ont vivement protesté contre ce sabordage, en raison des quantités importantes de polluants que contient le navire (plomb, amiante, peintures…) et des risques encourus par la faune profonde pendant des siècles. Remarquons toutefois que la marine brésilienne a choisi un site qui, par sa profondeur et sa localisation, est pratiquement un désert biologique, bien loin de la prolifération de vie des dorsales océaniques. Et rappelons aussi que l’épave du Titanic fait rêver des millions de personnes, et qu’on se rend aux îles Salomon pour plonger sur les épaves des navires de la guerre du Pacifique.
Se débarrasser de certaines épaves conduit souvent à des errances sans fin. À cet égard, le porte avions Foch a été ce qu’on appelle familièrement une «patate chaude» dont personne ne voulait (voir en encart les pérégrinations du porte-avions Clemenceau), et que la France a cédé au Brésil où il a été rebaptisé «Sao Paulo». Endommagé par un incendie en 2005, il a alors été désarmé. Il a fait un temps l’objet d’un projet pour être transformé en palace flottant avec golf, cinémas et restaurants. Ce projet abandonné, il devait être démantelé dans des conditions en principe conformes aux conventions internationales en Turquie, mais après être parvenu jusqu’à Gibraltar, la Turquie ayant renoncé, il a dû faire demi tour sous les protestations des ONGs environnementales, jusqu’à ce que la marine brésilienne décide de le couler.
L’errance du porte-avions Clémenceau, 1997-2009
Le porte-avions Clemenceau, désarmé en 1997, devait d’abord être démantelé en Espagne, d’où il a irrégulièrement été envoyé vers la Turquie, puis intercepté au large de l’Italie et ramené en France où il a été envisagé, puis refusé, d’en faire un récif artificiel favorable au développement d’un écosystème de récif. Acheté en 2003 par une compagnie pour être démantelé, il n’est parti vers l’Inde que deux ans plus tard après que les obstacles juridiques dressés par des associations environnementales aient été levés. Arrivé au canal de Suez, avec, à son bord, des militants de ces associations, il a un temps été bloqué en Egypte, puis, finalement, après le refus de l’Inde de l’accueillir sur ses chantiers, remorqué jusqu’à Brest en contournant le Cap de Bonne Espérance. Il y restera sous les polémiques jusqu’en 2009, où il sera décidé de le remettre pour démantèlement à une société anglaise. Le coût pour l’état français de ce démantèlement aurait été de plus de 20 millions d’Euros, qui s’ajoutent aux autres millions d’Euros qu’a coûtés son errance.
Janvier 2023
Appel à candidature : prix Christian Le Provost 2023
Ce prix est décerné par l'Académie des Sciences pour un montant de 15 000 euros.
La date limite de candidature est le 13 février 2023.
"Il est destiné à récompenser l’autrice ou l’auteur de recherches conduites dans un laboratoire français pour des travaux remarquables en océanographie physique et biogéochimique."
Ce Prix biennal a été fondé par le CNRS, l’IFREMER, le CNES, l’IRD, le SHOM, le Cluster Maritime France, le Conseil départemental des Côtes-d’Armor et la ville de Plérin, en hommage à l’océanographe français Christian Le Provost.
Pour plus d'informations voir :
La page du site de l'Académie des Sciences où l'on peut déposer sa candidature.
L'article du site "Energies de la mer"
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Quelques nouvelles de Mercator Ocean International.
Raymond Zaharia
Près de vingt huit ans après la réunion fondatrice de la Chapelle-Aubareil (juin 1995), la reconnaissance au plus haut niveau de l'utilité sociale de l'Océanographie opérationnelle...
À l'instar de la prévision météo, l'océanographie opérationnelle tire profit des progrès constants de la puissance des moyens de calcul, ainsi que de divers dispositifs d'observations géophysiques en temps réel. Ces systèmes ont d'abord été mis en place à titre expérimental. Leur intérêt a conduit les chercheurs de nombreux pays à demander, (et souvent... obtenir !), leur pérennisation, notamment dans le cadre de l'organisation EuMetSat, ou du programme Copernicus de l'Union Européenne.
Prévisions océanographiques Issues des systèmes opérationnels de Mercator Océan
Exemple de Bulletin physique global journalier au 1/12° - Source Mercator Ocean
Dans une approche intégrée, (ou plutôt "systémique"), l'océanographie opérationnelle associe toutes les ressources disponibles :
- longues séries d'observations du milieu océanique, (In Situ et depuis l'espace),
- modèles numériques toujours plus élaborés,
- réanalyses sur plusieurs décennies du comportement des composantes du système couplé Océan-Atmosphère...
Cette formule s'est révélée vraiment féconde et stimulante, car elle se décline aussi entre acteurs et entre nations : scientifiques, ingénieurs, techniciens, (bientôt rejoints par les politiques), tous concentrés sur la réalisation d'un rêve partagé, né il y a presque 3 décennies.
Formule stimulante, car elle permet l'effet qui enchante les spectateurs de sport d'équipes, lorsque... "ça joue" : comme le jeu collectif, la coopération internationale a permis à chacun, (humain ou groupe d'humains formant une nation !), de faire plus et mieux que ce qu'il est capable de faire tout seul.
Cette consécration, largement méritée par notre collègue Pierre Bahurel, ses équipes, et ses partenaires, en Europe et dans le monde, est un sujet de satisfaction indéniable pour le Club des Argonautes.
Voir :
L'article : "Vers une organisation collaborative et inclusive conçue pour l’Océan, par Pierre Bahurel – DG de Mercator Océan International" dans la revue Marine et Océans.
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2022, année la plus chaude en France.
Une semaine seulement après la fin de l'année 2022, Meteo France est déjà en mesure de publier un article :
"L’année 2022 est la plus chaude que la France métropolitaine ait jamais mesurée. Ponctuée d’extrêmes climatiques, 2022 est un symptôme du changement climatique en France. Remarquable dans le climat actuel, elle pourrait devenir “normale” en 2050."
Au niveau mondial, elle est aussi bien placée pour être l'une des six années les plus chaudes...
En France, sur les 9 dernières années (2014 à 2022 inclus), 7 se situent parmi les 10 années les plus chaudes. Il manque seulement 2016 et 2021.
Voir l'article de Meteo France
Décembre 2022
Satellite meteo MTG-I1
Le 13 décembre, 3 jours avant le lancement de SWOT, il y eut le lancement réussi de MTG-I1, premier satellite de la 3ème génération Meteosat. Ce premier satellite est dédié à la fonction "imageur", qui est maintenant séparée de la fonction "sondeur".
Il va permettre d’améliorer la connaissance de l’atmosphère, la détection des phénomènes dangereux et la qualité des prévisions météorologiques.
Le premier "Météosat sondeur" MTG-S1 doit être lancé en 2024.
Voir les sites Oscar et Meteo France.
Mise sur orbite du satellite SWOT
Le satellite Swot doit ouvrir une nouvelle ère de la surveillance des océans lacs et rivières par sa capacité de mesure à haute résolution de la topographie de surface sur de vastes étendues d'eau.
Il a été lancé avec succès un peu avant 13 h (heure de Paris) le vendredi 16 décembre 2022.
"SWOT est la 1ère mission spatiale qui étudiera la quasi-totalité de l'eau à la surface de la Terre. Ses instruments mesureront la hauteur de l'eau des lacs, des rivières, des réservoirs et des océans de notre planète avec une définition plus précise que jamais. Cela contribuera à faciliter les décisions en matière de gestion de l'eau et fournira également de nouvelles informations sur le cycle de l'eau sur Terre. Les données du satellite aideront à mieux comprendre la montée du niveau des océans et l'évolution des côtes dans un climat en pleine mutation."
Les premières générations de satellites altimétriques (Topex Poseidon, puis la série Jason et enfin les Sentinel 3 et Sentinel 6 ont permis de cartographier la circulation océanique méso échelle (suivi des tourbillons ayant une taille supérieure à environ 100 km). SWOT apporte une amélioration : tandis que les satellites qui ont précédé SWOT ne collectaient des données que le long d'une ligne sous la trajectoire du satellite, SWOT effectue des mesures sur toute une bande d'une centaine de kilomètres de largeur. Cette capacité de mesure bidimensionnelle avec une résolution améliorée d’un ordre de grandeur doit lui permettre de connaître les échanges verticaux qui se produisent notamment à la frontière entre ces tourbillons, et ainsi mieux comprendre la façon dont la chaleur et le CO2 échangés entre l’océan et l’atmosphère sont transportés en profondeur dans l’océan.
De plus SWOT recueillera des données sur les lacs et les réservoirs de plus de 62 500 m2 et sur les rivières de plus de 100 mètres de large, données inconnues à ce jour.
Voir le film du lancement (cliquer sur l'image) :
et plus de détails sur cette page du site CNES : Swot Vigie des eaux
Voir aussi le site de la NASA/Jet Propulsion Laboratory :
Cliquer sur l'image pour voir le déploiement en orbite des deux antennes de l'interféromètre radar en bande Ka (KaRIn) de SWOT.
Crédit : NASA/JPL-Caltech
Voir aussi l'article très détaillé Swot est en orbite du site Energies de la mer, site d'information et d'analyse sur l'actualité du secteur des énergies renouvelable de la mer et de ses filières associées.