Blog Club des Argonautes
Actualités scientifiques relatives au changement climatique, à l'océan et à l'énergie des mers.
Les membres du Club des Argonautes souhaitent partager certaines de leurs lectures, reflexions ou discussions. C'est l'objectif des publications de ce blog.
Le Club des Argonautes a été créé en 2003 par des chercheurs et des ingénieurs retraités qui ont contribué des programmes de recherche sur le climat, les océans, l’eau, la biosphère et l’énergie. Ils se réunissent une fois par mois pour discuter les résultats récents de la littérature scientifique, les progrès dans l’observation de la Terre, les avancées techniques et les politiques de réduction ou d’adaptation au changement climatique en cours.
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La peur de manquer d'oxygène
Yves Dandonneau - mars 2024
Aurions nous hérité de l’évolution une angoisse de manquer d’oxygène ? On pourrait le croire tant des formules comme « l’océan qui nous fournit la moitié de l’oxygène que nous respirons » ou « l’Amazonie, ce poumon de la planète » font florès dans les médias, suggérant que si ces milieux venaient à être détériorés par l’action humaine, alors, l’oxygène viendrait à nous manquer.
Or, ces deux formules sont fausses : NON ! les océans ne nous fournissent pas 50 % de l’oxygène que nous respirons, mais environ 0 %, et si l’Amazonie produit beaucoup d’oxygène par photosynthèse, elle en consomme à peu près autant par sa respiration et son activité bactérienne. L’oxygène produit annuellement par la photosynthèse, dans les océans comme sur les terres émergées, ne représente qu’une infime fraction (0,03 %) de l’oxygène présent dans l’atmosphère, et est pratiquement consommé en totalité par les processus de respiration et de reminéralisation de la biomasse issue de cette photosynthèse. On peut pourtant craindre que ces croyances erronées soient parfois enseignées dans les écoles.
La photosynthèse, pourvoyeuse d’oxygène
Avant l’apparition de la vie sur Terre, l’oxygène présent dans l’atmosphère était lié au carbone, ces deux éléments formant ce gaz à effet de serre qui nous tracasse tant, le dioxyde de carbone, ou gaz carbonique : le CO2. C’est l’apparition de la photosynthèse, à la base de la vie, qui a permis de dissocier les atomes de carbone et d’oxygène pour former, d’une part la matière vivante, et d’autre part l’oxygène libre :
où C6H12O6 représente un glucide élémentaire, brique de base de la matière vivante.
Dans le monde actuel, les plantes et les algues continuent d’opérer la photosynthèse pour construire leurs tissus, et de libérer de l’oxygène. On estime que la photosynthèse fixe chaque année environ 100 gigatonnes de carbone dans les tissus végétaux, feuilles, troncs, algues, et libère en contrepartie 347 gigatonnes d’oxygène (1), moitié par les algues marines et moitié par les plantes sur les terres émergées. C’est probablement ce partage approximativement à égalité qui suggère que l’océan nous fournirait la moitié de l’oxygène que nous respirons. Notons en passant que l’atmosphère contient environ 1 200 000 gigatonnes d’oxygène, legs des ères géologiques passées, et que la quantité d’oxygène produite annuellement par photosynthèse n’en représente que 0,03 %.
La respiration, consommatrice d’oxygène
Ce n’est là qu’une des deux faces des cycles de l’oxygène et du carbone. L’autre face est la respiration. L’oxygène est en effet indispensable à notre respiration et à celle de tous les autres organismes qui ne possèdent pas la capacité de photosynthèse, et d’un point de vue biogéochimique, la respiration réalise l’inverse de la photosynthèse :
Dans la nature, sur les terres émergées, les plantes croissent et produisent de l’oxygène grâce à la photosynthèse, puis, elles meurent, ou bien les feuilles des arbres tombent et pourrissent, et au bout d’un temps variable, d’un an pour les feuilles à cent ans ou davantage pour les troncs d’arbres, la totalité de la biomasse élaborée est consommée et le carbone qu’elle avait fixé revient à l’atmosphère sous forme de gaz carbonique. Il a fallu pour cela alimenter les réactions de respiration avec une quantité d’oxygène égale à celle qu’avait produit la photosynthèse lors de la constitution de cette biomasse. Il en était autrement à l’ère primaire qui nous a légué des gisements de charbon, de pétrole et de gaz, mais les écosystèmes modernes ne produisent plus de carbone fossile comme c’était alors le cas (à quelques exceptions près, dont le rôle est mineur, comme les tourbières).
Il en va de même en mer, où le phytoplancton et le zooplancton finissent en débris qui sont dégradés par des bactéries au cours de leur chute vers la profondeur : tout l’oxygène produit par photosynthèse durant la croissance du phytoplancton est indispensable pour cette dégradation. Les mécanismes en jeu pour l’oxygène dans les océans diffèrent toutefois de ceux des écosystèmes terrestres: les océans ne peuvent pas contenir d’oxygène au-delà de la solubilité de ce gaz. La couche supérieure de l’océan, éclairée et apte à la photosynthèse, est saturée en oxygène, de telle sorte que l’oxygène issu de la photosynthèse est en sursaturation et s’échappe dans l’atmosphère :
est-ce là qu’il faut chercher « la moitié de l’oxygène que nous respirons » ?
Non, car dans certaines régions, et notamment aux hautes latitudes quand la mer se refroidit et que le faible éclairement est insuffisant pour la photosynthèse, la solubilité de l’oxygène dans l’eau augmente, et l’océan absorbe autant que ce qu’il a émis par photosynthèse. Un travail publié en 1992 a bien montré que le bilan des échanges d’oxygène de l’océan vers l’atmosphère avant l’ère industrielle était positif en été, négatif en hiver, et nul en bilan annuel.
Qu’il s’agisse des océans ou des écosystèmes terrestres en général, et de l’Amazonie en particulier, dans l’histoire récente, la quantité d’oxygène présente dans l’atmosphère est donc restée stable. Qu’en est il avec le changement climatique ?
Changement anthropique et oxygène
L’atmosphère terrestre contient environ 1 200 000 gigatonnes d’oxygène. Un effet immédiat de la combustion du carbone fossile que nous utilisons pour satisfaire nos besoins en énergie est une consommation d’oxygène : au rythme actuel, nous brûlons chaque année environ 10 gigatonnes de carbone fossile et cette combustion utilise 27 gigatonnes d’oxygène. Ce n’est pas anodin, mais il faudrait des milliers d’années avant que la concentration en oxygène baisse de façon sensible.
Un des effets de l’augmentation du gaz carbonique dans l’atmosphère est une stimulation de la croissance des végétaux, et donc une production accrue d’oxygène par photosynthèse. Malgré cela, sous la pression des activités humaines, la forêt amazonienne est depuis quelques années en diminution. Supposons, catastrophe absolue, que l’ensemble de la végétation terrestre prenne feu : elle représente environ 600 gigatonnes de carbone sous forme organique, et sa combustion nécessiterait donc de l’ordre de 1600 gigatonnes d’oxygène. Dans ce scénario extrême, on voit que la concentration en oxygène de notre atmosphère en serait peu affectée. L’image d’une Amazonie qui serait le « poumon » de la planète n’est donc pas réaliste.
En mer, un tel scénario catastrophe n’est pas imaginable : la mer ne prendra pas feu. Imaginons toutefois une oxydation lente et totale de toute la matière organique, vivante ou morte, en particules ou dissoute, dont l’abondance est un peu supérieure à celle de la biomasse des terres émergées : cela nécessiterait une quantité d’oxygène plus importante, mais là aussi, très loin de pouvoir faire sensiblement baisser la concentration en oxygène de l’atmosphère.
Au contraire, le réchauffement a pour conséquence une diminution de la solubilité des gaz dans les océans, et en particulier de l’oxygène : les océans perdent donc actuellement un peu d'oxygène au profit de l’atmosphère, ce qui constitue une menace non pas pour notre respiration, mais pour celle des organismes marins pour lesquels le manque d’oxygène en profondeur est critique dans certaines régions.
L’homme est très imprudent dans ses activités, mais en ce qui concerne la disponibilité de l’oxygène dans l’atmosphère, nous pouvons respirer tranquilles : il y a suffisamment d’oxygène dans l’atmosphère pour que, photosynthèse à l’arrêt, nous puissions encore respirer pendant plusieurs milliers d’années, et les dégâts que nous causons à l’environnement ne conduiront donc pas à un manque. Les océans ne fournissent pas la moitié de l’oxygène que nous respirons. Quant à l’Amazonie le qualificatif de « poumon » qui lui est souvent attribué (abusivement puisque le rôle des poumons est d’absorber de l’oxygène et de rejeter du gaz carbonique ), n’est pas du tout justifié.
(1) Les calculs réalisés ici sont basés sur les estimations suivantes : |
- Écrit par : Yves Dandonneau
- Catégorie : Blog
Propos sur le climat et ses composantes, au Club des Argonautes
Lors de sa création, le Club des Argonautes s’est concentré sur l’explication des mécanismes du climat, et aussi sur les arguments destinés à contrer les déclarations des climatosceptiques. Vingt ans plus tard, le changement climatique est devenu une réalité admise par une très forte majorité, et les invectives des climatosceptiques sont stériles. En témoigne un article paru dans «Climate» (et non pas dans «Journal of Climate!») qui attribue le changement climatique aux variations du rayonnement solaire : cet article, violemment contré par Gavin Schmidt, fera sans doute le buz chez les climatosceptiques dont la motivation principale est : «nous ne voulons pas changer de mode de vie». Le débat n’est donc pas sur la contestation de la science, et le site web des Argonautes va évoluer vers un blog présentant des articles généralement courts, sur des sujets divers liés au climat, et sur des résumés des discussions que nous avons chaque mois, autour des articles récemment parus, des décisions et prises de positions relatives au climat, et des événements climatiques remarquables.
Yves Dandonneau
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Février 2024
L’eau et le changement climatique
Pendant cette 201ème réunion du Club des Argonautes, nous avons beaucoup parlé d’eau, de pluies, et de ressources en eau. Avec le réchauffement climatique en effet, un degré supplémentaire pour la température implique que l’atmosphère peut théoriquement contenir 7 % de vapeur d’eau en plus. Or, nous approchons du seuil de + 1,5 °C adopté lors de l’Accord de Paris. Mais ceci ne signifie pas que les pluies vont augmenter autant que la capacité de l’atmosphère à contenir de la vapeur d’eau. L’augmentation des pluies est estimée à seulement 2 % par degré de réchauffement. Le changement climatique devrait à la fois intensifier les pluies extrêmes et les inondations, et aggraver les sécheresses. Sur les continents, le cycle de l’eau est très fortement dépendant de caractéristiques locales : selon l’état du sol, une part plus ou moins grande s’infiltrera, ruissellera vers les rivières, ou alimentera les nappes phréatiques. Une partie sera reprise par l’évaporation, et tout spécialement par l’évapotranspiration du couvert végétal, puis recyclée. Un risque d’inondation plus ou moins grand ? Des épisodes de sécheresse plus longs ? La réponse dépend de la circulation atmosphérique, de la température de l’air, de l’état des sols et des cultures, et est donc régionale plutôt que globale.
Les conditions climatiques sont très variables d’une région à une autre, ou d’une saison à une autre. Ainsi, ces dernières années, la Californie a alterné des périodes de sécheresse intense avec des incendies ravageurs, et aussi des inondations à la suite de pluies torrentielles. En France, la sécheresse très marquée de début 2023 a été interrompue par un retour des pluies, et les nappes phréatiques, surveillées par le BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières), ont retrouvé un niveau normal. Ce n’est toutefois pas le cas dans le pourtour méditerranéen, et en particulier, dans le Roussillon où les nappes phréatiques sont restées basses, ce qui peut remettre en question les choix agricoles de cette région. La politique touristique aussi devra être revue : il y a très peu de neige sur les Pyrénées et le peu qui est tombé a fondu à cause de températures anormalement élevées. Cette sécheresse se prolonge en Catalogne espagnole où il faudra acheminer de l’eau, ce qui s’est fait par le passé, en 2008, par tanker. Un approvisionnement par canal depuis le Rhône avait alors été étudié (projet Aquadomitia) mais s’était heurté à la difficulté de franchir les Pyrénées, et aussi à la réticence des agriculteurs français concernés.
Des solutions pour faire face à d’éventuels manques d’eau
On s’équipe de plus en plus en réservoirs destinés à recueillir l’eau de pluie, en général pour des usages autres que l’eau potable : arrosage du jardin, chasse d’eau, lavage. Recueillie dans une région à l’abri des pollutions atmosphériques, d’origine agricole ou industrielle, l’eau de pluie est potable, mais lors de sa conservation, ou de son passage dans des tuyauteries, elle risque d’être contaminée. Les navires modernes disposent maintenant de systèmes de désalinisation de l’eau de mer, mais les anciens marins (et même les vieux océanographes) connaissaient bien cette difficulté. Si, dans une maison, le circuit d’eau potable distribuée par les services publics et le circuit d’eau de pluie récupérée ne sont pas strictement séparés, il y a risque de contamination de l’eau publique. C’est pourquoi il y a une réticence de la part des services publics à autoriser l’usage de l’eau de pluie. Face à une éventuelle pénurie d’eau et à la disponibilité d’eau de récupération, la logique serait de récupérer les eaux de pluie, ou les eaux usées, puis de les traiter pour les rendre potables ou, à condition d’avoir installé un double réseau d’utilisation, les réserver à d’autres usages. Cette réutilisation et double réseau de distribution se pratiquent de plus en plus, mais la France est moins avancée dans ce domaine que l’Allemagne, la Grande Bretagne, l’Italie ou l’Espagne.
Le risque de pénurie d’eau douce pousse à rechercher des aquifères jusque sous la mer : de tels aquifères existent, et se manifestent parfois par des sources d’eau douce sur les fonds marins. Avant d’utiliser ces réserves, il faut les étudier et s’assurer que leur exploitation ne va pas avoir pour conséquence un déplacement du « biseau salé » entre l’eau douce et l’eau salée, et une salinisation de la ressource.
La fonte des glaciers menace-t-elle l’approvisionnement en eau douce de certains pays, notamment au pied de l’Himalaya, ou des Andes ? On a pu entendre que l’Himalaya était le château d’eau d’un tiers de l’humanité, et ce tiers serait à terme privé d’eau douce du fait de cette fonte. Heureusement, cette crainte n’est pas fondée : même si les glaciers fondaient totalement, les moussons et autres apports d’eau en provenance des océans continueraient. Mais il en serait fini de cette ressource d’eau de fonte au printemps, avant l’arrivée de la mousson, au moment où la végétation a le plus besoin d’eau et où les précipitations sont faibles. Il y aurait de nouvelles saisonnalités des ressources en eau auxquelles il faudrait s’adapter. Le cas de la ville de Lima au Pérou et de ses dix millions d’habitants est particulier : sur ce versant ouest des Andes, il ne tombe que 50 mm d’eau par an et les glaciers qui fournissent l’eau sont alimentés par des précipitations qui viennent principalement de l’est, en provenance de l’Atlantique. A contrario le versant amazonien est très bien arrosé et une solution techniquement envisageable, mais très onéreuse, pourrait être d’opérer des transferts vers le versant pacifique.
Changement climatique : comment faire machine arrière ?
À un rythme qui s’est accru depuis le début de l’ère industrielle et qui, avec l’urgence de lutter contre le changement climatique, commence à peine à se ralentir autour de 37 milliards de tonnes par an, nos émissions de gaz carbonique ont ajouté à l’atmosphère plus de 900 milliards de tonnes de ce gaz à effet de serre. Le gaz carbonique est chimiquement très stable, et il n’est pas envisageable de lui retirer chimiquement ce rôle climatique, sauf à utiliser une énergie considérable, au moins égale à celle que nous a fourni le carbone fossile en brûlant. Bien sûr, il y a aussi les puits naturels, que sont la végétation terrestre et les océans, que l’on peut accompagner et aider, mais cela ne suffira pas. Il faudra de très gros moyens pour retirer ce gaz carbonique en excès dans l’atmosphère, et les compagnies pétrolières sont bien placées pour cela. Elles ont en plus la technologie et les gisements d’hydrocarbures épuisés où elles peuvent enfouir beaucoup de gaz carbonique. L’un des Argonautes a pu assister à un séminaire où une représentante de l’Agence Internationale de l’Energie a présenté un projet visant à enfouir 6 milliards de tonnes de gaz carbonique par an dans des gisements de pétrole épuisés (pourquoi ce chiffre ? On le trouve paraît-il dans certains scenarios du dernier rapport du GIEC.
Très bien : tout enfouissement de gaz carbonique est bon à prendre. Mais qui paiera ? Pour des quantités aussi importantes, on aimerait que l’initiative ne relève pas d’une aubaine financière et soit contrôlée par les états, afin d’éviter des dérives telles que les fraudes sur le marché des crédits carbone, ou les plantations de forêts censées piéger du gaz carbonique, mais totalement inefficaces faute de réelle volonté. Peut on faire confiance à des compagnies pétrolières dont l’enrichissement a perturbé le climat et qui s’enrichiraient encore en en corrigeant les effets ? Laisser faire le marché paraît dangereux alors qu’on a besoin d’actions bien conduites et coordonnées si on ne veut pas aggraver la crise climatique. Que les états prennent la direction de ces actions, et créent si besoin la monnaie nécessaire.
Du côté de l’intelligence artificielle, toujours du nouveau
La prévision météorologique par intelligence artificielle agite beaucoup Météo France, ainsi que la plupart des services chargés des prévisions dans les autres pays. L’intelligence artificielle est attractive en raison de la rapidité du calcul, et elle a montré qu’elle pouvait fournir d’excellentes prévisions. Les séminaires à ce propos se multiplient, auxquels des Argonautes ont pu assister. Les prévisions par modèles physiques et celles par intelligence artificielle ne s’excluent pas l’une l’autre : les modèles physiques de prévision météorologique peuvent incorporer des modules d’intelligence artificielle pour certains processus, et des contraintes physiques peuvent être imposées à l’intelligence artificielle. Un problème se pose : il faut entraîner l’intelligence artificielle sur des données. Il y a pour cela les «réanalyses» qui sont une représentation de l’évolution du climat basée sur les sorties des modèles rappelées à la réalité par les observations météorologiques. La réanalyse ERA 5 couvre les 40 dernières années. Mais au cours de ces 40 ans, le climat a évolué. Peut on baser des prévisions météo sur des données qui ne seraient plus de mise ? Il faudra trouver un compromis entre un apprentissage de l’intelligence artificielle sur une longue durée, gage de statistiques plus étendues, ou sur une durée plus courte, gage d’une meilleure adaptation à l’actualité.
Incontestablement, l’intelligence artificielle permet de gagner du temps de calcul. Faut il en attendre des progrès dans les prévisions ? On n’ira pas de toute façon jusqu’à prévoir le temps au-delà d’une certaine durée, qui dépend des caractéristiques climatiques locales. Au cours de cette durée en effet, des modifications mineures peuvent naître, se développer, devenir dominantes et orienter l’évolution du temps dans une direction autre.
Tenter de prévoir l’imprédictible, et alerter
Si la prévision des séismes demeure extrêmement difficile, celle des éruptions volcaniques progresse : elle se base sur l’observation des ondes sismiques, et sur les déformations de la surface du sol dans la zone du volcan. Il reste alors à prévenir la population locale et à en préparer l’évacuation, ce qui peut poser des difficultés, d’une autre nature. Ainsi, lors d’une éruption du volcan Mérapi en 2010 en Indonésie, pour alerter avec plus d’efficacité, il a été demandé à un chamane de lancer l’ordre d’évacuation. 350 000 personnes ont suivi cet ordre et ont ainsi échappé au danger. Les seules victimes ont été 353 habitants d’un village isolé qui n’ont pas pu être prévenues à temps, et le chamane lui même, qui, se considérant comme le gardien de la montagne, est resté sur place.
Ce recours à des instances «non scientifiques» se pratique aussi dans certains cas pour des catastrophes météorologiques. Ainsi, au Bangladesh, des alertes pour les crues du Bramapoutre ont été relayées par les mosquées.
L’association Christian Le Provost Océanographe prend le large
Christian Le Provost a apporté à l’océanographie une contribution déterminante, en développant un modèle de marée qui a permis l’estimation des courants marins par altimétrie satellitaire. Rappelons l’enjeu : de la même façon qu’on calcule les vents en utilisant les gradients de pression atmosphérique, il est théoriquement possible de calculer les courants marins à partir des variations du niveau marin. On était techniquement capables au début des années 90 de mesurer ces variations avec une précision suffisante. La principale difficulté venait de ce que les variations du niveau marin recherchées sont de l’ordre de quelques centimètres de hauteur, alors que partout dans l’océan les mouvements de marée induisent des mouvements quotidiens de plusieurs dizaines de centimètres. Pour calculer les courants, il fallait donc retirer l’influence des marées, et pour cela, les connaître. C’est ce qui a été rendu possible par le modèle de marées développé principalement par Christian Le Provost. Sa mort en 2004 a affecté tous ses collègues, parmi lesquels plusieurs faisaient partie du Club des Argonautes. Une association «Christian Le Provost Océanographe» a été fondée, qui depuis organise à intervalles réguliers des journées pour la diffusion des connaissances océanographiques à Saint Brieuc. Le Club des Argonautes a contribué à cette fondation et en a hébergé le site internet. Depuis 2008, l’Académie des Sciences a lancé le Grand Prix Christian Le Provost qui récompense tous les deux ans un jeune chercheur pour ses travaux en océanographie. Et depuis 2023, l’association «Christian Le Provost Océanographe» dispose de son propre site internet: https://christianleprovostoceanographe.fr . Bon vent !
- Écrit par : Yves Dandonneau
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C’est fini pour CALIPSO (Cloud-Aerosol Lidar and Infrared Pathfinder Satellite Observation)
Danièle Hauser septembre 2023.
Source NASA
Après 17 ans de mesures en continu, la mission scientifique spatiale CALIPSO (NASA, CNES) a pris fin le 1er août 2023 (Calipso tire sa révérence, CNES - Official end of Calipso science mission, NASA). Ce satellite faisait partie depuis 2006, d’une «constellation» dénommée «A-Train» comprenant, dans le cadre d’une coopération américano-franco-japonaise, les satellites Aqua, Parasol, Cloudsat, Aura, puis GCOM-W1 et OCO-2. La particularité de cette constellation est d’avoir choisi une orbite commune à tous ces satellites, ce qui permet d’obtenir des observations colocalisées et quasiment simultanées sur les nuages, les aérosols, la chimie atmosphérique et d’autres éléments intervenant sur le cycle de l’eau et le bilan radiatif de la terre.
- Écrit par : Danièle Hauser
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Coup de chaud sur l’été boréal de 2023
Yves Dandonneau Août 2023
L’été 2023 de l’hémisphère nord semble marquer un saut brutal dans l’évolution du climat, tant les canicules et incendies y ont été nombreux et intenses. Si certains événements récents ont pu contribuer à cette situation qui nous paraît extrême, le réchauffement climatique et la variabilité interannuelle du climat suffisent à expliquer ce brusque réchauffement qui nous annonce dans quel monde nous vivrons dans quelques années.
Après la crainte en France que la sécheresse de l’hiver 2022-2023 se poursuive durant tout l’été et conduise à de graves pénuries d’eau, les catastrophes climatiques et les records de température se sont multipliés dans le monde au mois de juin et de juillet :
- canicule en Europe du sud et de l’est,
- inondations en Inde au Pakistan et à Pékin,
- pluies torrentielles au nord-est des États Unis et températures record au sud-ouest,
- chaleur extrême et sécheresse en Uruguay, en Chine continentale, en Afrique du nord et au Moyen-Orient,
- gigantesques feux de forêt au Canada,
- inondations en Corée, en Chine, au Japon et aux Philippines.
Moins sensible pour nous mais non moins alarmant, la température moyenne à la surface des océans a augmenté rapidement depuis le début de 2023 et atteint elle aussi des niveaux record, notamment dans l’Atlantique nord. Une telle avalanche de conditions extrêmes signifie-t-elle que le climat s’emballe et échappe aux prévisions, ou bien tout cela est il explicable et conforme aux connaissances actuelles ?
- Écrit par : Yves Dandonneau
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Sixième rapport du GIEC: publication du groupe III - Comment répondre au changement climatique ?
Raymond Zaharia
En 2007, le 4ème rapport du GT I du GIEC, (sur les bases scientifiques de l'étude de la perturbation en cours du climat), démontrait que les émissions anthropiques dans l’atmosphère (gaz carbonique & autres gaz à effet de serre), étaient bien la cause d’un réchauffement du climat.
Les cinquième (2014) et sixième (2021) rapports de ce groupe ne font que confirmer et préciser les détails du changement climatique en cours, et d’en affiner les prévisions, régionalement et selon nos comportements futurs.
Conformément à ces avertissements répétés, un grand nombre de pays ont ratifié en 2016 l’accord de Paris, dans lequel ils s’engagent à faire en sorte que la température de surface en moyenne globale (la TSMG... dans la suite), ne dépasse pas de plus de 2°C, voire même de plus de 1,5°C, ce qu’elle était avant l’ère industrielle.
Depuis 2018, le GIEC a publié divers rapports, notamment celui montrant les différences entre un monde à + 1,5°C, et un monde à + 2°C. Tandis que le premier n'est pas très différent de celui que nous connaissons aujourd'hui, le monde à + 2°C est un monde dans lequel de vastes régions du globe sont devenues inhabitables, en raison notamment de submersions littorales, d’inondations ou de sécheresses prolongées, ou en raison d'une chaleur humide en zone tropicale incompatible avec la santé des habitants :
"Chaque dixième de degré compte" selon Valérie Masson Delmotte, Co-Présidente du GT I.
Malgré ces avertissements, nos émissions dues aux combustibles fossiles se poursuivent, à un rythme élevé, et si elles tendent à se stabiliser depuis 2015 aux environs de 35 GtCO2, (c. à d. 35 milliards de tonnes de CO2) par an, une décroissance ne s’est pas amorcée en dépit de la crise due à la pandémie de COVID 19.
Pourtant, les nombreux articles scientifiques revus et validés par leurs reviewers avant publication obéissent aux lois de la physique: tout esprit rationnel ne peut douter de la réalité des processus décrits et de leurs conséquences, que les observations récentes ne cessent de confirmer.
En plus de ce premier groupe de travail dédié aux aspects scientifiques du changement climatique, le GIEC comprend deux autres groupes qui se concentrent sur les aspects économiques:
l’un consacré aux impacts, à la vulnérabilité et à l’adaptation au changement climatique, et l’autre aux aspects économiques de l’atténuation de ce changement.
Lorsqu'ils traitent de questions économiques et sociales, les travaux de ces groupes relèvent surtout des sciences humaines, et non des sciences "dures" (mais pas... "in-humaines" !), qui régissent les mouvements et les échanges de chaleur dans le système climatique.
Il ne faut en rien y voir une supériorité des secondes sur les premières, mais simplement reconnaître la difficulté d'adapter le vivre ensemble des êtres humains aux lois intangibles de la physique.
Les rapports des GT II & III paraissent quelques mois après ceux du GT I. En 2007 comme en 2014, ils ont été beaucoup moins commentés par les médias à destination du grand public.
- Écrit par : Raymond Zaharia
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Radars de précipitation : étranges rayons de vélo
Pierre Chevallier et Jean Pailleux - août 2023
En examinant régulièrement le signal radar de précipitation fourni par le site météorologique windy.com sur une zone situé à l’ouest de Toulouse, nous nous sommes aperçus qu’assez fréquemment un étrange signal fixe et parfaitement linéaire apparaît, alors que le ciel est clair, sans précipitation ou annonce de précipitation :
Copie d’écran : windy.com, le 4 avril 2023 à 9h22.
En élargissant l’échelle on s’aperçoit que l’origine de cette anomalie se trouve en Espagne avec l’apparition de signaux semblables à des rayons de vélo centrés sur les radars de Saragosse, Valence et Majorque.
Copie d’écran : windy.com le 18 avril 2023 à 11h51
- Écrit par : Pierre Chevallier et Jean Pailleux
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