Blog Club des Argonautes
Actualités scientifiques relatives au changement climatique, à l'océan et à l'énergie des mers.
Les membres du Club des Argonautes souhaitent partager certaines de leurs lectures, reflexions ou discussions. C'est l'objectif des publications de ce blog.
Le Club des Argonautes a été créé en 2003 par des chercheurs et des ingénieurs retraités qui ont contribué des programmes de recherche sur le climat, les océans, l’eau, la biosphère et l’énergie. Ils se réunissent une fois par mois pour discuter les résultats récents de la littérature scientifique, les progrès dans l’observation de la Terre, les avancées techniques et les politiques de réduction ou d’adaptation au changement climatique en cours.
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Propos sur le climat et ses composantes, au Club des Argonautes
Yves Dandonneau
Novembre 2023
Lorsque cette visioconférence a débuté, la tempête Ciaran venait, quelques heures avant, de traverser le nord ouest de la France : alerte rouge. Cette tempête a été remarquablement bien prévue, et les recommandations à la prudence bien adaptées : un «sans faute» de Météo France. L’un des Argonautes, qui habite près du Golfe du Morbihan, s’est retrouvé bloqué chez lui par un pin tombé en travers du chemin qui mène à sa maison. Et au milieu de la réunion, un autre a appris que la toiture de sa maison à Brest avait été emportée par le vent ; il a donc du nous quitter.
Formation des fonctionnaires à la transition écologique
Entre les directives du gouvernement afin de lutter contre le changement climatique et la perte de biodiversité, et leur application locale dans des territoires très divers, les fonctionnaires ont un rôle important à jouer. S’ils sont peu ou mal informés, leurs actions perdront en efficacité, ou peuvent même aller à l’encontre du but recherché.
Le gouvernement français souhaite mettre en place une formation à la transition écologique, portée par les Ministères de la Fonction Publique et de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, et qui est en cours de définition. Nous pensons que celle-ci est nécessaire afin que les réformes indispensables soient appliquées, et parmi les Argonautes, certains s’y impliqueront. On sait déjà que cette formation, pour des raisons pratiques, sera organisée selon un découpage régional correspondant à peu près aux principaux pôles universitaires. Chaque zone a un chargé de mission relevant du CNRS, qui fournira une partie des intervenants, et un Conseil Scientifique Territorial. Un cahier des charges provisoire, ouvert aux suggestions, a été distribué aux formateurs. Tous les fonctionnaires devront avoir suivi 28 heures de formation. En Occitanie, il y aura trois conférences préparatoires de deux heures chacune à Montpellier, dont une sur le climat et une sur l’eau.
Toutes les fonctions publiques sont visées (soit 5,7 millions de fonctionnaires), y compris les territoires, l’hospitalier, et la justice. Par exemple, la récente annulation de 15 projets de bassins d’irrigation indique bien que la justice sera de plus en plus souvent sollicitée pour arbitrer des conflits liés à l’environnement et pour cela, devrait idéalement acquérir des connaissances de base dans ce domaine. Dans un premier temps (en 2024), ce seront les 25 000 hauts-cadres de la fonction publique qui seront visés. La formation "obligatoire" pour cette première "volée" consiste en 4 modules :
- 2 ateliers de mobilisation (type Fresque du Climat, si j'ai bien compris),
- 3 conférences de 2 heures dans chacune des catégories climat, ressources et biodiversité (au choix dans un ensemble proposé), une visite de terrain, un atelier de passage à l'action.
L’ensemble des fonctionnaires sera concerné en 2025-26. Le Conseil Scientifique national de cette formation sera assisté par les Conseils Scientifiques locaux. Cette formation ne part pas de zéro : entre autres, des documents de qualité ont été élaborés pour la Convention Citoyenne pour le Climat.
Enfin, sujet éminemment politique, nos pratiques, et les règles économiques et financières, qui conditionnent nos comportements (à moins que ce soit le contraire) ne sont pas, loin de là, optimales pour affronter la crise climatique. Les enjeux dans ce domaine seront ils présentés et débattus au cours des 28 heures de formation prévues ?
Et la formation des jeunes ?
Le changement climatique est enseigné dans les lycées depuis 2021. On peut toutefois regretter que l’ensemble des élèves ne reçoive pas toujours une formation de qualité en cette matière : celle ci est en effet confiée aux professeurs de sciences de la vie et de la Terre, discipline qui a été retirée du tronc commun et n’est donc suivie, de moins en moins et de façon très inégale, que par les élèves qui ont choisi une filière où elle est enseignée.
Le train du Climat et de la biodiversité est prêt
Ce train du climat qui a déjà sillonné la France à plusieurs reprises depuis 2015 afin de sensibiliser sur les actions possibles pour freiner le réchauffement climatique offrira dans les mois à venir, dans plusieurs gares, des occasions pour le public de dialoguer avec des scientifiques sur les questions que pose le changement climatique. Pour cette cession, les préoccupations sur la biodiversité s’ajoutent à celles sur le climat. Il sera fin novembre en Seine-Saint Denis à Saint Denis puis à Nantes, et à Brest. Le programme, qui n’est pas encore totalement financé, prévoit en tout 24 étapes et reprendra à partir de février 2024. Pour le public, il est conseillé de s’y rendre le matin, pour éviter l’affluence de l’après midi où les groupes d’écoliers sont nombreux. Et pour les scientifiques, Argonautes compris, ne pas hésiter à venir aider ceux qui encadrent cette tournée.
Le pouls de la société
Des scientifiques appellent à soutenir une action collective d’envergure, rassemblement de tous les acteurs, de tous les pays, pour entreprendre la transition écologique, à l’instar du «projet Manhattan» qui fut incroyablement rapide et efficace pour la mise au point de la première bombe atomique. Très bien. Cette idée avait déjà été avancée au niveau Européen en 2009, essentiellement sur le volet modélisation. Mais pourquoi avoir choisi un nom aussi funeste ?
Un ancien de la compagnie pétrolière Shell pour porter le dossier climat de l’Union Européenne ? C’est ce qu’ont validé les eurodéputés, et qui choque beaucoup ceux pour qui les compagnies pétrolières sont les ennemies numéro un de la lutte contre le changement climatique qui peuvent être utiles. Pourtant ces experts issus de l’industrie en sont aussi des acteurs incontournables. Ils possèdent des compétences techniques. Certains pourraient être appelés à devenir des formateurs pour les fonctionnaires.
Une importante levée de fonds a été lancée pour financer des projets de restauration forestière. Les investisseurs seront rémunérés par la vente des crédits carbone associés à ces restaurations. Cela évoque les nombreux scandales qui jalonnent l’histoire de ces crédits carbone, et le taux de rendement annoncé à plus de 8% fait planer un risque de financiarisation du secteur. Peut-on vraiment allier intérêts économiques et environnementaux ? La vigilance s’impose.
- Écrit par : Yves Dandonneau
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C’est fini pour CALIPSO (Cloud-Aerosol Lidar and Infrared Pathfinder Satellite Observation)
Danièle Hauser septembre 2023.
Source NASA
Après 17 ans de mesures en continu, la mission scientifique spatiale CALIPSO (NASA, CNES) a pris fin le 1er août 2023 (Calipso tire sa révérence, CNES - Official end of Calipso science mission, NASA). Ce satellite faisait partie depuis 2006, d’une «constellation» dénommée «A-Train» comprenant, dans le cadre d’une coopération américano-franco-japonaise, les satellites Aqua, Parasol, Cloudsat, Aura, puis GCOM-W1 et OCO-2. La particularité de cette constellation est d’avoir choisi une orbite commune à tous ces satellites, ce qui permet d’obtenir des observations colocalisées et quasiment simultanées sur les nuages, les aérosols, la chimie atmosphérique et d’autres éléments intervenant sur le cycle de l’eau et le bilan radiatif de la terre.
- Écrit par : Danièle Hauser
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Coup de chaud sur l’été boréal de 2023
Yves Dandonneau Août 2023
L’été 2023 de l’hémisphère nord semble marquer un saut brutal dans l’évolution du climat, tant les canicules et incendies y ont été nombreux et intenses. Si certains événements récents ont pu contribuer à cette situation qui nous paraît extrême, le réchauffement climatique et la variabilité interannuelle du climat suffisent à expliquer ce brusque réchauffement qui nous annonce dans quel monde nous vivrons dans quelques années.
Après la crainte en France que la sécheresse de l’hiver 2022-2023 se poursuive durant tout l’été et conduise à de graves pénuries d’eau, les catastrophes climatiques et les records de température se sont multipliés dans le monde au mois de juin et de juillet :
- canicule en Europe du sud et de l’est,
- inondations en Inde au Pakistan et à Pékin,
- pluies torrentielles au nord-est des États Unis et températures record au sud-ouest,
- chaleur extrême et sécheresse en Uruguay, en Chine continentale, en Afrique du nord et au Moyen-Orient,
- gigantesques feux de forêt au Canada,
- inondations en Corée, en Chine, au Japon et aux Philippines.
Moins sensible pour nous mais non moins alarmant, la température moyenne à la surface des océans a augmenté rapidement depuis le début de 2023 et atteint elle aussi des niveaux record, notamment dans l’Atlantique nord. Une telle avalanche de conditions extrêmes signifie-t-elle que le climat s’emballe et échappe aux prévisions, ou bien tout cela est il explicable et conforme aux connaissances actuelles ?
- Écrit par : Yves Dandonneau
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Sixième rapport du GIEC: publication du groupe III - Comment répondre au changement climatique ?
Raymond Zaharia
En 2007, le 4ème rapport du GT I du GIEC, (sur les bases scientifiques de l'étude de la perturbation en cours du climat), démontrait que les émissions anthropiques dans l’atmosphère (gaz carbonique & autres gaz à effet de serre), étaient bien la cause d’un réchauffement du climat.
Les cinquième (2014) et sixième (2021) rapports de ce groupe ne font que confirmer et préciser les détails du changement climatique en cours, et d’en affiner les prévisions, régionalement et selon nos comportements futurs.
Conformément à ces avertissements répétés, un grand nombre de pays ont ratifié en 2016 l’accord de Paris, dans lequel ils s’engagent à faire en sorte que la température de surface en moyenne globale (la TSMG... dans la suite), ne dépasse pas de plus de 2°C, voire même de plus de 1,5°C, ce qu’elle était avant l’ère industrielle.
Depuis 2018, le GIEC a publié divers rapports, notamment celui montrant les différences entre un monde à + 1,5°C, et un monde à + 2°C. Tandis que le premier n'est pas très différent de celui que nous connaissons aujourd'hui, le monde à + 2°C est un monde dans lequel de vastes régions du globe sont devenues inhabitables, en raison notamment de submersions littorales, d’inondations ou de sécheresses prolongées, ou en raison d'une chaleur humide en zone tropicale incompatible avec la santé des habitants :
"Chaque dixième de degré compte" selon Valérie Masson Delmotte, Co-Présidente du GT I.
Malgré ces avertissements, nos émissions dues aux combustibles fossiles se poursuivent, à un rythme élevé, et si elles tendent à se stabiliser depuis 2015 aux environs de 35 GtCO2, (c. à d. 35 milliards de tonnes de CO2) par an, une décroissance ne s’est pas amorcée en dépit de la crise due à la pandémie de COVID 19.
Pourtant, les nombreux articles scientifiques revus et validés par leurs reviewers avant publication obéissent aux lois de la physique: tout esprit rationnel ne peut douter de la réalité des processus décrits et de leurs conséquences, que les observations récentes ne cessent de confirmer.
En plus de ce premier groupe de travail dédié aux aspects scientifiques du changement climatique, le GIEC comprend deux autres groupes qui se concentrent sur les aspects économiques:
l’un consacré aux impacts, à la vulnérabilité et à l’adaptation au changement climatique, et l’autre aux aspects économiques de l’atténuation de ce changement.
Lorsqu'ils traitent de questions économiques et sociales, les travaux de ces groupes relèvent surtout des sciences humaines, et non des sciences "dures" (mais pas... "in-humaines" !), qui régissent les mouvements et les échanges de chaleur dans le système climatique.
Il ne faut en rien y voir une supériorité des secondes sur les premières, mais simplement reconnaître la difficulté d'adapter le vivre ensemble des êtres humains aux lois intangibles de la physique.
Les rapports des GT II & III paraissent quelques mois après ceux du GT I. En 2007 comme en 2014, ils ont été beaucoup moins commentés par les médias à destination du grand public.
- Écrit par : Raymond Zaharia
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Radars de précipitation : étranges rayons de vélo
Pierre Chevallier et Jean Pailleux - août 2023
En examinant régulièrement le signal radar de précipitation fourni par le site météorologique windy.com sur une zone situé à l’ouest de Toulouse, nous nous sommes aperçus qu’assez fréquemment un étrange signal fixe et parfaitement linéaire apparaît, alors que le ciel est clair, sans précipitation ou annonce de précipitation :
Copie d’écran : windy.com, le 4 avril 2023 à 9h22.
En élargissant l’échelle on s’aperçoit que l’origine de cette anomalie se trouve en Espagne avec l’apparition de signaux semblables à des rayons de vélo centrés sur les radars de Saragosse, Valence et Majorque.
Copie d’écran : windy.com le 18 avril 2023 à 11h51
- Écrit par : Pierre Chevallier et Jean Pailleux
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Monitoring de l’océan : acquisition de données biogéochimiques par des flotteurs
Résumé en langage courant
Quel impact aura l’évolution en cours du climat sur la chimie et la biologie des océans ?
Sans des observations globales et permanentes, il est difficile d’y répondre. En effet, le seul système global dont on a disposé jusqu’à présent est l’observation de la couleur de l’océan depuis des satellites, qui permet d’estimer la concentration en chlorophylle à la surface, et, à partir de là, la photosynthèse marine. Ceci reste insuffisant lorsqu’on veut estimer les effets du changement climatique sur l’évolution des peuplements marins, sur le transfert de carbone en particules vers le fond, ou sur le contenu en oxygène de l’eau profonde.
Un réseau d’observations en gestation depuis 2007 monte actuellement en puissance et pourrait combler ce manque : Biogeochemical-Argo (BGC-Argo) est une extension du réseau des flotteurs Argo qui effectuent des mesures de température et de salinité entre la surface et 2000 mètres de profondeur. BGC-Argo ajoute à ces flotteurs des capteurs sensibles à des variables biogéochimiques, et la couverture globale de l’océan par au moins 1000 flotteurs est espérée avant 2030.
- Écrit par : Yves Dandonneau
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