Pierre Bauer. Février 2021.
Isaac Revah est à l’origine un expérimentateur tourné vers l’observation de l’atmosphère. Il développe avec André Spizzichino, au début des années 60, au Centre National d’Études des Télécommunications (CNET), un radar météorique (1) qui permet d’appréhender les ondes de gravité de l’atmosphère entre 80 et 110 km d’altitude, objet de sa thèse de doctorat. Il participe ensuite, avec André ainsi que d'autres collègues (Michel Aubry et Philippe Waldteufel), à la création d'une nouvelle équipe consacrée à l’étude de la convection atmosphérique grâce au développement d’un radar à effet Doppler qui détecte les échos des hydrométéores présents dans les nuages. Le système de radar «RONSARD», s‘avérera, à partir de 1974, au cours d’une trentaine d’années, d’un apport remarquable dans l’étude des systèmes frontaux ainsi que des événements convectifs (notamment les lignes de grains en Afrique).
Crédit CNRS
Promu directeur du «Centre de recherche en physique de l’environnement terrestre et planétaire» (CRPE), son champ d’intérêt s’élargit à la télédétection de la Terre et de son environnement au service de la société. Il est ainsi à l’origine, avec Roger Gendrin, d’un DEA « méthodes physiques en télédétection » à l’Université de Paris VII.
Il rejoint en 1984 le Centre National d’Études Spatiales en tant que directeur des programmes. Sa nouvelle «direction» accroît encore son champ d’activité aux sciences de l’Univers, de la Terre et des océans, ainsi qu’à la physique en apesanteur et il garde un profond attachement à développer l’utilisation de l’espace au service de la société. Il apporte en particulier son soutien au développement d’universités d’été, ouvertes aux professeurs des lycées et collèges, sur le thème «espace et environnement». C’est au cours de son mandat que sont lancés, au niveau national et européen, de grands programmes d’observations des océans, des surfaces continentales et de l’atmosphère.
Jeune retraité du CNES (c’était la règle à cette époque), il devient, après une brève période au service de l’Académie des sciences, directeur exécutif du COSPAR (Committee On Space Research), instance internationale dépendant du Conseil International pour la Science. Ce grand forum pour la science spatiale s’inscrit dans une démarche sociétale.
Dégagé en 2007 de cette dernière responsabilité, Isaac Revah se tourne vers son passé ; né à Salonique (Thessalonique maintenant) en 1934 et disposant d’un passeport espagnol (diaspora juive espagnole implantée à Salonique à partir de 1492), il est déporté avec sa famille au camp allemand de Bergen Belsen. Il est sauvé grâce au consul espagnol Sebastían de Romero Radigales, qui organise à travers de multiples péripéties le rapatriement depuis le camp vers l'Espagne du groupe d’espagnols juifs de Salonique. Il arrive enfin en France à 14 ans après avoir séjourné au Maroc et en Israël. Il consacra les dernières années de sa vie à exposer les mérites de celui à qui il devait son salut, et milita (avec succès) pour qu’il fut reconnu Juste parmi les Nations en 2014. Son témoignage, décisif, figure sur la page de Wikipedia consacrée à Sebastian de Romero Radigales.
Isaac Revah, avec cet engagement ultime, laisse le souvenir d'un chercheur de qualité, doué d'une gentillesse rare, et de qualités diplomatiques qui ont assuré sa réussite dans les multiples fonctions de responsabilité qui lui ont été confiées.
(1) Radar qui capte quelques milliers d’échos journaliers laissés par des traînées ionisées dues aux impacts de micrométéorites dans la haute atmosphère (~80 km).