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En attendant Galileo...

Michel LEFEBVRE, Ingénieur CNES (e.r.), François BARLIER astronome titulaire, CERGA - Janvier 2006

D'après l'article paru dans la revue Navigation Volume 51, n° 202, Avril 2003 Page 35 à 81, que nous remercions pour l'autorisation de publication.

Partie 1 : La Terre mesurée depuis l’Espace...

Partie 2 : Itinéraire dans l'Histoire

Partie 4 : Conclusion et épilogue


Partie 3


La période de maturation : 1970-1980

ISAGEX

Le géoïde

Propositions nouvelles, les petits satellites

Emergence de l'altimétrie : GEOS-3 et SEASAT

De la controverse à la reconnaissance ("urbi et orbi..." !)

Les acquis à conforter, une nouvelle maturité (1980 – 1990)

TOPEX – POSÉÏDON (DORIS) : un parcours complet

Réseaux et liens : autres contributions du GRGS

Transferts de connaissances et de savoir-faire

La coopération avec le Centre Militaire d'Océanographie (CMO) du SHOM.

Le GRGS, facteur d'un langage commun au niveau européen

De la géodynamique à la planétologie


La période de maturation : 1970-1980

ISAGEX

Le "leadership" des "French Laser Men" plaçait la France en position favorable pour coordonner une expérience intensive de poursuite de satellites équipés de réflecteurs laser par l'ensemble des stations existantes. Le Projet ISAGEX, 1970-1972 - coordonné par G. Brachet - a conforté la place que nous occupions ; il a aussi fourni pour la première fois un jeu important de mesures laser. Le CNES ne s'est pas contenté de coordonner : il a ajouté une cible laser supplémentaire en équipant le satellite PÉOLE - Préparatoire à ÉOLE - de réflecteurs laser. Ce satellite lancé depuis Kourou était placé sur une orbite d'inclinaison 15 degrés. PÉOLE demeure le seul satellite laser dans la bande 0-40 degrés ! Le CNES a par ailleurs conclu un accord avec les Soviétiques pour qu'ils déposent deux panneaux de réflecteurs français sur la Lune - un des deux panneaux convenablement orientés, est toujours utilisé. Cette activité fait la promotion de l'industrie française, que ce soit pour les réflecteurs (Aérospatiale Cannes), ou pour les lasers (Quantel).

Plus tard des expériences de synchronisation d'horloges par laser seront menées à bien par le GRGS à l'aide de tirs laser depuis le CERGA sur un satellite géostationnaire : c’est l’expérience LASSO.

Les données ISAGEX permettent de démarrer la détermination d'un champ de gravité de la Terre en Europe (voir les illustrations ci-après). Les modèles GRIM ont été calculés au GRGS en étroite collaboration avec G. Balmino (alors au CNRS) et avec le "Deutsches Geodätisches Forschungs Institut" (DGFI) à Munich. La décision de calculer notre propre champ de gravité était dans le droit fil de la création du GRGS. Elle reposait sur plusieurs motifs. Tout d'abord, le champ de gravité est un élément du calcul des trajectoires, qui est une tâche essentielle pour tout centre spatial. De plus, il fallait combler le vide causé par l'abandon forcé du SAO dans ce type d'activités et enfin, il était clair qu'une expertise du meilleur niveau était requise. la responsabilité du BGI (Bureau Gravimétrique International) confiée au GRGS, avec G.Balmino comme directeur, avait été le premier pas, pour interpréter les missions d'altimétrie et pour préparer les missions futures.

Le géoïde

Avocat ? "patatoïd" ? Qui nous a bâti cela ? Quand la Nasa publia le géoïde correspondant à l’un des modèles GEM (Gravity Earth Models) du GSFC l’image publiée accentuait les bosses et creux pour les rendre mieux visibles. A la conférence de presse, le présentateur décrivit la Terre comme un avocat trop mûr où plutôt comme une sorte de pomme de terre "un patatoïd" ; ce sobriquet fut adopté et devint populaire.
Évidemment il y eut un courrier au journal, d’un citoyen mécontent : "nous payons suffisamment d’impôts pour avoir une Terre à belle allure qu’attend la Nasa pour faire quelque chose".

Propositions nouvelles, les petits satellites

Le GRGS va soumettre quatre propositions et être co-proposant dans deux autres ; on pourrait penser qu'il y a de la boulimie. Il n'en est rien comme le montre la liste de projets menés à bien ou simplement proposés, figurant ci-dessous. Rappelons que, par vocation, le GRGS ne construit ni instrument ni "hardware" :

  • CASTOR : test en orbite de l'accéléromètre différentiel Cactus développé par l'ONERA. Cette mission constitue le point de départ d'une filière sur les accéléromètres ultrasensibles avec ses applications potentielles en gradiométrie, qui viennent en outre d’être utilisés avec succès pour deux missions sur le champ de gravité terrestre, les missions CHAMP et GRACE développés en Allemagne et aux États-Unis dans des co-opérations multinationales auxquelles le GRGS participe. Le dernier exemplaire a été mis en orbite très récemment sur GRACE ;

  • DIALOGUE : satellite test du projet GÉOLE. Il devait être lancé par Diamant en 1976. Le projet ira jusqu'à la fourniture d'une maquette sur table qui sera testée à l'ESA mais n’ira pas plus loin ;

  • DIABOLO : test en orbite des mesures de vitesses relatives ultra précises entre 2 microsatellites : ce projet non retenu trouvera son application dans le projet GRACE, fruit d’une collaboration entre l’Allemagne et les États-Unis ;

  • NAUTE : satellite expérimental de navigation pour le test de systèmes à traînée compensée (compensation  automatique des forces de surface). Cette idée ne fut pas retenue mais elle trouve aujourd’hui une application sur le projet Microscope dédié à l’étude du principe d’équivalence en satellite autour de la Terre ;

  • STARLETTE : satellite optimisé pour tirer le meilleur parti des observations laser, mis sur orbite en 1975 par un tir d'essai du lanceur Diamant, version BP4. Les observations laser de STARLETTE faites depuis 25 ans ont un poids très grand dans les déterminations du champ de gravité de la Terre. STARLETTE est et restera dans le livre des records comme le champion toute catégorie du concept : "Faster, Better, Cheaper, et ... "Longer" ! En effet : "Faster" : la décision fut prise en 6 mois ; "Better" : 25 ans de mesures ont été utilisés ; "Cheaper" : le coût total général fut de 1,6 MF ou 300 000 $, hors prix du lanceur ; et "Longer" : durée de vie 10 000 ans environ ;

  • DORADE : radar altimètre embarqué à bord d’un satellite. Projet retenu en priorité 1 et étudié jusqu'en fin de phase B. Il devait être lancé en 1976. Son sort est scellé négativement par la "duplication " avec le projet américain GEOS-3, et surtout, par l'abandon du lanceur Diamant au profit d'Ariane, début 1974.

Emergence de l'altimétrie : GEOS-3 et SEASAT

GEOS-3 est un satellite américain dont la mission est la mesure du géoïde marin par altimétrie radar. Il est réalisé par l'US NAVY, en coopération avec la NASA. Celle-ci lance un appel à participation et sélectionne les "Principaux Investigateurs", les P.I. qui auront accès aux données. Les trois propositions du GRGS sont acceptées ! Mais, quelques mois avant le tir, la mission GEOS-3 est classée "Défense" par le Département d'État américain. Les protestations des scientifiques ne changeront rien. De plus, le satellite n'a pas d'enregistreur de bord : les données ne peuvent être acquises qu'en télémesure directe.

Cette particularité va permettre étrangement au GRGS de jouer un rôle inattendu : la DMA (Defense Mapping Agency) sollicite le GRGS et pose clairement le problème du recueil des données autour du monde : "Nous avons des trous et des zones géographiques sans possibilité de recevoir les données en direct, mais vous avez des îles !" Ils font une proposition de conclure un accord DMA-GRGS en échange de l'accueil de techniciens américains sur des sites français outre-mer. Nous aurons droit aux données ; nos partenaires sont au fait de la non-existence légale du GRGS, mais, précisément, ils ne veulent pas d'accord avec le CNES, puisqu'ils l'ont refusé à la NASA !

De fait, et en filtrant quelques péripéties (qui pourraient intéresser les historiens), l'accord a eu lieu et a été respecté : le GRGS a reçu les données enregistrées par la station mobile qui avait été implantée aux îles Kerguelen dans l’océan Indien. Le GRGS a ainsi pu publier dans le Journal of Geophysical Research de 1979, (84, B8, 3827-3831) le premier géoïde marin civil calculé avec des données altimétriques. Le Pr. J. Coulomb avait noté dans l'article d'août 1980 déjà cité que l'altimétrie est susceptible de remplacer la gravimétrie, du moins dans les zones inaccessibles.

SEASAT 1978 : le satellite SEASAT que la NASA fait réaliser par le JPL (Jet Propulsion Laboratory) sera cette fois un projet ouvert. Les équipes du GRGS sont bien impliquées. Il est lancé en 1978 et constitue un premier déclic : Au CNEXO, (devenu à présent IFREMER), J-L. Hyacinthe a prévu le financement d'expériences-pilote à travers une action incitatrice qui provoque un premier rapprochement entre océanographes et membres du GRGS. Les résultats sont présentés, entre autres :

  • au colloque "Ocean From Space" à Venise en 1980 ;

  • aux journées CNES-CNEXO de 1981 à Toulouse ; quinze présentations dont dix de résultats obtenus avec SEASAT.

De la controverse à la reconnaissance ("urbi et orbi..." !)

Les résultats obtenus avec les données altimétriques sont encourageants, publiés, présentés à plusieurs reprises. Il y a un seul petit problème : ce n'est pas vraiment de la géodésie ! Un débat assez vif s'engage : "le GRGS, qui a parfois du mal à tenir ses engagements, s'investit dans un domaine qui n'est pas le sien...". Ce débat demeure d'actualité : faut-il rester spécialiste d'une discipline ou faut-il entamer une vraie recherche pluridisciplinaire ? La conclusion sera très positive : L'IFREMER et le CNRS engagent une coopération et s'appuient sur la compétence du GRGS pour démarrer des actions dans leurs organismes. En août 1982, l'école d'été de Grasse, autre réunion fondatrice, treize ans après le colloque de Williamston, permet de cimenter ce rapprochement.

Au-delà de sa mission et de la formule, entérinée par les faits traiter "tout ce qu'il est possible de déterminer avec des distances, des directions, des vitesses", le GRGS se voit confirmer un rôle de passerelle entre disciplines, entre utilisateurs et équipes projet-satellite. Pour assurer un tel dialogue au quotidien, et établir des relations d'un type nouveau avec les équipes projet, il faut disposer d'un noyau de compétences reconnues dans les deux domaines.

Les acquis à conforter, une nouvelle maturité (1980 – 1990)

La période 80-90 a été celle de préparation de missions plus importantes valorisant les acquis. Ces acquis ont été confortés dans plusieurs domaines :

  • expertise dans la gestion de réseaux de trajectographie spatiale comme la campagne internationale MEDOC coordonnée par le GRGS qui nous fait connaître de l’intérieur les limites pratiques du système de navigation TRANSIT,

  • calcul des champs de gravité avec les modèles GRIM de plus en plus précis,

  • détermination de position de stations et participation active à l’établissement d’un système de référence terrestre : l’ITRF.

Il est important de tester les techniques de colocalité sur les mêmes sites. Cette figure illustre une de ces expériences réalisée en Corse. (Document Observatoire de la Côte d'Azur/CERGA, J. Nicolas, 1er janvier 2003).

    • participation directe à la détermination du mouvement du pôle et mise en place d’un service international de la rotation terrestre : l’IERS.

Exemple de Polhodie, B. Guinot, (document IERS). Travaux faits à l'Observatoir de Paris dans le cadre du Bureau international de l'heure puis dans celui du Service international de la rotation terrestre. Les mouvements du pôle entre 1993 et 2001, les losanges marquent chaque 1ers janvier (Crédit GRGS)

Mise en œuvre "sur le terrain" et suivi des améliorations des étalons de fréquences et des échelles de temps.

En ordonnée sur la gauche, la dérive journalière des horloges en une seconde de temps. En ordonnée à droite le nombre d’années nécessaire pour obtenir une dérive d’une seconde. Sur l’axe des abscisses, la date est donnée en milliers d’années.
Amélioration des horloges mécaniques, des horloges à quartz, des horloges atomiques en milliers d’années. La ligne horizontale donne la comparaison avec la Terre considérée comme une horloge.
D’après "Les fondements de la mesure du temps" par Claude Audoin et Bernard Guinot, Masson, Paris 1998, p. 47.

  • physique de la mesure altimétrique, corrections à appliquer, et algorithmes de traitement correspondants, tant pour la mesure océanique que pour la dynamique des calottes polaires ;

  • le satellite altimétrique GEOSAT lancé en 1985, a permis d’aborder les problèmes liés à l’océanographie opérationnelle, de maintenir et d’accroître la communauté des utilisateurs. En particulier c’est autour de GEOSAT qu’est née la coopération avec le CMO, le Centre Militaire Océanographique ;

  • le noyau autour duquel le phénomène d'accrétion (pluridisciplinaire !) a pu se produire est la maîtrise des différents aspects de la métrologie, par moyens spatiaux, de la planète Terre, et de sa dynamique : depuis les mesures fondamentales, à proximité des étalons primaires, jusqu'aux interprétations scientifiques.

Cette compétence aura un aboutissement logique et direct. Ces acquis étaient importants, ils recouvraient de nombreux domaines, mais il était clair qu’il devenait nécessaire d’avoir un PROJET plus ambitieux.

Un tel projet devait fédérer les différentes équipes, mais surtout apporter la preuve de l’impact considérable des mesures spatiales par leur contribution majeure à plusieurs disciplines, avec un enjeu clair : la connaissance du fonctionnement du système Terre. Ce sera le projet TOPEX-POSÉÏDON.

TOPEX – POSÉÏDON (DORIS) : un parcours complet

Lancé en 1992, TOPEX-POSÉÏDON a mesuré pendant 13 ans la topographie de la surface océanique avec une précision centimétrique. Il importe de poursuivre cette série temporelle de précision inégalée : elle constitue un élément nouveau et décisif pour la compréhension de l’océan et de son interaction avec le climat. Cette mission est un véritable cas d'école pour montrer l'importance d'une réelle maîtrise (a minima d'une bonne compréhension), des diverses composantes de cette activité, d'ailleurs très variées dans le cas de l'altimétrie. La mission POSÉÏDON fait son apparition en 1981 au Séminaire des Arcs, (colloque de Prospective Scientifique organisé périodiquement par le CNES). Elle est proposée comme passager-SPOT par un géodésien du GRGS et un ingénieur du CNES, beau symbole du "dialogue essentiel" évoqué plus haut ! Elle est sélectionnée en numéro un, ex-æquo avec une proposition d'étude des sursauts Gamma (projet SIGMA).

Il est impossible de donner ici tous les détails de la saga qui conduit en 1985 à la fusion de la proposition française POSÉÏDON et de la proposition américaine TOPEX, puis au succès au-delà de toute espérance pour cette mission franco-américaine. Parmi les nombreux miracles qui ont permis son succès, citons seulement ceux relatifs à l'orbitographie de haute précision :

  • l'élimination du système d'orbitographie TRANSIT, (le prédécesseur du GPS), écarté au profit d'un système qui n'existait pas : DORIS, qualifié de "French bluff" lors de sa première présentation à la NASA en 1983 !

  • les progrès continus sur les oscillateurs ultra-stables, les OUS : avec le soutien des activités de recherche et développement du CNES, l'industrie réalise des oscillateurs spécifiques tandis que le laboratoire Temps-Fréquences du CNES les qualifie. La sélection opérée sur le choix des oscillateurs fait que le modèle de secours de DORIS mis en service début 1999, après 6 ans en orbite, fonctionne mieux que le modèle nominal, qui a pourtant permis la haute précision de TOPEX-POSÉÏDON !

  • l'installation par l'IGN du réseau DORIS : avec le soutien technique et logistique du CNES, l'IGN a réussi à implanter en 2 ans plus de trente balises qui assurent dès 1990, (avec DORIS sur SPOT-2), une couverture homogène du globe, y compris dans l'hémisphère Sud, ce qui est décisif pour la performance du système DORIS.

En réalité, il n'y a pas de miracles : il y a plutôt une série de petits événements, de succès au quotidien, rendus possibles par l'expérience et les connaissances acquises dans la période précédente : on commence le second tour sur le cercle vertueux du diagramme de Lundquist, comme en témoignent les bilans d’erreurs des missions successives !

On a de gauche à droite les erreurs dues à l'orbite, les erreurs de l'altimètre, les erreurs ionosphériques, troposphériques et le biais électromagnétique. La parallèle à l'axe des abscisses donne l'amplitude du signal océanographique à mesurer. Les deux valeurs pour TOPEX- POSÉÏDON sont celles du début et de la fin (document GRGS/CNES).

1982 au GRGS qui a permis finalement une erreur radiale bien en dessous de 5 cm ! Près de 10 ans avant le lancement, cette approche était accueillie avec scepticisme, (le "French bluff" était devenu un "French coup" !) comme le reconnaissaient nos collègues américains.

Parmi les bénéfices acquis lors des dix premières années du GRGS, il y avait justement des résultats importants :

  • 'expertise sur les corrections ionosphériques : Au cours de l'expérience MEDOC (mouvement du pôle et positions des stations), le système "Transit-Tranet", (fondé sur la mesure de l’effet Doppler dans le sens d’un simple trajet descendant), avait montré ses limites :
    * pratiques : collecter des mesures datées dans l'échelle de temps locale des différentes stations pose de nombreux problèmes de raccordement,
    * théoriques : le choix des fréquences 150-400 MHz ne permet pas de corriger beaucoup mieux que de 50 cm l'effet dû à l'ionosphère,

  •  l'expérience sur les données brutes et les algorithmes de correction, d'abord avec GEOS-3 et SEASAT, puis avec les données de GEOSAT et ERS-1 : elle a été acquise grâce à une présence permanente du personnel GRGS dans les groupes spécialisés de ces missions spatiales,

  • l'expertise Temps-Fréquences : le GRGS a dès son origine établi des relations étroites avec le laboratoire Temps-Fréquences du CNES, ainsi qu'avec le Bureau international de l’heure à l’observatoire de Paris puis au Bureau international des poids et mesures,

  • l'utilisation d'ARGOS : Le choix du système Doppler à simple trajet montant, avec une architecture centralisée et des balises automatiques permet la simplicité de mise en œuvre du réseau sol.

De la sorte, il devenait "inévitable", comme l'a dit l'un de nos collègues, de proposer le système DORIS, inspiré d'ARGOS, avec des stations automatiques que l'on peut dater dans une échelle commune, et avec un bon couple de fréquences pour réduire l'erreur ionosphérique (400 MHz et 2 GHz). Le système DORIS est aussi présent sur les satellites SPOT et aujourd’hui sur 2 missions de l'ESA : ENVISAT, et tout dernièrement, en été 2000, CRYOSTAT, un élément du programme Terre Vivante de l'ESA. La maîtrise des problèmes de Temps et Fréquence est fondamentalement, comme pour DORIS, à la base du succès de TOPEX-POSÉÏDON : contrôle de l'horloge et des oscillateurs (à bord et au sol). Le dernier ouvrage faisant autorité dans ce domaine Temps-Fréquences, (Claude Audoin et Bernard Guinot, "les fondements de la mesure du temps", Masson, Paris, 1998), cite d'ailleurs TOPEX-POSÉÏDON en exemple.

Conception du système DORIS

Objectif : déterminer GM précision "1cm, 1 mois, 1 bassin"
Pas de système existant --> nouveau système nécessaire

¤ échantillonnage de l'orbite continu.
- mesures radio électriques
- réseau dense : station sol simples, automatiques

¤ précision sur SM équivalente à précision sur GM d'où :
- doppler 0,3 mm/seconde ou distance 3 cm
- héritage ARGOS : doppler simple trajet émetteur au sol, récepteur à bord
- OUS à quartz au sol et à bord 10-12 / 1000 secondes

¤ avantages
- une seule échelle de temps, celle de l'horloge bord
- collecte des données à bord
*  temps différé : centre de traitement
*  temps réel : calcul de l'orbite à bord, système DIODE

Station sol : émettant sur deux fréquences, 400 et 2000 MHz, pilotage par oscillateurs ultra stable (OUS)

Essais sur SPOT 2 (1990) 40 stations
Mesures de base sur TOPEX-POSÉÏDON : 50 stations
Résultats : orbite précise : 2 - 3 cm
Embarqué sur SPOT 3, 4, et 5 : utilisation directe
Embarqué sur ENVISAT et JASON 1
Prévu sur CRYOSAT, JASON 2 (PLÉÏADE)
Limitation : saturation au niveau réception

Réseaux et liens : autres contributions du GRGS

La précision de TOPEX-POSÉÏDON est bien le résultat des études faites auparavant. Il n'aurait pas été possible de proposer, puis de mener à bien, une mission aussi ambitieuse sans la confiance née des progrès accomplis dans tous les domaines. Citons toutefois d'autres activités très remarquables.

Transferts de connaissances et de savoir-faire

Les progrès ne se décrètent pas ; les chiffres annoncés sont tous fondés sur les résultats d'expériences précédentes et sur les budgets d'erreur, avec une extrapolation raisonnée (en liaison avec les ingénieurs développant les futurs systèmes) de leurs principaux postes d’erreurs.

De même, certaines tâches n'ont pas de raison de demeurer sous la responsabilité du GRGS : Elles deviennent du ressort des services du CNES (calcul d'orbite précise), ou d'unités spécialisées comme le groupe Océanographie Spatiale de CLS, une filiale du CNES.

Ces évolutions sont saines, mais il faut à chaque fois les analyser et reconnaître quelles sont les priorités et les ressources à mettre en place. S'il y a une leçon à tirer, c'est celle de savoir préserver une capacité d'écoute entre chercheurs et ingénieurs : ils peuvent tirer toujours plus de bénéfice des techniques spatiales, à condition que le dialogue se poursuive entre eux !

Bien entendu, le GRGS a su garder les tâches qui correspondent à sa vocation propre, comme l’étalonnage et la validation des données altimétriques et des données orbitales, assurés par le CERGA à Grasse, mais aussi et surtout garder une capacité de proposition, fondée sur une proportion raisonnable d’études en amont: une mission sur le champ de gravité de la Terre par gradiométrie telle que GOCE, programme Terre Vivante de l'ESA n’aurait jamais été proposée sans l’apport et le soutien infaillible du GRGS et tout particulièrement de G.Balmino.

La coopération avec le Centre Militaire d'Océanographie (CMO) du SHOM.

Au milieu des années 80, la Défense avait pris conscience de ce que les techniques et projets spatiaux pouvaient apporter à ses activités, à court, moyen ou long terme. C'est dans cet esprit que la DRET a confié un certain nombre d'études à des laboratoires de recherche. Il devint vite clair qu'il était possible d'aller au-delà et de développer un système pré-opérationnel de description et de prévision de la couche supérieure de l'océan. C'est ainsi que le choix a été fait par le SHOM de développer une entité à vocation opérationnelle, tout en soutenant les travaux de recherche du monde universitaire.

Lors de la première expérience commune, ATHENA, entre le SHOM et le GRGS, en liaison avec l'université d'Harvard, les données du satellite GEOSAT ont été traitées en temps quasi réel et des comparaisons faites avec des champs de courant calculés à partir des instruments à la mer du d'Entrecasteaux, navire du SHOM.

Cette première expérience pouvait paraître loin de la géodésie. En réalité, elle a permis de tester sur le terrain l'accès aux données d'un satellite altimétrique et de quantifier leur apport, en liaison avec une communauté océanographique en plein renouvellement. Pour le CNES dont le métier - oh combien délicat - est de rendre banal le recours à l'outil spatial, puis de le pérenniser, cette démarche était aussi la bonne!

Le Prestige – Courants marins côtes du Portugal, d'Espagne et de France – document GIP Mercator/Océan

Avec presque 10 ans de recul, on peut constater que les dispositions retenues par le SHOM lors de son implantation à Toulouse, sur le site de Météo-France et au GRGS, étaient les bonnes, tant pour affronter la mise en route d'un système opérationnel, que pour rester constamment au fait des progrès très rapides de la recherche, assurant ainsi leur transition vers l'opérationalité du système. Dans ce contexte, la proximité du GRGS et son rôle dans la transmission de savoirs très spécialisés, demeure encore aujourd'hui un élément essentiel pour le CMO.

Le GRGS, facteur d'un langage commun au niveau européen

Programme "SONG", illustration SONG

C'est un aspect peu connu. Outre sa forte participation aux séances "Géodynamique et techniques spatiales" qui se tenaient à Luxembourg tous les 2 mois, le GRGS a été moteur dans les discussions et recommandations de l’atelier de l'ESA organisé à Schloss-Elmau en 1978. Il y eut plus de 100 participants. Les recommandations de cet atelier, SONG, Space Oceanography Navigation Geodynamics ont conduit, entre autres au projet ERS-1. Dans le titre on voit que tous les thèmes majeurs dont nous avons parlé étaient inclus, y compris implicitement Galileo par l’aspect navigation. Il eut un impact très important sur le plan européen.

Par la suite, la complémentarité ERS-TOPEX-POSÉÏDON, vitale pour les études océanographiques à méso-échelle soit quelques centaines de kilomètres, a permis de convaincre les utilisateurs (en particulier le Ministère de la Défense) de l’importance fondamentale de ces projets. On peut noter que les missions ENVISAT de l’ESA et JASON-1 de la coopération franco-américaine prolongent cette complémentarité jusqu'en 2005.

Ce langage commun s'est diffusé en grande partie grâce aux "Formations par la Recherche", aux Écoles d'été, mais aussi à plusieurs formations supérieures de 3ème cycle (DEA de Paris, de Toulouse, de Nice), ainsi que de nombreuses thèses et projets de fin d'études au profit d'écoles d'ingénieurs à Toulouse, ENSAE, ENSICA, à l'ENSTA, à l'École de Géophysique de Strasbourg, à l’École Nationale des Arts et Industries de Strasbourg, à l’École des Sciences géographiques de l’IGN.

Il a favorisé le dialogue entre chercheurs et ingénieurs. La réussite de TOPEX-POSÉÏDON doit beaucoup au travail commun, effectué au sein du Science Working Team, le SWT, en particulier à l’acharnement mis à remonter des constatations faites par la communauté scientifique aux propriétés du système et aux améliorations possibles : la décision de retraiter l’ensemble des données peut alors être prise en connaissance de cause, en escomptant les signaux géophysiques qui deviendront mieux perceptibles à l’issue de ce retraitement. La quintessence de cette démarche est illustrée par la carte du plancher océanique déduite des données ERS et TOPEX-POSÉÏDON, convenablement retraitées.

L’existence d’un langage commun a enfin permis d'échapper à un écueil redoutable : celui de personnels figés dans leur situation au GRGS, détachés sans possibilité d'évoluer ; les mouvements ont été importants et continus : on retrouve beaucoup d'anciens du GRGS, thésards, chercheurs ou ingénieurs, dans les équipes de projets du CNES et du SHOM, ainsi que dans l'équipe CLS.

Topographie globale des fonds marins, à partir des données altimetriques, dans la zone Afrique – Océan atlantique – Océan Indien, obtenue par une inversion au sens des moindres carrés de la surface moyenne altimétrique à haute résolution et les sondages par navires.(par S.Calmant, IRD, Nouméa M. Bergé-Nguyen et A. Cazenave, LEGOS-GRGS-CNES, Toulouse, 2000).

De la géodynamique à la planétologie

Beaucoup de techniques de la géodésie spatiale s'appliquent aux planètes. De la sorte, le GRGS a aussi eu une bonne implication dans les programmes planétaires : au cours d'un séjour au JPL, G. Balmino a déterminé le champ de gravité de Vénus (données des missions PIONNEER-VENUS, puis MAGELLAN). Par la suite, c'est au GRGS que s'est formé un groupe de planétologie installé maintenant au sein de l'Observatoire Midi-Pyrénées. Au GRGS, les projets ne manquent pas.


Partie 1 : La Terre mesurée depuis l’Espace...

Partie 2 : Itinéraire dans l'Histoire

Partie 4 : Conclusion et épilogue

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