L'apport de la "paléocéanographie"
Jacques Merle, Bruno Voituriez, Yves Dandonneau,Club des Argonautes - Mars 2014 - Mis à jour Février 2015
Avant l’exploration de la mémoire de la glace, les sédiments marins et continentaux déposés au fil des millénaires au fond des océans et des lacs avaient déjà délivré de précieuses informations sur les climats passés.
L’étude de ces dépôts du plancher océanique, qui a ouvert la voie à la «paléo-océanographie» ou en plus condensé la «paléocéanographie», est complémentaire de l’étude des enregistrements glaciaires et les deux disciplines se sont développées parallèlement jusqu’à ce qu’elles convergent en s’attaquant à la même question scientifique : la reconstitution des climats passés.
Néanmoins cette étude des sédiments marins et continentaux est issue d’une autre tradition scientifique plus ancienne que la glaciologie et dépendante de la géologie, appelée la sédimentologie. Il est donc légitime de la traiter individuellement dans la question climatique, même si, comme on le verra plus loin, ses conclusions rejoindront celle de la glaciologie dans l’interprétation des signaux climatiques du passé, notamment en vérifiant l’hypothèse du forçage astronomique élaborée par Milankovitch.
On a rapporté plus haut (chapitre II et IV) les interrogations passionnées des géologues qui étaient intrigués par les blocs erratiques striés, les moraines et les résidus détritiques divers qu’ils trouvaient dans les vallées alpines, en Grande Bretagne et en Amérique du nord et qui semblaient témoigner de l’existence passée de climats froids ayant recouvert ces régions d’une épaisse chape de glace.
Il existe une préhistoire de la climatologie qui a ses racines depuis le XVIII ème siècle dans ces observations géologiques témoignant de climats passés très froids pour lesquels ces géologues (comme Louis Agassiz – chapitre II) cherchaient des explications.
Ils en proposèrent de nombreuses allant des crises volcaniques susceptibles de réduire l’apport énergétique du Soleil en modifiant l’albédo de la Terre, aux modifications de la géométrie des bassins océaniques limitant l’effet, déjà reconnu, de la circulation océanique, incluant le Gulf Stream, sur le climat de l’Europe.
Ces spéculations perdurèrent jusqu’à ce que la théorie astronomique de Milankovitch, longtemps combattue, finit par s’imposer à partir des années 1960 comme une hypothèse plausible. Mais il fallait la vérifier et chercher dans les empilements sédimentaires récents la trace des fréquences caractéristiques de baisses d’insolation d’origine astronomique susceptibles d’expliquer les alternances de climats chauds et plus froids.
Dès lors, les sédiments qui s’accumulaient au fond des bassins océaniques, comme ceux des lacs et autres lagunes continentales, furent considérés comme un gisement possible de données susceptibles de vérifier, ou, au contraire, d’infirmer, cette théorie astronomique du climat, et d’une façon plus générale, de tester des scénarios explicatifs des variations climatiques passées.
La sédimentologie, émanation de la géologie, avait trouvé une raison d’être plus solide que la simple description des sédiments qui se déposaient au fond des océans et des lacs. Elle allait progressivement se projeter vers de nouveaux objectifs scientifiques autour de la question climatique enfantant ainsi une nouvelle discipline : la «paléoclimatologie» qui s’attache à l’étude des climats passés dans tous les milieux terrestres, sur les continents, dans les océans et dans les glaces. Elle inclut donc la glaciologie et la paléocéanographie. Cette dernière est dédiée à l’étude du passé de l’océan, incluant son enveloppe continentale solide (fonds et côtes) et sa masse liquide.
1- Naissance de la paléocéanographie
Á coté de l’exploitation des archives glaciaires que l’on vient de traiter au chapitre précédent, la reconstitution des climats anciens est venue surtout de l’étude des sédiments marins qui ont l’avantage de se déposer régulièrement au fond des océans pendant longtemps, et ainsi de sceller une information sur l’évolution des conditions climatiques d’un passé plus lointain - pouvant atteindre plusieurs millions d’années - que celui accessible par les archives glaciaires.
Depuis le XIXème siècle, les navigateurs et les savants qui les accompagnaient, s’intéressaient à la nature des roches et des sédiments qui tapissaient le fond des océans et tentaient d’en prélever des échantillons avec les moyens de fortune dont ils disposaient à l’époque traînant au bout d’un câble une petite nacelle qui raclait le fond et pouvait accrocher quelques centaines de grammes de sédiments ou de roches. La pose des câbles téléphoniques sous-marins avait aussi conduit les ingénieurs à s’intéresser, dès la fin du XIXème siècle, à la nature des fonds marins.
Mais il fallut attendre la deuxième moitié du XXème siècle pour que les navires océanographiques s’équipent de carottiers permettant de prélever des carottes de sédiment de plusieurs dizaines de mètres et ainsi d’atteindre des archives sédimentaires vieilles de l’ordre de plusieurs millions d’années.
Un géologue micropaléontologue, Cesare Emiliani, en poste à l’université de Chicago, rassemblant tous les prélèvements sédimentaires océaniques disponibles, a été le premier en 1955 à relier les rapports isotopiques de l’oxygène contenu dans les débris de coquilles de foraminifères benthiques, avec la température des eaux marines. Il put ainsi analyser les 500 000 dernières années et identifier 5 cycles climatiques d’environ 100 000 ans correspondant approximativement aux cycles de Milankovitch. Ses résultats ont été longtemps contestés par ses collègues géologues faute de faire la part dans les variations de ce rapport isotopique de ce qui était dû aux changements de volume des calottes glaciaires et aux variations locales de température.
La paleocéanographie prit réellement son essor en 1973 avec les travaux de Shackleton et Opdyke qui purent analyser avec précision une carotte prélevée dans l’océan Pacifique équatorial dans le but de déterminer si les périodes principales de variation de l’ensoleillement prédites par Milankovitch étaient bien à l’origine de variations de températures décelables dans un enregistrement sédimentaire. Ils vérifièrent ainsi que le rapport isotopique de l’oxygène était bien un marqueur de la température comme le supposait Emiliani mais à condition de bien prendre en compte tous les éléments qui déterminent ce rapport.
Leur enregistrement couvrait une période de 900 000 ans et ils mirent clairement en évidence une succession de glaciations entrecoupées de courtes périodes interglaciaires, avec une fréquence principale de 100 000 ans. Ils utilisaient comme marqueurs climatique le volume total de la glace continentale qu’ils estimaient aussi à partir de l’analyse de ces rapports isotopiques.
Pour bien saisir la valeur et la portée des résultats obtenus par Schackleton et Opdyke il est nécessaire de les analyser plus en détail. Deux conditions principales doivent être satisfaites pour confronter objectivement et rigoureusement des observations de sédiments marins avec la théorie astronomique. La première condition est de disposer d’un index climatique caractérisant le climat de l’ensemble de la planète et pas seulement d’une région. La deuxième condition, tout aussi importante, est de disposer d’une chronologie précise et la plus détaillée possible. La géochimie des radioéléments et la micropaléontologie, notamment l’étude des foraminifères et leurs relations avec leur environnement, fourniront des données qui permettront de satisfaire en partie ces conditions. Shackleton et Opdyke ont mesuré le long de leur carotte le rapport 18O/16O des isotopes de l’oxygène dans les sédiments formés de débris de coquilles de foraminifères. Pour fabriquer leur coquille les foraminifères extraient de l’eau de mer des ions carbonates et calcium, mais cette précipitation des carbonates privilégie l’oxygène lourd 18O en fonction de la température ; plus elle est basse plus les atomes lourds 18O précipitent de telle sorte que le rapport 18O/16O d’un fossile à coquille calcaire est d’autant plus grand que la température à laquelle le foraminifère a vécu était plus basse. Pour fabriquer leur coquille les foraminifères extraient de l’eau de mer des ions carbonates et calcium, mais cette précipitation des carbonates privilégie l’oxygène lourd 18O en fonction de la température ; plus elle est basse plus les atomes lourds 18O précipitent de telle sorte que le rapport 18O/16O d’un fossile à coquille calcaire est d’autant plus grand que la température à laquelle le foraminifère a vécu était plus basse. Ce rapport 18O/16O peut donc être utilisé comme un «thermomètre géologique» permettant d’estimer la température de l’eau de mer du passé avec une grande précision, de l’ordre du degré Celsius. Outre sa relation avec la température, ce rapport peut également être utilisé pour suivre l’évolution du volume de glace sur l’ensemble de la Terre car les glaces polaires sont très pauvres en 18O et donc le rapport 18O/16O est un indicateur du climat global de la Terre, les périodes froides correspondant à un rapport 18O/16O élevé.
Quant à la datation et l’établissement de la chronologie dans les sédiments, Shackleton et Opdyke l’ont déterminée par la teneur en radioéléments tel que le carbone 14 (14C) pour les dépôts récents de moins de 40 000 ans et le thorium 230 (230Th) pour les dépôts plus anciens. Les deux auteurs mesurèrent aussi dans la même carotte le champ magnétique terrestre et purent déterminer précisément le niveau correspondant à son dernier renversement bien connu (daté de 780 000 ans) leur fournissant ainsi une chronologie absolue.
Cependant la première condition, concernant l’indicateur climatique universel que pouvait être le volume de glace de la planète, n’était pas totalement vérifiée par cette unique carotte prélevée en un lieu très particulier, l’océan Pacifique équatorial. Il fallait s’assurer que le volume des glaces ainsi déterminé n’était pas influencé par des paramètres locaux. C’est pourquoi, trois ans plus tard en 1976, Hays, Imbrie et Shackleton allèrent plus loin et présentèrent les résultats de l’analyse de deux carottes de l’océan Indien prélevées dans des sites éloignés. Ils prirent en compte de nombreux paramètres de nature différente associant la micropaléontologie et la géochimie de radioéléments. Ils mesurèrent : le rapport 18O/16O des coquilles de foraminifères benthiques indicateur de la température et du volume de glace planétaire comme l’avaient fait Shackleton et Opdyke. Mais en plus ils déterminèrent la teneur en carbonates des sédiments reflétant la productivité biologique de l’océan et donc en partie son climat, ainsi que les changements de populations de foraminifères qui sont également un indicateur climatique. Enfin, comme dans la précédente étude, ils associèrent ces observations au renversement du champ magnétique terrestre dont l’âge est connu précisément.
Courbes publiées dans Science en 1976 -par Hays, Imbrie et Shackelton confirmant la théorie empirique selon laquelle les cycles interglaciaires correspondent à des intervalles de faible excentricité. http://www.mantleplume...../Hays1976.pdf
Les résultats de l’analyse de ces paramètres par Hays, Imbrie et Shackleton sur leurs deux sites furent étonnamment concordants dans la précision et la richesse de leur contenu informatif. Pour les différentes catégories d’enregistrements étudiées et les paramètres qui en découlent, toutes les périodes prédites par la théorie de Milankovitch furent retrouvées : celle de 100 000 ans pour la variation de l’excentricité de l’écliptique, mais aussi celle de 41 000 ans pour les variations de l’inclinaison et le doublet 23 000 – 19 000 caractéristique de la précession des équinoxes.
Ce résultat, qui eut un grand retentissement, accréditait définitivement l’origine astronomique des glaciations formulée par Milankovitch 40 ans plus tôt. Il restait cependant à compléter et à préciser les calculs de Milankovitch, ce que les ordinateurs allaient permettre.
Il restait aussi à répondre à quelques questions qui demeuraient embarrassantes.
Pourquoi le mécanisme de Milankovitch imposait-il son rythme de façon marquée seulement au dernier million d’années et peu avant ?
Pourquoi l’affaiblissement du rayonnement solaire dû à l’allongement de l’excentricité de l’orbite terrestre, le plus faible (seulement 0,2 %) des trois paramètres astronomiques, induisait-il la réponse la plus marquée à la période de 100 000 ans ?
D’une façon générale pourquoi et comment d’aussi faibles variations de l’énergie solaire reçue par la Terre pouvaient elles induire une réponse climatique aussi spectaculaire ?
Á la recherche de réponses à ces questions entraîna une intense activité des paléocéanographes qui multiplièrent les prélèvements de carottes de sédiment en de nombreux points de l’océan mondial où les conditions d’accumulation et de préservation des sédiments étaient favorables. La paléocéanographie était en marche !
2- La paléocéanographie reconstitue les climats des derniers 80 millions d’années
L’un des fondateurs de la paléocéanographie, le français Jean-Claude Duplessy du Laboratoire des Faibles Radioactivités (LFR) de Gif-sur-Yvette dresse un panorama saisissant de l’évolution du climat de la Terre au cours des 80 derniers millions d’années pendant lesquels les dépôts sédimentaires se sont accumulés au rythme de quelques millimètres à quelques centimètres par millénaires avant d’être absorbés et enfouis par la subduction de la plaque qui les portait. Les plus anciens de ces sédiments encore en place et accessibles par les carottiers des navires foreurs datent du crétacé et sont vieux de 80 à 65 millions d’années, époque où un monde sans glace et très chaud abritait de nombreuses espèces végétales et animales disparues depuis, et parmi elles les fameux dinosaures. En effet, Il y a 65 millions d’années, une extinction massive des espèces vivantes (plus de 90 %), incluant donc les dinosaures, marque le passage du dernier étage de l’ère secondaire à l’ère tertiaire. Cette catastrophe écologique, repérable sur l’ensemble de la planète, est probablement due à la collision avec la Terre d’un astéroïde géant dont on pense avoir retrouvé les traces de l’impact dans le golfe du Mexique.
Tenter de visiter ces climats très anciens, vieux de plusieurs dizaines de millions d’années, peut nous aider à mieux comprendre quels sont les facteurs qui déterminent la variabilité du climat à long terme et comment on en est arrivé à notre climat actuel. C’est cette «promenade climatique» depuis le crétacé jusqu’à nos jours, dans les pas de Jean-Claude Duplessy, que nous proposons dans ce qui suit.
2- 1 Le climat chaud du crétacé était déjà gouverné par l’effet de serre
Comment expliquer le climat chaud du crétacé ?
Les astrophysiciens nous assurent que le Soleil n’est pas en cause car son flux énergétique émis sous forme de rayonnement n’a que peu varié au cours des derniers 200 millions d’années. Différents modèles couplés entre l’atmosphère et l’océan, prenant en compte la géométrie des continents de cette époque et des hypothèses raisonnables sur la dynamique des enveloppes fluides, océan et atmosphère, ont tenté de reproduire les conditions climatiques régnant aux différentes latitudes à cette époque du crétacé. Ces simulations devaient être confrontées aux observations de la géologie, y compris la flore et la faune du moment. Mais le succès ne fut pas au rendez-vous jusqu’à ce que, en 1989, deux géochimistes de l’Université de Yale, Berner et Lasaga, imaginent que la concentration en gaz carbonique de l’atmosphère avait pu varier dans une large fourchette et être très différente de ce que l’on imaginait généralement. Ils estimèrent, comme l’avaient fait les précurseurs du XIXème siècle : Tyndall, Arrhénius et Chamberlin, (Chapitre II) que deux phénomènes antagonistes gouvernant le cycle du carbone, pouvaient modifier la concentration en gaz carbonique de l’atmosphère : une émission de gaz carbonique dans l’atmosphère par l’activité volcanique et à l’inverse une fixation de ce carbone dans les roches par la sédimentation et l’enfouissement de dépôts marins sur le fond. Ces idées n’étaient pas révolutionnaires mais elles remettaient au goût du jour l’intérêt des méthodes de bilan, appliquées à des paramètres géophysiques affectant le milieu fermé qu’est le système planétaire.
Ces deux auteurs tentèrent de faire ce bilan pour estimer la teneur en gaz carbonique de l’atmosphère de cette époque. Ils trouvèrent que les émissions volcaniques de gaz carbonique au crétacé devaient dépasser de beaucoup l’enfouissement de carbone dans les sédiments ; et ils en conclurent que la teneur en gaz carbonique de l’atmosphère au crétacé avait pu être quatre à cinq fois supérieure à ce que l’on pensait qu’elle était. Un modèle, tenant compte de cette hypothèse et de l’effet de serre induit, associé à une circulation océanique vigoureuse pour dissiper la chaleur des basses latitudes vers les latitudes élevées, montra alors des conditions climatiques simulées en accord avec les observations géologiques. La température moyenne était assez homogène en latitude et supérieure à la température moyenne actuelle de la Terre d’environ 5°C, avec une absence totale de glace aux pôles. Ce serait donc l’effet de serre qui serait le principal responsable du climat chaud du crétacé. Et notre planète aurait connu au cours de ce passé très lointain une atmosphère marquée par une teneur en gaz carbonique très élevée.
2- 2 Avec l’ère tertiaire la glace apparaît
L’ère tertiaire a vu les premières glaces terrestres s’établir sur le continent antarctique. Lentement d’abord puis massivement à partir de l’ouverture du passage de Drake il y a 22 millions d’années. Que s’est-il passé ? Et comment cette calotte de glace a-t-elle pu s’établir et se maintenir pendant plusieurs dizaines de millions d’années jusqu’à aujourd’hui ?
Tout a commencé avec la catastrophe d’origine cosmique, déjà évoquée, qui frappa la Terre il y a 65 millions d’année marquant la fin du crétacé et le passage de l’ère secondaire à l’ère tertiaire. Cet événement, qui eut d’énormes conséquences sur la faune et la flore et qui a entraîné la disparition de tous les animaux de grande taille, n’a, semble-t-il, que légèrement affecté le climat à long terme. Mais à très court terme cependant, à l’échelle de quelques siècles, voire quelques années, l’impact de la météorite a eu d’importantes conséquences environnementales. Il a soulevé un énorme nuage de poussière et de gaz qui s’est répandu dans la haute atmosphère, a obscurci le ciel et absorbé le rayonnement solaire qui ne parvenait plus à la surface de la Terre. Les arbres, ne pouvant plus renouveler leur feuillage par photosynthèse, disparurent massivement et un froid intense s’abattit sur l’ensemble du globe. Mais aucune anomalie climatique n’a pu être mise en évidence au cours des quelques centaines de milliers d’années qui ont suivi cet événement. Néanmoins 2 à 3 millions d’années après le choc de l’astéroïde, une étrange période caniculaire de courte durée : 100 000 à 150 000 ans, s’est établie. La température des côtes du continent Antarctique atteignait 18°C à 20°C et il se recouvrit d’une forêt de hêtres. Ce réchauffement des hautes latitudes marqua également les eaux océaniques profondes, qui atteignirent plus de 12°C, sans que les océans superficiels tropicaux n’en soient notablement affectés.
Après ce coup de chaleur un lent refroidissement s’est amorcé, plus marqué dans les hautes latitudes que dans les régions tempérées et tropicales. Pour de nombreux paléoclimatologues et paléocéanographes cette évolution serait due à une diminution de l’effet de serre consécutif à une baisse de la teneur en gaz carbonique de l’atmosphère. Néanmoins cette teneur en CO2 atmosphérique en régression n’était qu’une hypothèse imaginée à partir d’indices révélant une activité volcanique en baisse. Les paléoclimatologues nous affirment cependant que pendant 17 millions d’années les températures baissèrent au rythme moyen de 0,4°C par million d’années, jusqu’à ce que des premières gelées apparaissent dans des vallées de l’Antarctique !
Puis soudain, il y a 36 millions d’années, une nouvelle crise frappa la Terre, le refroidissement s’accéléra et en 200 000 ans les températures des eaux profondes de l’océan, qui étaient encore tièdes et voisines de 6 à 8°C, chutèrent brutalement pour atteindre les températures actuelles comprises entre - 1°C et + 2°. La crise frappa évidemment les organismes vivants, les faunes benthiques notamment seront remplacées par des espèces mieux adaptées au froid.
Comment expliquer une perturbation aussi brutale qui nous a fait changer d’ère en nous rapprochant des climats actuels ?
2-3 Á l’oligocène, la calotte glaciaire Antarctique se constitue
Cette «grande coupure» comme l’ont appelé les géologues, vieille de 36 millions d’années, qui sépare un éocène chaud d’un nouvel état climatique plus froid, a modifié considérablement l’équilibre des faunes et des flores définissant ainsi un nouvel étage géologique appelé l’oligocène.
Dans ce climat de plus en plus froid, des glaciers se sont progressivement établis sur le continent Antarctique, entrecoupé cependant de périodes de recul plus chaudes, jusqu’à ce que le continent soit totalement englacé mais avec un volume de glace très inférieur à ce qu’il est aujourd’hui. Après l’ouverture du passage de Drake au sud du Cap Horn il y a 22 millions d’années, l’Antarctique s’est trouvé subitement isolé des autres masses continentales et une circulation océanique intense s’est établie comme un anneau froid tournant autour de cette île gigantesque. Le continent et les eaux océaniques qui l’entouraient sont devenus de plus en plus froids. Le gradient thermique entre les mers tropicales et ce courant froid périantarctique s’est accru considérablement freinant d’autant le transport méridien de chaleur des basses latitudes tropicales vers ces régions australes englacées et accentuant de plus en plus le refroidissement.
Entre, approximativement, 15 à 13 millions d’années le froid s’accentue encore, la calotte glaciaire s’installe définitivement et s’épaissit pour atteindre un volume comparable à ce qu’il est aujourd’hui avec cependant des variations importantes qui se traduiront par des avancées et des reculs du niveau général des océans sur les autres continents, donnant naissance aux dépôts sédimentaires caractéristiques de cette époque (en France, ce sont les bassins parisien et aquitain. Ailleurs, dans les tropiques et l’hémisphère Nord, les conditions climatiques avaient peu changé, elles restaient même tempérées aux hautes latitudes avec exceptionnellement quelques glaciers cantonnés dans les régions de haute montagne. A la fin de l’ère tertiaire, il y a environ une dizaine de millions d’années, il existait donc encore une dissymétrie marquée entre l’hémisphère sud froid et dominé par un continent Antarctique totalement englacé, et l’hémisphère nord, très tempéré, où la glace n’était pas encore apparue. Une nouvelle question s’impose alors aux paléoclimatologues et paléocéanographes :
Que s’est-il passé au cours de la dernière dizaine de millions d’années qui pourrait expliquer le passage d’un hémisphère nord tempéré jusqu’aux plus hautes latitudes, à un englacement progressif des régions arctiques conduisant à la situation actuelle ?
2-4 Á la fin du tertiaire, la glace envahit les hautes latitudes boréales
Les progrès dans l’étude des flores fossiles au cours des dernières décennies couplés aux apports théoriques de la tectonique des plaques issues des données des forages du programme JOIDES ont offert aux paléontologues et aux géologues un ensemble de résultats étonnants qui les ont rapprochés des autres sciences de l’environnement. Ils se sont découverts des intérêts scientifiques communs avec les paléoclimatologues, les météorologues et les océanographes en convergeant avec eux sur l’objectif climatique.
Les deux grandes chaînes montagneuses de la Terre : l’Himalaya en Asie et la cordillère des Andes et les rocheuses en Amérique, ont commencé leur surrection il y a seulement une dizaine de millions d’années.
Avant, les régions occupées par ces massifs montagneux étaient des plaines de basse altitude comme en atteste leur végétation fossile d’arbres à feuilles caduques.
Le choc des plaques :
-
plaque indienne contre plaque asiatique
-
et plaque pacifique contre plaque américaine,
a amorcé la création de ces chaînes de montagne qui poursuivent encore aujourd’hui leur surrection.
L’apparition, presque subite à l’échelle géologique, de ces grandes chaînes de montagne à des latitudes moyennes bouleverse énormément la circulation atmosphérique et le climat. C’est ce qui s’est passé du coté nord-américain où les vents, qui soufflaient régulièrement d’ouest en est au dessus d’une immense plaine il y a dix millions d’années, ont pris presque soudainement, sous l’effet de la montée des montagnes rocheuses, une configuration tourbillonnaire à grande échelle qui a ouvert les régions tempérées à l’influence des vents polaires, refroidissant ainsi tout l’hémisphère nord.
C’est ce qui s’est également passé en Asie où la surrection de l’Himalaya a créé la mousson indienne renforçant le contraste saisonnier qui affecte maintenant fortement l’hémisphère nord. Par ailleurs, la surrection de ces montagnes a intensifié l’érosion chimique qui se fait au dépend du gaz carbonique et accru la consommation de gaz carbonique atmosphérique, ce qui a réduit d’autant l’effet de serre et accentué encore le refroidissement.
Ces phénomènes d’évolution lente ont refroidi progressivement l’hémisphère nord et les premiers grands glaciers continentaux sont apparus en Islande il y a environ trois millions d’années. Puis les glaciers de montagne sont devenus de plus en plus nombreux et se sont étendus. Il y a deux millions et demi d’années les glaciers américains, groenlandais, et scandinaves ont atteint la mer relâchant des icebergs. Soudainement, quelques milliers d’années plus tard, une première grande glaciation s’est étendue sur la moitié la plus septentrionale de l’hémisphère nord envahissant le Groenland, le Canada et le nord de l’Europe.
Le climat de la Terre venait d’entrer dans un nouveau régime avec deux pôles englacés et des oscillations rythmiques glaciaires froides et interglaciaires plus chaudes, affectant principalement l’hémisphère nord et conférant une extrême sensibilité du climat à des perturbations mineures comme les variations du flux radiatif solaire reçu par la Terre. On était arrivé au régime climatique actuel, en place depuis environ 1024 000 ans, dominé par ces alternances de climats froids et chauds apparaissant avec une période principale voisine de 100 000 ans.
3 - Les oscillations climatiques des derniers millions d’années et la théorie astronomique
Schackleton et ses co-auteurs, Imbrie et Hays, avaient démontré, en 1976, le bien-fondé de la théorie de Milankovitch et retrouvé dans les sédiments du plancher de l’océan indien les périodes d’oscillations principales du régime climatique avec ses glaciations et ses périodes interglaciaires prédites par la théorie astronomique. Mais il restait à préciser ces corrélations entre observations et théorie. Et une question revenait avec insistance : depuis quand et pourquoi les oscillations glaciaires-interglaciaires existent-elles ? Pourquoi ne se manifestaient-elles pas antérieurement ?
3-1 L’apparition des glaces dans l’Arctique
Pour répondre à ces questions, Schackleton dût sélectionner soigneusement une carotte de sédiment, non remaniée, recouvrant une longue durée, permettant de relier cette période de glaciation de l’hémisphère nord et ses oscillations de grandes amplitudes des derniers 1024 000 ans, avec les climats antérieurs. L’étude détaillée de cette transition climatique pouvait être très riche d’information sur les mécanismes responsables de l’évolution du climat, y compris ceux d’origine astronomique. Parmi toutes les carottes recueillies par le navire JOIDES Resolution, il choisit une carotte de l’océan Pacifique équatorial qui recouvrait six millions d’années.
Schackleton distingue trois épisodes dans ces 6 millions d’années. De six à trois millions d’années les glaciers antarctiques sont stables et on note l’absence de glace dans l’hémisphère nord. Puis s’opère une conquête progressive par la glace des hautes latitudes nord avec des avancées et des reculs aux rythmes prévus par la théorie astronomique de 40 000 et 23 000 ans caractéristiques de l’inclinaison et de la précession. Mais la période principale de 100 000 ans associée à l’allongement de l’écliptique n’est pas encore perceptible. Enfin, depuis 1024 000 ans un nouveau régime climatique s’établit, l’intensité du froid ainsi que l’extension et le volume des glaces, s’accroît tous les 100 000 ans tandis que le niveau des océans baisse d’environ 50 mètres. Mais les variations associées à l’inclinaison (40 000 ans) et à la précession (doublet 19 000 – 23 000 ans) sont toujours présentes.
Parmi ces trois périodes d’oscillations froides-chaudes la plus marquée est celle de 100 000 ans qui se reproduit neuf fois et dessine donc neuf glaciations au cours du million d’années de la période quaternaire qu’a connue l’espèce humaine. Cette oscillation correspond à des écarts considérables de température entre les épisodes froids et les interglaciaires chauds de l’ordre de 8 à 10°C. Comment expliquer cette énorme amplitude thermique caractéristique de cette fréquence principale de 100 000 ans alors que le forçage astronomique (allongement de l’écliptique réduisant le flux radiatif solaire) à cette fréquence est le plus faible des trois forçages astronomiques et représente seulement 0,2 % de la valeur moyenne de la constante solaire reçue par la Terre ? Beaucoup d’auteurs ont émis l’hypothèse d’un enchaînement possible de rétroactions passant par la biosphère continentale et les forêts boréales pour expliquer l’amplification de la réponse climatique à cette période.
Mais les glaciologues et les géophysiciens ont avancé une autre explication qui peut s’ajouter à la précédente en faisant intervenir l’élasticité des continents ainsi que les propriétés mécaniques de la glace affectant sa dynamique. Les plates-formes continentales réagissent au poids de la couverture glaciaire en s’enfonçant lorsque celle-ci s’épaissit et au contraire en remontant lorsque la chape de glace s’amincit ou disparaît. Ces ajustements verticaux des continents, sont appelés des « mouvements isostatiques » par les géophysiciens. Lorsque les calottes glaciaire sont à leur développement maximal, qui peut les élever de plusieurs kilomètres, elles enfoncent par leur poids le socle continental et elles affleurent à la côte au niveau de l’océan où elles subissent un travail de sape intense par la mer qui libère des icebergs et des blocs tabulaires gigantesques comme c’est le cas actuellement en Antarctique . Les modèles des glaciologues indiquent que les calottes glaciaires qui recouvraient le nord de l’Amérique et de l’Europe, ne pouvaient grossir indéfiniment au-delà de 100 000 ans, cette période étant déterminée par les propriétés mécaniques et la vitesse de glissement de la glace sur son socle.
3-2 La théorie astronomique et la circulation océanique dans l’Atlantique nord
Dans les années 1970 la théorie astronomique n’est plus remise en cause bien qu’elle pose encore des questions et que beaucoup pensent qu’il faut reprendre les calculs de Milankovitch qui n’étaient qu’approchés après cependant plus de trente ans de patiente mise au point avec un papier et un crayon.
Les ordinateurs sont maintenant les outils qui manquaient. Mais la mécanique céleste est une science complexe et pour résoudre les équations permettant de prévoir l’évolution dans le temps de la position de la Terre par rapport au Soleil, il faut prendre en compte les perturbations que les autres planètes du système solaire exercent sur ces mouvements terrestres. On entre dans un domaine dominé par la théorie du chaos que le météorologue Edward Lorenz avait remis au goût du jour (Chapitre V) et les solutions ne peuvent être qu’approchées et numériques. C’est dans ce contexte qu’un mathématicien, devenu astronome, puis météorologue, déjà cité, André Berger, de l’Université catholique de Louvain-la-neuve a mis au point une nouvelle méthode de calcul de l’excentricité, de l’obliquité et de la précession des équinoxes maintenant possible avec les ordinateurs et beaucoup plus précise que les calculs de Milankovitch. Il confirma néanmoins que les variations des paramètres orbitaux avaient des composantes périodiques et que les valeurs de ces périodes, mises en évidence par Milankovitch, étaient justes.
Plus tard, en 1988, avec un autre modèle, l’équipe de Berger simula la réponse de l’océan à ces forçages astronomiques. L'équipe montra qu’en périodes glaciaires, tel que celui vécu par nos ancêtres il y a plus de 18 000 ans, les eaux nord atlantique plongeaient moins profondément dans la zone de convection au sud du Groenland et de l’Islande. Cette plongée d’eaux denses, froides et salées, est la source froide de la machine thermique océanique méridienne, la fameuse MOC «Meridional Overturning Circulation». C’est le départ du «tapis roulant» qui, pendant les périodes glaciaires, se trouvait ralenti d’environ un tiers par rapport à ce qu’il était en périodes interglaciaires, comme celle que nous connaissons aujourd’hui. Le modèle montrait aussi que, durant un épisode glaciaire, la limite nord de l’extension des eaux superficielles chaudes, prolongeant le Gulf Stream pour devenir la dérive nord atlantique avant qu’elles ne se refroidissent et plongent dans la zone de convergence, était décalée vers le sud jusqu’aux latitudes tempérées. Autrement dit, moins de chaleur atteignait les hautes latitudes de l’Atlantique nord-est et une partie de la branche chaude de la machine thermique océanique était déviée vers le sud rebouclant en direction des tropiques.
Ces caractéristiques de la circulation océanique durant le dernier maximum glaciaire, simulées grâce à un modèle, confortaient les données issues de l’ensemble des carottages sédimentaires disponibles. A la fin des années 1970, un groupe de chercheurs paléocéanographes décida de faire une analyse globale de toutes les données issues de ces carottages pour reconstituer la température et la circulation océanique mondiale lors du dernier maximum glaciaire il y a 18 000 ans. Ce travail fit l’objet d’un grand programme international, initié par les États Unis, appelé CLIMAP «Climate Long-range Investigation Mappings and Prediction Project», qui dura 10 ans et fut inclus dans un programme international : «International Decade of Ocean Exploration» créé en 1969 par l’UNESCO et la COI. Le premier et le principal résultat de CLIMAP publié en 1981 fut la carte des températures de surface de l’océan au maximum de l’extension de la couverture glaciaire il y a 18 000 ans. Pour obtenir ces températures et garantir leur homogénéité d’un océan à l’autre, un important travail de micropaléontologie sur les foraminifères benthiques, couplé avec des analyses du rapport 18O/16O, fut nécessaire comme montré au début de ce chapitre.
Après huit ans de travail le programme CLIMAP proposa une description des principales caractéristiques du climat glaciaire. Le refroidissement avait affecté principalement les hautes latitudes de l’Atlantique nord cernées par les glaces qui recouvraient les mers du Labrador, du Groenland et de Norvège, presque toute l’année.
Le niveau moyen de l’océan était 120 mètres plus bas qu’actuellement, la Manche et la mer du nord avaient disparues sous la glace. Les eaux froides polaires descendaient jusqu’à la latitude de l’Espagne créant un front thermique intense avec les eaux tropicales chaudes plus au sud. Ces eaux tropicales étaient un peu plus chaudes qu’actuellement, particulièrement dans l’océan Pacifique (1 à 2°C). Ce sont les régions tempérées des latitudes moyennes qui avaient subi les bouleversements les plus importants avec des baisses de température de 10 à 14 °C. La France et l’Europe occidentale étaient recouvertes d’une steppe herbacée où la forêt avait disparu. Dans l’hémisphère sud la glace avait aussi avancé autour de l’Antarctique englobant les îles Kerguelen et touchant la Tasmanie ainsi que la Patagonie qui était recouverte d’immenses glaciers. Mais globalement la température moyenne de l’ensemble de la Terre était plus froide qu’actuellement de seulement 4 à 5°C.
D’autres milieux du système Terre se souviennent aussi des climats du passé ; c’est le cas des coraux, principaux témoins de notre environnement dans les régions tropicales.
3-3 D’autres archives climatiques : les coraux
Les océanographes disposent d’une autre source importante d’information sur les climats passés, ce sont les coraux. Ces organismes dont certains vivent exclusivement tout près de la surface dans les océans tropicaux sécrètent un squelette d’aragonite, variété de carbonate de calcium, dont la composition isotopique peut permettre de déterminer plusieurs paramètres de l’environnement dans lequel ils ont vécu. Pour atteindre ces informations il faut forer des carottes dans le massif corallien et en extraire des échantillons soumis à des analyses isotopiques minutieuses de certains atomes qui les constituent, principalement l’oxygène mais aussi le carbone et des éléments rares tels que le strontium, l’uranium, le thorium ou le baryum. Les paramètres physiques caractérisant l’environnement de l’époque où ils ont vécu qui sont accessibles par ces méthodes d’analyse sont très divers incluant la température, la salinité, les précipitations, mais aussi le niveau de l’océan à cette époque. C’est ainsi que depuis les années 1970 plusieurs équipes principalement françaises et américaines, ont obtenu des résultats qui sont venus confirmer ou infirmer dans les tropiques des données scientifiques issues de carottes de sédiments marins ou de carottes de glace prélevées à des latitudes plus élevées. Un premier centre d’intérêt s’est focalisé dès les années 1970 sur El Niño, ce phénomène d’interaction entre l’océan et l’atmosphère de l’océan Pacifique qui affecte des régions où se développent les récifs coralliens, et dont les variations en fréquence et en intensité ont pu être observées dans le passé. D’autres phénomènes plus singuliers, émaillant la dernière déglaciation comme le soudain refroidissement du «Younger Dryas il y a 12 000 ans, ont aussi imprimé leur marque dans des enregistrements coralliens de l’hémisphère sud confirmant le caractère global universel de ce refroidissement. Plus près de notre époque, le refroidissement du «petit âge glaciaire» a aussi été retrouvé dans des enregistrements coralliens de la région équatoriale de l’océan Pacifique confirmant là encore son caractère universel, ce qui avait longtemps été contesté par certains climatologues.
Un autre résultat tout aussi remarquable est plus récent. Il s’agit du suivi du niveau de l’océan qui est un indicateur de la masse totale de glace de la planète et donc de sa température moyenne et du climat. En étudiant le niveau de l’océan dans le Pacifique sud au début de l’avant dernière déglaciation il y a environ 137 000 ans, une équipe internationale mixte a montré que les coraux indiquaient que le niveau de l’océan avait déjà très sensiblement et très rapidement remonté, n’étant alors inférieur au niveau actuel que de seulement 85 mètres, ce qui traduisait un climat déjà assez chaud. Or l’ensoleillement - ou flux radiatif solaire - encore proche de son minimum dans l’hémisphère nord n’expliquait pas ce réchauffement. Par contre l’ensoleillement dans l’hémisphère sud qui était au contraire proche de son maximum, pouvait rendre compte de la fonte partielle des glaces. Ainsi, contrairement à ce qui était admis jusqu’ici affirmant que c’étaient les variations d’ensoleillement de l’hémisphère nord seul qui, du fait de son ultra-continentalité, pilotaient les alternances de glaciations et de déglaciation, il est possible que l’hémisphère sud soit également susceptible d’avoir une influence sur ces oscillations par une «bascule climatique» nord-sud reliant le climat des deux hémisphères, ce qui se marque principalement dans l’Atlantique où on observe une circulation méridienne intense (MOC).
Ainsi l’étude des sédiments marins et continentaux, avec celle des coraux fossiles a apporté une connaissance étonnement détaillée et précise des climats passés, au moins pour le dernier million d’années qui a vu la conquête des terres émergées par l’espèce humaine.
Cette passionnante avancée des connaissances sur l’évolution passée mais relativement récente de notre environnement climatique a amené plusieurs disciplines scientifiques,
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glaciologie,
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géochimie,
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paléontologie,
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sédimentologie,
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paléocéanographie
à converger autour de l’étude des sédiments récents, discipline descendante de ce qui était appelé autrefois la géologie du quaternaire et la sédimentologie.
Ces convergences disciplinaires, et l’infléchissement de leurs objectifs initiaux vers la question climatique, ont amené à créer le mot de «paléoclimatologie» pour désigner l’ensemble des approches scientifiques des climats passés de la Terre.
L’association de deux de ces disciplines reconstruisant le passé environnemental de notre planète, la glaciologie et la paléo-océanographie (ou sous sa forme plus contractée la paléocéanographie), qui inclut l’étude des sédiments marins et continentaux ainsi que celle des coraux fossiles, a été particulièrement fructueuse. Elle a permis notamment de mettre en évidence des événements climatiques étonnants par leur brutalité et leur rapidité, appelés souvent en anglais «Abrupts climate changes» déjà évoqués antérieurement et présentés plus longuement dans le chapitre qui suit.
Références :
«Quand l’océan se fâche – Histoire naturelle du climat» Jean Claude Duplessy – Odile Jacob éditeur – 1996
Travaux sur les coraux indiquant que, il y a 137 000 ans, le niveau de l’océan avait déjà très sensiblement et très rapidement remonté. «Penultimate Deglacial Sea-Level Timing from Uranium/Thorium dating of Tahitian Corals», 2009, 324 (5931), p. 1186-1189. Thomas A.L et al . Publié dans Science.