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     Glossaire
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Jacques Ruer

I - Généralités – Vagues et houle

II - Ressources énergétiques

III - Les systèmes houlomoteurs

IV - Principales technologies houlomotrices 

Chambre d’eau oscillante (en anglais : Oscillating Water Column)

Volet oscillant

Bouées houlomotrices

Flotteurs articulés

V - Autres utilisations de l'énergie des vagues

VI - Conclusions sur l’énergie de la houle

Pour aller plus loin


 I - Généralités – Vagues et houle

Les vagues sont un mouvement ondulatoire de la surface de la mer. Elles sont créées par le vent qui transfère de l’énergie de l’atmosphère dans la mer. Les phénomènes en jeu sont très compliqués, et les études théoriques se poursuivent encore maintenant.
En un lieu et à un moment donné, la force des vagues définit ce qu’on nomme un état de mer. Celles-ci sont caractérisées par leur hauteur, leur période et la direction de leur propagation.
Toutes les vagues ne sont pas de la même hauteur. Pour décrire un état de mer, on parle de hauteur significative des vagues Hs. En pratique, si on mesure toutes les vagues de crête à creux durant l’événement, on trouve qu’un tiers des vagues sont plus hautes que Hs et les autres plus basses. C’est pourquoi certains parlent aussi de H1/3 pour désigner la hauteur significative. La hauteur des vagues maximales est typiquement égale à 1,8 x Hs – Voir figure 1.

Figure 1 : Exemple de relevé des hauteurs significatives Hs et maximales Hmax Source : ELSAM

Plus le vent est fort, plus il souffle longtemps, plus la hauteur des vagues est importante.
L’étendue de la surface marine sur laquelle le vent souffle est dénommée fetch. Celui-ci est un paramètre influant, comme on peut le voir sur la figure 2 qui donne la hauteur significative des vagues en fonction des principaux facteurs à condition que la profondeur d’eau soit suffisante. Ces valeurs théoriques correspondent à un état de mer dit développé. Si les paramètres sont plus faibles que ceux du diagramme, la hauteur des vagues est plus faible. Par exemple, pour un vent de 15 m/s soufflant durant 7 h, la hauteur des vagues est de 3 m à condition que le fetch soit au moins de 100 km. Par contre, si le fetch n’est que de 30 km, la hauteur des vagues sera de 2 m ; celle-ci sera d’ailleurs atteinte après 3 h. Si la profondeur d’eau est réduite, les phénomènes sont différents, comme on va le voir ci-dessous.

Figure 2 : Diagramme théorique donnant la hauteur significative et la période des vagues – Reproduction d’après Gröen et Dorrestein (1976)

La figure 2 doit être considérée comme une simplification de la réalité. Durant les fortes tempêtes, on observe parfois des vagues bien plus grosses que les autres. Voir figure 3. On observe dans certaines conditions des vagues monstrueuses, ou freak waves, parfois appelées aussi vagues scélérates, traduction directe du nom en anglais rogue waves. Elles atteignent 30m de crête à creux.

Figure 3 : Relevé des vagues enregistrées le 1 janvier 1995 à 15h20 sur la plateforme pétrolière Draupner en Mer du Nord – La profondeur d’eau sur le site est de 70 m – Une vague unique de 26 m crête à creux est survenue alors que l’état de mer avait une Hs de 8 m – Source : Draupner wave – en.wikipedia.org

Les vagues se propagent sur l’océan. Quand elles quittent la zone ventée qui leur a donné naissance, elles se transforment en un mouvement plus régulier qui est la houle.
La houle est une onde qui agite la surface de façon périodique. Lorsque la profondeur est suffisante, les particules d’eau suivent des trajectoires circulaires, comme schématisé sur la figure 4.

Figure 4 : Schéma d’une houle se propageant de gauche à droite.

Les mouvements des particules d’eau sont des trajectoires circulaires dont le rayon de giration diminue avec la profondeur. Les flotteurs sur la surface visualisent le mouvement à différents instants.

La période de la houle T est le nombre de secondes qui sépare le passage de 2 crêtes successives.
La longueur d’onde λ est la distance entre 2 crêtes successives. Elle est liée à la période :

λ = 1,56.T2 (m)

Le rayon de giration des particules en fonction de la profondeur z (au repos) est :

L’onde se propage à la vitesse C :

C = 1,56.T (m/s)

Les ondes longues se déplacent plus vite que les autres. Elles peuvent voyager sur des milliers de kilomètres.
Si la hauteur de la houle au large dépasse 0,14 λ (par exemple parce que le vent souffle), la houle devient instable et déferle à son sommet, formant des «moutons». On remarque d’ailleurs sur la figure 2 que les grosses vagues ne peuvent pas avoir de courtes périodes.
Plusieurs trains de houle créés en des endroits différents peuvent se rencontrer et se superposer. Une situation similaire existe lorsque le vent crée localement des vagues dont la direction est différente de celle de la houle provenant du large. On parle de mer croisée ou de mer hachée. Les états de mer correspondants sont dangereux pour la navigation.

Figure 5 : Exemple de mer croisée avec 2 trains de houle de directions différentes – Source : Waitwow.com

Lorsque la houle s’approche de la côte, la profondeur d’eau diminue. La proximité du fond modifie le mouvement de la houle à partir du moment où la profondeur est inférieure à la moitié de la longueur d’onde.

Figure 6 : Schéma de la houle en faible profondeur.

Les trajectoires des particules d’eau ne sont plus circulaires mais elliptiques. Sur le fond, l’eau suit un mouvement alternatif.

La vitesse de l’onde diminue lorsque la profondeur se réduit. Par faible fond, cette vitesse s’approche de la valeur limite :

- g : accélération de la pesanteur = 9,81m/s2 – z : profondeur d'eau locale (m)

On remarque que cette célérité ne dépend plus de la hauteur de la vague. La période restant inchangée, la longueur d’onde diminue aussi, si bien que l’énergie se concentre dans une vague plus courte mais plus haute.

Figure 7 : Schéma du comportement de la houle à l'approche du rivage

  1. Houle océanique
  2. La profondeur décroit, la célérité et la longueur d'onde diminuent. La hauteur de la vague augmente
  3. Quand la cambrure de la vague est trop forte, le sommet déferle. De l'eau est projetée vers l'avant. Ceci dissipe de l'énergie. De l'énergie est aussi perdue à cause du frottement sur le fond
  4. Le déferlement continu dissipe progressivement l'énergie de la vague dont la hauteur se réduit
  5. L'énergie résiduelle est dissipée sur le rivage, soit sous la forme de brisants, soit de rouleaux en fonction de la pente du sol
  6. Le déferlement provoque un courant d'eau vers le rivage en surface, accompagné d'un courant de retour au fond
La profondeur diminuant encore, la vague se cabre, puis lorsque la cambrure est trop prononcée, elle se brise en formant des moutons. L’eau située au sommet est propulsée vers l’avant. C’est ce mouvement qui permet aux surfeurs d’avancer aussi vite que la vague. L’énergie cinétique emportée par les moutons est dissipée dans la masse d’eau, mais leur quantité de mouvement génère un léger courant de la surface qui est dirigé dans le sens de propagation de la houle. Ce courant est bien entendu compensé par un courant de retour à proximité du fond dirigé vers le large. Ce mécanisme consomme progressivement l’énergie de la houle, dont la hauteur diminue au fur et à mesure qu’elle avance vers le rivage. La houle perd également de l’énergie par frottement sur le sol. A l’arrivée sur le rivage, toute l’énergie résiduelle est dissipée sous forme de brisants, parfois sous forme de rouleaux plongeants, selon la pente du fond.

Le ralentissement de l'onde quand la profondeur d'eau diminue a pour effet de diffracter les vagues. Le front de la vague a tendance à modifier sa direction pour devenir parallèle à la côte. La houle se renforce autour des promontoires, et s'étale au fond d’une baie.
Ce phénomène doit être pris en compte pour l’implantation des houlomoteurs.

 

Figure 8 : Réfraction de la houle autour d’une pointe. La houle qui vient du large en haut de l’image tourne autour de la pointe. Elle s’étale dans la baie et se concentre sur la pointe – Source : Surflanka

On sait maintenant calculer par modélisation numérique ce que seront les vagues dans les prochaines heures, voire les prochains jours. Exemple : NOAA – National Weather Service Environmental Modelling Center

Les figures suivantes illustrent les phénomènes décrits ci-dessus pour la journée du 15 janvier 2015 au large de la Bretagne. La période des vagues était d’environ 14 secondes. La hauteur significative de la houle dépassait 9 m au large. Il s’agit d’une tempête relativement classique qui n’a rien d’exceptionnelle.

Figure 9 : Hauteurs des vagues en Mer d’Iroise lors de la tempête du 15 janvier 2015 – On remarque que la hauteur des vagues s’écroule à l’approche de la côte, car la profondeur d’eau diminue – Notez la diffraction à l’approche de la côte – Source : Previmer

Figure 10 : Agitation sur le fond – La vitesse alternative de l’eau s’accroit là où la profondeur est faible – Source : Previmer

Figure 11 : Amplitude du mouvement alternatif de l’eau sur le fond. – Source : Previmer

II - Ressource énergétique

On calcule l’énergie de la houle en intégrant l’énergie des particules d’eau sur toute la profondeur supposée suffisamment grande. Pour une houle régulière de hauteur H et de période T, on obtient la formule théorique suivante :

Dans laquelle :

ρ est la masse volumique de l’eau de mer (1024 kg.m-3)
g est l’accélération de la pesanteur (9,81 m.s-2)
Hs est la hauteur de la houle mesurée en mètres. Comme on suppose ici une houle régulière, donc toutes les vagues ont la même hauteur H, bien entendu égale à Hs
T est la période de la houle en secondes.
Le résultat E est en watts par mètre de crête (W/m).

Cette formule théorique est valable si la profondeur d’eau est grande, lorsque la profondeur est supérieure à la moitié de la longueur d’onde.

Voir Wikipedia : Wave power

Si on fait le calcul des termes constants, on obtient :

E = 490. Hs2.T

En fait, une houle n’est que rarement régulière, mais est généralement la superposition de plusieurs ondes. La résultante est une houle dont la hauteur est Hs et la période apparente T. L’énergie est alors supérieure à celle d’une houle pure. Pour tenir compte de ce phénomène on utilise la formule empirique suivante si on calcule E en watts par mètre de crête :

E = 500. Hs2.T (W/m)

Si on désire exprimer la puissance en kilowatts par mètre de ligne parallèle à la côte, on a :

E = ½ .Hs2.T (kW/m)

Exemples :

Houle de 2m et de période 4s : 8 kW/m
Houle de 3m et de période 6s : 27 kW/m
Houle de 10m et de période 14s : 700 kW/m

Ces quelques valeurs soulignent la puissance considérable des vagues de tempête et expliquent pourquoi les installations destinées à récolter l’énergie des vagues doivent être conçues pour résister aux tempêtes.

L’énergie est la somme de l’énergie cinétique et de l’énergie potentielle de toutes les particules d’eau entrainées dans leurs trajectoires circulaires. Ceci amène une remarque importante : la moitié de l’énergie correspond à la composante verticale du mouvement, et la moitié à la composante horizontale. Si un système houlomoteur utilise le seul mouvement vertical de la houle, il ne peut exploiter que la moitié de la ressource. Pareil pour un volet oscillant qui n’exploite que le seul mouvement horizontal.

La carte de la figure 12 indique la puissance moyenne annuelle sur les mers du Globe. On constate que la ressource de la houle est abondante dans les zones tempérées balayées par les dépressions océaniques. Des études ont conduit à estimer la ressource théorique à 3 TW. Oceanor paper_OMAW_2010 (Assessessing the global wave energy potential)
La ressource accessible serait de 0,5 TW, soit 10% de la consommation mondiale d’électricité. Aw energy

Figure 12 : Puissance moyenne des vagues au large des côtes – Source : A Global Wave Energy Resource Assesment – Andrew Cornett (2008)

Cette moyenne cache une grande disparité selon les saisons, en conformité avec la variation saisonnière des vents, comme on le voit sur la figure 13 qui montre la puissance moyenne des vagues en Mer d’Iroise au cours des divers mois de l’année.

Figure 13 : Puissance moyenne des vagues au cours de l’année – Source : Scientific Figure on ResearchGate. Available from: researchgate.net

Les houlomotrices doivent être adaptées aux vagues rencontrées sur le site d’implantation. Il est donc nécessaire de connaître la distribution statistique de la hauteur des vagues et des périodes associées. On parle du climat de vagues local. Les mesures sont réalisées par des bouées spécialisées ancrées sur le site pendant une durée d’environ 1 année. La figure 14 montre un exemple d’histogramme relevé au large de l’Ile d’Yeu. On remarque qu’il existe dans ce cas particulier 2 populations distinctes : les vagues dues au vent local de faible amplitude et la houle de plus grandes périodes. On constate ici aussi qu’il n’y a pas de hautes vagues ayant une courte période.

Figure 14 : Histogramme hauteur-période des vagues au large de l’Ile d’Yeu

III - Les systèmes houlomoteurs

L’énergie des vagues a depuis longtemps excité l’imagination des inventeurs. Demandez à un ingénieur d’imaginer une machine pour exploiter cette forme d’énergie, nul doute qu’il fera une proposition, probablement accompagnée d’un grand enthousiasme. On trouve sur internet une foison de concepts. Voir le site Aquaret.
Une analyse réalisée en 1999 par l’université de Trondheim montrait qu’il y avait déjà plus de 1000 brevets sur le sujet.
Une revue faite en 2013 est disponible sur le site Buch der Synergie (en allemand).
On y relève 180 concepts différents. Il ne peut être question de les passer en revue ici.

Une machine houlomotrice subit l’assaut de 4 millions de vagues par an. La tenue des équipements à la fatigue est donc un aspect essentiel. Lors des tempêtes, les efforts auxquels il faut résister sont décuplés. Les machines doivent par conséquent être étudiées pour survivre aux événements extrêmes.

Tout concept doit satisfaire les fonctions suivantes :

  • captation de l’énergie du mouvement d’eau
  • transmission à un convertisseur d’énergie
  • stockage de l’énergie durant quelques secondes entre 2 vagues successives pour lisser la production
  • export de l’énergie utile vers les utilisateurs

Au coté de ces fonctions primaires, un projet houlomoteur doit aussi prendre en compte les impositions suivantes :

  • Adaptation du capteur au climat de vague du site
  • Adaptation au marnage sur le site
  • Dispositions assurant la survie lors des tempêtes
  • Mode d’ancrage en fonction du type de sol
  • Capacités industrielles à proximité pour la construction, la mise à l’eau, l’installation sur le site
  • Raccordement au réseau électrique à terre
  • Permis de construction et d’exploitation après étude des impacts sur l’environnement
  • Méthode de maintenance, moyens navals à prévoir

Lors de la conception d’un système houlomoteur un grand nombre de degrés de liberté s’offrent au concepteur. Ceci explique la grande quantité de machines différentes inventées et testées en mer. Sans être exhaustif, on peut noter les paramètres suivants :

  • exploitation du mouvement vertical de la vague, du mouvement horizontal, de leur combinaison, du tangage
  • mouvement du capteur par rapport au fond, par rapport à un corps d’inertie immergé, un frein sous-marin, par rapport à d’autres points de la surface
  • énergie captée par un corps solide, par une membrane en élastomère, transmise à de l’air comprimé
  • installation sur la côte, fixée au fond de la mer, flottante dans une profondeur d’eau choisie
  • dispositions pour l’adaptation au climat de vagues local et au marnage
  • dispositifs pour ajuster la fréquence de résonance à celle des vagues
  • production d’électricité, d’eau douce, d’air comprimé, d’hydrogène, etc.
  • énergie convertie dans chaque capteur, ou collectée et transmise à un convertisseur commun sous forme d’eau pressurisée, d’air comprimé, d’huile sous pression, d’électricité
  • stockage de l’énergie sous forme de fluide sous pression, de volant d’inertie, dans des batteries ou des super-capacités

Pour illustrer ces généralités, examinons à titre d’exemple comment on pourrait dessiner une bouée houlomotrice, dite point absorber. On va voir dans ce qui suit 4 variantes possibles, sans être exhaustif. Des combinaisons entre les diverses dispositions constructives montrées ici peuvent être envisagées et ont souvent été testées. En effet, tous ces systèmes ont déjà été étudiés, parfois par plusieurs entrepreneurs en repartant de zéro à chaque fois.

Figure 15 : Bouée ancrée sur le fond

Le convertisseur d’énergie (en vert) est ici une pompe hydraulique qui fait circuler un fluide entre 2 réservoirs à des pressions différentes. La pression minimale du fluide permet de maintenir la ligne d’ancrage sous tension lorsque passe un creux de vague, du moins tant que le piston n’est pas à son point bas. Le fluide accumulé dans le réservoir à haute pression assure un stockage d’énergie entre les vagues. Le fluide retourne vers le réservoir basse pression au travers d’un moteur hydraulique qui transforme l’énergie en électricité.
La pompe doit comporter une fin de course capable d’encaisser les efforts maximaux quand une vague de tempête submerge l’ensemble.
Si plusieurs bouées sont implantées proches les unes des autres, le stockage et la conversion de l’énergie peuvent être centralisés.
La technologie CETO est voisine de cette description. Voir  Carnegie wave energy
L’illustration montre l’implantation de nombreux équipements sur le fond. En alternative, ces équipements peuvent être intégrés dans le flotteur Un marnage important n’est pas compatible avec ce système.

Figure 16 : Flotteurs coulissants

La bouée qui capte l’énergie coulisse autour d’un flotteur colonne ballasté de manière à se tenir verticalement dans l’eau. Il faut que le mouvement vertical de la colonne soit très différent de celui de la bouée pour développer la force de captation d’énergie. Ceci peut être obtenu en donnant une grande taille à la colonne. On peut ajouter un frein hydrodynamique. La plaque est immergée à une profondeur suffisante pour ne pas être trop soumise à l’action des vagues. Des patins de guidage fonctionnant dans l’eau de mer compensent les efforts horizontaux des vagues et assurent le bon coulissage de la bouée.
Les vagues de tempête introduisent de fortes tensions dans les amarres qui ne sont normalement pas sollicitées. Le convertisseur doit comporter une fin de course capable d’encaisser les efforts maximaux quand une vague submerge l’ensemble. Le système est compatible avec un marnage important.
La technologie OPT correspond à la description faite ici. Ocean power technologies
 

Figure 17 : Flotteur combiné à une turbine sous-marine

Le mouvement du flotteur provoque un mouvement d’eau sur la turbine. Une plaque permet de renforcer la vitesse de l’eau dans le passage central. Dans les sites très énergétiques, cette plaque n’est pas nécessaire. La force de rappel est assurée par un lest. La turbine peut être bloquée lors des tempêtes. La maintenance nécessite la sortie de la turbine de l’eau. Le marnage n’a pas d’incidence.

Figure 18 : Flotteur combiné à une turbine aérienne

Ce concept aussi dénommé colonne d’eau oscillante flottante. Le mouvement des vagues fait entrer et sortir l’air alternativement de la chambre. Des turbines spéciales tournent toujours dans le même sens et exploitent les 2 sens du courant d’air. (Par exemple turbine Wells ou bien turbine à action bidirectionnelle)
La bouée peut être ancrée au fond, auquel cas le système n’accepte pas de marnage important. Elle peut aussi être freinée par un frein hydrodynamique, solution convenable dans les sites avec fort marnage.
Plusieurs chambres peuvent être assemblées sur un même flotteur. Voir Oceanlinx

On peut signaler ici la possibilité de rechercher une résonance entre la bouée et la houle. En choisissant soigneusement le volume immergé et la section de la bouée au niveau de l’eau, il est possible d’ajuster la fréquence de pilonnement, ce qui augmente la quantité d’énergie captée.

Figure 19 : Bouée pilonnante – Le volume immergé constitue une masse d’inertie qui conduit l’ensemble à résonner verticalement

La résonance en pilonnement nécessite un grand volume immergé, donc a priori un grand tirant d’eau. On peut réduire celui-ci avec des volumes additionnels sous l’eau comme dans la figure ci-dessus, ou en disposant la colonne résonante à l’horizontale, comme dans la figure suivante.

 

Figure 20 : Chambre à air avec colonne d’eau horizontale

Le mouvement de l’air est provoqué par le tangage – La longueur de la colonne d’eu favorise la résonance – L’expérience a montré que l’ouverture doit être située à l’arrière dans le sens de la propagation de la houle
Malheureusement, sur la plupart des sites la fréquence de la houle est variable, si bien que la résonance est rarement efficace.

IV - Principales technologies houlomotrices

Parmi tous les concepts imaginés, on retrouve de façon récurrente quelques systèmes illustrés ci-dessous.

Chambre d’eau oscillante (en anglais : Oscillating Water Column)

Le principe est schématisé sur la figure 21. Une enceinte en béton armé est munie d’une ouverture immergée vers la mer, et d’une autre vers l’atmosphère à travers une turbine. Les vagues provoquent un mouvement alternatif de l’air confiné dans la chambre. Le passage de l’air dans la turbine est alternatif, mais le dessin de la turbine lui permet de toujours tourner dans le même sens (Turbine Wells ou turbine à action bidirectionnelle). La turbine travaille dans l’air, mais celui-ci est chargé d’embruns, et il faut la protéger contre la corrosion. En cas de tempête, un clapet ferme l’évent de la turbine pour éviter le passage de paquets d’eau sur les pales.
La turbine tourne très vite. Un volant d’inertie stocke de l’énergie entre l’arrivée de vagues successives. La conception de la chambre doit être étudiée en fonction de la bathymétrie des fonds alentours, de la marée locale, du climat de vagues local. Il faut veiller à ce que le mouvement de l’eau qui ressort de la chambre ne perturbe pas trop l’énergie de la vague suivante.
Plusieurs installations ont été construites sur ce principe.

Figure 21 : Chambre d’eau oscillante

A ce jour, la réalisation la plus remarquable est l’installation intégrée dans le nouveau brise-lames qui protège l’entrée du port de Mutriku en Espagne, dans le Pays Basque à 82 km d’Hendaye. Mise en route en 2011, elle comporte 16 turbines pour une puissance totale de 296 kW. La production est de l’ordre de 600 MWh/an. Voir
Mutriku Wave Power Plant : from the thinking out to the reality 2009


 

Figure 22 : Vue du brise-lames de Mutriku

L’installation houlomotrice est située dans l’enceinte bétonnée dont la longueur est voisine de 100 m

Figure 23 : Tempête sur l’installation de Mutriku en cours de construction

À ce stade du chantier, seule la chambre à vagues est terminée, les turbines ne sont pas installées. On constate les projections d’eau dans les ouvertures, montrant l’importance de protéger les turbines dans ce type d’usine.

Figure 24 : Vue de la salle des turbines dans l’enceinte de Mutriku 

La chambre ouverte sur la mer est située sous le plancher de la salle des turbines. Les leviers jaunes correspondent aux obturateurs de sécurité. La salle atténue le bruit émis dans l’environnement car les turbines qui tournent vite sont bruyantes ; notez le caisson en haut à droite qui contient un silencieux.

La production d’énergie ne suffit pas à justifier la construction d’une jetée de ce type. Par contre, s’il est prévu de construire une nouvelle jetée, l’option consistant à intégrer une génération d’énergie devrait être considérée.

Volet oscillant

La figure 25 illustre le principe. Le mouvement horizontal de l’eau fait osciller un volet (voir figure 6). Ce mouvement anime par exemple une pompe à eau, qui est envoyée à la côte vers une turbine, ou convertie en électricité sur place. Plusieurs volets sont parfois combinés les uns derrière les autres. Si le marnage est important, la puissance des vagues sur le volet baisse à marée haute. Pour la survie lors des tempêtes, le volet est abaissé et verrouillé sur l’embase.
Ce concept nécessite moins de matériaux que beaucoup d’autres, puisqu’on ne cherche pas à faire flotter un volume. Il est adapté aux profondeurs d’eau allant de 10m à 20m selon les conditions de site.

Figure 25 : Volet oscillant

La société Fortum a developpé un système de ce type. 2 prototypes ont été installés au Portugal. En France, DCNS prévoit d’utiliser cette technologie pour un projet dans la Baie d’Audierne.

Figure 26 : Schéma du WaveRoller

L’embase comporte 3 volets – La conversion en électricité est effectuée sur place – Source : Fortum

Figure 27 : Vue du prototype WaveRoller durant l’installation.

Les volets sont rabattus durant cette opération – La longueur de l’embase est supérieure à la profondeur d’eau. L’immersion est réalisée en coulant d’abord une extrémité de l’embase, tandis que l’autre est encore en surface. Puis lorsque celle-ci a touché le fond, l’ensemble est ballasté pour être posé. Voir Aw-energy gallery

Bouées houlomotrices

De très nombreux prototypes ont été testés en mer. On peut citer la technologie CETO qui sera utilisée par EDF pour un projet à la Réunion. Voir Carnegie Wave
Une autre version est représentée par Ocean Power Technologies (figure 27). Elle peut être déployée au large et contribuer à fournir de l’électricité à des systèmes isolés, tels que des installations de surveillance. Un modèle (APB350) délivre 350W en continu, grâce à une batterie stockant 20 à 60 kWh selon la ressource du site. La bouée a une masse de 10 t, une hauteur de 12,75 m et est munie d’un flotteur de 2,7 m de diamètre. Elle convient pour des profondeurs d’eau allant de 25 m à 1000 m.

Figure 28 : Vue d’une bouée OPT.

Un flotteur colonne (en noir) est ballasté de manière à se tenir verticalement en dépassant de la surface. Une bouée (en jaune) coulisse autour en suivant les vagues. Le mouvement relatif actionne un convertisseur d’énergie. Une plaque immergé amortit les mouvements verticaux de la colonne, ce qui augmente le mouvement relatif. Voir Ocean power technologies

Flotteurs articulés

Plusieurs flotteurs sont articulés entre eux. La captation de l’énergie est obtenue par la courbure de la surface qui déforme l’ensemble. Les vagues qui ont une grande énergie ont également une grande période, donc une grande longueur d’onde. La déformation de la surface est faible, donc il faut un train de flotteurs très long et de grand volume pour obtenir les forces suffisantes pour développer une puissance intéressante.
L’expérience acquise a montré l’intérêt d’avoir au moins 3 flotteurs en série pour stabiliser l’ensemble face à la houle. Lorsque la vague incidente est très cambrée, le flotteur de tête plonge dans la vague, ce qui limite les efforts lors des tempêtes. Les mouvements des articulations actionnent des pompes à huile, le fluide sous pression faisant travailler un moteur hydraulique qui entraine un générateur. L’accumulation d’huile pressurisée assure la continuité de la production malgré l’intermittence des mouvements.

Figure 29 : Schéma d’un houlomoteur à flotteurs articulés

La réalisation la plus aboutie à ce jour est le PELAMIS. Un modèle de 750 kW a une longueur de 140 m et un diamètre de 3,5 m.
Des prototypes testés au Portugal ont souffert des tempêtes, ce qui a conduit à renforcer et améliorer la technologie. La société porteuse de cette technologie a été dissoute pour des raisons financières. Toutefois, le gouvernement écossais a repris l’ensemble de la propriété intellectuelle car il considère que l’expérience acquise sera très utile pour la poursuite du développement de l’énergie houlomotrice.

Figure 30 : Vue d’un PELAMIS P2

Les articulations entre les segments récupèrent les mouvements de déformation verticaux et horizontaux – Source : Ocean Power Delivery Ltd

V - Autres utilisations de l’énergie des vagues

En dehors de la production d’électricité, l’énergie peut être utilisée pour produire de l’eau douce, Carnegie wave, voire de l’hydrogène. H2 ocean-project.eu

Signalons aussi que les vagues peuvent servir à la propulsion marine. Le meilleur exemple est fourni par la technologie Wave Glider.

Figure 31 : Vue d’un Wave Glider

L’action des vagues sur le flotteur de ce robot fait osciller les ailerons sous-marins, ce qui le propulse – Le cap est choisi grâce à un gouvernail sous le flotteur – Ce robot qui est également muni de panneaux photovoltaïques peut effectuer de longues campagnes de mesures en mer.

VI - Conclusions sur l’énergie de la houle

L’énergie de la houle représente une grande ressource, surtout au large. A proximité des côtes, la hauteur des vagues est plus faible, mais la profondeur d’eau est moindre et le raccordement à la terre est plus économique. De très nombreux dispositifs ont été testés ou sont en cours de développement. Selon les conditions du site, certains concepts sont mieux adaptés que d’autres.
La capacité de survivre aux tempêtes est un facteur essentiel de la conception. Tous les équipements doivent résister à la fatigue aux contraintes du milieu marin.
L’énergie des vagues restera toujours plus chère que d’autres formes d’énergie car les efforts mécaniques impliqués lors la captation sont très importants.
Actuellement, des unités de petites puissances sont disponibles. Elles se justifient économiquement dans les régions dépourvues de moyens économiques de production d’énergie.
Lorsqu’un nouvel ouvrage de génie maritime doit être construit en mer, l’intégration d’une production d’énergie houlomotrice mériterait d’être considérée.

Pour aller plus loin

École Centrale de Nantes
Aquaret
France-energies-marines
Paper OMAW 2010 20473 Final
Oceanlinx
Awsocean
Aw-energy

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