Blog Club des Argonautes
Actualités scientifiques relatives au changement climatique, à l'océan et à l'énergie des mers.
Les membres du Club des Argonautes souhaitent partager certaines de leurs lectures, reflexions ou discussions. C'est l'objectif des publications de ce blog.
Sixième rapport du GIEC: publication du groupe III - Comment répondre au changement climatique ?
Raymond Zaharia
En 2007, le 4ème rapport du GT I du GIEC, (sur les bases scientifiques de l'étude de la perturbation en cours du climat), démontrait que les émissions anthropiques dans l’atmosphère (gaz carbonique & autres gaz à effet de serre), étaient bien la cause d’un réchauffement du climat.
Les cinquième (2014) et sixième (2021) rapports de ce groupe ne font que confirmer et préciser les détails du changement climatique en cours, et d’en affiner les prévisions, régionalement et selon nos comportements futurs.
Conformément à ces avertissements répétés, un grand nombre de pays ont ratifié en 2016 l’accord de Paris, dans lequel ils s’engagent à faire en sorte que la température de surface en moyenne globale (la TSMG... dans la suite), ne dépasse pas de plus de 2°C, voire même de plus de 1,5°C, ce qu’elle était avant l’ère industrielle.
Depuis 2018, le GIEC a publié divers rapports, notamment celui montrant les différences entre un monde à + 1,5°C, et un monde à + 2°C. Tandis que le premier n'est pas très différent de celui que nous connaissons aujourd'hui, le monde à + 2°C est un monde dans lequel de vastes régions du globe sont devenues inhabitables, en raison notamment de submersions littorales, d’inondations ou de sécheresses prolongées, ou en raison d'une chaleur humide en zone tropicale incompatible avec la santé des habitants :
"Chaque dixième de degré compte" selon Valérie Masson Delmotte, Co-Présidente du GT I.
Malgré ces avertissements, nos émissions dues aux combustibles fossiles se poursuivent, à un rythme élevé, et si elles tendent à se stabiliser depuis 2015 aux environs de 35 GtCO2, (c. à d. 35 milliards de tonnes de CO2) par an, une décroissance ne s’est pas amorcée en dépit de la crise due à la pandémie de COVID 19.
Pourtant, les nombreux articles scientifiques revus et validés par leurs reviewers avant publication obéissent aux lois de la physique: tout esprit rationnel ne peut douter de la réalité des processus décrits et de leurs conséquences, que les observations récentes ne cessent de confirmer.
En plus de ce premier groupe de travail dédié aux aspects scientifiques du changement climatique, le GIEC comprend deux autres groupes qui se concentrent sur les aspects économiques:
l’un consacré aux impacts, à la vulnérabilité et à l’adaptation au changement climatique, et l’autre aux aspects économiques de l’atténuation de ce changement.
Lorsqu'ils traitent de questions économiques et sociales, les travaux de ces groupes relèvent surtout des sciences humaines, et non des sciences "dures" (mais pas... "in-humaines" !), qui régissent les mouvements et les échanges de chaleur dans le système climatique.
Il ne faut en rien y voir une supériorité des secondes sur les premières, mais simplement reconnaître la difficulté d'adapter le vivre ensemble des êtres humains aux lois intangibles de la physique.
Les rapports des GT II & III paraissent quelques mois après ceux du GT I. En 2007 comme en 2014, ils ont été beaucoup moins commentés par les médias à destination du grand public.
Qu’en est-il avec le sixième rapport du GT3, publié ce lundi 4 avril ?
Certes, il est clair que le développement de la civilisation industrielle, la mondialisation ainsi que des politiques ultra libérales accentuant la fracture entre les très riches et les très pauvres, ont conduit à l'épuisement des ressources naturelles, à la dégradation de l'environnement, et au changement climatique. Cependant, la communauté des économistes est divisée sur les conséquences socio-économiques du changement climatique et sur la façon d’y faire face.
Déjà, en 2006, à la demande du gouvernement du Royaume Uni, Nicolas Stern a averti que le retard dans la mise en œuvre de mesures de lutte contre les effets du changement climatique rendra tôt ou tard nécessaires des mesures beaucoup plus coûteuses : le coût de l’inaction sera très élevé.
Cependant, les quatrième et cinquième rapports du groupe III du GIEC n’ont guère mis en relief cette étude, au point que certains économistes auteurs du rapport ont pu considérer qu’un monde à + 3°C ne mettrait pas en danger l’économie mondiale. (Sur cette situation un peu étrange, voir encart "Lois de la Physique et lois humaines.")
Pour les responsables politiques, une telle position constitue plus un encouragement à ne rien faire qu’une incitation à prendre sans tarder les décisions qui s’imposent. (Plus encore, après le rapport spécial du GIEC sur les conséquences d'un réchauffement planétaire > 1,5°C.).
L’urgence.
En raison de l'augmentation de l’effet de serre dû notamment au gaz carbonique, (dont la concentration devrait atteindre 420 ppm en 2024, au lieu de ~280, il y a 200 ans), l'énergie infrarouge émise par la Terre n'est plus suffisante pour équilibrer l'énergie solaire qu'elle absorbe. L'équilibre radiatif qui existait en période de climat non perturbé est donc rompu.
Le déséquilibre que nous avons provoqué, soit un peu moins de 1 W/m² avant 2021, peut paraître minime, lorsqu'on le compare aux quelques 150 W/m2 de l'effet de serre naturel. (Sans lequel la TSMG serait de... -18°C !). Cependant lorsqu'on le rapporte à la surface totale de la planète (~500 millions de km2), il représente un flux de chaleur considérable, proche de 350 millions de MW, ou un peu plus de 120 fois la consommation électrique mondiale (voir encart: "De la combustion du carbone fossile au réchauffement de la Terre : un formidable effet de levier.")
Il y a bientôt 10 ans, le GIEC nous a appris que le réchauffement en cours rend nécessaire de considérer et de respecter une quantité maximum pour l'émission de carbone fossile, sauf à dépasser les seuils de + 1,5 ou + 2°C précédemment cités.
Deux budgets carbone, d'ambitions bien différentes, ont été définis par le GT I. En janvier 2011, il s'agissait de 860 GtCO2 pour l'un, et 1600 GtC02 pour l'autre.
- Le premier correspond à une hausse de la TSMG limitée à 1,5°C par rapport à l'époque pré-industrielle. En janvier 2022, compte tenu de ce qui a été consommé depuis 2011, ce budget n'était plus que de ~440 GtCO2 (soit ~12 ans d’émissions au rythme actuel).
- Le second correspond à une hausse de la TSMG limitée à 2°C. En janvier 2022, ce budget n’était plus que de ~1180 GtCO2 (soit ~33 ans au rythme actuel).
Le respect de ces budgets implique donc une sévère limitation de notre consommation de charbon et de produits pétroliers, afin de rendre moins probable la perspective que de vastes zones de notre planète deviennent inhabitables.
Que faire ? 1.- Développer les énergies renouvelables.
Que faire ? 2.- Ne pas dépenser inutilement notre budget de combustibles fossiles.
Il existe plusieurs descriptions de la façon dont l'humanité utilise les diverses sources d'énergie. Celle qui est la mieux documentée fait appel à la notion d'énergie primaire :
il s'agit de celle qu'on prélève dans la nature. Elle contient toutes les pertes à la production, (extraction et raffinage du pétrole par exemple), au transport, à la distribution, et enfin les pertes et gaspillages à l'utilisation.
On distingue aussi l'énergie finale, celle qui est proposée au consommateur, sous forme de litres, kg, ou m3 de combustibles, ou sous forme de kWh d'électricité.
Il y a enfin la notion d'énergie utile, c à d. la part de l'énergie finale qui n'est pas perdue, (notamment sous forme de chaleur dite fatale), ou gaspillée plus ou moins consciemment, lors de l'utilisation.
L'écart entre énergie primaire et énergie utile n'est pas très bien connu; il peut être considérable.
En effet, sauf peut être dans le cas de l'alimentation, il n'existe aucune notion de "juste besoin" pour les diverses façons de consommer de l'énergie. Il s'agit de l'une des lacunes les plus sévères dans nos façons, souvent mal informées ou négligentes, d'utiliser la ressource que constitue l'énergie. Définir et faire connaître des "plages de besoins" dont la satisfaction est considérée comme "juste", (en tenant compte de nos diverses situations...), est une condition peut être pas suffisante, mais certainement nécessaire, pour être en mesure de gérer équitablement le rationnement inévitable qu'implique l’indispensable respect de budgets carbone.
Un niveau suffisant d'acceptabilité sociale des budgets carbone, devrait être moins difficile à obtenir dès lors que de tels guides d'utilisation rationnelle et raisonnable d'une ressource, objet d'une pénurie volontairement acceptée, seraient édictés.
Que faire ? 3.- privilégier les formes qui minimisent les émissions de CO2 pour une même quantité d’énergie.
Le gaz naturel que nous recevons par pipe lines ou par méthaniers est moins émetteur de gaz carbonique que les autres formes de carbone fossile utilisées pour fournir de l’énergie:
pour une même quantité de chaleur produite, par exemple 1 kWh (avec ~72 g de gaz), le relâchement de gaz carbonique (~205 g), augmente d'un tiers environ si on brûle ~86 g de pétrole, et de plus de deux tiers si on brûle ~100 g de charbon.
C’est ce qui a conduit la Commission Européenne à inscrire le gaz, (fossile ou non), dans la taxonomie verte relative aux financements compatibles avec l'accord de Paris sur le climat.
Le mix mondial actuel d'énergie primaire comporte ~28% de gaz, ~36% de pétrole, ~31% de charbon, et ~5% d'énergies non carbonées. La part consacrée au charbon est beaucoup trop importante, et devrait être réduite au profit de celle du gaz.
Que faire ? 4.- Faire vite !
Comme l’a montré dès 2006 le rapport Stern, le coût de l’inaction apparaîtra vite très supérieur à celui de mesures prises plus tôt.
S’il n’y avait qu’un message à transmettre aux décideurs, ce serait celui ci.
Lois de la Physique et lois humaines.
Il est délicat de cerner et de décrire les raisons pour lesquelles les rapports du GT III n'insistent pas assez sur le coût de l'inaction.
En même temps, ce dévoilement peut être salutaire. C'est l'objet des réflexions qui suivent.
Pour le GT III, la présence des 2 règles suivantes de fonctionnement du GIEC constitue sans doute un sérieux handicap:
- d'une part: être "Policy relevant, not policy prescriptive",
- d'autre part: rendre compte uniquement de publications de 1ère catégorie (i.e. "Peer reviewed".)
Ces règles ont été conçues notamment pour éviter qu'un résultat scientifique, (ou une publication erronée), puisse être instrumentalisé au profit d'une démarche militante.
Dans le cas du GT I, (qui traite des bases scientifiques), il serait évidemment absurde de proposer de changer les lois de la Physique, lorsqu'elles produisent des résultats inquiétants. (Un excès d'effet de serre, par exemple.)
De la même façon, les membres du GT III s'abstiennent de proposer de changer les lois de l'économie dominante, même si elles sont en réalité la cause racine de l'inaction, (ou de l'action insuffisante), pour atténuer la menace climatique en cours d'aggravation. (Menace née de la façon dont les pays développés ont ignoré - et continuent de le faire - les conséquences de leurs modes de production, et de consommation, dont les fameuses spécialisations chères à Ricardo, qui sont aujourd'hui encore une justification des avantages du libre échange, ce cœur de métier... de beaucoup d'économistes.).
Ces règles ont aussi pour effet que même si, au sein du GT III, certains souhaitent exposer un point de vue hétérodoxe, (sur les Cost Benefit Analysis, leurs fonctions de dommage sous évaluées, ou leurs taux d'actualisation excessifs, par exemple), ils risquent de ne pouvoir le faire, faute de publications sur ces sujets dans les grandes revues d'économie (dont les comités de lecture ne comprennent guère d'économistes hétérodoxes.)
Sauf à avoir pris conscience de cette situation, la critique de l'action du GT III est aussi une critique, (au moins en partie injuste), des membres de ce groupe. En effet, si bons soient-ils, ils ne peuvent que refléter ce qui figure dans les sources académiques dont ils sont autorisés à rendre compte.
(Des règles mal conçues peuvent brider l'expression des talents, même si ce n'est pas le cas pour les GT I et II du GIEC, qui méritent tous 2 notre respect et notre considération.)
La formulation, (à la fois prudente et... imprudente), visible dans cet extrait du "Technical Summary" laisse imaginer les différences d'opinion dont sont l'objet les "CBA" et fait craindre que le biais en faveur de l'inaction n'ait pas totalement disparu.
En conclusion, même si depuis près de 3 décennies, les dispositions décrites dans les rapports du GT III du GIEC ne sont pas à la hauteur de l'enjeu, (et le 6ème Rapport que nous venons de recevoir, ne semble pas hélas, faire exception), c'est d'abord aux économistes nés aux siècles précédents, qu'il faut en faire reproche:
leurs théories, élaborées dans l'ignorance complète de ce que peut être un budget carbone... auraient du être jetées aux orties... il y a ~10 ans, au lieu de continuer à recevoir des récompenses, comme (par exemple et entre autres...), le faux... "prix Nobel d'économie" (1) décerné par la Banque de Suède, notamment celui attribué en 2018.
D'une façon dont on peut considérer qu'elle confine à la mystification... les lois de la Physique prennent parti dans la controverse sur les lois humaines, qui oppose une école de pensée affiliée à l'économie dominante, à la nécessité de regarder ailleurs, comme le font notamment les économistes hétérodoxes non marxistes:
Les dogmes du libre échange et de l'efficience des marchés, avec pour corollaire le moins possible de régulation, et l'effacement de la puissance publique, sont à la source de pertes et gaspillages considérables, liés à la domination de la politique de l'offre, et à l'omniprésence de la pub et du marketing.
Les principes qui guident le développement économique ont été construits en même temps que ce développement s'opérait. Ils en sont l'expression, et les publications scientifiques qui guident l'économie ont été créées dans ce moule.
L'absence de toute notion de juste besoin, d'utilité sociale, et d'éthique dans les règles du commerce, (tant au niveau national, qu'au niveau de l'OMC), sont autant d'obstacles à la lutte pour limiter les dommages de notre ébriété énergétique, et réduire les vulnérabilités que cette addiction comporte.
L'existence de budgets carbone a pour effet de valider ce que de nombreux mouvements de la société civile répètent depuis longtemps:
notre système économique favorise la production et la vente de biens et de services non essentiels, sans aucune considération de leur empreinte carbone, tandis que d'autres - essentiels ou même vitaux - manquent cruellement.
Sauf erreur, ces considérations ne sont guère présentes, hélas, dans le rapport que nous venons de recevoir.
[1] Cf. p. 10 de La domination des économistes. Éléments d’interprétation Conférence de Frédéric Lebaron, Cycle de Réflexion sur l’Histoire des Pensées
Pour plus de détails:
L'économie malade de ses modèles - CNRS Le journal
Des marchés et des dieux - Stéphane Foucart
Premières leçons d'économie à tirer de la guerre menée par Vladimr Poutine - Alain Grandjean
Comparaison des modèles météorologiques, climatiques et économiques : quelles capacités, quelles limites, quels usages? - Alain Grandjean et Gaël Giraud.
De la combustion du carbone fossile au réchauffement de la Terre : un formidable effet de levier.
Lorsque l'on fait brûler du carbone fossile, on récupère, comme voulu, tout ou partie de l’énergie de combustion, et on rejette du gaz carbonique dans l’atmosphère. Ce gaz carbonique émis va ensuite jouer un rôle, non désiré celui là, sur le climat, et sans lien direct avec l’énergie qu’on en a tirée.
La première conséquence, bien connue, est de retenir en partie le rayonnement infra rouge émis par la Terre vers l'espace, et d'augmenter la TSMG (Température de Surface en Moyenne Globale), de ~ 1,1°C, jusqu'à présent.
La seconde, (appelée parfois réponse de Planck), est une augmentation de moindre amplitude du rayonnement infra rouge émis par la Terre vers l'espace, à cause précisément de cette augmentation de la TSMG.
Le bilan de ces deux effets est une diminution de l'énergie infra-rouge perdue par la Terre: cet unique terme refroidissant, (lorsqu'on considère notre planète isolée dans l'espace), n'est plus suffisant pour équilibrer l'énergie solaire absorbée.
Ce déséquilibre du bilan énergétique (E E I : Earth Energy Imbalance), du au renforcement de l'effet de serre naturel, se situait jusqu'à présent entre ~0,6 et ~0,8 W /m2. En 2021, il a dépassé 1 W /m2. (En effet, tant que l'humanité continuera à modifier la composition chimique de l'atmosphère, comme elle le fait depuis plus de 2 siècles, ce déséquilibre ne peut qu'augmenter.)
Entre 2015 et 2021, la consommation mondiale d'énergie primaire était proche de 13 Gtep/an, soit ~151 000 TWh, ce qui correspond à une puissance moyenne de ~17,2 TW en 24 /24.
Sur la même période, l' E E I "Terre entière" représentait un flux d'énergie « anthropique... » proche de 350 TW. A plus de 90%, cette chaleur excédentaire (~11 000 milliards de GigaJoule /an), s'enfouit à diverses profondeurs dans l'océan mondial.
Il est remarquable que cette énorme quantité de chaleur soit équivalente à ~20 fois la consommation annuelle d'énergie primaire de l'humanité.
Ainsi, de façon assez effrayante, on peut considérer que la machine climatique est utilisée par l'espèce humaine comme un amplificateur, ou un levier, au gain de 20 ; autrement dit:
lorsque, pour satisfaire un besoin en énergie, on utilise 1 Joule produit par la combustion de carbone fossile, l’ajustement du système climatique à l’émission correspondante de gaz carbonique se fait de telle sorte que la Terre accumule ~20 Joules, (20 fois plus) !
Près de 93% de ce gain funeste... réchauffe l'océan, 4% réchauffe la surface des terres émergées et l'atmosphère, et 3% fait fondre les glaces.
Quelques ordres de grandeur et équivalences.
Pour fixer les idées, 1 W/m2 de surface terrestre, c'est ~509 TW. (Lorsqu'on étend un forçage radiatif de 1 W /m2 à la surface totale du globe: ~5,09 . 1014 m2.)
Entre 2015 & 2021, la consommation mondiale d'énergie primaire était proche de 13 Gtep/an, soit ~151 000 TWh/an. (Ceci correspond à une puissance moyenne de ~17,2 TW en 24/24.)
Sur la même période, l' EEI "Terre entière" représentait un flux d'énergie «anthropique...» proche de 350 TW (dont les 9/10 s'enfouissent dans l'océan). Cette perturbation correspond ~11 000 ExaJoule /an, soit ~3,05 million de TWh. (1 TWh = 3600 TJ & 1 EJ = 278 000 TWh.)
Le mix énergétique mondial actuel d'énergie primaire comporte ~28% de gaz, ~36% de pétrole, ~31% de charbon, et ~5% d'énergies non carbonées.
De la sorte, un budget carbone de 440 GtCO2 correspond à presque ~170 Gtep qui, au rythme actuel (un peu plus de 1 Gtep/mois, soit un peu plus de 11 600 TWh /mois), seront consommés d'ici fin 2035.
Selon ce rythme, ce budget carbone (pour ne pas dépasser une hausse TSMG de 1,5°C), diminue de ~7,6% /an. (Il pourrait ne diminuer que de ~6,6% /an, en modifiant le mix énergétique mondial de façon à permuter les parts du gaz et du charbon.)
Le budget carbone relatif à une hausse de la TSMG de 2°C diminue de ~2,9 % /an.
Voir aussi notre FAQ : Correspondances des unités énergétiques
- Écrit par : Raymond Zaharia
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Coup de chaud sur les montagnes
Coup de chaud sur les montagnes,
par Bernard Francou et Marie Antoinette Mélières
240 pages, 62 illustrations,
Editions Paulsen, Guérin, Chamonix,
septembre 2021.
39,50 €
Bernard Francou est glaciologue, retraité de l’IRD. Marie-Antoinette Mélières est climatologue, retraitée du CNRS.
Au moment de la publication du 6ème rapport de l’IPCC et des négociations de la COP 26, cet ouvrage à la présentation illustrée par de nombreuses photos et graphiques, fait un point rigoureux et assez complet sur la situation des massifs montagneux de la planète, considérés sous le double éclairage de témoins privilégiés des changement en cours, d’une part, et de milieux de vie peuplés de sociétés humaines aux activités variées et riches d’une grande biodiversité, d’autre part.
Il est organisé en trois parties : la première explique le réchauffement dans les montagnes, mais pas seulement ; la seconde s’intéresse aux conséquences du réchauffement en montagne et la troisième évalue le futur du milieu montagnard.
La première partie, rédigée par Marie-Antoinette Mélières est intitulée «Le climat se réchauffe». Elle détaille comment le climat affecte le milieu montagnard en insistant principalement sur deux volets : l’étagement de la couverture du sol et l’orientation des versants. Un large exposé est ensuite consacré à une approche générale (pas seulement dans les montagnes) des mécanismes climatiques, de leur variabilité au cours du temps long et du réchauffement accéléré de la période actuelle. Des focus sont faits sur les régions de montagnes (arc alpin, Groenland), ainsi que sur la contribution de la fonte glaciaire au niveau marin. Cette partie s’achève sur une rapide présentation de trois scénarios RCP (Representative Concentration Pathways), définis pour le 5ème rapport de l’IPCC en 2014, de réchauffement futur, scénarios qui serviront de référence dans les deux autres parties de l’ouvrage.
La seconde partie, rédigée par Bernard Francou, consacrée au réchauffement en montagne, aborde successivement les grand « objets » du milieu : les glaciers, la neige, le pergélisol et les écoulements liquides. La question de la perte de masse généralisée des glaciers est traitée à l’échelle des grandes régions du monde à partir d’explications sur leur fonctionnement (accumulation, ablation) et sur l’indicateur qu’est le bilan de masse. Des zooms sont proposés sur des glaciers alpins (Mer de Glace, Sarennes, Aletsch). Le constat est fait d’un recul inéluctable, voire de la disparition, de la couverture neigeuse à basse et moyenne altitude et de la contraction de la saison d’enneigement. Le rôle du pergélisol (glace de la porosité du sol et des fissures de roche) et de sa fonte progressive est ensuite discuté, conduisant à des « écroulements », modifiant les paysages et les sites dont certains étaient emblématiques (en particulier pour les grimpeurs), avec des risques pour les implantations humaines. Enfin, la fonction de réservoir d’eau joué par les montagnes change avec une modification des régimes d’écoulement, aussi bien en volume que dans la distribution saisonnière. Des exemples sont données dans les Alpes, dans les Andes, ainsi qu’en Asie, de l’arc himalayen à l’Asie Centrale.
La troisième partie, rédigée aussi par Bernard Francou, clôt le panorama en traitant de ce que vont devenir les montagnes pour ceux qui y habitent ou qui les fréquentent. Elle détaille l’accentuation des risques, les menaces sur le tourisme et les sports d’hiver, l’adaptation contrainte des alpinistes et la pression sur la couverture du sol : agriculture, pastoralisme et forêts. Une dernière section propose une réflexion sur les conséquences de ces changements pour les habitants de la montagne dont les croyances et les traditions sont remises en question et qui doivent reconstruire une «nouvelle vision».
Dans les dernières pages, un court et utile glossaire rappelle les définitions des principaux objets, variables ou concepts abordés.
En conclusion, cet ouvrage dont l’argumentation scientifique est bien actualisée (avec certaines références de travaux publiés en 2021) est particulièrement riche et solide. Bien qu’il requière probablement un niveau universitaire, il permettra, aussi bien à des acteurs des milieux montagnards qu’à des scientifiques désirant élargir leur spectre de connaissance, d’accéder à une information et à une discussion quasi-exhaustive sur l’actualité et le futur du réchauffement en montagne. Le choix d’un format large accompagné d’une riche iconographie facilite grandement la lecture.
C’est un «beau livre» à déposer au pied du sapin de Noël, mais peut-être pas pour tous les publics.
- Écrit par : Pierre Chevallier
- Catégorie : Blog
Monitoring de l’océan : acquisition de données biogéochimiques par des flotteurs
Résumé en langage courant
Quel impact aura l’évolution en cours du climat sur la chimie et la biologie des océans ?
Sans des observations globales et permanentes, il est difficile d’y répondre. En effet, le seul système global dont on a disposé jusqu’à présent est l’observation de la couleur de l’océan depuis des satellites, qui permet d’estimer la concentration en chlorophylle à la surface, et, à partir de là, la photosynthèse marine. Ceci reste insuffisant lorsqu’on veut estimer les effets du changement climatique sur l’évolution des peuplements marins, sur le transfert de carbone en particules vers le fond, ou sur le contenu en oxygène de l’eau profonde.
Un réseau d’observations en gestation depuis 2007 monte actuellement en puissance et pourrait combler ce manque : Biogeochemical-Argo (BGC-Argo) est une extension du réseau des flotteurs Argo qui effectuent des mesures de température et de salinité entre la surface et 2000 mètres de profondeur. BGC-Argo ajoute à ces flotteurs des capteurs sensibles à des variables biogéochimiques, et la couverture globale de l’océan par au moins 1000 flotteurs est espérée avant 2030.
- Écrit par : Yves Dandonneau
- Catégorie : Blog
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L'écart entre l’énergie que reçoit la Terre et celle qu’elle émet, à l'origine du réchauffement climatique est difficile à estimer avec précision. L'accéléromètrie spatiale, une technique prometteuse!
Yves Dandonneau et François Barlier - Août 2021 - Mis à jour octobre 2021
Résumé en langage courant
La Terre reçoit le rayonnement du Soleil, et elle rayonne aussi vers l’espace. Pour que le climat terrestre soit stable, ce bilan radiatif devrait être équilibré, mais ce n’est pas le cas : l’énergie qu’elle rayonne vers l’espace est inférieure à celle reçue du Soleil, et cette différence est la cause du réchauffement climatique en cours. Elle est difficile à estimer, du fait de la très forte variabilité du système climatique terrestre dans l’espace et dans le temps. Pour y parvenir, on utilise des satellites qui mesurent le rayonnement émis et le rayonnement reçu, et divers systèmes d’observations qui permettent de suivre l’accumulation de chaleur dans l’atmosphère, les océans, les terres émergées et les glaces. Différente dans son principe, l’expérience CACTUS a permis dès 1975 de mesurer les accélérations subies par une sphère en orbite autour de la Terre sous l’influence combinée des rayonnements solaire et terrestre, et par là, sous certaines conditions, d’estimer directement la différence entre le flux radiatif reçu par la Terre et le flux émis. Compte tenu des progrès techniques accomplis depuis cette première expérience, cette technique pourrait s’avérer prometteuse.
- Écrit par : Yves Dandonneau et François Barlier
- Catégorie : Blog
Les déchets de plastique en mer : l'imagerie satellitaire pourrait pallier le manque d'observations
Les emballages et autres déchets de plastique dont nous nous débarrassons finissent pour une grande partie dans les océans. Selon une idée très répandue, la circulation océanique les rassemblerait en surface au centre des grands bassins tropicaux. Mais beaucoup coulent, et se fragmentent.
Où aller pour fuir les nuisances du monde industrialisé et trouver un environnement vierge de l'influence humaine ?
Sur l'Ile Henderson, par exemple. Située dans le Pacifique sud, sous le tropique du Capricorne, à l'écart des principales lignes de navigation, inhabitée, n'est elle pas le refuge idéal ?
En 2019 pourtant, ses plages ont été recouvertes par une accumulation de déchets – bouteilles en plastiques, lambeaux de filets de pêche, boules de flottaison et autres – telle qu'on ne l'imagine même pas sur les côtes de France. De nombreux articles dans la presse en ont fait état. Cela validait, hélas, la prophétie de Charles Moore, qui, en 1997, avait expliqué comment le transport des déchets flottants par les courants conduisait à la concentration de ces déchets au centre des grands tourbillons des bassins océaniques tropicaux, aussi appelés «gyres», où se trouve justement l'île Henderson. Tous ces déchets accumulés, plusieurs millions de tonnes, dont la dégradation est très lente, formeraient un «septième continent».
La côte nord de l'Ile Henderson en 2019
- Écrit par : Yves Dandonneau
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Sans un réseau d'observations adapté, on ne pourra pas comprendre les conséquences du changement climatique sur les écosystèmes marins
Un changement progressif de la teneur en isotope 13 du carbone dans les muscles des thons révèle un changement de l'écosystème des océans tropicaux. Faute d'observations pertinentes, on n'en connaît pas les modalités.
Nous sommes plusieurs milliards capables d'observer la flore et la faune autour de nous, et d'en constater les changements. Mais en mer, les navigateurs ne voient que le bleu de l'eau, plus ou moins teinté de vert. Verraient ils sous la surface le phytoplancton et le zooplancton, avec leur multitudes d'espèces, que leurs observations n'auraient qu'un caractère éphémère, les masses d'eau étant sans cesse renouvelées par les courants et la turbulence. Par conséquent, la vie marine est très peu observée, et il n'est généralement pas possible d'en détecter les variations, en particulier celles, probables, dues au changement climatique en cours. Un article récent qui tente d'expliquer une évolution de la composition isotopique des muscles des thons illustre bien ce manque d'observations.
- Écrit par : Yves Dandonneau
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