Bilans climatiques - Évolution - Chroniques d'indices climatiques
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Les indices climatiques 2023
Yves Dandonneau.
Le climat et son évolution sont devenus une préoccupation dominante des médias, et les grandes agences qui recueillent et analysent les données climatiques produisent de plus en plus rapidement des analyses climatiques complètes de l’année écoulée. C’est de ces analyses que proviennent la plupart des informations du bilan ci-dessous. Parmi les principaux sites, citons :
- Les services du programme européen Copernicus
- L'organisation Météorologique Mondiale
- Météo France
- La NOAA (National Oceanic and Atmosphéric Administration, USA)
- La NASA (National Aeronautics and Space Administration, USA)
Berkeley Global Temperature Report for 2023 - Global Carbon Project
Sommaire
Nouveau record de température moyenne globale
L’état du Pacifique intertropical : en 2023, El Niño
La cryosphère
Le niveau marin
Le contenu thermique des océans et le déséquilibre thermique de la Terre
Les émissions anthropiques de gaz carbonique
Évènements marquants en 2023 dans le monde
Et en France ?
Que peut-on dire pour 2024 ?
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Alors que la température moyenne des sept années précédentes n’avait pas dépassé celle de 2016, une année marquée par un épisode El Niño, on s’attendait à ce que l’année 2023 batte ce record, surtout si un nouvel épisode El Niño se développait, ce qui était probable. La température moyenne à la surface de la Terre s’est accrue considérablement de façon inattendue, dès le mois d’avril 2023, et sans attendre l’El Niño qui s’est déclaré à la fin du mois de mai et a encore accentué ce réchauffement. La brutale et très forte hausse de la température moyenne de la Terre n’est pas en dehors des prévisions, mais son ampleur a surpris et n’est pas encore totalement expliquée. Elle a provoqué un peu partout dans le monde de nombreuses canicules, et a fortement influencé la cryosphère, ainsi que les régimes de pluie et de sécheresse.
Nouveau record de température moyenne globale
La température moyenne globale en 2023 s’est établie à 14,98°C, soit 1,48°C au dessus de celle des années 1850 à 1900, tout près du seuil de 1,5°C fixé par les accords de Paris en 2015. Le décrochement par rapport aux années précédentes s’est fait sentir dès le mois d’avril, et s’est accru par la suite lorsqu’un épisode El Niño s’est établi dans le Pacifique équatorial à la fin du mois de mai. Le mois de juin a ainsi été le plus chaud jamais observé, et il en a été de même pour tous les mois suivants jusqu’à la fin de l’année (figure 1).
Figure 1 : la température moyenne à la surface de la Terre entre 60°N et 60°S en 2023 (en orange) s’écarte très nettement de celle de toutes les années précédentes. Source : Climate Reanalyzer
Le climat se réchauffe depuis les années 1970 au rythme d’environ 0,2°C par décennie et l’année 2023 met fin à une période de 6 ans d’apparente stabilité après 2016 (figure 2).
Figure 2 : évolution de la température globale moyenne annuelle depuis 1850 (anomalies par rapport à la moyenne du 20ème siècle). Source : NOAA
Ce réchauffement ne s’applique pas uniformément à la surface de la Terre : les pôles se réchauffent plus vite que les tropiques, et les terres émergées se réchauffent beaucoup plus vite que les océans. Le réchauffement est aussi beaucoup plus marqué dans l’hémisphère nord, où se trouve la plus grande partie des continents, que dans l’hémisphère sud largement dominé par les océans (figure 3).
Figure 3 : variation du réchauffement du climat selon les régions (source : Copernicus)
L’état du Pacifique intertropical : en 2023, El Niño.
L’appellation El Niño désigne un état de l’Océan Pacifique tropical caractérisé par un transfert vers les côtes américaines des eaux chaudes équatoriales habituellement localisées dans l’ouest, et par des vents alizés anormalement faibles. El Niño se développe en général au second semestre, et dure moins d’un an, après quoi il laisse la place pour 5 à 10 ans au régime alternatif, La Niña, durant lequel des alizés forts accumulent dans l’ouest du Pacifique tropical les eaux tropicales chaudes sur 200 à 300 m d’épaisseur.
Figure 4 : anomalies de température à la surface du Pacifique tropical en novembre 2023 (source : NOAA)
Les répercussions climatiques d’El Niño sont nombreuses, et en particulier, la vaste et intense anomalie positive de température qui s’est établie en 2023 le long de l’équateur sur une centaine de degrés de longitude a affecté fortement la température moyenne globale de la surface terrestre (figure 4). C’est la principale cause de la forte accélération du réchauffement climatique en 2023, comme cela l’avait été lors du précédent épisode en 2016.
La cryosphère
Les banquises
La banquise de l’hémisphère nord a atteint en septembre 2023 la deuxième superficie la plus réduite jamais observée. On remarque en particulier que le très stratégique « passage du nord ouest » a été très largement ouvert à la navigation cette année. La banquise de l’Antarctique a atteint en 2023 sa plus petite extension tout au long de l’année, en mars pour le minimum annuel et en octobre pour le maximum (figure 5).
Figure 5: évolution de la superficie des banquises polaires au cours de l’année 2023 par rapport aux années précédentes.
a) banquise arctique (sur la carte à droite, extension minimum en septembre 2023).
b) banquise antarctique (sur la carte à droite, extension maximum).
Source : WMO.
Glaciers
Comme c’est le cas chaque année depuis 1996, la calotte du Groenland a perdu de la glace en 2023. La fonte des glaciers a été intense cette année, à cause de températures anormalement élevées, mais les hauts plateaux du Groeland ont aussi bénéficié d’apports sous forme de pluie et de neige au printemps et au début de l’été (ceci correspond aux tendances attendues). Le bilan est une perte de 196 gigatonnes de glace entre septembre 2022 et août 2023. D’une façon générale, les températures élevées de 2023 ont eu pour conséquence une fusion accrue de la plupart des glaciers de montagne.
Le niveau marin
Avec le réchauffement du climat, le niveau des océans s’élève du fait de l’expansion de l’eau due à l’augmentation de leur température, et de l’accroissement de leur masse due à la fonte des glaciers et à celle des calottes glaciaires. La vitesse de cette élévation s’accroît peu à peu depuis qu’elle est mesurée en permanence par l’altimétrie satellitaire (figure 6).
Figure 6 : hausse du niveau moyen des océans depuis 1993 (source : WMO)
Comme c’est toujours le cas lorsqu’un évènement El Niño se produit, la hausse du niveau de l’océan est particulièrement forte dans le Pacifique équatorial est (environ +10 cm), compensée par une baisse dans l’ouest.
Le contenu thermique des océans et le déséquilibre thermique de la Terre
Le corollaire du réchauffement du climat est que la Terre reçoit davantage d’énergie en provenance du Soleil qu’elle n’en émet sous forme de rayonnement infra-rouge vers l’espace. Les océans et les surfaces émergées se comportent différemment : les premiers sont transparents, et la chaleur y pénètre en profondeur, puis est redistribuée dans l’ensemble des océans par la circulation océanique, notamment le mélange turbulent, tandis que les secondes échangent la chaleur reçue avec l’atmosphère. Les océans emmagasinent ainsi 93% du gain de chaleur dû à l’effet de serre.
Dans les océans, le contenu thermique est observé en permanence depuis 2000 par les bouées dérivantes Argo. Il s’est accru dans la plupart des bassins, et plus particulièrement dans tout l’Océan Atlantique, dans le Pacifique nord, et dans l’Antarctique entre 35 et 50°S (figure 7).
Quelques régions, d’une étendue beaucoup plus réduite, ont au contraire perdu de la chaleur : la région chaude du Pacifique tropical au sud-est du Japon, l’Antarctique au sud-ouest du Cap Horn, et l’est du Groenland. Remarquablement, les deux zones voisines de l’Atlantique nord et de l’est du Groenland, sont respectivement celle qui a le plus accumulé de chaleur et celle qui s’est le plus refroidie.
Figure 7 : gain de chaleur dans les océans entre la surface et 2000 m de profondeur de 1958 à 2022 (source WMO)
Le contenu thermique des océans s’accroît régulièrement depuis 1990, et 2023 marque un nouveau record (Figure 8).
Figure 8 : évolution du contenu thermique de l’océan entre la surface et 700 m de profondeur (source : NOAA).
Illustration de la capacité des océans à stocker la chaleur : la surface des océans se réchauffe environ deux fois moins vite que les terres émergées (Figure 9).
Figure 9 : évolution comparée de la température moyenne à la surface des terres émergées (en rouge) et à la surface des océans (en bleu). source Berkeley Earth.
Le déséquilibre thermique de la terre représente le forçage qu’exercent les gaz à effet de serre sur le système climatique. Sa mesure directe par l’observation du rayonnement émis et reçu au sommet de l’atmosphère est difficile, et l’observation du niveau des océans (dont l’augmentation est due à leur dilatation, et à la fonte des glaces, celle ci indiquant la chaleur de fusion) est un outil essentiel pour l’estimer. Ce déséquilibre tend à s'accroître depuis 2000 et a atteint ses plus fortes valeurs en 2022 et 2023 (figure 10), signe que le réchauffement du système climatique s’accélère.
Figure 10 : variations du déséquilibre énergétique de la Terre depuis 2000
(source https://www.columbia.edu/~jeh1/mailings/2023/Acceleration.2023.11.10.pdf)
Les émissions anthropiques de gaz carbonique
Après un léger ralentissement pendant la pandémie de COVID, les émissions de gaz carbonique sont reparties à la hausse, et on estime que celles de 2023 dépasseront celles de 2022 (Figure 11).
Figure 11 : croissance des émissions anthropiques de gaz carbonique depuis 1990. (le niveau présenté pour 2023 est une estimation provisoire).
Source : Global Carbon Project.
Remarque : une gigatonne de carbone équivaut à 3,7 gigatonnes de gaz carbonique.
Faute d’une diminution de ces émissions, la concentration en gaz carbonique de l’atmosphère continue de croître (+2,4 parties pa million en 2023), et probablement davantage en 2024 comme c’est en général le cas l’année qui suit un épisode climatique El Niño (figure 12). Les principaux pays responsables de ces émissions sont l’Inde, et surtout la Chine. En revanche, les émissions en Europe et aux Etats Unis d’Amérique baissent, lentement.
Figure 12 : croissance de la concentration en gaz carbonique de l’atmosphère depuis 2015.
Source : Global Carbon Project.
Évènements marquants en 2023 dans le monde (figure 13)
Figure 13 : évènements climatiques marquants en 2023 (source : NOAA)
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Canicules
Les épisodes caniculaires se sont multipliés en 2023, débutant dès le mois d’avril dans l’Asie du sud est, notamment au Cambodge et en Thaïlande, ainsi qu’en Espagne, au Portugal et au Maroc, et au Canada. En juin, une vague de chaleur frappe le sud des Etats-Unis, en particulier le Texas et la Louisiane. En juillet, la chaleur persiste aux Etats Unis, et frappe la France, l’Italie, la Grèce. Dans l’hémisphère sud, à peine l’hiver terminé, le Brésil, le Chili et l’Argentine sont frappés par des vagues de chaleur dès le mois d’août. -
Inondations
La Californie, ces dernières années plutôt soumise à la sécheresse, a reçu dès le mois de janvier des pluies et des chutes de neige en altitude très abondantes, qui ont conduit à des inondations record, qui se sont reproduites en mars. Entre temps, fin janvier, la ville d’Auckland en Nouvelle Zélande a été innondée après de pluies diluviennes. En mars, la côte est de l’Australie a subi des inondations, puis en avril, la côte est de l’Afrique du sud, et de nouveau en juillet, la côte est de l’Australie. En juillet également, au Kentucky aux Etats Unis des innondations ont causé la mort de 79 personnes. En août, c’est la Chine qui a souffert de très graves inondations après le passage du typhon Doksuri. En Septembre, le cyclone méditerranéen (médicane) Daniel a causé des inondations en Bulgarie, en Grèce, en Turquie et en Libye où il a causé de nombreux morts. Les parties basses du nord de la France ont été durablement sous les eaux en décembre. -
Sécheresse
Dès le mois de février, pourtant généralement mouillé en France, la sécheresse a commencé à se faire sentir. Dès le début de juillet, l’Italie a connu sa pire sécheresse depuis 70 ans. Dans beaucoup de régions du globe, la sécheresse a très fortement sévi. Cela a été le cas dans toute l’Afrique du nord ouest, en Espagne et au Portugal, en Asie centrale et au Moyen Orient, en Amérique centrale, au nord de l’Amérique du sud, et, de façon particulièrement sévère, en Argentine et en Urugay. -
Incendies de forêts
À la suite de la sécheresse en Espagne, des centaines d'incendies ont ravagé en avril les forêts dans les Asturies. Les incendies de forêts les plus frappants ont eu lieu au Canada à partir du mois de mai, occasionnant tellement de fumée qu’il a été recommandé à New York de ne pas sortir sans masque pendant quelques jours du mois de juin. L’île de Maui dans l’archipel de Hawaï a été dévastée par des incendies qui ont fait plus de 100 morts. Incendies aussi en août dans l’île de Ténériffe aux Canaries. En Grèce en juillet des incendies de forêt ont créé une situation catastrophique en pleine saison touristique. Des incendies nombreux ont aussi été détectés en Sibérie. Ces incendies sont émetteurs de gaz carbonique, et l’estimation pour 2023 s’élève à 2,17 GT de carbone. Toutefois, si cette estimation montre une forte hausse par rapport aux 10 années précédentes, due pour près d’un quart aux incendies du Canada, on note une diminution par rapport aux années 2003 à 2010 (figure14).
Figure 14 : émissions de carbone par les incendies de forêts depuis 2003, en mégatonnes de carbone
(source : Copernicus)
Et en France ?
2023 n’a pas été l’année la plus chaude jamais enregistrée en France, le record restant à 2022. Le régime des pluies a été très contrasté, avec une sécheresse très marquée au début de l’année et des passages de fortes dépressions en automne, qui ont largement arrosé le nord et le sud ouest et provoqué des inondations dans le département du Nord et sur les bords de la Charente. Le pourtour méditerranéen, et en particulier l’Aude, l’Hérault, le Gard, et surtout le Roussillon, ont continué de souffrir d’un très fort déficit de pluviométrie.
Voir le bilan complet établi par Méteo France.
Que peut-on dire pour 2024 ?
La hausse brutale de la température moyenne à la surface de la Terre dès avril 2023 a surpris, même parmi les scientifiques qui en ont aussitôt recherché les causes.La cause première est évidemment l’accroissement de la concentration en gaz carbonique de l’atmosphère, mais le réchauffement observé se situe à la limite supérieure de la marge d’incertitude des prévisions climatiques. L’occurrence d’un épisode El Niño en 2023 en explique certainement une part, comme ce fut le cas pour l’épisode de 2016, restée jusqu’alors l’année la plus chaude, mais cela ne suffit pas et d’autres facteurs ont du intervenir. Parmi ceux ci, l’éruption du volcan Hunga Tonga en 2022, qui a injecté une grande quantité de vapeur d’eau dans la stratosphère, a pu jouer un rôle : la vapeur d’eau est en effet un gaz qui renforce l’effet de serre. Mais cette éruption, comme toutes les éruptions, a aussi injecté dans la stratosphère des poussières qui, au contraire, réfléchissent le rayonnement solaire vers l’espace et contribuent plutôt à rafraîchir le climat. Enfin, la mise en application de l’interdiction des carburants contenant du soufre dans le transport maritime a entraîné une diminution des aérosols, notamment dans l’Atlantique nord et le Pacifique nord, or ces aérosols rafraîchissaient le climat en réfléchissant le rayonnement solaire.
C’est au cours de sa phase de déclin qu’un épisode El Niño provoque la plus forte hausse de la température moyenne à la surface de la Terre. Or, l’épisode de 2023 a débuté tard, et cette phase de déclin devrait se produire au début de 2024 : un nouveau record à attendre ?
Et en 2025 ?
Eh bien, il faudrait sérieusement diminuer nos émissions de gaz carbonique.
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Les indices climatiques 2022
Yves Dandonneau.
Sommaire
La cause principale du changement climatique : les émissions anthropiques de gaz à effet de serre
L’état du Pacifique intertropical : El Niño ou La Niña ?
La température moyenne globale
Le contenu thermique des océans
La cryosphère
Le niveau des océans
Événements marquants
L’année 2022 s’est terminée en France par des températures anormalement douces en fin décembre, qui ont persisté au début de 2023, rappelant avec insistance le réchauffement climatique en cours. Ailleurs dans le monde ont eu lieu de nombreux événements extrêmes avec leur cortège de pertes humaines et de dégâts matériels. En toile de fond de ces épisodes marquants, la fonte des glaces, la hausse du niveau marin, continuent lentement et sûrement.
La cause principale du changement climatique : les émissions anthropiques de gaz à effet de serre
¤ Le gaz carbonique
La concentration en gaz carbonique dans l’atmosphère continue de croître du fait des émissions anthropiques au rythme de 2,4 parties par million chaque année. Les années précédentes, marquées par un fort ralentissement de l’économie à cause de la pandémie due au Covid 19, ne se sont pourtant pas traduites par un ralentissement notable de cette hausse (figure 1) : nous sommes loin de la neutralité carbone et continuons d’émettre à un taux élevé.
Figure 1 : évolution de la concentration de l’atmosphère en gaz carbonique à l’observatoire de Mauna Loa (Hawaï) depuis 1958 (en encart : variations au cours des 4 dernières années)
Les mesures réalisées à Mauna Loa ont été momentanément interrompues en novembre 2022 à la suite de la coupure de l’alimentation électrique de l’observatoire par une coulée de lave. Le site des mesures a alors été transféré sur un site voisin. Les mesures seront faites simultanément sur les deux sites en 2023 afin de détecter et corriger une éventuelle différence de concentration.
¤ Le méthane
Le méthane est un gaz à effet de serre beaucoup moins abondant mais beaucoup plus puissant que le gaz carbonique. Toutefois, sa durée de vie dans l’atmosphère est limitée (la moitié y est détruite en une dizaine d’années). En tenant compte de son effet sur le rayonnement et de sa durée de vie, on considère que son pouvoir de réchauffement est, pour une masse égale, environ 25 fois celui du gaz carbonique. Le méthane est produit naturellement par la fermentation de la matière organique dans les zones humides, et en quantités plus grandes par les activités humaines (élevage de ruminants, rizières, fuites dans l’exploitation industrielle du gaz, et fonte du permafrost causée par le réchauffement du climat).
Figure 2 : évolution de la concentration en méthane dans l’atmosphère. Souce NOAA
L’augmentation de la concentration en méthane de l’atmosphère est irrégulière. Après avoir semblé se stabiliser au début des années 2000, elle a repris son cours à partir de 2007, et s’est encore accélérée depuis 2020 (figure 2). Les causes de cette variabilité sont mal connues.
L’état du Pacifique intertropical : El Niño ou La Niña ?
L’Océan Pacifique intertropical est alternativement balayé par les vents alizés qui soufflent vers l’ouest (conditions La Niña) ou par un régime de vents plus faibles, soufflant parfois vers l’est (El Niño). Le premier cas est favorable à des remontées d’eau profonde froide, tandis que des eaux chaudes dans toute la région sont caractéristiques du second. Étant donné la très vaste étendue de cette zone, cette alternance impacte le climat de nombreuses régions, et en particulier, la température moyenne globale.
Figure 3 : a) Anomalie de température de la surface de l’océan le 31 juillet 2022. b) évolution de l’anomalie de la température moyenne à l’équateur dans l’Océan Pacifique de mars 2022 à février 2023. (Source : NOAA)
L’océan Pacifique intertropical a été anormalement froid (figure 3a) en 2022, et cette vaste étendue froide influence la température moyenne globale à la surface de la Terre. Cet épisode froid s’est atténué au cours des derniers mois (figure 3b) et les prévisions actuelles sont en faveur d’un épisode chaud «El Niño» en 2023.
La température moyenne globale
Avec une température moyenne globale de 0,91°C plus chaude que la moyenne (figure 4), l’année 2022 se classe au 6ème rang des années les plus chaudes depuis 1850. Le record reste celui estimé pour 2016 qui fut une année marquée par un événement El Niño. 2022 au contraire a été dominé par des conditions La Niña et les températures relativement basses dans l’Océan Pacifique ont fait baisser la moyenne globale.
Figure 4 : évolution de la température moyenne globale depuis 1850 (source : NOAA)
La hausse de la température moyenne globale apparaît très marquée près des pôles, et aux latitudes moyennes de l’hémisphère nord, en particulier en Europe de l’ouest, et au Moyen Orient, et dans l’Océan Pacifique sud. Au contraire, du fait des conditions climatiques La Niña, le Pacifique intertropical est marqué par une anomalie froide. (figure 5).
Figure 5 : répartition des anomalies de la température moyenne en 2022 (source : Copernicus).
Le contenu thermique des océans
À cause de l’effet de serre, le système climatique terrestre (terres émergées, atmosphère, océans, cryosphère) accumule peu à peu de la chaleur. En raison de leur énorme capacité calorifique (~1200 fois celle de l'atmosphère), les océans emmagasinent 93 % de cette chaleur supplémentaire. Grâce principalement aux mesures de température entre la surface de l’océan et 2000 m réalisées par les bouées dérivantes depuis 2000, il est possible de suivre l’évolution de cette pénétration de chaleur. La quasi totalité des océans s’est réchauffée (figure 6) à l’exception du Pacifique tropical est où les conditions La Niña qui ont prévalu en 2022 y ont favorisé des remontées d’eau froide profonde.
Figure 6 : distribution en 2022 du gain de chaleur des océans entre la surface et 700 m de profondeur depuis 1955. (Source : NOAA)
Le contenu de chaleur de l’océan augmente de façon continue, à raison d’environ 0,6 x 1022 joules/an (figure 7).
Figure 7 : évolution du contenu thermique des océans entre la surface et 700 m de profondeur depuis 1955. (Source : NOAA)
La cryosphère
¤ Les calottes polaires
La calotte polaire du Groenland a perdu 4890 milliards de tonnes de glace depuis 1992. Le rythme de perte s’est accéléré au cours des trois dernières années où il s’est élevé à environ 400 milliards de tonnes par an (figure 8). Les pertes de la calotte de l’Antarctique sont plus faibles, estimées à 2670 milliards de tonnes depuis 1992.
Figure 8 : pertes cumulées de la calotte polaire du Groenland depuis 1992 (en milliards de tonnes), et contribution à la hausse du niveau des océans. (Source : Copernicus)
¤ Les glaciers
Le bilan des apports et des pertes des glaciers de montagne est négatif. Depuis 1997, les glaciers de Scandinavie ont perdu environ 9 mètres d’épaisseur, et ceux des Alpes 32 mètres, la moyenne globale pour tous les glaciers de la Terre étant de 16 mètres. Cette réduction d’épaisseur a tendance à s’accélérer depuis 2005.
¤ Les banquises
L’étendue de la banquise de l’Arctique a tendance à se réduire. Cette réduction est beaucoup plus marquée en été (septembre) qu’en hiver (mars) où les conditions météorologiques permettent à cette banquise de se retrouver proche de son étendue habituelle (figure 9). Depuis 2007, l’étendue de la banquise Arctique semble se stabiliser, à un niveau inférieur de 13% en moyenne par rapport à son étendue des années 80. L’année 2022 ne s’affiche pas parmi les années record. Cette réduction ouvre chaque été le passage entre l’Atlantique et le Pacifique par le nord.
Figure 9 : évolution relative de l’étendue de la banquise de l’Océan Arctique en hiver et en été depuis 1979. (Source : Copernicus)
L’étendue de la banquise de l’Océan Antarctique ne montre pas de tendance forte à la réduction, toutefois, pour la première fois depuis le début des estimations en 1979, elle est passée sous la barre des 2 millions de km² en mars 2022, alors que la température dans l’Antarctique était anormalement élevée.
Le niveau des océans
Le niveau des océans s’élève régulièrement du fait de l’expansion de l’eau due à l’augmentation de leur température, et de l’accroissement de leur masse due à la fonte des glaciers et à celle des calottes glaciaires (la contribution du Groenland pour la période de 1992 à 2020 est de 13,6 mm, celle de l’Antarctique de 7,4 mm). L’accroissement depuis 1993 dépasse 10 cm (figure 10), à une vitesse moyenne de 3,4 mm par an (3,6 mm par an pour les 10 dernières années).
Figure 10 : évolution du niveau marin depuis 1993 et projection jusqu'en 2040 (source : NASA)
¤ Canicules
Les épisodes caniculaires se sont multipliés en 2022, d’abord en début d’année dans l’hémisphère sud, où on a enregistré jusqu’à 50,7°C dans le centre de l’Australie, plus de 40°C en Argentine. Dans l’hémisphère nord, des vagues de chaleur exceptionnelles et précoces ont frappé l’Inde et le Pakistan dès la fin avril, avec 46°C à Delhi (température la plus haute relevée depuis 1946). La Chine a connu en 2022 la pire canicule de son histoire, commencée en juillet, qui s’est poursuivie en août, et il y faisait encore 40°C en octobre. (voir ci-dessous pour la France et l’Europe)
¤ Inondations
La côte est de l’Australie a subi des inondations très violentes (en mars, puis en juillet), ainsi que la côte est de l’Afrique du sud (en avril, 300 morts). Des pluies abondantes ont causé des inondations catastrophiques au Kentucky en juillet, responsables de 79 morts. Les pluies en Arctique ont été supérieures aux valeurs normales, se classant au 3ème rang depuis le début des observations
Sécheresse
La pire sécheresse depuis 70 ans a sévi en Italie à partir de début juillet, particulièrement dans la plaine du Po (le détachement filmé du glacier de la Marmolada en est un épisode mémorable). D’une façon générale, les précipitations dans les Amériques, en Afrique, et en Asie centrale ont été déficitaires, accentuant la sécheresse à l’ouest des États Unis, au centre de l’Amérique du sud et dans la Corne de l’Afrique.
Incendies
Les incendies ont été nombreux en 2022, favorisés par les sécheresses. Ils ont débuté dès le mois de mai en Sibérie, et ont frappé le Portugal en juillet, puis la France. Le mois d’août a été le pire pour l’Amazonie.
Événements marquants en 2022 en France
La hausse de la température moyenne en France (+1,7°C depuis 1900) est nettement plus élevée que celle de la moyenne globale (+1,15°C). Les vagues de chaleur ont été très précoces, dès le printemps, et des conditions caniculaires se sont établies en juillet et ont perduré en août. 2022 est l'année la plus chaude enregistrée.
Il en a résulté une sécheresse record, avec moins de 3 jours de pluie en plaine en juillet, qui s’est confirmée en août. Chaleur et sécheresse ont favorisé des incendies gigantesques, notamment dans les Landes.
Ces conditions chaudes n’ont pas empêché des gelées nocturnes dévastatrices en avril.
On a atteint en Méditerranée des températures record : 27 à 30°C en surface dans le Golfe du Lion en juillet, 30,7°C au large d’Alistro en Corse.
...et dans le reste de l’Europe
Liste d’événements extrêmes proposée par Météo France :
Espagne : 2022, année la plus chaude depuis 1916;
Belgique : 2022, année la plus chaude (ex aequo avec 2020) depuis 1833;
Allemagne : 2022, année la plus chaude depuis 1881;
Irlande : 2022, année la plus chaude depuis 1900;
Suisse : 2022, année la plus chaude depuis 1864;
Italie : 2022, année la plus chaude depuis 1800;
Slovénie : 2022, année la plus chaude depuis 1961;
UK : 2022 année la plus chaude depuis 1884 (provisoire);
Autriche : 2022, 3e année la plus chaude depuis 1768, en plaine (provisoire);
Pays-Bas : 2022, 3e année la plus chaude depuis 1901.
Figure 11 : évènements climatiques marquants en 2022 (source : NOAA)
Beaucoup des phénomènes météorologiques extrêmes qui ont frappé en 2022
peuvent être imputés au changement climatique en cours
et aux émissions anthropiques de gaz à effet de serre :
stop, ou encore ?
Les indices climatiques 2021
Yves Dandonneau.
Sommaire
El Niño – La Niña
La température moyenne globale
Le contenu thermique océanique
Le niveau des océans
La cryosphère
Le gaz carbonique
Événements remarquables
Conclusion
Le réchauffement causé par l’accumulation de gaz carbonique dans l’atmosphère est au centre des préoccupations concernant le climat, et s’est poursuivi en 2021, avec ses conséquences multiples. De plus, l’année 2021 se caractérise par des conditions La Niña prolongées dans le Pacifique équatorial (vents alizés intenses et eau de surface anormalement froide) qui ont des conséquences sur la plupart des indices climatiques.
El Niño/La Niña
Des vents alizés forts (La Niña) ou faibles (El Niño) dans la vaste région du Pacifique équatorial ont une influence sur le climat global. Lorsque les alizés (de nord-est dans l’hémisphère nord, de sud est dans l’hémisphère sud) sont forts, du fait de la force de Coriolis, ils entraînent l’eau chaude équatoriale de surface vers leur droite dans l’hémisphère nord et vers leur gauche dans l’hémisphère sud, c’est à dire vers l’ouest, tout en l’écartant de l’équateur, favorisant ainsi des remontées d’eau profonde (pompage d'Ekman) et mettant en place une langue anormalement froide. De telles conditions La Niña se sont maintenues durant toute l’année 2021, avec des températures inférieures d’environ 1°C à la moyenne le long de l’équateur (figures 1, 2), et, induite par l’accumulation de la couche d’eau de surface à l’ouest, un enfoncement de la thermocline d’une vingtaine de mètres (Figure 2).
Fig 1 : anomalies de température de surface dans le Pacifique tropical en décembre 2021.
Source : US National Oceanographic and Atmospheric Administration
Fig 2 : anomalie de température de surface (en haut), et pente de la thermocline (en bas)
de 1997 à 2021 dans la boite Niño 3-4 (cartouche à gauche).
Source : US National Oceanographic and Atmospheric Administration
La température moyenne globale
En 2021, la température moyenne globale à la surface de la Terre a été de 0,84°C plus chaude que la moyenne du 20ème siècle, mais moins chaude que celle de 2020, et en dépit du réchauffement global observé depuis le début du 20ème siècle, elle ne prend que la sixième place parmi les années les plus chaudes (figure 3).
Figure 3 : évolution de la température moyenne globale à la surface de la Terre de 1880 à 2021 (d’après la NOAA )
La croissance de la température moyenne globale présente une forte variabilité d’une année à l’autre. L’occurrence du phénomène El Niño dans le Pacifique équatorial, ou de son opposé La Niña, explique en grande partie cette variabilité. En effet, en situation El Niño, la température de l’océan y est élevée, alors qu’en situation La Niña, comme cela a été le cas en 2021, les vents y écartent les eaux chaudes de surface et font affleurer des eaux plus froides (figure 1). Les vastes dimensions de la région, comprise entre 5°N et 5°S, 160°E et 90°W, font que cette particularité locale a une influence sur la moyenne globale. La figure 4 montre que les occurrences du phénomène El Niño correspondent presque toujours à des accélérations de la hausse de la température moyenne globale.
Fig 4 : anomalies de la température globale moyenne mensuelle et occurrence de conditions El Niño. Les forts événements El Niño de 1997 et de 2016 correspondent aux records atteints par la température moyenne annuelle ces années là bien visibles sur la figure 3 (d’après la NOAA ).
Bien que 2021 ne se classe que sixième parmi les années globalement les plus chaudes, le mois de juillet y a été le plus chaud jamais mesuré. Dans certaines régions, des records de chaleur ont été enregistrés. En juin, la température a atteint des valeurs record en Sibérie, et un «dôme de chaleur» s’est établi sur le Pacifique nord est, entraînant une vague de chaleur à l’ouest des États Unis et au Canada (49,6°C enregistrés à Lyton en Colombie Britannique où des incendies gigantesques se sont propagés). La Grèce, la Turquie, les Balkans et l’Afrique du nord ont connu en été des périodes de très forte canicule. Des températures record ont été enregistrées en décembre dans les Montagnes Rocheuses aux États Unis et au Canada.
La hausse des températures a été particulièrement forte en Afrique de l’ouest et du nord, en Arabie et en Chine. Elle a été moins marquée en Europe du nord et en Sibérie, tandis que les régions polaires ont été plus froides que la moyenne (figure 5).
Fig 5 : tendances régionales du réchauffement en 2021 (source NOAA)
L’année 2021 a aussi été marquée par un printemps très précoce en Europe de l’ouest et au Japon, où la très symbolique floraison des cerisiers le 26 mars a battu le précédent record enregistré le 27 mars en 1409 (cet événement peut être dû au réchauffement global, mais il a aussi pu être favorisé par l’effet d’îlot de chaleur dû au développement de la ville). Après un démarrage rapide dû à cette douceur du climat, les cultures ont subi des gelées dévastatrices au mois d’avril : avec le changement climatique en cours, ce risque pourrait bien se répéter à l’avenir.
Le contenu thermique de l’océan.
Malgré des conditions anormalement froides dans l’Océan Pacifique, dues à des conditions La Niña, le contenu thermique des océans s’est accru d’environ 14 ZJ en 2021 (figure 6), soit une quantité d’énergie 23 fois plus grande que celle utilisée par l’homme en 2019. L’accroissement observé au cours des dernières décennies représente 93% de la chaleur emmagasinée par le système climatique terrestre du fait des émissions de gaz à effet de serre.
Fig 6 : évolution du contenu thermique des 2000 premiers mètres de l’océan (anomalie par rapport à la période 1981 – 2010). (Source CarbonBrief.)
Cette évolution est observée en permanence grâce principalement au réseau de flotteurs Argo. Les maximums de chaleur accumulée au cours de l’année 2021 se situent principalement à l’ouest de l’Océan Atlantique aux latitudes tempérées, et de part et d’autre de l’équateur dans l’Océan Pacifique ouest, suggérant un transfert vers des latitudes plus élevées de la chaleur emmagasinée près de l’équateur du fait des conditions La Niña qui ont régné en 2021 (figure 7).
Fig 7 : gain de chaleur dans les 2000 premiers mètres de l’océan au cours de l’année 2021
(Cheng et al. 2022).
Le niveau des océans
Le niveau des océans continue de s’élever, dépassant d’environ 9 cm à la fin de 2021 celui de 1991, année où a débuté sa surveillance par l’altimétrie satellitaire (figure 8). Cette élévation est due pour partie à la dilatation de l’eau de mer du fait de son réchauffement, et pour partie à l’augmentation de la masse des océans qui se fait aux dépens des nappes phréatiques terrestres, des glaciers et des calottes glaciaires.
Il est remarquable qu’avec l’outil satellitaire Grace et les mesures de température en profondeur par le système de flotteurs dérivants Argo, on est maintenant capable de combiner ces deux processus indépendants l’un de l’autre, pour retrouver le niveau marin avec une excellente précision (figure 8), ce qui indique la robustesse de cet indicateur.
Fig 8 : rôles respectifs de l’expansion thermique de l’eau et de l’augmentation de la masse des océans par apport d’eau douce dans la montée du niveau des océans. (Source : NASA)
La distribution globale des pluies est affectée par la situation climatique du Pacifique tropical : en période El Niño, les précipitations se font davantage sur les océans, tandis qu’elles ont lieu davantage sur les terres émergées en situation La Niña. C’est cette dernière situation qui a prévalu en 2021, et le stock d’eau sur les terres émergées devrait donc être anormalement élevé. Lorsqu’un retour à des conditions El Niño aura lieu, peut être en 2022, ce stock terrestre diminuera (par évapotranspiration et par l’écoulement des fleuves), il faudra s’attendre à une accélération particulièrement forte de la montée du niveau marin.
La cryosphère
La superficie de la calotte glaciaire de l’Arctique en 2021 a été très inférieure à celle de la période 1980 – 2010, mais a été légèrement supérieure à celle des années précédentes, tandis que celle de l’Antarctique évolue peu (figure 9). De la pluie est tombée sur les plus hauts sommets du Groenland le 15 août, ce qui n’avait jamais été observé auparavant.
Fig 9 : évolution de la superficie des calottes glaciaires polaires (Source : State of Global Climate 2021, WMO provisional report).
La masse des glaciers diminue globalement d’année en année, comme on peut le voir pour l’Antarctique (figure 10) et pour une sélection de 40 glaciers de montagne (figure 11).
Fig 10 : changement de masse de la calotte de glace de l’Antarctique, estimée par le satellite GRACE.
Fig 11 : évolution de la masse des glaciers d’après un lot de 40 glaciers de référence. (Source : World Glacier Monitoring Service).
Le gaz carbonique
Après une légère diminution causée par la pandémie du COVID-19, les émissions de gaz carbonique dues à la combustion du carbone fossile ont retrouvé leur niveau des années précédentes, avec un total estimé à 36,4 GT en 2021 (figure 12). Ces émissions représentent 89% des rejets de gaz carbonique, les 11% restants étant dus au changement d’usage des sols. 48% des émissions totales restent dans l’atmosphère, tandis que 29% sont absorbés par la biomasse terrestre et 26% par les océans.
Fig 12 : émissions de gaz carbonique par combustion de carbone fossile depuis 1990 (Source : Global Carbon Project)
La concentration en gaz carbonique de l’atmosphère à la station de référence de Mauna Loa (Hawaï) en décembre 2021 s’élevait à 417 parties par million (corrigée des variations saisonnières). L’accroissement par rapport à 2020 est de 2,5 parties par million.
Événements remarquables
Incendies
En été de l’hémisphère nord, des incendies catastrophiques se sont propagés en Grèce, en Colombie Britannique.
Précipitations - sécheresses
Une dépression qui a lentement traversé la Belgique et l’Allemagne y a déversé d’énormes quantités d’eau qui ont balayé des habitations, des infrastructures et fait 200 morts. L’Ouganda a aussi subi des inondations catastrophiques. La figure 13 montre que les cumuls annuels de pluie ont été anormalement élevés en Chine et dans les zones équatoriales. La sécheresse a été très prononcée au Canada, dans une grande partie du Brésil, autour de la Méditerranée, et au sud de Madagascar.
Fig 13 : anomalies de précipitations pour la période de janvier à septembre 2021. (Global Precipitation Climatology Centre (GPCC), Deutscher Wetterdienst, Germany)
Tempêtes tropicales et cyclones tropicaux
La saison des cyclones dans l’Atlantique tropical a été particulièrement active, avec 21 tempêtes dont 7 au niveau cyclonique, ce qui en fait la troisième année pour le nombre de tempêtes identifiées. Le Pacifique nord-est a subi lui aussi une activité cyclonique supérieure à la normale. Les nombres de cyclones dans l’Océan Indien, et dans le Pacifique sud-ouest sont restés conformes à ceux d’années normales, tandis que dans le Pacifique nord-ouest, il y a eu moins de cyclones qu’habituellement.
Conclusion
L’année 2021 ne s’inscrit pas dans le changement climatique en cours comme l’année de tous les records. Elle s’inscrit toutefois dans ce changement avec des températures élevées, nombre de records régionaux ou saisonniers, et une hausse du niveau marin qui ne ralentit pas.
À quoi pouvons nous nous attendre en 2022 ?
Le précédent record de la température moyenne globale date de 2016. Compte tenu de la tendance actuelle au réchauffement, il est très possible qu’il soit dépassé en 2022, surtout si un épisode El Niño se déclare dans les prochains mois.
La publication du 6ème rapport du GIEC a été très commentée, et le réchauffement global et ses conséquences sont devenus omniprésents dans les médias, les ONG qui s’occupent de l’environnement, et même les politiques poussés par les citoyens.
Cette pression aboutira-t-elle enfin à des mesures efficaces pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre ? La guerre en Ukraine et l'arrêt des fournitures de gaz à l'Europe par la Russie risquent de nous contraindre à de telles restrictions que nous le voulions ou pas.
Ce rapport souligne la menace, insuffisamment portée à la connaissance du public jusqu’à présent, que constitue le méthane, un gaz à effet de serre heureusement à courte durée de vie, mais 28 fois plus puissant que le gaz carbonique. Ce méthane est émis principalement par l’agriculture, et aussi lors de fuites sur les sites d'exploitation pétrolière & gazière, ou lors du transport du gaz naturel, et, de plus en plus, par les pergélisols des latitudes élevées que le réchauffement climatique déstabilise. C’est là aussi un élément du système climatique qu’il faudra suivre de près dans les prochaines années.
Les indices climatiques 2020
Yves Dandonneau.
Sommaire
La température
Le contenu thermique océanique
Le niveau de la mer
El Niño
La cryosphère
Le gaz carbonique
Événements remarquables
Conclusion
La température
En 2020, la température moyenne globale à la surface de la Terre a été de 1,2°C plus chaude que la moyenne des années 1850 à 1900. Elle prend la deuxième place parmi les années les plus chaudes, à seulement 0,02°C de 2016, qui reste la plus chaude jamais enregistrée. Tandis que la concentration en gaz carbonique, principal gaz à effet de serre, s’accroît régulièrement d’année en année, la température moyenne globale augmente de façon irrégulière (figure 1). La première cause d’irrégularités est liée à l’occurrence du phénomène El Niño, qui, lorsqu’il se produit, réchauffe de plusieurs degrés une très vaste partie de l’Océan Pacifique tropical. On voit ainsi sur la figure 1 que les années El Niño en 2016, 2010, 1998 et 1983, sont marquées par des hausses de température rapides. En 2020 au contraire, des conditions opposées, dites «La Niña» ont maintenu sur le Pacifique équatorial des températures basses. Les grandes éruptions volcaniques sont une autre cause d’irrégularités dans la croissance de la température moyenne globale : elles projettent en effet jusqu’à la stratosphère de grandes quantités de cendres qui, en réfléchissant vers l’espace une partie du rayonnement solaire, refroidissent le climat.
Fig 1 : évolution de la température moyenne globale depuis 1880 (source NOAA). Les flèches ajoutées rouges indiquent le forts évènements El Niño, les flèches noires les grandes éruptions volcaniques.
Le réchauffement n’affecte pas uniformément la surface de la Terre.
Certaines parties de l’océan ont même été moins chaudes en 2020 que précédemment (figure 2) :
- le sud de l’Océan Indien,
- l’Atlantique nord ouest,
- et le Pacifique équatorial, ce dernier en raison de forts alizés correspondant à des conditions La Niña dans cette région.
Sur les terres émergées, à l’exception du Canada, le réchauffement est quasi général, et atteint des valeurs record en Sibérie où le risque d’un dégel de grande ampleur est l’émission de méthane, qui est un puissant gaz à effet de serre.
Fig. 2 : distribution du réchauffement observé en 2020 à la surface de la Terre par rapport à la moyenne de 1981 à 2010 (Centre Européen de prévisions météorologiques).
En France, deux épisodes de canicule ont sévi fin juillet et à la mi-août. Ce dernier, un peu moins long que celui de 2003, a été marqué par des températures aussi élevées, et a aussi concerné d’autres pays d’Europe du nord ouest : la Belgique, les Pays Bas et le Royaume Uni.
Le contenu thermique océanique.
Les océans emmagasinent plus de 90 % de la chaleur gagnée par la Terre du fait de l’effet de serre.
Le contenu thermique des océans a continué de croître en 2020. C’est surtout les couches proches de la surface qui ont gagné de la chaleur, mais cette chaleur pénètre aussi les couches de 500 à 1500 m de profondeur, et de façon moins perceptibles celles au-delà de 1500 m (figure 3). La distribution des différences par rapport à 2019 est une résultante caractéristique des conditions La Niña qui ont régné en 2020 dans le Pacifique tropical, avec de forts vents alizés qui entraînent la chaleur accumulée aux basses latitudes par les eaux superficielles vers le Pacifique tropical ouest, dans une région nommée la «warm pool» (figure 4).À noter également la persistance d’un refroidissement marqué de l’océan dans l’Atlantique nord, qui explique le refroidissement dans cette région de la température moyenne à la surface de la Terre (figure 2).
Fig 3 : évolution du contenu thermique (ZJ) des océans dans la couche superficielle et dans les couches plus profondes (Chen et al., advances in atmospheric sciences).
Fig 4 différence de contenu thermique des océans entre 2019 et 2020
(Chen et al., advances in atmospheric sciences).
Le niveau de la mer
Depuis 1993, le niveau des océans s’est élevé d’un peu plus de 90 mm, soit à une vitesse moyenne de 3,29 mm/an. Le niveau le plus élevé a été estimé en juillet 2020, suivi par une légère baisse due principalement aux conditions La Niña qui se sont ensuite établies sur le Pacifique équatorial (figs 5, 6). Dans ces conditions en effet, l’intensification des vents alizés entraîne les eaux chaudes de surface vers l’ouest et crée une vaste échancrure (fig 7) le long de l’équateur où viennent affleurer des eaux profondes froides et plus denses.
Fig 5 : évolution du niveau moyen des océans (mm) depuis 1993.
El Niño
Comme on l’a vu pour les indices précédents, l’état du Pacifique tropical, soumis à la variabilité liée au phénomène El Niño, a une forte influence sur les moyennes globales.
L’année 2020 a débuté avec un indice ENSO modérément élevé dans des conditions qui pouvaient conduire à un événement El Niño, avec un réchauffement du Pacifique équatorial. Cela ne s’est pas produit, et il y a eu au contraire au deuxième semestre 2020 un renforcement des Alizés qui a entraîné des conditions froides de type La Niña avec une reprise de l’upwelling équatorial et un niveau marin bas (figs 6, 7).
Fig 6 : anomalies de niveau marin et d’indice ENSO normalisés de 2018 à 2020
(zone Niño 3-4, données AVISO).
Fig 7 : anomalies de température de la surface de l’océan en novembre 2020.
Le bulletin du Climate Prediction Center de la National Oceanic and Atmospheric Administration indique une probabilité de 60 % qu’un retour à des conditions intermédiaires entre El Niño et La Niña ait lieu au printemps 2021.
La cryosphère
Le retrait de la banquise de l’Océan Arctique se poursuit. L’étendue maximale observée en général à la fin de l’hiver au mois de mars diminue depuis 1980 au rythme d’environ 40 000 km² par an, avec une forte variabilité inter annuelle (figure 8).
Les étendues maximales observées en 2019 et 2020 ne s’inscrivent pas parmi celles où la banquise d’hiver a été la moins étendue. En fin d’été, cette superficie a atteint en septembre 2020 la deuxième valeur la plus basse jamais enregistrée (la plus basse est celle atteinte en 2012). En Antarctique au contraire, que ce soit en fin d’été ou d’hiver, il n’apparaît pas de tendance à une augmentation ni à une diminution de la surface de la banquise (fig 8 ).
Fig 8 : évolution de la surface de la banquise en Arctique (à gauche) et en Antarctique (à droite) en septembre (rouge) et en mars (bleu).
La masse des glaciers du Groenland a diminué de 152 GT en 2020. Les pertes se font principalement par vêlage de ces glaciers lorsqu’ils débouchent sur la mer, car le bilan de surface reste positif, les précipitations l’emportant sur la fusion et l’évaporation (figure 9). Le franchissement d’un point de non retour a été proclamé à la fin de l’été 2020, concernant les glaciers périphériques de la côte est du Groenland, dont l’écoulement ne serait désormais plus freiné par la présence de glace de mer en été.
Fig 9 : évolution du bilan de masse des glaciers du Groenland. En bleu, bilan de surface (précipitations moins évaporation et fonte). En vert, écoulement des glaciers. En rouge, bilan global.
Le gaz carbonique
L’année 2020 a été marquée par un fort ralentissement de l’activité humaine, qui a eu comme conséquence une baisse des émissions de gaz carbonique, estimée à 6,7 %. En 2019, ces émissions avaient atteint un niveau record. Pour significative qu’elle soit, la baisse des émissions de 2020 n’a pas encore eu d’effet visible sur l’évolution de la concentration en gaz carbonique de l’atmosphère (figure 10) qui continue de croître au rythme d’environ 2,3 ppm/an.
Fig 10 : émissions de gaz carbonique depuis 1960. La valeur indiquée pour 2020 est une estimation (Global Carbon Budget). En encart : évolution de la teneur en gaz carbonique de l’atmosphère au cours des trois dernières années.
Les estimations de la baisse des émissions en 2020 selon les grands émetteurs sont de -1,7 % pour la Chine, -12,2 % pour les États Unis, -11,3 % pour l’Europe, et -9,1 % pour l’Inde.
Événements remarquables
Incendies de forêts
L’année 2020 a débuté alors que les gigantesques incendies de forêts dans l’est de l’Australie n’étaient pas encore contrôlés. Une sécheresse marquée dans l’ouest des États Unis d’Amérique y a favorisé les incendies les plus ravageurs jamais observés.
Tempêtes tropicales et cyclones tropicaux
Leur nombre a été plus élevé que la normale avec 103 tempêtes tropicales identifiées dans les deux hémisphères. Dans l’Atlantique nord en particulier, 30 tempêtes ont frappé, et comme il est de coutume de les nommer selon l’ordre alphabétique au fur à mesure qu’ils y apparaissent, il a fallu désigner les quatre derniers par des lettres grecques : un record ! Dans les autres régions favorables au développement des cyclones, ceux ci ont été plus nombreux que la moyenne au nord de l’Océan Indien et dans le Pacifique sud ouest, moins nombreux ailleurs.
On attend les grandes manœuvres
Après la décevante Cop 25 qui s’est tenue à Madrid fin 2019, la Cop 26 a été reportée à la fin de 2021 en raison de la pandémie de Covid19.
L’année 2020 n’est pas toutefois une année blanche : l’élection d’un nouveau président aux États Unis d’Amérique promet un retour de ce pays dans les accords de Paris, qui, espérons le, redynamisera les débats lors de la prochaine Cop.
D’autre part, un peu partout dans le monde, les gouvernements sont pressés d’agir pour le climat par les citoyens. Les récentes condamnations pour «inaction» des Pays Bas et de la France sont symptomatiques à cet égard. En France, la Convention Citoyenne pour le Climat est une initiative inédite qui a pour le moins contribué à porter la question climatique aux premières pages de l’actualité. Se préoccuper du climat est désormais impératif pour tout candidat à des élections nationales.
Conclusion
Le changement climatique causé par l’activité humaine continue son cours.
Dans cette même rubrique après l’année 2019, la conclusion était que
«Les émissions de CO2 continuent à un rythme inchangé, et le climat continue de se réchauffer, avec ses conséquences : le niveau marin et le contenu thermique des océans sont en hausse, et la masse des glaciers continentaux se réduit de façon continue. Davantage soumis à la variabilité inter annuelle, la température moyenne globale, et la surface des calottes polaire, n’ont pas atteint des valeurs record cette année. À suivre ».
Cette conclusion pourrait rester inchangée pour 2020, si l'on excepte que les émissions de CO2 qui ont baissé en 2020 du fait de la pandémie et de la mise en sommeil de l'économie.
2020 a été une année très chaude, avec de nombreux cyclones et des incendies de forêts dévastateurs, sans Cop, ni décision politique majeure.
Indices climatiques 2019
Yves Dandonneau.
Sommaire
La température
Le contenu thermique océanique
El Niño
Le niveau de la mer
Les calottes polaires
Groenland et glaciers continentaux
Le gaz carbonique
Événements remarquables
La COP 25
Conclusion
La température
La température moyenne globale à la surface de la Terre en 2019 a été de 0,98°C plus chaude que la moyenne des années 1951 à 1980 d’après l’analyse GISTEMP de la NASA (fig1). Elle prend ainsi la place de deuxième année la plus chaude depuis les enregistrements modernes, après l’année 2016 qui avait vu une grande partie de l’Océan Pacifique tropical être touchée par des températures anormalement chaudes du fait d’un événement El Niño marqué. Plusieurs agences analysent l’évolution de la température à la surface de la Terre. Elles aboutissent à un classement identique, et montrent au cours des quatre dernières décennies un réchauffement global à la vitesse de 0,02 °C par an.
Fig. 1 : Évolution de la température moyenne globale depuis 1880
Comme observé lors des années précédentes, le réchauffement est beaucoup plus rapide dans les régions polaires, surtout en arctique, que sur le reste du globe (fig. 2).
Fig.2 : Distribution du réchauffement observé en 2019 à la surface de la Terre par rapport à la moyenne de 1981 à 2010 (Centre Européen de prévisions météorologiques).
En France, l’événement le plus remarquable a été la vague de chaleur qui a sévi du 21 au 26 juillet, au cours de laquelle les températures enregistrées ont battu des records sur une large partie du territoire. A Lille notamment, le précédent record égal à 37,6°C, qui datait de 2018, fut largement dépassé 41,5°C.
Le contenu thermique océanique
Du fait de l’augmentation de l’effet de serre, la Terre accumule de l’énergie sous forme de chaleur. La majeure partie de ce gain de chaleur (93 %) est captée par les océans où il pénètre en profondeur. Le suivi du contenu thermique des océans est possible grâce aux mesures de température effectuées lors des campagnes océanographiques, et est devenu beaucoup plus précis depuis le déploiement en 2000 du réseau de sondes ARGO qui réalisent en routine partout dans l’océan des profils verticaux de température jusqu’à 2000 m de profondeur (4000 m pour certains flotteurs) et transmettent les résultats par satellite. Le contenu thermique de l’océan a pu être estimé depuis 1958 où le nombre de mesures est devenu suffisant. Il augmente, et cette augmentation s’est accélérée à partir de 1987 environ (fig. 3). Il est à noter que les variations inter annuelles, probablement dues à l’échantillonnage irrégulier par les campagnes océanographiques n’apparaissent pratiquement plus à partir de 2002 grâce au déploiement du réseau ARGO (fig. 3). Ainsi, les cinq années où le contenu thermique des océans a été le plus élevé sont, sans surprise, dans cet ordre : 2019, 2018, 2017, 2016 et 2015.
Par rapport à la période 1980 – 2010, l’océan s’est réchauffé assez uniformément dans tous les bassins. Au cours de l’année écoulée, le gain de chaleur entre la surface et 2000 m s’est porté principalement sur l’Océan Indien, l’Océan Pacifique nord, et l’Océan Atlantique, tandis que l’Océan Pacifique équatorial et le Pacifique tropical nord ont perdu de la chaleur (fig. 4). Il est à noter que ce réchauffement des océans se traduit par une moindre solubilité de l’oxygène dans l’eau de mer, et donc par une perte d’oxygène des océans au profit de l’atmosphère.
Fig. 3 : Évolution du contenu thermique des océans de 1958 à 2019.
Fig. 4 : Gain de contenu thermique de l’océan entre 2018 et 2019.
El Niño
La température de surface de l’Océan Pacifique équatorial montre des anomalies légèrement positives mais qui restent très inférieures à celles de l’épisode El Niño de 2016 qui a eu des conséquences climatiques importantes. En particulier, de fortes anomalies positives de température dans une zone aussi vaste ont un impact sur le calcul de la température moyenne globale de l’année en cours. Ainsi, correspondant au fort épisode El Niño de 2016, l’année 2016 reste en tête du classement des années les plus chaudes. Rien de tel en 2019 : le Pacifique équatorial ne s’est pas éloigné d’un état moyen entre El Niño et La Niña.
Fig.5 : Anomalie de température depuis 2000 dans la zone Nino 3.4.
Le niveau de la mer
La hausse du niveau marin déjà détectée à la fin du 20ème siècle se poursuit régulièrement et tend même à s’accélérer. Au cours des 27 dernières années, le niveau s’est élevé à la vitesse moyenne de 3,24 ± 0,3 mm/an, mais la vitesse de la montée des océans s’accélère : +45 mm de 2009 à 2019. Les dernières années montrent une progression très régulière. Pour rappel, cette hausse du niveau marin est due à l’expansion thermique en réponse au réchauffement, à la fonte des glaciers continentaux, et aux variations du stockage d’eau sur les continents.
Fig.6 : Évolution du niveau des océans depuis 1993
(ESA , CMEMS : Copernicus ; en rouge pour l'année 2019 : mesures du satellite Jason 3).
Les banquises polaires
La superficie de la banquise arctique se réduit avec le réchauffement climatique, et montre depuis 2006 un fort recul en été. L’année 2019 confirme cette tendance, elle n’atteint pas le record de recul de 2012 (fig. 7), mais présente à la fin de l’été une superficie très réduite par rapport à la moyenne de 1981 à 2010 (fig. 8).En Mars, qui est le mois de maximum d’extension de la glace, une diminution est aussi observée, mais elle est inférieure à celle de l'été.
Fig.7 : Évolution de la surface de la banquise arctique : extensions maximale en mars (bleu) et minimale en septembre (rouge)
Fig.8 : Extension de la banquise arctique en septembre 2019.
La réduction de la banquise antarctique est beaucoup moins marquée.
Groenland et glaciers continentaux
Le bilan des précipitations neigeuses du Groenland a été de 169 GT seulement, alors que la moyenne de 1981 à 2010 a été de 328 GT. Ce bilan a été le plus faible en 2012 (fig.9). Les pertes moyennes par vêlage des glaciers étant estimées à 498 GT/an, la réduction de la masse glaciaire du Groenland est donc d’environ 329 GT pour l’année 2019.
Fig.9 : Comparaison du bilan de masse neigeuse au Groenland en 2019 par rapport à la moyenne de 1981 à 2010, et à l’année record de 2012.
Les autres glaciers pour lesquels on dispose d’observations perdent eux aussi de la masse chaque année. 2019 est la trente deuxième année consécutive de réduction de ces glaciers fig.10).
Fig.10 : Évolution du bilan de masse neigeuse des principaux glaciers terrestres (en bleu) et effet cumulatif sur la masse glaciaire (en rouge).
Le gaz carbonique
La croissance de la concentration en gaz carbonique de l’atmosphère se poursuit à un rythme inchangé (fig.11). Nous sommes en route pour bientôt atteindre 410 parties par million. Cette concentration était avant l’ère industrielle d’environ 280 ppm, et le «doublement» de cette concentration, soit 560 ppm, sur lequel reposent certaines des interrogations des climatologues, se rapproche.
Fig.11 : Concentration en gaz carbonique de l’atmosphère.
Fig.12 : Évolution des émissions de gaz carbonique (d’après Global Carbon Budget).
Les émissions de CO2 en 2019 ont atteint un niveau à peu près équivalent à celles de 2018 (fig. 12), soit 36,4 GT (ou 9,9 GT de carbone), ce qui représente une augmentation de 61 % par rapport aux émissions de 1990.
Si les émissions totales semblent s’être stabilisées globalement en 2019, elles ont cru en Chine et en Inde, tandis qu’elles ont diminué aux Etats Unis d’Amérique et dans l’Union Européenne (table 1).
Table 1 : Émissions de gaz carbonique par grande région en 2019
Événements remarquables
Incendies de forêts
Le déclenchement d’incendies de forêts nécessite une combinaison de plusieurs facteurs tels que la présence en abondance de biomasse sèche, du vent, et des imprudences. Le réchauffement climatique à lui seul ne suffit pas, mais il les favorise. 2019 a vu de très nombreux incendies se déployer dans des régions habituellement préservées de telles catastrophes (fig.13). Ainsi, le Groenland et l’Alaska, probablement les derniers endroits où on s’attendrait à en voir, ont été touchés. Ils ont été particulièrement étendus et nombreux en Sibérie, et aussi en Indonésie, en Afrique subsaharienne et au Brésil. Toutefois, dans ces trois dernières régions où les feux de défrichement sont traditionnels, 2019 ne se distingue pas particulièrement des années précédentes. Ces incendies ont été particulièrement dévastateurs en Californie et en Australie.
Fig.13 : Incendies de forêts en 2019.
Les grandes manœuvres
Initiative de la nouvelle Commission européenne d’un «green deal»
Il s’agit de définir et mettre en place un ensemble de résolutions visant à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050, afin de permettre une transition écologique radicale du Vieux Continent.
La COP 25
Initialement prévue au Chili, cette 25ème conférence des parties s’est finalement tenue à Madrid du 2 au 14 décembre 2019. Avec le slogan «Time for action», son objectif était de faire progresser les accords internationaux après l’Accord de Paris, afin de lutter contre le changement climatique. Elle a été marquée par une incapacité à avancer, en décalage avec l’appel constant des jeunes, des scientifiques, à agir face à l’urgence climatique. Comme attendu, les grands pays émetteurs de CO2 (États-Unis, Australie, Brésil) ont bloqué les négociations, souvent rejoints hélas par des pays dont on attendait davantage (Canada, Japon, Chine, Inde). Il a fallu une alliance progressiste de petits Etats insulaires et de pays européens, africains et latino-américains, et une prolongation la COP de 42 heures pour parvenir la signature d’un accord minimal avec des pays plus divisés que jamais sur des sujets clés.
Conclusion
Les émissions de CO2 continuent à un rythme inchangé, et le climat continue de se réchauffer, avec ses conséquences : le niveau marin et le contenu thermique des océans sont en hausse, et la masse des glaciers continentaux se réduit de façon continue. Davantage soumises à la variabilité inter annuelle, la température moyenne globale, et la surface des calottes polaire, n'ont pas atteint des valeurs record cette année. À suivre.
Les bilans climatiques depuis 2012
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Mise à jour annuelle.