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Embarquez avec des scientifiques, des ingénieurs et des marins pour une navigation-exploration des relations avec l'océan, le climat et les énergies marines dans la perspective du changement climatique 

 
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Lors de sa création, le Club des Argonautes s’est concentré sur l’explication des mécanismes du climat, et aussi sur les arguments destinés à contrer les déclarations des climatosceptiques. Vingt ans plus tard, le changement climatique est devenu une réalité admise par une très forte majorité, et les invectives des climatosceptiques sont stériles. En témoigne un article paru dans «Climate» (et non pas dans «Journal of Climate!») qui attribue le changement climatique aux variations du rayonnement solaire : cet article, violemment contré par Gavin Schmidt, fera sans doute le buz chez les climatosceptiques dont la motivation principale est : «nous ne voulons pas changer de mode de vie». Le débat n’est donc pas sur la contestation de la science, et le site web des Argonautes va évoluer vers un blog présentant des articles généralement courts, sur des sujets divers liés au climat, et sur des résumés des discussions que nous avons chaque mois, autour des articles récemment parus, des décisions et prises de positions relatives au climat, et des événements climatiques remarquables.

Yves Dandonneau

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Mars 2024

Pour cette deux cent deuxième réunion, une visite qui nous a fait plaisir et honneur : Karina Von Schuckmann nous a rejoints en vidéoconférence pour nous parler du déséquilibre énergétique de la Terre. Après des études à Kiel en Allemagne, elle a travaillé à l’IFREMER, puis rejoint Mercator-Océan où elle travaille actuellement. Elle y a été notamment chargée de piloter la rédaction des Rapports sur l’État de l’Océan produits pour le Service Copernicus de surveillance de l’environnement marin. Elle a reçu récemment le prix Gérard Mégie de l’Académie des Sciences.

Le déséquilibre énergétique de la Terre

La Terre reçoit de l’énergie du Soleil, principalement sous forme de lumière visible, et elle émet elle même un rayonnement infra-rouge vers l’espace. Sous un climat en équilibre, ces deux quantités d’énergie sont égales. Mais à cause principalement de l’augmentation de la concentration en gaz à effet de serre dans l’atmosphère, le rayonnement émis est plus faible que le rayonnement reçu, et notre climat se réchauffe.
Ce déséquilibre énergétique de la Terre, souvent désigné par EEI (Earth Energy Imbalance) peut être estimé à partir de l’Espace grâce aux mesures directes du rayonnement solaire incident et réfléchi et du rayonnement infrarouge émis au sommet de l’atmosphère. De telles mesures sont réalisées depuis 2000 par les radiomètres du satellite CERES de la NASA. Un simple coup d’œil à une photo de la Terre vue depuis l’espace montre combien cette tâche est difficile : la Terre n’a rien d’une surface homogène, et selon la nature de sa surface, elle réfléchit plus ou moins le rayonnement solaire. Les nuages en particulier, très réfléchissants, apparaissent en blanc, et leur répartition change sans cesse.
On peut aussi l’estimer par modélisation, en décortiquant pour chaque élément de surface les très nombreux processus par lesquels s’effectue le transfert de l’énergie. Une autre approche consiste à faire l’inventaire des différents réservoirs de chaleur du système climatique (océans, qui emmagasinent plus de 90 % de la chaleur en excès, atmosphère, cryosphère, sols, chaleur utilisée pour évaporer l’eau ou fondre les glaces) et à suivre l’évolution de cet inventaire. Enfin, le suivi de la hausse du niveau marin, qu’on connaît avec précision grâce aux altimètres embarqués sur des satellites, apporte une forte contrainte pour ces estimations : cette hausse est due, d’une part à la fonte des calottes glaciaires, et d’autre part à la dilatation de l’eau de mer à cause de son réchauffement, que l’on observe correctement depuis l’an 2000 entre la surface et 2000 m de profondeur grâce au réseau de flotteurs ARGO (environ 4000 répartis dans l’océan mondial).
L’incertitude sur les estimations de l’EEI est très élevée, à cause de la variabilité des nuages, du manque de connaissances sur les aérosols qui réfléchissent (ou, pour certains, absorbent) le rayonnement solaire, et à cause de la difficulté d’estimer le contenu de chaleur et les flux de chaleur mis en jeu par les changements d’état de l’eau. De plus, ce déséquilibre n’est qu’une petite fraction des flux d’énergie incident ou sortant du système climatique : seulement 1 Wm-2 alors que le rayonnement solaire fournit à la Terre 340 Wm-2. Les études récentes montrent que l’EEI augmente lentement, probablement en réponse aux émissions de gaz à effet de serre, et surtout à l’accélération de ces émissions (Figure 1). Ce déséquilibre peut être interprété comme une mesure de la partie du forçage anthropique à laquelle la Terre n’a pas encore répondu : c’est la quantité la plus pertinente pour définir les perspectives de poursuite du changement climatique. La hausse de la température moyenne à la surface du globe est la donnée qui retient le plus notre attention, mais seule la connaissance des termes de ce déséquilibre a permis de comprendre pourquoi cette hausse de la température a marqué une pause vers 2010 (le «hiatus») et permettra de connaître les causes de la brusque augmentation de la température moyenne globale, toujours en cours, en mars 2023. Les progrès espérés pour mieux estimer l’EEI reposent surtout sur l’amélioration des systèmes d’observation : identifier et quantifier les aérosols, mieux observer les zones polaires (mal observées par les satellites à orbite inclinée) et les masses glaciaires, étendre les mesures de température de l’océan au-delà de 2000 m de profondeur.

toa radiation

d’après Loeb et al., 2021
Figure 1 : évolution du déséquilibre énergétique de la Terre estimé par les mesures radiométriques du satellite CERES et par des inventaires des réservoirs de chaleur du système climatique.

Moins de neige, moins de glace, le niveau marin qui s’élève...

Le réchauffement du climat ne fait pas l’affaire des stations de sports d’hiver. Malgré un retour des précipitations cet hiver, elles ont souvent manqué de neige et ont du garnir leurs pistes de neige artificielle. Les dirigeants de ces stations s’organisent : ne pas trop en parler pour garder la confiance des amateurs de sports d’hiver. Dans certains cas, des solidarités se mettent en place, sous forme d’un partage des aléas financiers liés au climat : des stations pénalisées par une perte d’enneigement prononcée recevraient une aide de la part d’autres stations, plus chanceuses.
Chaque mois sortent des dizaines d’articles dans des revues scientifiques qui décrivent la perte de masse des calottes glaciaires et comment, au contact d’un océan qui s’élève et se réchauffe, l’écoulement des glaciers des zones polaires accélère. L’eau de mer, qui se réchauffe légèrement, fait fondre la glace et parvient à pénétrer sous les glaciers. Ceux ci, qui achevaient leur descente sur un socle rocheux, sont moins retenus par la friction sur le fond et avancent maintenant plus vite, faisant craindre une accélération de la hausse du niveau marin. La plupart de ces articles s’appuient sur des études locales, qui concernent quelques glaciers. Certains sont très alarmistes. Une vision d’ensemble manque encore.
La montée du niveau marin menace les zones en bord de côte, et notamment les zones construites et les villes. À quelle montée doit on s’attendre pour la fin du siècle ? 60 cm ? Aux Pays Bas, des digues peuvent résister à des hausses exceptionnelles de 5 mètres. Mais se barricader derrière des digues ne résout pas tous les problèmes. Au fur et à mesure que le niveau des mers s’élève, il devient de plus en plus difficile et coûteux d’évacuer les eaux de pluies en cas de très fortes précipitations. Que penser alors d’un projet que certains auraient en tête qui consisterait à dresser une gigantesque digue, d’une part entre la Bretagne et la Cornouaille, et d’autre part entre l’Écosse et le Danemark, afin d’arrêter la hausse du niveau marin en Manche et en Mer du Nord et ainsi protéger d’un seul coup (mais quel coup!) les villes et ports côtiers de la région ? Après quoi il faudra penser à évacuer les eaux apportées par le Rhin, la Seine et la Tamise, et autres fleuves côtiers de moindre débit.
La fonte des glaces ne fait pas qu’alimenter la montée du niveau marin, elle apporte aussi de l’eau douce dans les océans et les courants marins s’en trouvent modifiés. D’après une étude publiée tout récemment par le Copernicus Marine Service, la masse d’eau froide et peu salée au nord-est de l’Atlantique qui en résulte renforce le front qui sépare les eaux subpolaires des eaux subtropicales, et ce front tend à se renforcer et à remonter vers le nord. L’été suivant, il dévie les vents d’ouest de basse altitude vers le nord et une anomalie chaude accompagnée de sécheresse s’installe sur l’Europe : de meilleures prévisions à moyen terme ? À suivre...

Transition écologique : coups de frein

Pièce maîtresse de la transformation durable des entreprises en Europe, le projet de directive sur le devoir de vigilance, a été bloqué par 14 états membres de l’Europe. En réponse à la crise agricole qui a éclaté en France et dans d’autres pays, les politiques ont fait machine arrière sur des mesures en faveur de la transition écologique. Et ce ne sont pas les partis populistes en pleine ascension qui redresseront la barre. Faudra-t-il prochainement une série de catastrophes climatiques pour que les sociétés reprennent une route plus raisonnable pour restaurer la biodiversité et s’adapter au changement climatique ?

À quoi ressemblent les «rivières atmosphériques» ?

Un nouveau terme est apparu depuis quelques années dans les nouvelles qui concernent le climat, et en particulier les inondations : celui de «rivières atmosphérique». Invisibles, celles ci sont difficiles à imaginer. Le concept est pourtant simple : il s’agit de vents organisés en grands courants aériens, qui transportent beaucoup de vapeur d’eau. Une superbe rivière atmosphérique nous a amené des pluies abondantes en février dernier (figure 2). On peut les visualiser facilement sur des cartes de contenu en vapeur d’eau de l’atmosphère sur ce site. Elles se manifestent par de longues branches, dans lesquelles les structures de grande échelle dominent, émises depuis la zone équatoriale très chargée en humidité.

 

vapeur eau atmosphere

Figure 2 : contenu en vapeur d’eau de l’atmosphère le 19 février 2024. Une une branche issue de l’Atlantique équatorial transporte de l’humidité jusqu’en Europe de l’ouest.

Monnaies virtuelles et consommation d’énergie

Les monnaies virtuelles donnent parfois l’impression qu’il ne s’agit que d’une toquade lorsque leur cours baisse, et font figure de solution d’avenir lorsqu’il remonte. En attendant, elles coûtent cher en énergie : le seul Bitcoin en consonne à peu près autant qu’un pays comme la Hollande! Le besoin d’énergie vient des calculs qui vérifient et valident la création des Bitcoins et les transactions réalisées avec eux. Ces calculs reposent sur des codes qui n’ont aucunement été conçus avec un souci d’économie d’énergie. Cette voracité énergétique peut pourtant sans doute être, sinon évitée, du moins ramenée à des valeurs plus raisonnables : l’Ethereum, une autre monnaie virtuelle, consomme proportionnellement dix fois moins d’énergie que son rival le Bitcoin.

Réparer le climat : de bonnes affaires en vue

Le XPRIZE Carbon Removal, soutenu par Elon Musk et sa fondation, destiné à soutenir des projets de capture du carbone atmosphérique, a attiré 1300 candidats, parmi lesquels 300 se disent déjà prêts à commencer dès 2024. À la clé, l’espoir d’engranger des crédits. Il est à craindre que des pays se laissent convaincre de l’efficacité de leurs propositions et les financent. Ce qui s’est passé au cours de la dernière décennie n’encourage pas à la confiance. Les plantations de forêts réalisées par des sociétés pour compenser des émissions de carbone fossile ont trop souvent été conduites dans de très mauvaises conditions. Beaucoup des méthodes proposées soulèvent de fortes réserves de la part des scientifiques, et la vigilance s’impose.
Le Time magazine a ainsi décerné le titre de «meilleure invention en 2023 dans la catégorie soutenabilité» à un projet consistant à précipiter les ions bicarbonate de l’eau de mer sous forme de calcaire, par stimulation électrique. Le calcaire ainsi formé est retiré du milieu réactif océan–atmosphère, et constituerait donc un puits de carbone. Ceci n’est pas nouveau. C’est la technique utilisée pour fabriquer du récif artificiel. Le problème est que cela retire bien des ions bicarbonate de l’eau de mer, mais ne favorise pas l’absorption de gaz carbonique par l’océan. Au contraire, comme c’est le cas pour la fabrication de coquilles par les mollusques marins, ou de pièces calcaires par les coccolithophoridésdes, ce processus s’accompagne d’une augmentation de la concentration en gaz carbonique de l’eau de mer. La pression partielle de ce gaz dans l’eau devenant alors supérieure à celle dans l’atmosphère, la mer devient émettrice de gaz carbonique : un résultat contraire à celui promis.

Réchauffement des océans : où en sommes nous ?

Le réchauffement est général ; presque partout, la température de surface des océans est plus chaude que la moyenne des 30 dernières années, et elle est particulièrement marquée dans l’Atlantique tropical (figure 3) où la zone de record de hausse absolu rejoint les côtes de l’Europe de l’ouest, et englobe la Méditerranée. Remarque : la rivière atmosphérique entre l’Amérique centrale et l’Europe (figure 2) qui nous a amené beaucoup de pluie en février s’appuie sur la ligne sud ouest–nord est qui sépare les eaux qui montrent un réchauffement record de celles, au nord ouest, qui se sont peu réchauffées, voire même refroidies.

sea surface temperature

Figure 3 : réchauffement de la température de surface des océans en février 2024.

Des ballons sonde pour étudier l’atmosphère : souvenirs...

L’annonce d’essais de ballons instrumentés par le CNES en vue d’une prochaine campagne de mesures atmosphériques a fait ressurgir chez nombre d’Argonautes  l'époque où ils faisaient leurs débuts dans la recherche. L’expérience spatiale Éole, en référence au dieu du vent, de 1962 à 1972, a en effet constitué une vaste aventure pour les chercheurs français qui étudiaient la dynamique de l’atmosphère, et collaboration avec les États Unis. Il y avait au cœur du projet 500 ballons destinés à être lâchés dans l’atmosphère et a être suivis par un satellite de collecte de données et de localisation. L’ensemble devait fournir une représentation de la circulation atmosphérique à une époque, peu après l’Année Internationale de Géodésie Géophysique, où celle ci était encore très mal connue. Le projet était très ambitieux pour l’époque, et devait affronter des difficultés nouvelles. La localisation continuelle d’un aussi grand nombre de ballons était un challenge, confié à un satellite dédié. Optimiser leur durée de vie a conduit à les placer à 12000 mètres d’altitude. Et, difficulté qui n’avait rien de scientifique, mais qui n’était pas moins très réelle, il y avait un risque de collision avec le trafic aérien. Pour minimiser ce risque, le poids de l’électronique attachée aux ballons a été réduit autant qu’il était possible, soit 5 kg, l’hémisphère nord a été fermée au projet car l’essentiel du trafic aérien y avait lieu, et les ballons ont été dotés d’une charge explosive déclenchable à distance au cas où des ballons se seraient aventurés dans l’hémisphère nord. Aucun ballon ne s’y est aventuré, mais une erreur de commande a conduit à détruire une centaine des ballons sur les 480 qui ont été lancés. Cet épisode est souvent rappelé dès qu’on évoque l’expérience Éole, mais heureusement, les résultats scientifiques ont été remarquables.

Les déploiements ont été effectués le long d’un méridien en Argentine en 1971, grâce entre autres à deux Argonautes. Et nous apprenons au cours de cette 202ème réunion que quelques uns des tubes de 5 kg qui renfermaient l’électronique des ballons Éole ont été récupérés par des hydrologues au Congo pour une première expérience de télétransmission vers Toulouse des données d’observations pluviographiques avec retour par telex, suivie d’une autre en Guyane pour des données limnigraphiques : encore des succès d’Éole !

Quelques expériences basées sur des ballons ont suivi Éole, et quelques unes sont encore en projet, mais de bien moins grande ampleur. Les satellites instrumentés ont pris le relais. L’un des plus récemment lancés, à la fin de 2022, SWOT (Soil Water and Ocean Topography) donne ses premiers résultats, très prometteurs. L’avenir français et européen est toutefois entravé par le retard de la préparation de la fusée Ariane 6, alors qu’on a clos prématurément la fabrication d’Ariane 5.

L’espace invite toujours à l’aventure : ne voilà-t-il pas qu’un astéroïde, nommé Apophis, se dirige vers la Terre, qu’il va «frôler» à 30 000 km. Dévier un astéroïde de sa trajectoire est un bon sujet de film de science fiction.


Février 2024

L’eau et le changement climatique

Pendant cette 201ème réunion du Club des Argonautes, nous avons beaucoup parlé d’eau, de pluies, et de ressources en eau. Avec le réchauffement climatique en effet, un degré supplémentaire pour la température implique que l’atmosphère peut théoriquement contenir 7 % de vapeur d’eau en plus. Or, nous approchons du seuil de + 1,5 °C adopté lors de l’Accord de Paris. Mais ceci ne signifie pas que les pluies vont augmenter autant que la capacité de l’atmosphère à contenir de la vapeur d’eau. L’augmentation des pluies est estimée à seulement 2 % par degré de réchauffement. Le changement climatique devrait à la fois intensifier les pluies extrêmes et les inondations, et aggraver les sécheresses. Sur les continents, le cycle de l’eau est très fortement dépendant de caractéristiques locales : selon l’état du sol, une part plus ou moins grande s’infiltrera, ruissellera vers les rivières, ou alimentera les nappes phréatiques. Une partie sera reprise par l’évaporation, et tout spécialement par l’évapotranspiration du couvert végétal, puis recyclée. Un risque d’inondation plus ou moins grand ? Des épisodes de sécheresse plus longs ? La réponse dépend de la circulation atmosphérique, de la température de l’air, de l’état des sols et des cultures, et est donc régionale plutôt que globale.

Les conditions climatiques sont très variables d’une région à une autre, ou d’une saison à une autre. Ainsi, ces dernières années, la Californie a alterné des périodes de sécheresse intense avec des incendies ravageurs, et aussi des inondations à la suite de pluies torrentielles. En France, la sécheresse très marquée de début 2023 a été interrompue par un retour des pluies, et les nappes phréatiques, surveillées par le BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières), ont retrouvé un niveau normal. Ce n’est toutefois pas le cas dans le pourtour méditerranéen, et en particulier, dans le Roussillon où les nappes phréatiques sont restées basses, ce qui peut remettre en question les choix agricoles de cette région. La politique touristique aussi devra être revue : il y a très peu de neige sur les Pyrénées et le peu qui est tombé a fondu à cause de températures anormalement élevées. Cette sécheresse se prolonge en Catalogne espagnole où il faudra acheminer de l’eau, ce qui s’est fait par le passé, en 2008, par tanker. Un approvisionnement par canal depuis le Rhône avait alors été étudié (projet Aquadomitia) mais s’était heurté à la difficulté de franchir les Pyrénées, et aussi à la réticence des agriculteurs français concernés.

Des solutions pour faire face à d’éventuels manques d’eau

On s’équipe de plus en plus en réservoirs destinés à recueillir l’eau de pluie, en général pour des usages autres que l’eau potable : arrosage du jardin, chasse d’eau, lavage. Recueillie dans une région à l’abri des pollutions atmosphériques, d’origine agricole ou industrielle, l’eau de pluie est potable, mais lors de sa conservation, ou de son passage dans des tuyauteries, elle risque d’être contaminée. Les navires modernes disposent maintenant de systèmes de désalinisation de l’eau de mer, mais les anciens marins (et même les vieux océanographes) connaissaient bien cette difficulté. Si, dans une maison, le circuit d’eau potable distribuée par les services publics et le circuit d’eau de pluie récupérée ne sont pas strictement séparés, il y a risque de contamination de l’eau publique. C’est pourquoi il y a une réticence de la part des services publics à autoriser l’usage de l’eau de pluie. Face à une éventuelle pénurie d’eau et à la disponibilité d’eau de récupération, la logique serait de récupérer les eaux de pluie, ou les eaux usées, puis de les traiter pour les rendre potables ou, à condition d’avoir installé un double réseau d’utilisation, les réserver à d’autres usages. Cette réutilisation et double réseau de distribution se pratiquent de plus en plus, mais la France est moins avancée dans ce domaine que l’Allemagne, la Grande Bretagne, l’Italie ou l’Espagne.

Le risque de pénurie d’eau douce pousse à rechercher des aquifères jusque sous la mer : de tels aquifères existent, et se manifestent parfois par des sources d’eau douce sur les fonds marins. Avant d’utiliser ces réserves, il faut les étudier et s’assurer que leur exploitation ne va pas avoir pour conséquence un déplacement du « biseau salé » entre l’eau douce et l’eau salée, et une salinisation de la ressource.

La fonte des glaciers menace-t-elle l’approvisionnement en eau douce de certains pays, notamment au pied de l’Himalaya, ou des Andes ? On a pu entendre que l’Himalaya était le château d’eau d’un tiers de l’humanité, et ce tiers serait à terme privé d’eau douce du fait de cette fonte. Heureusement, cette crainte n’est pas fondée : même si les glaciers fondaient totalement, les moussons et autres apports d’eau en provenance des océans continueraient. Mais il en serait fini de cette ressource d’eau de fonte au printemps, avant l’arrivée de la mousson, au moment où la végétation a le plus besoin d’eau et où les précipitations sont faibles. Il y aurait de nouvelles saisonnalités des ressources en eau auxquelles il faudrait s’adapter. Le cas de la ville de Lima au Pérou et de ses dix millions d’habitants est particulier : sur ce versant ouest des Andes, il ne tombe que 50 mm d’eau par an et les glaciers qui fournissent l’eau sont alimentés par des précipitations qui viennent principalement de l’est, en provenance de l’Atlantique. A contrario le versant amazonien est très bien arrosé et une solution techniquement envisageable, mais très onéreuse, pourrait être d’opérer des transferts vers le versant pacifique.

Changement climatique : comment faire machine arrière ?

 À un rythme qui s’est accru depuis le début de l’ère industrielle et qui, avec l’urgence de lutter contre le changement climatique, commence à peine à se ralentir autour de 37 milliards de tonnes par an, nos émissions de gaz carbonique ont ajouté à l’atmosphère plus de 900 milliards de tonnes de ce gaz à effet de serre. Le gaz carbonique est chimiquement très stable, et il n’est pas envisageable de lui retirer chimiquement ce rôle climatique, sauf à utiliser une énergie considérable, au moins égale à celle que nous a fourni le carbone fossile en brûlant. Bien sûr, il y a aussi les puits naturels, que sont la végétation terrestre et les océans, que l’on peut accompagner et aider, mais cela ne suffira pas. Il faudra de très gros moyens pour retirer ce gaz carbonique en excès dans l’atmosphère, et les compagnies pétrolières sont bien placées pour cela. Elles ont en plus la technologie et les gisements d’hydrocarbures épuisés où elles peuvent enfouir beaucoup de gaz carbonique. L’un des Argonautes a pu assister à un séminaire où une représentante de l’Agence Internationale de l’Energie a présenté un projet visant à enfouir 6 milliards de tonnes de gaz carbonique par an dans des gisements de pétrole épuisés (pourquoi ce chiffre ? On le trouve paraît-il dans certains scenarios du dernier rapport du GIEC.
Très bien : tout enfouissement de gaz carbonique est bon à prendre. Mais qui paiera ? Pour des quantités aussi importantes, on aimerait que l’initiative ne relève pas d’une aubaine financière et soit contrôlée par les états, afin d’éviter des dérives telles que les fraudes sur le marché des crédits carbone, ou les plantations de forêts censées piéger du gaz carbonique, mais totalement inefficaces faute de réelle volonté. Peut on faire confiance à des compagnies pétrolières dont l’enrichissement a perturbé le climat et qui s’enrichiraient encore en en corrigeant les effets ? Laisser faire le marché paraît dangereux alors qu’on a besoin d’actions bien conduites et coordonnées si on ne veut pas aggraver la crise climatique. Que les états prennent la direction de ces actions, et créent si besoin la monnaie nécessaire.

Du côté de l’intelligence artificielle, toujours du nouveau 

La prévision météorologique par intelligence artificielle agite beaucoup Météo France, ainsi que la plupart des services chargés des prévisions dans les autres pays. L’intelligence artificielle est attractive en raison de la rapidité du calcul, et elle a montré qu’elle pouvait fournir d’excellentes prévisions. Les séminaires à ce propos se multiplient, auxquels des Argonautes ont pu assister. Les prévisions par modèles physiques et celles par intelligence artificielle ne s’excluent pas l’une l’autre : les modèles physiques de prévision météorologique peuvent incorporer des modules d’intelligence artificielle pour certains processus, et des contraintes physiques peuvent être imposées à l’intelligence artificielle. Un problème se pose : il faut entraîner l’intelligence artificielle sur des données. Il y a pour cela les «réanalyses» qui sont une représentation de l’évolution du climat basée sur les sorties des modèles rappelées à la réalité par les observations météorologiques. La réanalyse ERA 5 couvre les 40 dernières années. Mais au cours de ces 40 ans, le climat a évolué. Peut on baser des prévisions météo sur des données qui ne seraient plus de mise ? Il faudra trouver un compromis entre un apprentissage de l’intelligence artificielle sur une longue durée, gage de statistiques plus étendues, ou sur une durée plus courte, gage d’une meilleure adaptation à l’actualité.
Incontestablement, l’intelligence artificielle permet de gagner du temps de calcul. Faut il en attendre des progrès dans les prévisions ? On n’ira pas de toute façon jusqu’à prévoir le temps au-delà d’une certaine durée, qui dépend des caractéristiques climatiques locales. Au cours de cette durée en effet, des modifications mineures peuvent naître, se développer, devenir dominantes et orienter l’évolution du temps dans une direction autre. 

Tenter de prévoir l’imprédictible, et alerter 

Si la prévision des séismes demeure extrêmement difficile, celle des éruptions volcaniques progresse : elle se base sur l’observation des ondes sismiques, et sur les déformations de la surface du sol dans la zone du volcan. Il reste alors à prévenir la population locale et à en préparer l’évacuation, ce qui peut poser des difficultés, d’une autre nature. Ainsi, lors d’une éruption du volcan Mérapi en 2010 en Indonésie, pour alerter avec plus d’efficacité, il a été demandé à un chamane de lancer l’ordre d’évacuation. 350 000 personnes ont suivi cet ordre et ont ainsi échappé au danger. Les seules victimes ont été 353 habitants d’un village isolé qui n’ont pas pu être prévenues à temps, et le chamane lui même, qui, se considérant comme le gardien de la montagne, est resté sur place.
Ce recours à des instances «non scientifiques» se pratique aussi dans certains cas pour des catastrophes météorologiques. Ainsi, au Bangladesh, des alertes pour les crues du Bramapoutre ont été relayées par les mosquées. 

L’association Christian Le Provost Océanographe prend le large 

Christian Le Provost a apporté à l’océanographie une contribution déterminante, en développant un modèle de marée qui a permis l’estimation des courants marins par altimétrie satellitaire. Rappelons l’enjeu : de la même façon qu’on calcule les vents en utilisant les gradients de pression atmosphérique, il est théoriquement possible de calculer les courants marins à partir des variations du niveau marin. On était techniquement capables au début des années 90 de mesurer ces variations avec une précision suffisante. La principale difficulté venait de ce que les variations du niveau marin recherchées sont de l’ordre de quelques centimètres de hauteur, alors que partout dans l’océan les mouvements de marée induisent des mouvements quotidiens de plusieurs dizaines de centimètres. Pour calculer les courants, il fallait donc retirer l’influence des marées, et pour cela, les connaître. C’est ce qui a été rendu possible par le modèle de marées développé principalement par Christian Le Provost. Sa mort en 2004 a affecté tous ses collègues, parmi lesquels plusieurs faisaient partie du Club des Argonautes. Une association «Christian Le Provost Océanographe» a été fondée, qui depuis organise à intervalles réguliers des journées pour la diffusion des connaissances océanographiques à Saint Brieuc. Le Club des Argonautes a contribué à cette fondation et en a hébergé le site internet. Depuis 2008, l’Académie des Sciences a lancé le Grand Prix Christian Le Provost qui récompense tous les deux ans un jeune chercheur pour ses travaux en océanographie. Et depuis 2023, l’association «Christian Le Provost Océanographe»  dispose de son propre site internet: https://christianleprovostoceanographe.fr . Bon vent !


Janvier 2024

Deux centième réunion, en distanciel hélas, du Club des Argonautes, créé en 2003 : faire sauter un bouchon tous ensemble sera pour une autre fois.
Et aussi première réunion de 2024 : parmi les cartes de voeux échangées pour le nouvel an, ce graphique où on voit s’envoler la courbe de la température moyenne à la surface de la Terre. Angoisse...


Transition écologique : des grincements

La forte priorité accordée par le gouvernement à la transition écologique a été très bien reçue par la majorité des scientifiques, qui s’y sont immédiatement engagés. Certains sont des Argonautes. Nous avons suivi avec intérêt ces derniers mois l’élaboration du projet de la formation des fonctionnaires à la transition écologique. Après les rapports successifs du GIEC et la prise de conscience des conséquences du changement climatique, l’heure est maintenant à la prise de décisions pour s’y adapter, ou en réduire l’intensité. Et ces décisions sont à prendre région par région, en fonction de leurs différences géographiques et de leurs activités dominantes. Et c’est là que surgissent des difficultés multiples, du fait d’intérêts contradictoires, et de la crainte des politiques de voir se développer d’amples conflits. Ainsi, le Haut Conseil Breton pour le Climat piétine, et le RECO (Réseau d’Expertise sur les Changements Climatiques en Occitanie) s’est heurté à des difficultés et est contraint d’abandonner une partie des activités qui faisait de lui un outil régional pour la transition écologique .
Les grandes idées pour la transition ne manquent pas, mais leur mise en application se heurte bien souvent aux réticences et contradictions de nos sociétés ; le chemin pour y conduire est plus confus et se défriche – ou ne se défriche pas – parmi les conflits et les intérêts particuliers, et en découvrant des difficultés inattendues au fur à mesure qu’on avance. On peut citer par exemple ce conflit entre la vision des Bâtiments de France et la nécessité d’isoler thermiquement les habitations : les maisons à colombages d’Alsace ne peuvent pas être isolées par l’extérieur (sauf à abîmer l’attrait touristique) ni par l’intérieur car les poutres deviennent alors humides et pourrissent. Heureusement, il y a parfois des progrès encourageants : par exemple, les forêts françaises, gérées en très grande majorité par des propriétaires privés, échappaient très largement à tout contrôle, ces propriétaires négligeant de rendre compte de leur gestion. Désormais, ils devront tenir à disposition un «plan simple de gestion» de leurs parcelles, sans lequel leur activité échappait complètement au contrôle public. La transition écologique s’ouvre sur une multitude de petites négociations.

La végétation terrestre, puits de carbone en déclin

Les sécheresses liées au changement climatique et les épisodes caniculaires, altèrent la santé des forêts. Les insectes parasites des arbres (les scolytes, redoutés dans les forêts de résineux) et les incendies prolifèrent sur les forêts les plus atteintes. Dès qu’on s’est intéressé au cycle du carbone dans le contexte du changement climatique, la végétation terrestre (ainsi que les océans) est vite apparue comme un puits pour le gaz carbonique émis lorsque nous brûlons des hydrocarbures ou du charbon. En effet, toutes conditions égales par ailleurs, la croissance des végétaux est stimulée dans une atmosphère plus riche en gaz carbonique. Mais la hausse des températures place souvent les écosystèmes existants à la limite de leur résistance. Des forêts affaiblies se défendent moins bien contre les parasites, et les incendies s’y propagent plus facilement. D’autre part, sous un climat plus chaud, les processus de dégradation de la matière organique (respiration, action des bactéries) est accélérée, et la durée de vie du carbone organique (c’est à dire le temps moyen entre la photosynthèse des produits végétaux et leur retour à la forme gaz carbonique) raccourcit : le stock de carbone organique diminue donc. C’est ce qu’a analysé Philippe Ciais au cours d'une conférence organisée par le Bureau des Longitudes (à paraître prochainement). Ce déclin du puits de carbone demande à être analysé plus profondément. Les études du couvert végétal de la Terre, morcelé entre sols et pratiques culturales hétérogènes, vont bénéficier d’un nouvel outil satellitaire d’observation, avec une définition spectrale plus fine et une résolution au sol de 3 mètres. La richesse d’informations qui en résultera devra être traduite en quantités géochimiques : un chantier immense est ouvert.

Le réchauffement s’arrêtera-t-il dès qu’on n’émettra plus de gaz carbonique ?

Sous cette question s’en cache une autre : les puits naturels de gaz carbonique continueront-ils de fonctionner si nos émissions cessent ? Le puits dans la végétation des terres émergées, on l’a vu précédemment, montre des signes d’affaiblissement. La forêt amazonienne, parfois désignée comme le «poumon de la Terre», émet maintenant davantage de gaz carbonique que sa photosynthèse n’en absorbe. L’autre puits naturel, dans les océans, devrait continuer à fonctionner pendant longtemps. Si la couche superficielle (les 100 premiers mètres environ) atteint l’équilibre en gaz carbonique avec l’atmosphère en un an environ, cet équilibre est sans cesse remis en question par le mélange avec l’eau profonde dont les carbonates tiennent leurs caractéristiques d‘un équilibre pré-industriel avec l’atmosphère. Le mélange de cette eau profonde avec l’eau de surface est très lent, de sorte que le puits océanique de gaz carbonique devrait persister pendant environ mille ans tout en s’atténuant progressivement.

Économie et lutte contre le changement climatique

Tous les projets de lutte contre le changement climatique ou d’adaptation à ses conséquences demandent des financements très importants, et force est de constater que ceux qui maîtrisent les plus gros flux financiers ne sont pas ceux qui montrent le plus fort engagement en faveur de ces projets. Ne faudrait il pas créer de la monnaie spécifiquement dans ce but ? Or, actuellement cette création se fait sans préoccupation de la transition écologique. La création monétaire est un bien public, et ce bien public a hélas été privatisé. Des ouvrages spécialisés traitant de cette anomalie ont été rédigés, et même, plus récemment, des romans destinés à un large public.

Le changement climatique fait la une de l’actualité

2023 a été, et de loin, l’année la plus chaude depuis que les réseaux d’observations météorologiques existent. Les principales agences, Copernicus, la NOAA, la NASA, le WMO font très rapidement et très bien les bilans climatiques de l’an passé. Le graphique ci-dessous qui décrit le réchauffement observé depuis 1880 en fonction de la latitude est intéressant à double titre : d’une part il montre que ce réchauffement est plus intense vers les pôles qu’à l’équateur, et d’autre part, qu’il est beaucoup plus marqué dans l’hémisphère nord où se trouvent la majorité des masses continentales, que dans l’hémisphère sud, très maritime. Les océans en effet emmagasinent en profondeur l’excès de chaleur dû à l’augmentation de l’effet de serre, de telle sorte que le réchauffement est moins marqué en surface.

 

L’océan, propice aux fantasmes ?

Perdons nous la raison lorsque nous parlons des océans ? Cela semble bien parfois être le cas. Ainsi, on entend souvent dire dans les médias (et, hélas, dans certains milieux scientifiques) que l’océan fournit la moitié de l’oxygène que nous respirons. Avec la conséquence angoissante que si les écosystèmes océaniques venaient à dysfonctionner, nous pourrions manquer d’oxygène ! C’est faux. Il est vrai que l’oxygène présent dans l’atmosphère (dont il constitue un cinquième, soit 200 000 parties par million) s’y est accumulé lorsque l’apparition de la photosynthèse a permis le développement de la vie sur Terre. Mais depuis cette «grande oxydation», l’oxygène produit par photosynthèse est rapidement et quasi intégralement utilisé par la respiration de la macro et de la microfaune. Il en va ainsi dans les océans où la photosynthèse produit de l’oxygène en quantité exactement indispensable pour la respiration du zooplancton et des bactéries qui se nourrissent de la biomasse végétale ainsi produite, ainsi que pour l’oxydation des débris organiques. Les océans ne nous fournissent donc pas 50 % de l’oxygène que nous espirons, mais 0 %.  D’où vient cette croyance ? Il est indubitable que les 200 000 parties par million d’oxygène que contient l’atmosphère viennent de la photosynthèse ancienne. On estime aussi que la photosynthèse actuelle se partage à égalité entre l’océan et la végétation terrestre, mais là, il n’est question que de deux ou trois parties par million, très loin donc de 200 000. Hélas, la croyance est tenace, et il est probable que certains professeurs de SVT l’enseignent à leurs élèves.
Autre domaine où on perd la raison : capter l'énergie de la houle. Le spectacle des vagues qui se brisent sur les rochers ou sur les digues évoque une réserve d’énergie énorme. Ne devrions nous pas la capter ? Les inventeurs qui se sont penchés sur le problème ne manquent pas, et les projets les plus farfelus ont été élaborés, et parfois déployés en mer. Il y a des dispositifs qui ont fonctionné, de petite taille, comme par exemple sur des bouées pour charger une batterie qui alimente le fanal d’une bouée en mer. Ces dispositifs sont d’ailleurs maintenant remplacés par des panneaux solaires. Pour des projets plus ambitieux hélas, l’énergie de la houle varie comme le carré de sa hauteur, et un dispositif conçu pour la capter dans des conditions normales sera soumis à des forces trop intenses et sera détruit en cas de tempête, tandis qu’un dispositif conçu pour des mers très fortes restera inopérant la plupart du temps. Par exemple, le projet Pelamis, constitué d’une ligne de flotteurs articulés mis en mouvement par la houle, a approximativement la taille d’une rame de TGV : pour qu’il résiste à une forte tempête, ses points d’ancrage devraient être ultra résistants, et extrêmement coûteux ! Pourtant, de temps à autre, ces projets refont surface, inchangés, dans les médias, à la faveur de quelque forum international sur les océans.
Parmi les vagues géantes qui font rêver les amateurs de surf, les «vagues scélérates» redoutables, imprévisibles et gigantesques sont remarquables. Le site web des Argonautes comporte une page sur les vagues scélérates qui est l’une de nos pages les plus visitées et qui vient d’être remise à jour : n’hésitez pas à la consulter, les accidents rapportés sont étonnants !

Mare incognita

Dans les années 60, les langoustiers recherchaient au sextant et aux étoiles le mont sous marin Vema, culminant à 40 m de profondeur, loin à l’ouest de l’Afrique du sud. Quand ils le trouvaient, c’était la certitude d’une pêche miraculeuse : il y avait tellement de langoustes que celles qui ne pouvaient pas entrer dans les casiers s’accrochaient à l’extérieur. Depuis, grâce aux satellites munis d’altimètres, on a pu découvrir et localiser 19 000 monts sous marins (tous ne grouillent évidemment pas de langoustes). L’orbite suivie par les satellites en effet n’est pas une trajectoire elliptique parfaite, mais est affectée par toutes les anomalies de gravité du globe terrestre, dues à la répartition locale de masses telles que, en particulier, ces monts sous-marins. Un des objectifs de l’altimétrie satellitaire est d’estimer les courants marins à partir des irrégularités du niveau de l’océan (quelques cm) qu’ils induisent. Il faut pour cela connaître avec précision et dans tous ses détails le géoïde terrestre, et donc, en particulier, tous les monts sous marins. En reste-t-il encore que nous ne connaissons pas ? Oui, très probablement, et le nouvel altimètre du satellite SWOT, lancé en décembre 2022, et dont les premiers résultats s’avèrent excellents, permettra certainement d’en découvrir de nouveau.

Les jours se suivent, plus ou moins…

Les océans sont sujets à des marées, et on sait que celles ci sont causées par les effets d’attraction du Soleil et de la Lune. Ces mouvements ont un coût, que la Lune paie en s’éloignant de la Terre de 3,8 cm par an, et que la Terre paie en tournant sur elle même de moins en moins vite.
Pourtant, au contraire, depuis 2016, elle s’est accélérée, au point qu’on parle de retirer dans l’échelle du temps une seconde supplémentaire. La vitesse de rotation de la Terre est en effet affectée par d’autres facteurs, comme des déplacements de masses dans le manteau terrestre, très mal connus. Un calcul rapide montre que la fonte des masses glaciaires situées en altitude près des tropiques et de l'équateur peut expliquer une bonne part de l'accélération de la rotation de la Terre de ces dernières années. A des échelles de temps plus courtes, les déplacements de masses d'eau et le ralentissement des vents alizés dus à El Niño ont aussi une influence sur cette vitesse.. Ces découvertes ont été permises par des mesures de plus en plus précises. George Darwin (le fils de Charles Darwin) a réalisé des travaux qui ont été fondateurs dans ces domaines. Et plus récemment, c’est le modèle numérique de marées mis au point par Christian Le Provost qui a permis d’affiner ces connaissances.

Le Club des Argonautes s’est mobilisé pour que soient organisées à Saint Brieuc chaque année des journées scientifiques en la mémoire de ce collègue et ami, décédé en 2004. Le prix «Christian Le Provost» est maintenant l’un des prix de l’Académie des sciences, et est décerné tous les deux ans à un jeune chercheur océanographe, physicien ou biogéochimiste. Il a été attribué cette année à Damien Desbruyères pour ses travaux sur les transports de chaleur par l’Océan Atlantique entre les régions équatoriales et l’Arctique. Ce prix lui sera décerné aux journées de Saint Brieuc le 19 avril prochain.

Rêves et écrits sur le futur : nous avons lu

Le ministère du futur par Kim Stanley Robinson, Bragelonne, 552 p., 2023
https://www.bragelonne.fr/catalogue/9791028120863-le-ministere-du-futur/
Ce passionnant roman de science fiction, certainement nourri d’une très vaste documentation, nous conduit d’une Terre au bord du désastre climatique au milieu du XXIème siècle, à l’amorce une situation apaisée et durable. Les solutions et les crises traversées pour y parvenir incluent la création d’une agence dédiée de l’ONU, la généralisation de pratiques non polluantes, des opérations de géo-ingénierie, une révolution monétaire, et même des actions terroristes.  


Décembre 2023

Sur fond de COP 28, dont la tenue à Dubaï, place forte de l’exploitation du pétrole, a suscité beaucoup de critiques…. Il est vrai que nos activités ont besoin de pétrole. Il est tout aussi vrai que ceci émet du CO2 et est donc néfaste. On ne peut donc pas avancer sans un schéma de transition qui couvre au moins une dizaine d’années. L’association Negawatt, l’Ademe, le scénario européen Clever, vont dans cette direction, mais des lobbies liés chacun à un type d’énergie renouvelables ou à un groupe d’usagers œuvrent dans tous les sens. Une transition énergétique ne se fera que si elle rapporte de l’argent à ceux qui la mettent en œuvre, or, la rentabilité n’est pas toujours au rendez vous. Mais les choses changent : l’électricité solaire est moins chère que celle produite avec du gaz. Le journal La Croix a publié une série de cinq articles, tous excellents, sur ce sujet.

L’océanographie spatiale devenue opérationnelle

Pour sa cent quatre vingt dix-neuvième réunion, le Club des Argonautes a accueilli un nouveau membre : Alain Ratier, Alain Ratier, ancien de Météo France, puis du CNES, ancien directeur général d'Eumetsat, au sein desquels il a œuvré au développement de l’observation des océans par satellites, à son évolution vers l’opérationnalité afin de rendre ces observations pérennes, et à la mise sur pied de services qui en assurent le traitement et la fourniture de produits élaborés (courants marins, vents) et d’analyses climatiques.
Depuis l’expérience franco américaine TOPEX POSEIDON dans les années 90, qui fut un succès en grande partie grâce à la France, l’observation des océans par satellite n’a pas cessé de grandir. TOPEX POSEIDON a fourni des mesures précises de la hauteur des océans qui ont permis de calculer les courants marins et de suivre leur variations de 1992 à 2008. Un succès tel qu’il était inconcevable qu’il s’arrête à la fin de l’expérience. Ce ne sont pas les États Unis d’Amérique qui ont pu lui donner une suite : leurs trois puissants organismes impliqués dans les programmes satellitaires que sont la NASA, la NOAA et les militaires ne sont en effet pas parvenus à s’entendre pour lancer un programme opérationnel d’observation de l’océan. C’est l’Europe qui y est parvenue, avec le programme JASON qui pérennise le suivi du niveau des océans, et la série des satellites Sentinel coordonnée par le service européen Copernicus qui élabore et fournit des données au niveau mondial telles que courants marins, couleur de l’océan, glace de mer, houle, vent, chimie atmosphérique. Copernicus est devenu une des toutes premières références mondiales pour observer et comprendre le changement climatique et l’environnement.

Les points de bascule : épées de Damoclés ?

Les annonces médiatiques sur le bouleversement du climat brandissent souvent des «points de bascule», limites à ne pas franchir sous peine de changements irréversibles du système climatique. La question fait l’objet de travaux scientifiques et un colloque y a été consacré en octobre dernier. D’un point ce vue théorique, les transitions d’un état du climat à un autre seraient prévisibles, mais dans la réalité, on connaît l’état qu’on quitte, mais pas celui où on va tomber. Dans le passé, les évènements de Dansgaard Oeschger, i. e. des refroidissement brusques suivis de débâcle glaciaire pendant la transition de la dernière glaciation vers l’interglaciaire actuel, sont des exemples de ces bascules. Les menaces actuelles se situent dans la fonte plus ou moins rapide des calottes glaciaires polaires, dans une mortalité massive, spécialement en Amazonie, de la végétation terrestre incapable de s’adapter au réchauffement, ou dans le mythe d’un arrêt du Gulf Stream illustré outrancièrement par le film catastrophe «Le jour d’après» (en fait, pour que le Gulf Stream s’arrête, il faudrait que la Terre s’arrête de tourner), ou plutôt d’un ralentissement du transport de chaleur par l’océan des latitudes tropicales vers les hautes latitudes. Tous ces points ont été évoqués, mais la probabilité qu’ils se produisent est mal connue.

L’intelligence artificielle est elle une rivale de la prévision météorologique ?

La nouvelle qu’un programme d’intelligence artificielle mis au point par Google Deepmind soit parvenu à dépasser les modèles actuels de prévision météorologique à moyen terme a pu résonner comme une défaite de toutes les constructions basées sur la connaissance de l’atmosphère et mises au service de la prévision météorologique face à l’inquiétante et tellement plus rapide intelligence artificielle. En fait, un programme d’intelligence artificielle serait totalement inopérant s’il n’était pas entraîné sur la masse de données élaborée par les services météorologiques et rendue accessible sous la forme de réanalyses, c’est à dire de reconstructions complètes des variations des propriétés de l’atmosphère sur de longues périodes, basées sur les observations disponibles et sur les modèles météorologiques. La prochaine réanalyse, ERA 6, qui sera lancée en 2024, couvrira le monde entier sur une période de 1940 à l’actuel à une résolution de 15 km. D’autre part, la météorologie fait déjà appel à la rapidité d’exécution de l’intelligence artificielle dans certaines tâches, consistant par exemple à estimer des propriétés de l’atmosphère à partir de données satellite. Le Centre National de Recherches Météorologiques travaille de longue date sur l'utilisation de l'intelligence artificielle appliquée à la météo et au climat, que ce soit pour le traitement des observations, pour le remplacement de certaines parties des codes à base physique par des paramétrisations utilisant l'intelligence artificielle, ou pour d’autres tâches. Il n’est pas question d’abandonner les méthodes de modélisation à base physique, qui sont les seules à ce jour à même de fournir des simulations de la qualité requise pour les prévisions opérationnelle de Météo France et ses homologues. Et puisque la qualité des programmes d’intelligence artificielle repose sur la qualité des données d’apprentissage, la prévision d’un climat futur, affecté par le changement en cours, ne peut pas se faire avec un programme d’intelligence artificielle qu’on aurait entraîné sur des données d’un climat qui n’a plus court.

L’hydrogène, une panacée ? il est encore un peu tôt pour rêver.

Nous avons appris à l’école qu’en trempant dans l’eau un fil relié à la borne - d’une pile électrique et un autre à la borne +, on obtient d’un côté de l’hydrogène, et de l’autre de l’oxygène. L’hydrogène pur ainsi isolé est un puissant carburant dont la combustion ne produit que de l’eau. N’est ce pas là la bonne formule pour fournir de l’énergie sans dommage pour le climat ? Deux sérieux obstacles rendent cette solution encore difficile à étendre. D’abord, le rendement énergétique de l’électrolyse est médiocre, et si on utilise l’hydrogène dans une pile à combustible, le rendement final n’est que d’environ 0,4 ; si on utilise l’hydrogène pour fabriquer des carburants de synthèse en le combinant à du gaz carbonique, le rendement final est comparable ; environ 0,5 seulement. Deuxième difficulté : l’hydrogène, trop difficile à stocker à l’état liquide, doit être chargé à 700 bars si on veut un équilibre raisonnable entre l’utilisation et la taille du réservoir : ce n’est pas insurmontable (on peut trouver en Californie des stations service qui en proposent) mais un réseau de distribution d’hydrogène à 700 bars n’est pas envisageable dans un proche futur. Actuellement, les batteries sont un moyen plus économique de stocker l’énergie.
Une autre piste a fait récemment l’objet d’articles dans la presse : on connaissait en certains endroits, notamment dans les grandes plateformes granitiques de Sibérie ou d’Afrique, des «ronds» à végétation rabougrie d’où s’échappe continûment de l’hydrogène naturel. Dénommé «hydrogène blanc», il est aussi émis en profondeur dans beaucoup d’endroits, par l’action de l’eau sur les roches. Il est exploité depuis quelques années au Mali et les mines de fer de Lorraine en seraient aussi une source importante ; des évaluations de ce potentiel sont prévues. Les quantités émises sont grandes, mais les flux par unité de surface sont très faibles. Pour le moment, cet hydrogène blanc s’échappe vers l’espace, à raison de 3 kg par seconde, après avoir traversé l’atmosphère. Attention : il réagit hélas avec les radicaux OH- dont on attend un rôle plus utile : participer à la transformation du méthane (gaz à effet de serre très puissant) en gaz carbonique, plus durable mais moins réchauffant. Dans toutes les activités utilisant l’hydrogène, il faudra donc veiller très soigneusement à éviter les fuites.

Des nouvelles du plan de formation des fonctionnaires à la transition écologique

Pierre Chevallier a participé à la première conférence-test de cette formation en Occitanie, consacrée aux ressources en eau. Y ont participé quelques universitaires, des fonctionnaires des impôts, et de l’agriculture, tous très intéressés par le discours. Trois volets sont prévus ; climat biodiversité ressources, et chaque fonctionnaire devra suivre au moins une conférence dans chacun de ces trois thèmes.. La première véritable conférence aura lieu en janvier prochain. L’ensemble du projet de cette formation vise 5 millions de personnes, ce qui n’ira sans doute pas sans difficultés si elle ne fait appel qu’à des spécialistes volontaires. Des solutions budgétaires pourraient s’avérer nécessaires.

Le déséquilibre énergétique de la Terre : effet de serre global et phénomènes régionaux

À cause de l’effet de serre induit par nos émissions de gaz carbonique, la Terre émet moins d’énergie qu’elle n’en reçoit. Ce déséquilibre énergétique (EEI, pour Earth Energy Imbalance) est estimé de diverses façons, soit par des mesures directes des rayonnements reçus et émis, soit par l’observation des changements dans la répartition de la chaleur accumulée dans le système climatique. Or, si la cause principale du réchauffement climatique, i. e. la concentration en gaz carbonique de l’atmosphère augmente très régulièrement, la température moyenne globale de la surface de la Terre présente des paliers et, par exemple, n’a pas augmenté entre 2016 et 2022. Cela est dû principalement aux caractéristiques des nuages et aux zones où la circulation atmosphérique les conduit. Les nuages en effet selon leur altitude peuvent renvoyer le rayonnement solaire dans l’espace, ou au contraire retenir celui émis depuis la surface. Le phénomène El Niño qui déplace d’ouest en est, puis d’est en ouest la zone de convection du Pacifique tropical modifie ainsi régionalement le rayonnement émis au sommet de l’atmosphère. Autre facteur de variabilité : les aérosols. La législation interdit maintenant l’usage des carburants soufrés par le transport maritime. Il en résulte une diminution des la quantité d’aérosols soufrés dans l’atmosphère, et cette diminution est très marquée dans les zones de trafic maritime intense que sont l’Atlantique nord et le Pacifique nord : dans ces zones, la part du rayonnement solaire qui était réfléchi vers l’espace par les aérosols a donc considérablement diminué.

Le trou d’ozone n’a pas disparu

En 1987, un protocole a été signé à Montréal qui interdit la production de certains gaz, notamment ceux utilisés pour la réfrigération, qui contribuent à la destruction de l’ozone dans la stratosphère. Dans les années 80 en effet, une zone de déplétion en ozone s’étendait de plus en plus loin autour du Pôle Sud, exposant les organismes vivants au rayonnement ultra violet. Ce «trou d’ozone» s’est considérablement rétréci après l’interdiction, mais il se reforme chaque hiver austral, sur une zone plus réduite. Les facteurs qui favorisent la destruction de l’ozone sont les aérosols, et les cristaux de glace formés par le froid intense, à la surface desquels se développent des réactions dites de chimie hétérogène entre phase solide et phase gazeuse. Chaque hiver austral, le vortex polaire de l’hémisphère sud réunit ces conditions et confine le trou d’ozone autour du Pôle Sud. Lorsque le vortex polaire se désorganise au printemps, la partie de la stratosphère qu’il maintenait enfermée se dilue peu à peu avec l’atmosphère globale, y ramenant de l’ozone et un air moins froid, ce qui conduit au comblement du trou. Cette année, le trou d’ozone a été particulièrement et durablement marqué, et les aérosols émis par l'éruption du volcan Hunga Tonga ont pu y jouer un rôle.

Divers

Les transferts d’eau d’une région à une autre à des fins d’irrigation modifient la répartition des zones d’évapotranspiration et, par suite, le climat local. Les Indiens en ont fait l’expérience : ces aménagements ont entraîné un déficit de pluie de 6 à 12 % dans les provinces du centre de l'Inde.
Protéger les glaciers, c’est bien, mais à quel prix ? Il a été envisagé de recouvrir un glacier en Suisse avec de la neige artificielle «écologique» : cette neige serait produite sans dépense d’énergie en captant de l’eau dans un lac situé 200 m plus haut, la pression qui en résulte suffisant pour produire de la neige. Solution de riches, car il reste à installer et entretenir un réseau d’asperseurs par dessus tout le glacier !
Les océans se réchauffent, et ce n’est pas sans incidences sur la faune marine. Les pêches de crabes en Alaska se sont effondrées après plusieurs années anormalement chaudes : le métabolisme des crabes a du accélérer, et leurs besoin de nourriture augmenter, mais ces eaux plus chaudes n’étaient pas plus riches en nourriture, au contraire. Certains oiseaux migrateurs doivent effectuer des voyages plus longs : pour eux aussi, il y a nécessité de trouver davantage de nourriture pour se constituer des réserves. Les études de la biodiversité ne bénéficient pas de réseaux d’observations aussi développés et précis que les sciences du climat ; un pas vient d’être fait pour améliorer la situation, avec une initiative portugaise de création de l’Atlantic Ocean Coupled Coastal Temperature and Biodiversity Observation Network qui mettra en réseau les chercheurs en biologie marine des côtes de l’Atlantique autour d’une infrastructure relativement simple et peu coûteuse.
Une étude basée sur la consultation de 400 000 articles scientifiques montre qu’un bon nombre d’entre eux ont été rédigés par des « moulinettes » : apport scientifique inexistant, contenu creux, voire trompeur. Il y en aurait eu 70 000 rien qu’en 2022. Médecine, biologie, chimie et sciences des matériaux seraient les plus contaminées par ces pratiques. Heureusement pour nous, les sciences de l’environnement (et parmi elles, celles du climat) font partie des bons élèves.
Tête de gondole paraît il dans au moins un Intermarché, et best seller par ailleurs, le livre de science fiction écrit par Kim Stanley Robinson et disponible en français «Le ministère du futur» imagine comment l’humanité peut se sortir des défis posés par le changement climatique. Plusieurs d’entre nous s’y sont plongés ; très bien et passionnant.
La Tournée du Climat et de la Biodiversité , exposition itinérante portée par l ‘association Météo et Climat et soutenue entre autres par la SNCF qui met sa logistique à disposition des organisateurs, s’est installée en novembre successivement à Saint - Denis, Nantes et Brest. Des chercheurs spécialistes de leur discipline y ont accueilli et informé des visiteurs dont de nombreux scolaires. Elle reprendra son circuit avec Lille, Dijon, Nanterre, Strasbourg, Lyon, Nice, Bordeaux, Segré et Avignon au premier semestre 2024.
Déficit de pluie : le lac de Gatun ne suffit plus à alimenter en eau le Canal de Panama dont le trafic s’est réduit de moitié. Si on y ajoute la grande vulnérabilité des chaînes d'approvisionnement mondiales révélée par le Covid 19, et les cyberattaques dans les ports australiens, le commerce mondial semble près de craquer. Faut il y voir la fin de la surconsommation et s’en réjouir ? Allons y doucement, certains pays qui ont organisé leur activité sur l’exportation de produits agricoles (exemple, les avocats du Pérou) en pâtiraient trop.


Novembre 2023

Lorsque cette visioconférence a débuté, la tempête Ciaran venait, quelques heures avant, de traverser le nord ouest de la France : alerte rouge. Cette tempête a été remarquablement bien prévue, et les recommandations à la prudence bien adaptées : un «sans faute» de Météo France. L’un des Argonautes, qui habite près du Golfe du Morbihan, s’est retrouvé bloqué chez lui par un pin tombé en travers du chemin qui mène à sa maison. Et au milieu de la réunion, un autre a appris que la toiture de sa maison à Brest avait été emportée par le vent ; il a donc du nous quitter.

Formation des fonctionnaires à la transition écologique

Entre les directives du gouvernement afin de lutter contre le changement climatique et la perte de biodiversité, et leur application locale dans des territoires très divers, les fonctionnaires ont un rôle important à jouer. S’ils sont peu ou mal informés, leurs actions perdront en efficacité, ou peuvent même aller à l’encontre du but recherché.
Le gouvernement français souhaite mettre en place une formation à la transition écologique, portée par les Ministères de la Fonction Publique et de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, et qui est en cours de définition. Nous pensons que celle-ci est nécessaire afin que les réformes indispensables soient appliquées, et parmi les Argonautes, certains s’y impliqueront. On sait déjà que cette formation, pour des raisons pratiques, sera organisée selon un découpage régional correspondant à peu près aux principaux pôles universitaires. Chaque zone a un chargé de mission relevant du CNRS, qui fournira une partie des intervenants, et un Conseil Scientifique Territorial. Un cahier des charges provisoire, ouvert aux suggestions, a été distribué aux formateurs. Tous les fonctionnaires devront avoir suivi 28 heures de formation. En Occitanie, il y aura trois conférences préparatoires de deux heures chacune à Montpellier, dont une sur le climat et une sur l’eau.
Toutes les fonctions publiques sont visées (soit 5,7 millions de fonctionnaires), y compris les territoires, l’hospitalier, et la justice. Par exemple, la récente annulation de 15 projets de bassins d’irrigation indique bien que la justice sera de plus en plus souvent sollicitée pour arbitrer des conflits liés à l’environnement et pour cela, devrait idéalement acquérir des connaissances de base dans ce domaine. Dans un premier temps (en 2024), ce seront les 25 000 hauts-cadres de la fonction publique qui seront visés. La formation "obligatoire" pour cette première "volée" consiste en 4 modules : 

  • 2 ateliers de mobilisation (type Fresque du Climat, si j'ai bien compris),
  • 3 conférences de 2 heures dans chacune des catégories climat, ressources et biodiversité (au choix dans un ensemble proposé), une visite de terrain, un atelier de passage à l'action.

L’ensemble des fonctionnaires sera concerné en 2025-26. Le Conseil Scientifique national de cette formation sera assisté par les Conseils Scientifiques locaux. Cette formation ne part pas de zéro : entre autres, des documents de qualité ont été élaborés pour la Convention Citoyenne pour le Climat.
Enfin, sujet éminemment politique, nos pratiques, et les règles économiques et financières, qui conditionnent nos comportements (à moins que ce soit le contraire) ne sont pas, loin de là, optimales pour affronter la crise climatique. Les enjeux dans ce domaine seront ils présentés et débattus au cours des 28 heures de formation prévues ?

Et la formation des jeunes ?

Le changement climatique est enseigné dans les lycées depuis 2021. On peut toutefois regretter que l’ensemble des élèves ne reçoive pas toujours une formation de qualité en cette matière : celle ci est en effet confiée aux professeurs de sciences de la vie et de la Terre, discipline qui a été retirée du tronc commun et n’est donc suivie, de moins en moins et de façon très inégale, que par les élèves qui ont choisi une filière où elle est enseignée.

Le train du Climat et de la biodiversité est prêt

Ce train du climat qui a déjà sillonné la France à plusieurs reprises depuis 2015 afin de sensibiliser sur les actions possibles pour freiner le réchauffement climatique offrira dans les mois à venir, dans plusieurs gares, des occasions pour le public de dialoguer avec des scientifiques sur les questions que pose le changement climatique. Pour cette cession, les préoccupations sur la biodiversité s’ajoutent à celles sur le climat. Il sera fin novembre en Seine-Saint Denis à Saint Denis puis à Nantes, et à Brest. Le programme, qui n’est pas encore totalement financé, prévoit en tout 24 étapes et reprendra à partir de février 2024. Pour le public, il est conseillé de s’y rendre le matin, pour éviter l’affluence de l’après midi où les groupes d’écoliers sont nombreux. Et pour les scientifiques, Argonautes compris, ne pas hésiter à venir aider ceux qui encadrent cette tournée.

Le pouls de la société

Des scientifiques appellent à soutenir une action collective d’envergure, rassemblement de tous les acteurs, de tous les pays, pour entreprendre la transition écologique, à l’instar du «projet Manhattan» qui fut incroyablement rapide et efficace pour la mise au point de la première bombe atomique. Très bien. Cette idée avait déjà été avancée au niveau Européen en 2009, essentiellement sur  le volet modélisation. Mais pourquoi avoir choisi un nom aussi funeste ? 
Un ancien de la compagnie pétrolière Shell pour porter le dossier climat de l’Union Européenne ? C’est ce qu’ont validé les eurodéputés, et qui choque beaucoup ceux pour qui les compagnies pétrolières sont les ennemies numéro un de la lutte contre le changement climatique qui peuvent être utiles. Pourtant ces experts issus de l’industrie en sont aussi des acteurs incontournables. Ils possèdent des compétences techniques. Certains pourraient être appelés à devenir des formateurs pour les fonctionnaires.
Une importante levée de fonds a été lancée pour financer des projets de restauration forestière. Les investisseurs seront rémunérés par la vente des crédits carbone associés à ces restaurations. Cela évoque les nombreux scandales qui jalonnent l’histoire de ces crédits carbone, et le taux de rendement annoncé à plus de 8% fait planer un risque de financiarisation du secteur. Peut-on vraiment allier intérêts économiques et environnementaux ? La vigilance s’impose. 

Records de chaleur en 2023

Les records de température un peu partout, et jusqu’à cet automne en France, font planer l’impression que quelque chose de nouveau s’est mis à l’œuvre dans le système climatique. Dans une étude récente, l’Université de Berkeley analyse les conséquences de divers évènements climatiques qui ont pu contribuer à cette hausse brutale de la température moyenne globale depuis avril 2023. Comme cela s’est passé en 2016, l’évènement El Niño qui vient de débuter causera un réchauffement de la surface de la Terre important, mais cet évènement n’a débuté qu’à la fin du mois de mai. Le cycle solaire a une influence, de plus ou mois 0,03°C, et nous sommes dans une phase du cycle où cette influence est positive. Cependant, sa contribution est faible.
Deux changements qui peuvent paraître anecdotiques sont aussi à l’œuvre. Le premier est l’éruption en 2022 du volcan Hunga Tonga, qui a projeté dans la stratosphère une grande quantité de vapeur d’eau. Cette vapeur d’eau y subsistera quelques années et y exercera un effet de serre accru, accentuant la hausse de la température. Cependant, comme toutes les éruptions volcaniques, celle ci a aussi injecté dans l’atmosphère des cendres, et du dioxyde de soufre, qui, comme cela s’est passé lors de l’éruption du volcan El Chichon en 1982, interceptent le rayonnement solaire et causent plutôt un refroidissement, susceptible de contrer l’effet de la vapeur d’eau. Le second est de nature législative : depuis 2020, le trafic maritime ne doit plus utiliser les fuels lourds, mais des fuels débarrassés du soufre. Il s’ensuit une baisse très sensible des aérosols dans les zones où ce trafic est intense (Atlantique et Pacifique nord), et une diminution de leur rôle d’écran vis à vis du rayonnement solaire. Ces mécanismes qui peuvent jouer un rôle dans la très forte augmentation de la température de la Terre sont cependant très modestes comparés à la cause principale : la hausse continue de la concentration en gaz carbonique de l’atmosphère, responsable à elle seule, d’après cette étude, de + 0,2°C en dix ans. Cette augmentation rapide n’est pas encore complètement expliquée. Rappelons nous que vers 2010, la hausse de la température moyenne globale avait très fortement ralenti pendant plusieurs années : il a fallu deux ou trois ans pour que ce «hiatus», dû à la variabilité naturelle, soit expliqué.
Notons que les épisodes de canicule seront de plus en plus nombreux et de plus en plus longs avec le réchauffement du climat. Au delà de 35°C en atmosphère saturée en humidité pendant plusieurs jours, la santé des humains est menacée. Ce sont des conditions qui existent déjà pratiquement chaque année, en Inde et au Moyen Orient.

Le compteur du réchauffement climatique : le déséquilibre énergétique de la Terre

La Terre reçoit de l’énergie du Soleil, et émet un rayonnement vers l’espace. Si elle émet moins qu’elle reçoit, elle accumule de la chaleur et sa température moyenne globale augmente. Ce bilan positif, appelé EEI (Earth Energy Imbalance) s’établissait à environ 1 W m-2 en moyenne entre 2010 et 2020, mais est brusquement monté à 2 W m-2 en 2023. C’est une augmentation énorme, préoccupante, qui n’est encore pas bien expliquée. L’EEI est mesurée par le satellite CERES, et il n’est pas impossible que cette augmentation ait été causée par une dérive des instruments de ce satellite, ce qu’on s’efforce de vérifier. Outre la stabilité des instruments CERES, deux processus qui interviennent dans les flux radiatifs sont particulièrement difficiles à évaluer : les nuages et leur formation, et les aérosols. Ces derniers ont été mesurés par polarimétrie pendant plusieurs années par le satellite PARASOL mais celui-ci était expérimental et n’avait pas vocation à effectuer un suivi climatologique.

La justice vient d’annuler les projets de quinze retenues d’eau en Nouvelle-Aquitaine

Ces réserves, d’une capacité totale d’environ 3 millions de mètres cubes, devaient être installées dans la Charente, la Charente-Maritime, les Deux-Sèvres ainsi que la Vienne, où le tribunal administratif a considéré que «le projet n’est pas associé à de réelles mesures d’économie d’eau». L’autorisation de faire ces bassines avait été basée sur une étude du BRGM à qui il n'avait pas été demandé de prendre en compte le changement climatique. On ne peut que regretter que certaines aides publiques aillent vers des activités nuisibles à la cause climatique. Cela montre bien l’intérêt de la formation des fonctionnaires. Les ressources en eau sont importantes pour l’agriculture, mais pas seulement pour le maïs, lequel est accusé par les détracteurs des «mégabassines» d’être très gourmands en eau dans le seul but de la production bovine. Le sujet mérite mieux que les blocages idéologiques qu’il suscite, et par ailleurs la situation évolue positivement : on mange de moins en moins de viande, de plus en plus local, et les fuites des réseaux d’eau potable sont peu à peu colmatées (la consommation d’eau douce a diminué).

C’est quoi un inversac ?

Prenons l’exemple du bassin de Thau, l’eau d’un étang est saumâtre, constituée, à la fois, d’eau salée et d’eau douce. Et sous la lagune, il y a une nappe phréatique, qui, elle, n’est constituée que d’eau douce. Lorsque cet écosystème fonctionne normalement, la pression de la nappe phréatique est plus forte que celle de l’étang, ce qui permet à l’eau douce de remonter dans le bassin, et de l’enrichir en eau douce. Un inversac, c’est quand le phénomène inverse se produit : lorsque le niveau de la nappe phréatique est beaucoup trop faible, l’eau saumâtre prend le dessus, et pénètre sous la terre sous forme d’un «biseau salé», et pollue la nappe d’eau douce. Cela se produit parfois, en cas de sécheresse prolongée, et sera de plus en plus fréquent avec la hausse du niveau marin et si les conditions de sécheresse s’accentuent .

Fonte des calottes polaires : le cas de l’Antarctique ouest

Tout comme le Groenland, le continent antarctique est une cuvette qui contient les glaciers, mais sa partie ouest flotte sur l’océan et n’est retenue que par des pointes rocheuses sur lesquelles elle repose. L’océan passe sous cette partie de la calotte, et comme il devient moins froid du fait du réchauffement global, la fonte des glaciers a tendance à s’accélérer, et le risque est que, à une échéance plus ou moins lointaine selon nos efforts pour contrer le réchauffement du climat, ce glacier ouest se détache du continent antarctique et nourrisse une forte hausse du niveau marin. Ce scénario est décrit par de nombreux articles scientifiques, souvent repris et amplifiés par les médias. Un article sur ce point est en préparation au Club des Argonautes.

Le puits de carbone dans les forêts à revoir à la baisse

Le taux de gaz carbonique dans l’atmosphère s’accroît à une vitesse de 2  ppm par an, mais ceci ne représente que la moitié environ de nos émissions : le reste est absorbé à parts à peu près égales par les «puits» océanique, et végétation terrestre. Davantage de gaz carbonique dans l’atmosphère favorise en effet la croissance des végétaux. Planter des forêts pour renforcer ces puits est donc une façon de lutter contre le changement climatique. Depuis quelques années, on constate que cette fixation de carbone par les végétaux devient de moins en moins efficace : l’Amazonie, souvent désignée comme le «poumon de la planète» a rejeté en 2022 plus de gaz carbonique qu’elle n’en a absorbé, à cause des feux de défrichement, mais aussi à cause de la sécheresse anormale qui a sévi ces dernières années. Les forêts tropicales ont le plus fort potentiel pour capturer le carbone, à cause de leur croissance rapide, mais du fait d’un déboisement intensif, leur bilan carbone est faible. Ce sont finalement les jeunes forêts boréales et tempérées qui jouent le mieux ce rôle de puits de carbone. En France, où la sécheresse a entraîné le dépérissement des forêts et des attaques d’insectes xylophages (les scolytes font de gros dégâts parmi les résineux), le bilan carbone des forêts diminue et s’est même annulé en 2022 où les incendies en ont détruit plus de 70 000 hectares. L’année 2023 est marquée par les gigantesques incendies du Canada, auxquels il faut ajouter ceux de Sibérie.
Pour restaurer leur rôle de puits de carbone des forêts, il faut que les replantations soient faites avec des espèces d’arbres adaptées au changement climatique, et que les surfaces plantées fassent l’objet d’un suivi. Il importe aussi que les coupes de bois soient faites sans arracher les souches et les racines, qui représentent la moitié du stock de carbone d’une forêt. En France, le respect de telles mesures est difficile car les forêts sont en majorité privées.
Sécheresse et température élevée accélèrent l’oxydation de la matière organique dans les sols. Ainsi, les sommets des pieux de bois sur lesquels est construite la cathédrale de Strasbourg sont exposés à l’air et pourrissent, car la nappe d’eau du Rhin s’abaisse.

Energie : nous en avons peu parlé

Bravo à l’équipe de la société AIRARO, où le Club des Argonautes a des membres correspondants, qui vient d’obtenir le soutien de la Banque Mondiale pour une étude de faisabilité de climatisation par l’eau de mer profonde en Caraïbe, projet observé avec attention par la Jamaïque qui pourrait elle aussi développer des sites climatisés par l’eau de mer profonde.
Un frein méconnu à l’implantation de champs d’éoliennes dans certaines régions (Limousin en particulier) est le manque de points de connexion suffisamment dimensionnés pour recevoir et distribuer un débit d’énergie important. La structure du réseau électrique français répond en effet prioritairement à celui des centrales nucléaires. C’est aussi le cas dans d’autres pays, où la création de ces points de raccordement ne suit pas le rythme rapide de développement des énergies renouvelables.

El Niño et le changement climatique.

Le phénomène El Niño se caractérise par un ralentissement des vents alizés dans le Pacifique et par un réchauffement marqué à l’équateur. La phase opposée est appelée La Niña : vents forts et équateur froid. Une étude par modélisation de cette alternance montre que le réchauffement climatique tendrait à favoriser des épisodes froids La Niña à répétition. Ceci expliquerait il les remous de l’histoire au petit âge glaciaire : les évènements El Niño y auraient été moins fréquents et ceci aurait affaibli les civilisations du bord de mer et permis aux Incas de dominer. C’est à eux que les conquistadors se sont confrontés lorsque ils ont conquis le Pérou.


Octobre 2023

C’est à Pérols sur Vézère, chez Bernard Pouyaud, qui nous a accueillis très chaleureusement, que cette 197ème réunion des Argonautes s’est tenue. La SNCF a innové à Pérols sur Vézère, desservi par la ligne d’Ussel à Limoges : après concertation avec les collectivités locales, le train ne s’y arrête que si un passager sur le quai fait signe au conducteur. Sinon, il poursuit son parcours.

Sur notre site web

Un article dresse un bilan de l’apport du satellite CALIPSO à l’étude du climat. La mission spatiale de Calipso vient d’être arrêtée après 17 ans de mesures en continu. Calipso, conçu pour observer les nuages et les aérosols, faisait partie d’une constellation de satellites qui ont fourni des observations colocalisées et quasiment simultanées sur les nuages, les aérosols, la chimie atmosphérique et d’autres éléments intervenant sur le cycle de l’eau et le bilan radiatif de la terre.

Les observations qui étaient effectuées par Calipso ainsi que celles d'Aeolus seront poursuivies par d'autres missions équivalentes : pour plusieurs aspects observés une relève est programmée avec EarthCare (ESA), qui sera lancé en 2024 et plus tard AOS (NASA).

Les forêts et leur rôle dans le climat nous donnent chaque mois matière à discussions. En effet, l’efficacité du puits de carbone qu’elles constituent est sensible aux épisodes de sécheresse, et aux incendies, liés au changement climatique. Nous publierons prochainement un texte sur ce sujet.

Séminaires, forums, congrès...

Début septembre se tenait comme chaque année le séminaire annuel du Centre Européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (ECMWF). Signe que le service d’observation Copernicus archive et met rapidement à disposition les données sur la météo et le climat, les épisodes de chaleur du début de cet été ont pu être présentés et discutés. Un exposé sur l’avènement de l’intelligence artificielle dans la prévision météorologique a suscité beaucoup de questions. Le thème central de ce séminaire était les réanalyses. La nouvelle réanalyse atmosphérique ERA6, version perfectionnée de ERA5, devrait démarrer en 2024, et partira également de 1940. Le séminaire traitait aussi des réanalyses océaniques, continentales, hydrologiques, sans oublier la chimie pour l'atmosphère. Ces réanalyses nécessitent énormément de calculs, et ces calculs deviennent de plus en plus énergivores : la recherche météorologique et climatique devient ainsi un gros émetteur de CO2.

Le Syndicat des Énergies Renouvelables a tenu son 24ème colloque annuel. L’organisation au cours de ce colloque d’une table ronde réunissant des membres du Syndicat et des élus locaux est un signe encourageant de la pénétration des connaissances scientifiques dans les milieux des décideurs et des politiques.

La formation des fonctionnaires

La mise au point et l’application de mesures pour contenir le changement climatique et lutter contre ses conséquences devra s’appuyer sur des administrations et des décideurs capables d’en comprendre les enjeux. Sur ces questions, on constate en effet souvent une frilosité accrue, voire un recul, des autorités politiques. Localement, lors des discussions sur les mesures à prendre face au changement climatique, l’ordre préfectoral est souvent d’escamoter tous les sujets susceptibles de donner lieu à des conflits, par crainte de manifestations et de dérapages. Ces craintes guident l’action des préfets. On assiste aussi à des déclarations populistes qui minimisent les conséquences du changement dans le seul but de gagner des voix aux élections.
Afin de rendre l’administration plus efficace, le ministère de la Transformation et de la Fonction publiques a préparé un plan de formation à la transition écologique des cadres de la fonction publique, pour lequel les directives sont en cours d’élaboration. Elle sera probablement dotée d’un conseil scientifique émanant des organismes dont relèvent les formateurs. Deux Argonautes (et peut être d’autres plus tard) feront partie de ces formateurs. Les personnels de la justice, qui ont de plus en plus souvent à statuer sur des plaintes pour des menaces d’atteinte à l’environnement (récemment à propos de «mégabassines»), ou pour inaction des états, seront eux aussi inclus dans cette formation. Hélas, les politiques qui par démagogie peuvent s’opposer à certaines mesures de la transition écologique, y échappent. Certains journalistes, en revanche, ont fait eux mêmes ce travail de formation et publient des articles de qualité.

 Les banques ne devraient elles pas elles aussi suivre la formation à la transition écologique  ?

D’après une enquête de The Guardian, les banques européennes ont continué de financer par le marché des obligations les compagnies pétrolières à hauteur de mille milliards d’Euros depuis les accords de Paris de 2016, et ceci malgré les incitations à limiter les prêts destinés à la production de pétrole, de gaz et de charbon. Pour les sept années écoulées, cette somme équivaut à 140 milliards d’Euros par an.
Il se trouve que depuis environ 10 ans, dans le cadre de sa politique dite "d'assouplissement quantitatif", la Banque Centrale Européenne a dépensé chaque année des centaines de milliards pour soutenir le cours de titres de dette publique de certains de ses États Membres. Pour l'essentiel, ces sommes ont été versées aux banques qui détenaient une large part des titres que la Banque Centrale Européenne recherchait. Gorgées de liquidités qu'elles ne tenaient pas à ré-investir sur les marchés financiers, les banques les ont placées à la Banque Centrale Européenne , qui rémunère de tels dépôts. Avec la hausse des taux d'intérêts décidée pour lutter contre l'inflation, la rémunération 2023 de quelques 3000 milliards de ces réserves bancaires, s’élèvera à plus de 140 milliards. Rien ne permet d'exclure que cette manne serve, comme au cours des sept années passées, au moins en partie, à financer de nouveaux investissements dans... le secteur pétrolier!

Que la politique monétaire de sauvegarde de l'Euro contribue, au moins indirectement... à financer des activités que l'UE s'est engagée à réduire, appelle une mise en cohérence des textes qui rendent possible une telle anomalie.

Climato-scepticisme, ou pied sur le frein ?

Alors que l’été 2023 a été fertile en records de chaleur, en pluies dévastatrices, et en incendies de forêts, le climato-scepticisme n’a jamais été aussi agressif, surtout sur les réseaux sociaux, mais aussi, plus insidieusement, dans certains médias. Ainsi, Mac Lesggy, l’animateur bien connu de l’émission E=M6, présente depuis le mois de septembre une «météo instructive» pour lutter contre les ‘contre-vérités’ sur le climat: commentant quotidiennement le bulletin météo, il critique souvent les mesures visant à réduire nos émissions de gaz carbonique, au titre que selon lui le changement climatique est inéluctable et qu’il faut non pas le freiner, mais seulement s’y adapter, poussant donc à l’inaction. Ceci conforte l’état d’esprit de beaucoup, qui ne nient pas la réalité du changement climatique dû à l’homme, mais veulent conserver leur mode de vie et rechignent à mettre en pratique des mesures de réduction de leurs émissions.
Malgré ces discours qui incitent à l’inaction, les émissions de gaz carbonique en France ont diminué de 4% au cours du dernier semestre, preuve que les mesures prises et les recommandations portent leurs fruits, que des gens, des entreprises, font un effort pour diminuer leurs émissions. C’est un encouragement à continuer jusqu’au zéro émissions.

2023 : les indices du changement climatique s’envolent

À lui seul, le phénomène El Niño qui a débuté au mois de mai 2023 est prometteur d’un record de température moyenne globale pour cette année, comme cela a été le cas lors du précédent événement en 2016. En outre, l’été boréal a été marqué par de fortes canicules en Europe et au Maghreb, en Chine et au Japon, et par un hiver austral extrêmement doux en Argentine. L’étendue de la banquise antarctique a été de loin la plus réduite jamais observée. Dès le mois d’avril, la température moyenne de la surface des océans a bondi de +0,1°C entre 60°S et 60°N et cette anomalie se maintient: 0,252°C de plus en septembre que lors des précédentes années records. Moteur principal de ces records, le déséquilibre énergétique de la Terre, qui reçoit plus d’énergie du Soleil qu’elle n’en émet vers l’espace. L’estimation de ce déséquilibre énergétique fait appel à de nombreuses mesures et processus et quels qu’en soient les auteurs est toujours affectée d’une assez large marge d’erreur, mais les résultats montrent que ce déséquilibre tend à s’accroître d’environ 0,5 Wm-2 en 2005 à 1 W m-2 en 2019. Une publication récente, à confirmer, le chiffre à 1,7 W m-2. Le déséquilibre énergétique de la Terre se creuse donc rapidement, ce qui devrait conduire à une accélération du réchauffement du climat. Les causes de cette accélération peuvent être bien entendu les émissions de gaz à effet de serre, mais aussi les aérosols et leur interaction avec les nuages.
Pour surveiller l’évolution de ce déséquilibre, il est essentiel de maintenir et de développer les systèmes d’observations tels que le satellite CERES pour l’atmosphère, et le réseau de bouées ARGO pour le contenu thermique des océans.

La géoingéniérie : boite à outils ou boite de Pandore ?

Émettre moins de gaz carbonique, c’est bien. En retirer de l’atmosphère, ce serait encore mieux. Des projets de géoingénierie en ce sens réapparaissent de temps à autre dans les médias. Parmi eux, alcaliniser l’eau de mer pour en baisser l’acidité, et répandre du fer à la surface de certaines parties de l’océan afin d’y stimuler la croissance du phytoplancton. Les deux projets visent à diminuer la pression partielle de gaz carbonique à la surface de l’océan et à accroître le puits océanique de carbone.
Alcaliniser l’eau pour en élever le pH est ce qui se fait naturellement grâce à l’érosion des roches alcalines par l’eau de pluie, mais cette action est très lente, et ne s’accomplit qu’aux échelles de temps des ères géologiques. Pour l’accélérer, on broierait finement ces roches, qui sont très abondantes sur terre. Pour ce propos, on cite souvent les roches de la famille de l’olivine ou basaltiques, mais beaucoup de roches siliceuses conviendraient. Mais il en faudrait des quantités gigantesques, et broyage et transport devraient être réalisés en utilisant de l’énergie renouvelable.
La croissance du phytoplancton fixe du gaz carbonique sous forme de carbone organique ; elle demande des sels nutritifs, nitrates et phosphates. Ceux ci sont présents dans l’Océan Antarctique, dans le Pacifique équatorial, et dans quelques autres régions, où, pourtant, cette croissance ne s’effectue que très lentement. En cause, le manque de fer, dans ces régions éloignées qui reçoivent très peu de poussières continentales. D’où l’idée, comme il en faut peu, de saupoudrer la surface de l’océan avec de la rouille : «donnez moi un demi cargo rempli de rouille et je vous vous fais une ère glaciaire!» (John Martin, 1988). Contrairement au projet d’alcaliniser l’océan, cet apport de fer est possible à peu de frais. Des essais qui ont eu lieu au début des années 2000 n’ont pas été très concluants. Mais vu sa faisabilité, des entreprises proposent de se faire financer pour le mettre en œuvre.

La géoingéniérie : parfois boite à sous, hélas?

Forêts, puits et sources de gaz carbonique

Un étude récente basée sur des observations par satellite montre que le puits que constituent les forêts tropicales n’est plus effectif, et que ce sont les forêts tempérées et boréales qui jouent encore un rôle de puits. Les forêts tropicales étaient pourtant jusqu’à présent considérées comme ayant la croissance la plus rapide. Mais depuis quelques années, en raison pour une part de la déforestation, l’Amazonie émet plus de carbone qu’elle n’en absorbe. Le puits de carbone que constituent nos forêts en France a diminué de moitié environ depuis dix ans, le bilan de 2022 étant particulièrement mauvais à cause des incendies dans les Landes. Une part de l’explication est que ces forêts, avec les espèces qui les composent, ne sont plus adaptées au climat. Il faudra trouver de nouvelles espèces mieux adaptées. Chaleur et sécheresse ne sont pas forcément synonymes de forêts clairsemées, comme le montrent les forêts d’Afrique du nord qui, au contraire, sont denses et stockent beaucoup de carbone. Les épicéas, les auraucarias, les pins d’Alep, les cèdres du Liban, sont des espèces plus résistantes au nouvelles conditions climatiques, et sont candidates pour les replantations.
Nos comportements vis à vis de la forêt sont à améliorer. Les forestiers ont souvent des pratiques néfastes: au lieu de couper les arbres, on les arrache. Cela rend la replantation moins onéreuse. Or, il y a autant de carbone piégé dans le système racinaire que dans la partie aérienne des arbres. Le bois a plusieurs usages: l’utiliser pour la construction représente un stockage de carbone quasi définitif, tandis que le brûler pour le chauffage réémet son contenu en carbone dans l’atmosphère. De même, les incendies de forêts rejettent du gaz carbonique dans l’atmosphère et ils rejettent aussi en abondance des suies, qui sont des aérosols absorbants, qui contribuent à réchauffer le climat. Les arbres ont une durée de vie limitée. Ils ne stockent du carbone que lorsqu’ils grandissent. Vouloir absolument protéger les vieux arbres n’est pas forcément justifié au nom de la lutte contre le changement climatique, car la biomasse de ces vieux arbres ne s’accroît plus.

Les fuites de méthane associées à l’exploitation du carbone fossile

L’agence spatiale européenne vient de publier une carte des principales émissions de méthane (un gaz à effet de serre, 80 fois plus puissant que le gaz carbonique sur 20 ans). Plutôt que les zones de riziculture, ou d’élevage de ruminants (visibles tout de même en Inde et en Argentine), cette carte indique surtout des fuites liées à l’extraction du charbon (Chine, Australie, Afrique du Sud, Appalaches), du pétrole (Texas, Mer Caspienne) ou du gaz (Russie). L’exploitation du gaz de schiste aux États Unis émet beaucoup, mais on remarque que les zones pétrolières bien entretenues (Arabie, Norvège) n’émettent pas beaucoup, alors que les mines de charbon sont des sources importantes.
Les satellites européens de la série Sentinel permettent de détecter les fuites importantes de méthane, et cette carte récente a été élaborée grâce aux données du satellite Copernicus Sentinel 5P. Un autre satellite capable de détecter le méthane (MERLIN) sera lancé en 2024.

Changement climatique, davantage d’eau, plus de sécheresses ?

Lorsque la température s’élève de 1°C, la quantité d’eau que peut contenir l’atmosphère à saturation s’élève de 7%, conformément à la loi de Clausius Clapeyron, souvent citée, même par les médias. Nous avons dépassé ce stade de +1°C. Pour autant, est ce que les précipitations se sont accrues de 7% ? Au contact de l’océan, l’atmosphère contient bien 7% d’eau en plus, mais l’air ainsi saturé, repris par les vents, et en interaction avec les surfaces continentales, est soumis à la complexité de la dynamique du climat. L’augmentation des précipitations est en fait estimée à seulement 2% par degré, mais ne s’applique pas de façon uniforme: sécheresses prolongées et pluies diluviennes accompagnent le changement climatique. Ces phénomènes ont souvent lieu à petite échelle et sont mal décrits dans les données de réanalyse. Dans une étude récente basée sur la réanalyse ERA 5, les auteurs se basent sur l’hypothèse que si la surface qui reçoit un jour de précipitations diminue, alors, la fréquence des pluies diminue et leur intensité augmente. En croisant les statistiques sur les quantités de pluies cumulées et les surfaces touchées chaque jour, ils vérifient cette hypothèse dans les régions où des données de terrain optimales assurent la bonne qualité de la réanalyse. Alors que les phénomènes liés à l’eau ont très souvent un caractère ponctuel, cette étude montre qu’on peut malgré tout extraire des indicateurs du climat des résultats à grande échelle des réanalyses. À noter qu’on devrait pouvoir trouver ces caractéristiques à petite échelle dans les observations du satellite GRACE.

Gérer les ressources en eau

Les questions d’eau sont gérées par les SAGE (Service d’Aménagement et des Gestion des Eaux). Les discussions qui se tiennent dans les réunions de SAGE se passent au niveau des entités territoriales avec le biais suivant: l’eau coule d’amont en aval, et l’aval, généralement plus peuplé que l’amont, finit toujours par l’emporter. Ainsi, chaque année, chaque habitant du plateau de Millevaches donne 1/2 million de m³ d’eau aux habitants de l’aval. Autre exemple: le débit du Rhône en France aurait diminué: c’est difficile à affirmer, car la sortie du lac de Genève est contrôlée par la Suisse qui veut avant tout stabiliser le niveau du lac (en particulier pour que les infrastructures portuaires des propriétaires de yachts n’aient pas à se préoccuper de variations du niveau du lac Léman). En année de sécheresse, la Suisse garde l’eau, et le cours du Rhône en France en pâtit. On trouve des cas similaires avec l’eau du Jourdain, le Colorado qui n’apporte plus d’eau au Mexique, les retenues d’eau d’Anatolie...
Avec la montée des océans, les nappes d’eau douce proches de la côte se salinisent. Ainsi, en Floride, un pipe line est en cours de construction (il coûtera 140 millions de dollars) pour alimenter en eau non pas «douce» mais seulement moins salée, le site de prélèvement d’eau pour la ville de Nouvelle Orléans (qui se trouve en partie sous le niveau de la mer).

Puits océanique et végétation terrestre de carbone : vers un affaiblissement ?

Depuis plusieurs décennies, on observe que seulement la moité environ des émissions anthropogéniques de carbone subsistent dans l’atmosphère. L’autre moité se répartit entre l’océan, et la biosphère terrestre. Cependant, les nouvelles récentes concernant ces puits suggèrent qu’ils sont de moins en moins efficaces.
La pénétration du gaz carbonique dans l’océan est lente, et les quantités qui pénètrent sont très faibles par rapport à l’existant. On connaît bien les conditions de surface, proches de l’équilibre entre l’océan et l’atmosphère, mais pour connaître la pénétration dans l’eau profonde, il faudrait des mesures qui ne sont possibles qu’au cours de campagnes océanographiques : inventaire TTO dans les années 60, inventaire GEOSECS dans les années 70, WOCE dans les années 90. De tels inventaires sont extrêmement coûteux, et on se contente maintenant de quelques suivis mensuels à des stations de référence. On a donc une image trop peu détaillée de la situation. Le réseau de bouées automatique Argo ne mesure que le pH de l’eau, or, pour connaître le système des carbonates, caractérisé par le carbone inorganique total (c’est lui qu’on souhaite connaître), l’alcalinité, le pH et la pression partielle de CO2, on a besoin de connaître au moins deux de ces paramètres. Une étude récente qui met en évidence une diminution du puits océanique de carbone doit donc être examinée avec prudence.
Le puits de carbone dans la végétation terrestre semble lui aussi être en diminution: son efficacité dans les régions tropicales se réduit, et des incendies vastes compromettent celui des zones tempérées et boréales. Le Global Carbon Project suit année après année les émissions de carbone, et l’état des stocks de carbone dans les océans et le biosphère terrestre. Ses prochains diagnostics seront à examiner attentivement.

Divers

Le scénario européen CLEVER (Collaborative Low Energy Vision for the European Region) propose un cheminement ambitieux et réaliste pour la décarbonation en Europe. Il est inspiré de celui élaboré par l’association Négawatt. Le travail de Négawatt est à souligner pour son sérieux. Il est la démonstration que les associations peuvent réaliser des études utiles et inspirer l’action publique.

En se retirant, les glaciers offrent des surfaces libres pour la reconquête par des écosystèmes. Ces écosystèmes n’atteindront leur équilibre que beaucoup plus tard, dans plusieurs dizaines d’années. En attendant, il serait bon qu’au moins certains d’entre eux fassent l’objet de protection et d’étude.
Les forêts émettent quantité de substances qui donnent naissance à des aérosols. Ces aérosols sont actifs dans la condensation de la vapeur d’eau atmosphérique et la formation des nuages. Parmi ces substances, récemment étudiés, les sesquiterpènes.


Septembre 2023

Sur notre site web

L’une des dernières nouvelles publiées dans notre blog concerne des artefacts qui apparaissent parfois sous forme de Radars de précipitation : étranges rayons de vélo dans les cartes des échos des radars de pluie. Ces anomalies sont dues à des émissions liées à l’activité humaine dans des bandes de fréquence qui débordent sur celles des radars de pluie. Elles se manifestent par des rayons de plus d’une centaine de kilomètres autour des radars. Elles peuvent apparaître partout dans le monde et sur tous les sites web où les échos des radars sont livrés au public sans nettoyage préalable, On en a observé en particulier en Espagne, mais aussi en Argentine ou en Mer Baltique. 

Bientôt sur notre site web

Des événements survenus à la fin de la dernière période glaciaire, faisant alterner des phases de réchauffement avec de brusques refroidissements, impliquant des modifications profondes de la circulation océanique dans l’Atlantique nord (ainsi, que l’abracadabrant scénario du film « le jour d’après ») attirent l’attention des chercheurs, et aussi celle du public, sur la réponse des courants de l’Atlantique nord au changement climatique. Les ramifications nombreuses de la circulation marine dans cette région complexe, et la difficulté d’y effectuer des observations, donnent lieu à une forte activité de recherche, que nous nous efforçons de suivre avec l’objectif de, prochainement, rédiger une synthèse à destination du public. Actuellement l’Atlantique apporte beaucoup de chaleur à l’Arctique, qui reçoit par ailleurs de l’eau douce du Canada et de Sibérie ; l’équilibre entre les deux sources est peu documenté. On observe actuellement une "atlantification de l'Océan arctique" liée au dipôle atmosphérique de l’Arctique, qui, positif de 2007 à 2021, a fait pénétrer moins d’eau de l’Atlantique vers l’Arctique. Si ce dipôle devient négatif, la pénétration des eaux de l’Atlantique vers l’Arctique y favorisera la réduction de la banquise. Caractéristique intéressante et peu connue des hautes latitudes : les eaux denses (et à ces températures proches de zéro, très salées) ont tendance à être attirées vers les pôles.

Consultation Citoyenne sur la Trajectoire de Réchauffement de Référence

Le Club des Argonautes a répondu à la Consultation Citoyenne sur la Trajectoire de Réchauffement de Référence, lancée au printemps dernier par le gouvernement. Les concepts de préservation du bien commun et de juste besoin doivent constituer le fil directeur de l’action publique. Il nous a paru essentiel de déployer les moyens à l’échelle locale, tout en recherchant la cohérence avec les réglementations nationales et européennes. Un grand nombre de dispositions réglementaires mises en place antérieurement sans considération de la menace que constitue le changement climatique, devront être systématiquement réexaminées en vue de supprimer les obstacles qu'elles constituent trop souvent. L’efficacité des mesures prises devra être évaluée en permanence. Le Haut Conseil pour le Climat (ou une structure équivalente) devrait être doté de compétences élargies pour cette évaluation permanente, et pour l’animation de toutes les réflexions stratégiques. La formation des fonctionnaires décidée récemment par la gouvernement sera très utile pour la mise en application des décisions.

Demain des fonctionnaires qui parlent «climat»

Le Club des Argonautes salue la décision du gouvernement français de former les fonctionnaires à la transition écologique. Nous espérons que ce projet sera doté de moyens humains et financiers suffisants et prendra de l’essor. Un niveau de connaissances adapté est en effet nécessaire pour que la conduite de cette transition ne soit pas encombrée par des réglementations anciennes, inadaptées, voire contradictoires : il doit s’agir d’une formation, et non d’une information.

Bravo Copernicus!

Le service Copernicus sur le changement climatique (C3S) a tenu sa sixième assemblée générale du 12 au 14 septembre. Copernicus, qui vient d’avoir 25 ans (au départ identifié sous les initiales GMES (Global European monitoring service), est resté pratiquement inconnu du grand public jusqu’à cette année où, les événements liés à des conditions extrêmes se bousculant partout dans le monde, les médias y ont quotidiennement fait référence. Copernicus est ainsi devenu le principal service d’observation et d’analyse du climat vers lequel on se tourne chaque fois que se produit une inondation, une vague de chaleur, ou tout évènement extrême, rôle qui était jusqu’à présent dévolu aux puissantes organisations américaines que sont la NASA ou la NOAA. Les Français ont joué un rôle moteur dans la mise sur pied de Copernicus, et il y a lieu de s’en féliciter.

Comme Jules Verne dans «Sans dessus dessous» mais sans le faire exprès

L’humanité a change l’inclinaison de la terre a force de pomper l’eau souterraine. Le réarrangement des masses d’eau conduit à une redistribution des masses et la rotation de la Terre en est affectée. Un article de Christian Bizouard explique que le pôle se déplace dans un cercle de 15 à 20 m de diamètre en réponse aux variations saisonnières de l’étendue des calottes polaires. Le mouvement de rotation de la Terre ralentit peu à peu, de telle sorte qu’il faut, de temps en temps, ajouter une milliseconde au temps passé. Surprise cette année : ce mouvement de rotation s’est accéléré ! Il faudrait donc retirer une milliseconde à cette échelle. On pense à la danseuse qui tourne sur elle même de plus en plus vite si elle rapproche ses bras de son corps… l’explication pour cette récente accélération de la Terre reste à trouver.

2023, année terrible

La multiplication en 2023 des épisodes caniculaires, des sécheresses, des incendies et des pluies diluviennes interpelle les scientifiques : que se passe-t-il avec le climat ? Est-ce à cause de l’événement El Niño qui a débuté au printemps dernier ? Ou à cause de l’énorme quantité de vapeur d’eau injectée dans la stratosphère lors de l’éruption du volcan Hunga Tonga ? Ce dernier point doit être minimisé, les émissions concomitantes de poussières et de composés sulfurés étant plutôt de nature à refroidir le climat. Les plus alarmistes parlent d’un climat qui deviendrait hors de contrôle, très au-delà des prévisions élaborées par les modèles climatiques. Il existe une forte variabilité interannuelle, et il y a une dizaine d’années, au contraire, la hausse de la température moyenne globale a marqué une pause, qu’on a nommée le «hiatus», dont l’explication a demandé un gros travail de recherche. Il faudra du temps pour analyser cette période et la comprendre, mais sans en attendre les résultats, il faut admettre que le changement climatique est bel et bien en cours, et que ce n’est pas anodin. Les processus complexes de la formation des nuages pourraient y jouer un rôle. Le déséquilibre du bilan énergétique de la Terre (c’est à dire : le réchauffement) semble avoir augmenté cette année, passant de moins de 1 W/m² à plus de 1,5 W/m² ! A suivre.

Fumée blanche pour les cargos

La mise en application des régulations interdisant l’usage de fuel riche en soufre dans le trafic maritime a conduit à une réduction des aérosols réfléchissants dans l’atmosphère, notamment dans le très fréquenté Atlantique nord, et par conséquent à une augmentation du rayonnement solaire incident contribuant au réchauffement du climat. Il faut toutefois noter que la plus grande partie des aérosols soufrés ne provient pas du trafic maritime, mais plutôt de la combustion du charbon. Les gaz de combustion émis par les centrales qui utilisent des hydrocarbures sont désulfurés. Le soufre ainsi récupéré fournit la plus grande partie de cet élément pour l’industrie, en particulier pour la production de plâtre.

La géo-ingénierie, miroir aux alouettes de la finance

On entend souvent parler de projets visant à retirer du gaz carbonique de l’atmosphère. Ces projets sont toujours extrêmement coûteux en énergie, et reposent évidemment sur des énergies non émettrices de gaz carbonique. Ils laissent hélas croire que le remède viendra de la technologie, et de la géo-ingénierie, plutôt que de la décroissance : retrait du gaz carbonique, ou décroissance? Le premier se prête à des projets industriels et à des financements importants, la seconde non : la partie n’est pas équilibrée.

La pluie sur commande ?

Alors que les essais de déclenchements artificiels de pluie dont nous avons eu connaissance (ou auxquels certains d’entre nous ont participé) ont tout au plus fait tomber la pluie en un endroit A plutôt qu’en B. On entend de plus en plus parler de l’usage de cette pratique en Chine, en Thailande, au Moyen Orient. Toutefois, il est très souvent question d’essais, moins souvent de résultats.

Qui prend les décisions en cas de sécheresse ?

Une des conséquences liées à la crise climatique est les épisodes récurrents de sécheresse. Que fait la puissance publique dans ce domaine ? Ce sont les SAGE (Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux) qui gèrent localement les ressources en eau. Ils doivent se doter d’une gouvernance qui doit trancher entre, par exemple, la priorité des besoins urbains et celle de l’agriculture : pas facile, les prises de décisions sont souvent houleuses.

Un Argonaute au Kirghistan

Profond et doté de rives abruptes, le lac Issyk-Kul au Kirghiztan est vaste, endoréique, et sa surface varie peu. Il constitue un site de qualité pour la calibration du satellite SWOT (Surface Water and Ocean Topography) lancé il y a un an. Pierre Chevallier, Argonaute, a participé à son étude. Bien que situé à 1600 mètres d’altitude, il ne gèle jamais. Il ne reçoit pas d’eau de l’Océan Indien, étant majoritairement alimenté par les pluies associées aux vents d’ouest qui transportent l’humidité depuis l’Atlantique et la Méditerranée. Son étude hydrologique doit prendre en compte des aspects mal connus : la géologie des nappes phréatiques, et la part que joue l’irrigation des zones cultivées sur une partie de ses rives. Un suivi du lac a été réalisé du temps de l’empire soviétique, mais les données archivées sont éparses et non numérisées pour la plupart.

Inquiétude pour les forêts

Longtemps considérées comme un puits de carbone, les forêts soumises aux incendies, aux vagues de chaleur, aux attaques par les insectes xylophages aux coupes pour le bois de chauffage et aux épisodes de sécheresse, pourraient dès 2026 émettre davantage de gaz carbonique qu’elles n’en capturent. En France, la majorité des feux sont causés par la négligence humaine ou une action volontaire. Ce n’est pas le cas au Canada où ils sont la plupart du temps causés par la foudre. Les incendies au Canada ont fait reculer les forêts et émis de grandes quantités de CO2 dans l’atmosphère (290 MT à la mi juillet, certainement davantage à venir). C’est peut-être pire chaque année en Sibérie. Ces feux exceptionnels pourraient à eux seuls en 2023 représenter près de 10 % des émissions totales de carbone.

Les sources naturelles d’hydrogène

Des progrès du côté de l’hydrogène : on découvre de plus en plus d'émissions naturelles d'hydrogène. On en a découvert en grande quantité en Lorraine à 1000 mètres de profondeur, sous une couche de charbon, dans les mines de fer. La difficulté est de parvenir à le capter. Par ailleurs, on travaille sur le stockage de l’hydrogène dans des métaux, et particulièrement dans de l’hydrure de magnésium. Des équipes travaillent aussi sur une photolyse de l’eau qui produit de l’hydrogène.

«Donnez moi un tanker plein de rouille et je vous donne une glaciation» (John Martin, 1988)

Parmi les projets de géo-ingénierie destinés à extraire du gaz carbonique de l’atmosphère, on trouve l’idée de saupoudrer avec du fer certaines zones de l’océan où, bien que les nitrates soient abondants, le manque de fer limite la photosynthèse. C’est ce qui se passe naturellement dans la région des îles Tonga où le volcanisme sous marin apporte le fer nécessaire à la croissance des cyanobactéries diazotrophes. Le fer, très peu abondant dans l’eau de mer, est en effet indispensable pour la diazotrophie. Il est habituellement fourni par les retombées de poussières terrestres, et, dans cette zone éloignée des continents, par l’activité volcanique. La diazotrophie en mer ne donne pas lieu à des poussées de plancton rapides car son coût métabolique est élevé. En agriculture, les légumineuses (soja, haricots, luzerne…) ont sur leurs racines des bactéries diazotrophes et on les utilise dans les rotations de cultures pour enrichir les sols en azote.

Rouspétons !

On souhaiterait bien sûr que l’accès aux articles scientifiques publiés soit gratuit. C’est le cas pour les revues de l’European Geophysical Union, mais là, ce sont les auteurs qui paient, et fort cher. Une telle décision se heurte aux intérêts des éditeurs. Pourtant les reviewers font leurs évaluations sans être rétribués (une rétribution poserait d’ailleurs des problèmes de neutralité !). Les éditeurs commerciaux profitent du «publish or perish» qui devient de plus en plus réel avec la tendance qui s’est généralisée de joindre des articles aux thèses. On peut bien sûr choisir de publier des articles dans des revues bon marché, mais les auteurs souhaitent évidemment publier dans des revues à fort impact. Le «publish or perish» aboutit à une pléthore de publications mais n’augmente pas le nombre de celles qui apportent vraiment des connaissances nouvelles.

Avec l’IA, la fin de la météo ?

Plusieurs signalements ces dernières semaines font état de développements visant à appliquer l’intelligence artificielle à la prévision météorologique. Ceci est symptomatique de l’irruption de l’intelligence artificielle dans la prévision météorologique, où elle promet une rapidité de calcul accrue. L’intelligence artificielle peut compléter, plutôt que remplacer les systèmes utilisés jusqu’à présent. En effet elle nécessite une assimilation des données qui précèdent l’instant de la prévision, et ces données sont fournies par la prévision numérique classique. Les réseaux de neurones sont entraînés sur des sorties de modèles, et donc, le changement climatique impose que l’apprentissage soit fait en permanence pour tenir compte du changement en cours : on ne peut pas prévoir le temps qu’il fera en se basant sur les statistiques d’un climat qui change. Par ailleurs, peut on mettre dans les réseaux de neurones des contraintes physiques (conservation de la masse, de l’énergie, vorticité potentielle… ? Ce n’est pas encore au point. Il pourrait devenir utile de représenter des phénomènes à petite échelle dont la résolution demande beaucoup de calculs par des réseaux de neurones dédiés, qui seraient ensuite intégrables dans des modèles à grande échelle. Le même principe pourrait être appliqué à des opérateurs d’observation. Un risque tout de même est qu’avec ces outils on perde de vue et oublie ce qu’on a mis dans la «boite noire». Il est donc indispensables de ne pas perdre dans ces développements l’oeil du physicien.

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