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Embarquez avec des scientifiques, des ingénieurs et des marins pour une navigation-exploration des relations avec l'océan, le climat et les énergies marines dans la perspective du changement climatique 

 
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Michel Gauthier

L’océan reçoit annuellement du soleil une quantité d’énergie équivalente à plus de mille fois la demande mondiale en énergie primaire. Cette énergie est contenue sous forme de chaleur dans la couche d’eau de surface des mers et des océans. Elle est redistribuée entre l’océan et l’atmosphère. Elle est à l’origine des vents, des vagues, des nuages et des pluies, du réchauffement des régions polaires. Elle détermine les climats. 

L’idée de prélever une fraction de cette Énergie Thermique des Mers - ETM - pour la transformer en énergie électrique date de plus d’un siècle. 

L’ETM : comment ça marche ? 

En chauffant à sa température d’ébullition un fluide approprié sous sa forme liquide il se transforme en vapeur que l’on fait passer dans une turbine couplée à un alternateur avant de l’aspirer vers un condenseur où elle se refroidit et redevient liquide. Dans le cas de l’ETM la «chaleur» nécessaire à la formation de vapeur est prélevée dans les eaux de surface des régions les plus chaudes de l’océan où la température peut atteindre 25 à 28 °C, et le "froid"  nécessaire à sa condensation est fourni par l’eau pompée sous la thermocline, là où sa température se refroidit et peut s’approcher de zéro degré centigrade. 

Le procédé est donc identique à celui de nos centrales électriques modernes quel que soit le combustible : fossile ou nucléaire. Seules les conditions de fonctionnement changent. Le faible écart de température disponible dans l’ETM – de l’ordre de 20 °C – rend le procédé peu efficace. Cependant l'énergie que l'on peut extraire, c'est à dire l'énergie "nette" disponible pour l'utilisateur, représente selon l'écart de température exploitable, jusqu'à cinq fois la puissance consommée pour faire fonctionner l'usine.

 

La démonstration expérimentale que le procédé était réalisable à été faite en mer dès les années 1930. Elle est l’œuvre du français G.Claude qui déjà s’interrogeait sur le déclin des réserves, de charbon à l’époque. 

Après la seconde guerre mondiale l’exploitation des ressources pétrolières, d’abord à terre puis offshore, repoussa ce questionnement récurrent sur l’avenir énergétique du monde industriel. Il fallut la crise pétrolière de 1973 et l’évidence de la vulnérabilité des approvisionnements pour relancer la recherche sur cette filière ETM en France, aux USA et au Japon. Le retour à une certaine régulation du marché pétrolier en 1986 remirent ces travaux en question et la France cessa d’y contribuer, laissant le leadership de l’ETM aux USA et au Japon. 

Depuis près de vingt ans ces deux pays ont réussi à maintenir un certain dynamisme dans la recherche de solutions techniques et d’options économiques rendant l’exploitation de l’ETM de plus en plus attrayante. Ils ont optimisé les caractéristiques des composants : échangeurs et turbines, conforté le degré de confiance dans la tenue des équipements marins, notamment pour la construction et la pose de conduites d’aspiration d’eau profonde, et développé le concept d’usines ETM littorales "multi-produits" de tailles modestes, jusqu’à quelques dizaines de MW.

Ce concept d'usine "multi-produits", qui permet de valoriser d'autres utilisations des eaux froides profondes : pour la production d'eau douce et de produits aquacoles entre autres, est plus particulièrement adaptées aux besoins actuels de petites communautés isolées proches de la ressource. Ils ont également étudié l’extrapolation de la filière à des usines de plusieurs centaines de MW pour la production en mer de combustibles liquides synthétiques (hydrogène, ammoniac et méthanol) transportables par tankers pour répondre au besoin des pays industrialisés éloignés des zones où la ressource est disponible. Enfin, les données acquises sur le fonctionnement d’installations expérimentales pendant ces deux décennies permettent une meilleure appréciation des effets – positifs et négatifs– des rejets d’eau profonde encore froids et riches en sels minéraux . 

Pendant cette même période s’est développée l’idée que le recours aux énergies renouvelables et propres s’imposerait de plus en plus comme une nécessité. Non plus seulement pour pallier de possibles ruptures d’approvisionnements en combustibles traditionnels, du fait d’embargos d’origine politique ou du fait de la raréfaction des ressources, mais aussi pour réduire autant que faire se peut les dégradations, graves et durables, que l’usage de ces combustibles cause à notre environnement . 

A ce constat s’ajoute celui du changement en cours de la répartition future des besoins énergétique entre pays riches et pays pauvres. Si, depuis le début de l’ère industrielle et jusqu’à aujourd’hui ce sont les pays les plus riches qui furent à la fois les plus importants consommateurs d’énergie et les plus gros pollueurs, demain ce seront des pays «du Sud», plus pauvres, qui le deviendront du fait de la conjonction de leur croissance démographique et de leurs demandes d’amélioration de leurs conditions de vie de leurs populations. 

Énergies du futur :

Estimation des besoins et perspectives de développement pour l’ETM.

Dans son rapport «Energy : the Next Fifty years», publié en 1999, l’OCDE imaginait différents scénarios pour l’évolution des besoins modiaux en énergie primaire, à partir des données mondiales de 1990 : une population de 5,26 milliards et une consommation d’énergie primaire de 8,98 Gtoe - soit 1,7 toe par habitant. 
Le scénario le plus pessimiste, celui du type « laisser faire » (Business-as-usual) conduisait à une consommation de 24 Gtoe en 2050, pour une population de 10 milliards d’individus. 
Le scénario « écologique » qui répondait le mieux aux exigences du protocole de Kyoto permettait de limiter la demande à 14 Gtoe avec la même population- soit 1,4 toe/habitant. Ce scénario écologique qui était aussi le moins onéreux, avec 24 000 milliards US $ d’investissements cumulés sur cinquante ans supposait de quadrupler en un demi siècle la capacité de productions des énergies renouvelables pour passer de 1,6 Gtoe (en 1990) à 5 Gtoe en 2050, avec une étape intermédiaire de 2,3 Gtoe en 2020.
Couvrir 5 à 10 % de ces besoins grâce à l’exploitation de l’ETM, pourrait être l’objectif d’un programme Européen de développement de l’ETM. 

  Voir :

Ocean Thermal Energy Conversion (OTEC)and &Deep Ocean Water Applications(DOWA).market opportunities for European industry.

The Hydrogen Economy of 2050: OTEC Driven? deMakai Ocean Engineering, Inc.

 

Or, c'est aussi dans ces pays que la ressource ETM est la plus accessible.

 

La ressource ETM

On estime à 60 millions de km2 la surface de l’océan tropical où la différence des températures entre l’eau de surface et l’eau à 1 km de profondeur est supérieure à 22 °C. Cette zone est en rouge sur la figure. La conversion par le procédé ETM de cette ressource thermique d’origine solaire permettrait la production de 100 000 TWh d’électricité par an, à un rythme « soutenable ». 

La moyenne mensuelle Dt, correspondant à la différence de température entre la surface et 1000 mètres de profondeur est >22°C dans la zone rouge, comprise entre 20°C et 22°C dans la zone orangée, 18°C et 20°C dans la zone jaune et <18°C dans la zone turquoise.

 

Ne rien faire dans cette perspective inéluctable c’est prendre le risque d’être confronté à la fois à des modifications climatiques aux conséquences encore imprévisibles et à l’exacerbation des conflits pour l’appropriation des ressources énergétiques dites traditionnelles : fossiles et nucléaires. 

Alors comme les marins qui voient l’horizon s’obscurcir et qui anticipent des dangers encore imprécis, les Géonautes doivent modifier leur route et leur allure avant qu’il ne soit trop tard. 

Les routes possibles sont multiples : économiser l’énergie, en produire en polluant moins, exploiter des ressources propres et renouvelables. Et pour suivre cette troisième voie la ressource ETM parce qu’elle est abondante, stable et renouvelable offre un potentiel de production accessible à tous et commensurable à nos besoins.

Les promoteurs américains et japonais de la filière ETM imaginent que son développement pourrait se faire en trois phases s’étalant sur une durée de plusieurs décennies. 

La première phase verra le développement de petites usines « multi-produits » répondant aux besoins immédiats de pays du "Sud" ayant un accès direct à la ressource. Elle sera réalisée en partenariat et avec l’appui technique et financier de la communauté internationale des pays industrialisés; les investissements nécessaires étant pour partie couvert par une contribution des pays du Nord aux besoins de développement de pays du Sud et par l'utilisation des fonds générés par les accords internationaux visant à réduire le taux de gaz carbonique dans l'atmosphère. 

Dans la seconde phase, l’expérience acquise par l’exploitation des usines de première génération servira à l’extrapolation vers des unités de capacités de production répondant de mieux en mieux aux exigences des futurs marchés de l’énergie de pays industrialisés, d’abord pour alimenter en électricité des villes côtières de la zone tropicale puis, ultimement pendant la troisième phase, pour la production de combustibles synthétiques à destination du monde entier. 

En parallèle avec l’évolution technique et la réduction des coûts qui accompagneront ce développement exemplaire de la filière, l’observation sur plusieurs décennies du fonctionnement de centrales de capacités croissantes sur des durées de plus en plus longues aura permis d’en comprendre les effets sur l’environnement, d'en fixer les limites, et de mettre au point les procédés proposés pour la valorisation des rejets. 

Après avoir été le pays pionnier pour l’ETM au début du siècle dernier et après avoir encore lourdement investi entre 1982 et 1985 dans le projet d’un pilote de 5 MW destiné à Tahiti , la France a abandonné en 1986 tout effort dans ce domaine ; et cela au seul motif que le coût de l’énergie produite n’était pas compétitif avec celui du marché d’alors sur le Territoire!, ce qui était a priori une évidence pour une production pilote d’une filière nouvelle. 

On ne peut que regretter cet abandon comme on regrette aussi qu’il n’y ai pas eu de volonté pour organiser au niveau national ou européen un suivi officiel de la continuation des travaux et des progrès réalisés à l’étranger sur cette filière. Cette absence de suivi qui risque de mettre nos industriels hors compétition dans l’hypothèse de l’ouverture d’un marché mondial pour son exploitation est d'autant plus surprenante que l'Europe et la France ont un grand nombre de territoires ayant un accès direct à cette ressource ETM que d’autres pays estiment encore pleine de promesses.

Mise à jour janvier 2006

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