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ETM ou OTEC en anglais 

Michel Gauthier 

I - L'Énergie Thermique des Mers : principe de base

D’après une illustration du livre de Jules Vernes: «Vingt milles lieues sous les mers » ;  Chapitre XII : Tout par l’électricité. Hachette, Collection Livre de Poche. N° 2033, 1966.  

« ……J’aurais pu, en effet, en établissant un circuit entre des fils plongés à différentes profondeurs, obtenir de l’électricité par la diversité des températures qu’ils éprouvaient …… »  

C’est en ces termes que le capitaine Nemo fait allusion à la possibilité de transformer l’énergie stockée dans les océans sous forme de chaleur en une énergie utilisable par l’homme.  En évoquant un « circuit entre des fils plongés à différentes profondeurs » pour obtenir de l’électricité Jules Verne, dans ce roman publié en 1869, fait implicitement allusion à l’effet thermoélectrique découvert en 1821 par Seebeck. 

L’idée d’utiliser la différence de températures entre les eaux tièdes de surface et les eaux froides profondes pour produire de l’électricité sera reprise en 1881 par J. Arsène d’Arsonval qui proposera un principe différent: vaporiser un fluide pour actionner un turboalternateur.

C’est un ingénieur français G.  Claude, co- fondateur de l’Air Liquide et inventeur de la lampe à néon, qui réalisera dans les décennies 1920 et 1930 les premières usines de production d’électricité à partir de l’Énergie Thermique des Mers. Ce procédé dit ETM est connu en anglais sous le nom d’«Ocean Thermal Energy Conversion  ou OTEC ».
Ainsi, parce qu’elle est froide et largement accessible – on en trouve à 1000 mètres de profondeur à des températures proches de 4°C dans tous les océans du monde – l’eau océanique profonde peut être associée à l’eau de surface chauffée par le soleil pour produire de l’électricité dans la zone intertropicale.

Mais la présence d’une source abondante d’eau froide offre d’autres possibilités aux habitants des zones littorales tropicales et notamment dans le domaine de l'économie d'énergie. On peut en effet accroître les rendements de toutes les machineries thermiques traditionnelles: diesels, machines frigorifiques, etc. en substituant cette eau froide aux réfrigérants traditionnels: l’eau ou l’air, qui sont dans ces régions à des températures ambiantes généralement supérieures à 25 °C. Dans les installations de conditionnement d’air l’utilisation de l’eau froide profonde a déjà démontré son intérêt économique. Avec de l’eau froide en zone tropicale « il y a toujours quelque chose à faire » pourrait-on dire et c’est dans cet esprit de recherche d’applications nouvelles que le « Natural Energy Laboratory of Hawaii Authority »- NELHA - travaille depuis sa création en 1974. En ouvrant ses portes aux chercheurs et en mettant à leur disposition ses installations de pompage d’eau profonde cet établissement est devenu un incubateur d’entreprises dans des domaines variés et parfois inattendus (voir paragraphe III ci-après). En effet l’eau océanique profonde n’est pas seulement froide c’est aussi un milieu très nutritif peu pathogène et peu pollué favorable à l’élevage d’espèces marines à haute valeur ajoutée.  

II - Énergie Thermique des Mers : Quelles régions sont concernées ?

Pour produire une quantité d'énergie suffisante, par exemple 3 ou 4 fois plus que ce qu'elle consomme, l'exploitation de l''ETM doit se faire dans les zones de l'océan tropical où il y a naturellement une différence de température d'au moins 20°C entre la surface et une  profondeur de l'ordre de 1 000 m.

On estime à 60 millions de km2 la surface de l’océan tropical où la différence des températures entre l’eau de surface et l’eau à 1 km de profondeur est supérieure à 20 °C. La conversion par le procédé ETM de cette énergie renouvelable marine est celle qui a le plus grand potentiel techniquement exploitable.(voir article Calcul des potentiels exploitables des énergies marines).

La figure ci-dessous donne la cartographie de l'océan mondial des différences de températur22e entre la surface de l'océan et 1000 m de profondeur.

Des mesures plus précises ont été faites localement dans les zones exploitables, en particulier à l'Île de La Réunion et à la Martinique.

III - Énergie Thermique des Mers : Quelles réalisations ?

En France

La France - nation pionnière de l’ETM au début du 20ème siècle - a abandonné ce domaine de recherche depuis le milieu des années 1980 après avoir effectué l'avant projet d'une station pilote de 5 MW a Tahiti.

Depuis juin 2007, ce sujet revient à l'ordre du jour. ( News de juin 2007 et Novembre 2007). 

Le premier projet lancé est celui de l'Île de la Réunion. (News d'Avril 2008)  qui s'inscrit dans un plan plus vaste d'Énergies Renouvelables Marines.

En effet, depuis 2008, le groupe DCNS, a valorisé son expérience et son savoir-faire en conception et entretien de systèmes navals complexes au service des énergies marines renouvelables et de l’Energie thermique des Mers en particulier. Plusieurs projets sont en cours.

La région "Île de La Réunion" et DCNS, après avoir signé une première convention en avril 2009 qui a permis de vérifier la faisabilité d'un démonstrateur ETM , ont signé en octobre une deuxième convention pour un programme de recherche en deux volets.

Dans un premier temps, un prototype unitaire de 15 KW, sur une plateforme à terre, a été construit et qualifié dans les établissements DCNS de Nantes-Indret. Il a été livré en février 2012 à l’IUT de Saint-Pierre de la Réunion et devrait être monté et exploité rapidement.

Ce prototype à terre (PAT ETM) est un banc d’essais du cycle thermodynamique pour la production d’énergie, à échelle réduite (1/150), dans lequel les conditions de température de l’eau de mer sont simulées.

Totalement autonome, le PAT ETM a pour but de tester différents éléments clés du système de production d’énergie (échangeurs de chaleur, cycles thermodynamiques,..) et de préparer le personnel d'exploitation  à la conduite de futures centrales ETM.

Des étudiants chercheurs de l’Université et les équipes de DCNS effectueront des essais complémentaires.

La deuxième étape à partir de 2012 devrait consister à lever un certain nombre de risques sur le système naval, principalement sur la conduite d’eau froide profonde (CEF, CWP en anglais) et sur les conditions d’ancrage propre au cas réunionnais.

Elle comprendra aussi des travaux de modélisation numérique sur la conduite de pompage d’eau froide et des études environnementales.
L'objectif à terme serait de mettre à l'eau une centrale pilote d'une puissance adéquate  et de disposer, à l'horizon 2030, d'une ou plusieurs centrales d'une puissance totale de 100 à 150 MW.

En Polynésie Française, l'ETM est revenue aussi sur le devant de la scène (News d'août 2008).

En février 2010, la Polynésie a signé avec l'État Français, un protocole d'accord pour le financement de l'étude de faisabilité d'une centrale ETM.

Le communiqué de presse publié à l'époque donnait les éléments suivants :

"Le maître d'ouvrage sera Pacific OTEC qui confie le pilotage de l'étude technique à DCNS. La société Xenesys Inc qui possède de bonnes compétences dans le domaine des échangeurs thermiques est également partenaire en concertation avec DCNS.

L’étude durera un an et doit permettre de confirmer la possibilité technique et financière de réaliser, au large de Tahiti, une centrale offshore d’une puissance minimum de 5 MW.
Le Projet prévoit que la centrale sera intégrée à une plateforme d’environ 50 m de diamètre immergée entre -25m et -50m. Sous la plateforme partira un pipeline de 3 à 4 m de diamètres qui pompera de l’eau à -1000 m environ."

La Région Martinique et DCNS ont signé le 25 novembre 2010 une première convention portant sur la définition des possibilités et conditions de mise en place en Martinique d’une centrale pilote d’Énergie Thermique des Mers.

Le 20 juillet 2011, la Région Martinique a signé avec DCNS et TX une deuxième convention dont l'objectif est de préciser et de délivrer les données relatives à la conception de la centrale ETM, à l’organisation industrielle du projet, à son impact environnemental ainsi qu’à son modèle économique. L’objectif global de ce programme serait de disposer à l’horizon 2015 d’une centrale pilote d’une puissance de 10 MW, qui contribuerait à répondre aux besoins énergétiques croissants de la Martinique et à sa future autonomie énergétique. Actuellement, le dossier de financement du projet a été retenu au niveau national dans le cadre du programme Investissements d’Avenir et fait partie des projets que le gouvernement a présentés au programme de financement européen pour les énergies renouvelables NER300. Les résultats de cet appel à projet seront connus courant 2012. En attendant, des travaux préliminaires sont prévus :

  • le recensement des compétences locales et la conception d’un plan préliminaire d’industrialisation locale vont démarrer ;

  • un site d’implantation est retenu, à l’ouest de Bellefontaine ;

  • les études de site sont lancées : des campagnes de mesures sur le site en mer sont en cours : courantologie, températures, analyses chimiques, bathymétrie, nature des fonds ;

  • des études océanographiques seront lancées ;

  • les études environnementales sont en cours, et les études préliminaires d’impacts ont été réalisées.

Le 15 mars 2012, a été crée, à Brest, France énergies marines. Il s'agit d'un nouvel institut qui a pour mission de soutenir et fédérer les travaux de recherche et développement dans le domaine des énergies marines. Il réunit les industriels, les instituts de recherche et universités, les Conseils généraux des zones littorales. Les énergies marines concernées sont :

  • l'éolien en mer posé ;

  • l'éolien en mer flottant ;

  • les courants de marée (hydrolien et marée moteur) ;

  • énergie de la houle ;

  • énergie thermique des mers.

Tous ces projets Français ont été abandonnés.

Dans le monde

C’est aux États Unis et au Japon que les travaux de R&D et de technologie pour le développement de l'ETM sont les plus nombreux et les plus avancés.

Aux États Unis, ils se sont poursuivis sans discontinuité, avec une aide substantielle du gouvernement américain et/ou sur fonds propres. Aucune usine n'est encore opérationnelle, mais on assiste en 2011 à un foisonnement de projets et signatures d'accord. Les travaux industriels sont concentrés sur la technologie des composants critiques (échangeurs, conduite d'eau...), leur fiabilité ainsi que sur la diminution de leurs coûts.

Voici quelques exemples :

Le NEHLA, laboratoire de recherche associé avec l'Université d'Hawaii a effectué de nombreux travaux de recherche dans ce domaine. Il a été crée en 1974. Sa mission première a été de mettre à disposition la ressource eau froide profonde pour diverses application, notamment, l'OTEC, le SWAC et l'aquaculture. Maintenant, son activité est plus diversifiée, mais les études ETM y ont encore une large place . Il administre par ailleurs un  "HOST park" de 3 500 hectares, lieu privilégié pour les expérimentations grâce aux moyens et infrastructures importantes dans une zone particulièrement adaptée à l'exploitation de l'OTEC.

La société Lockeed Martin a commencé en 1970 par le développement d'une usine mini Otec de 50 KW qui fut installée en 1979 à Hawaii en partenariat avec la société Makai Ocean Engineering. Elle fonctionna pendant 3 mois et l'expérience ne fut pas concluante.

Depuis  Lockeed Martin n'a cessé de travailler sur le sujet. En 2009, elle obtient le soutien du NAVFAC pour le développement des composants critiques et la conception d'une usine de grande envergure.  

La photo ci-contre représente un échangeur de chaleur résistant à la corrosion.

Ce composant critique sera testé sur le site du NELHLA à Kona par la société Makai Ocean Engineering, partenaire de Lockeed Martin.

L'objectif de ce partenariat est de construire une usine pilote de 10 MW opérationnelle en 2015. Si elle fonctionne bien, l'idée serait de poursuivre avec une station de 100 MW en 2020.

Pour la gamme de puissance autour de 10 MW, la technologie de l'échangeur et celle de la conduite d'eau froide (CEF) sont disponibles. Ce n'est pas le cas pour la gamme de puissance autour de 100 MW pour laquelle Locheed Martin prevoit un CEF de 1 Km de long et de 10 m de diamètre.

En 2010, le DOE a subventionné les activités de la compagnie pour évaluer les deux technologies : ETM et SWAC.

Lockheed Martin prévoyait de développer un outil logiciel capable d'estimer la ressource, sa localisation et sa variabilité saisonnière notamment, ainsi que l'impact environnemental de son exploitation, le but étant de ne pas perturber la structure thermique de l'océan. Les informations recueillies permettront d'estimer le rendement de démonstrateurs ETM et SWAC. Ces estimations sont importantes tant auprès des décideurs publics que des industriels et des investisseurs concernés.

Makai Ocean Engineering est une société qui travaille sur l'OTEC depuis les années 70. Elle s'intéresse aussi au SWAC et a acquis une expérience dans la technologie des conduites d'eau. Elle a reçu de nombreuses subventions du gouvernement américain et a participé à de nombreux projets.

Un projet plus modeste est planifié par la société OTE Corporation qui a signé un MOU avec Bahamas Electricity Corporation. Il devrait se concrétiser  par la construction d'une usine ETM pour produire de l'électricité mais aussi de l'eau potable et de l'aquaculture.

Une autre compagnie, basée à Baltimore, OTI a été choisi par le Nelha, suite à un appel d'offres, pour construire une usine ETM de démonstration de 1 MW, cette entreprise dispose d'un technique combinant une technologie propriétaire et un approvisionnement de composants sur étagère. Elle a toujours travaillé sur fonds propres et espère bien être la première sur le marché avec une usine commerciale.

Les choses ont avancé aussi sur le plan administratif. Dès 1980, le bureau "Ocean and Costal Ressource Management" de la NOAA est chargé de fournir des licences pour les usines d'exploitation de l'océan par les usines 'OTEC (Ocean Thermal Energy Conversion Act).

En ce qui concerne le reste du monde, le Japon, l'Inde et les Pays Bas, les projets sont moins nombreux ou sont moins connus, probablement par manque de communication.

En Inde, dans les années 2000, l'institut en collaboration avec l'université japonaise  IOES a réalisé une centrale ETM d’une puissance de 1MW sur une barge (le Sagar Shakthi). Suite à des incidents techniques en janvier 2006, certains composants furent endommagés, la barge est depuis amarrée au port de Tuticorin.

Le NIOT semble s'être concentré sur l'utilisation de l'eau froide profonde pour la désalinisation de l'eau de mer.  

Très active dans le domaine de la recherche sur l'OTEC, l’université de Saga du Japon (IOES) a aussi été à l’initiative de nombreuses collaborations internationales.

Beaucoup de ses travaux ont été valorisés par la société Xenesys, très dynamique dans le domaine notamment des échangeurs. Elle est partie prenante dans le projet Polynésie Française.

Au Pays Bas la compagnie Bluerise est en train de construire un prototype de démonstration.

Dernière mise à jour : Mars 2012

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