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Jacques Merle - juin 2014

Dans la région intertropicale (20°S – 20°N), occupée en surface par des eaux chaudes (plus de 25°C en général), des eaux plus froides remontent jusqu’à quelques centaines de mètres de de la surface, comme on peut le voir dans l’Atlantique sur une section méridienne de température réalisée dans le cadre du programme WOCE. (Figure 1 - Atlas WOCE). Á l’équateur, l’upwelling équatorial porte ces eaux froides jusqu’à la surface. Originaires des hautes latitudes où elles ont plongé dans les profondeurs autour de l’Arctique et de l’Antarctique, elles se réchauffent alors au contact du Soleil tropical. Les deux phénomènes : remontées dans les régions tropicales et plongée des eaux dans les hautes latitudes constituent le principal mécanisme de la «ventilation» de l’océan qui permet, entre autres, le transport de la chaleur, reçue en excès du soleil dans les tropiques, vers les hautes latitudes où au contraire elle est restituée à l’atmosphère, assurant ainsi l’équilibre thermique de la planète.

Figure 1 : Section thermique méridienne Woce (A 16) de 70° N à 55° S montrant les plongées d’eaux froides dans les régions Arctique et Antarctique et leur remontée dans la région équatoriale, souligné par le rectangle noir.

Mais cette remontée d’eaux froides à proximité d’une source de chaleur abondante affectant l’air et les couches superficielles océaniques des tropiques présente au moins un double intérêt :

  • Celui de rendre facilement accessible des eaux froides pour des usages divers, par exemple la climatisation ….etc.

  • Celui d’offrir une source d’énergie potentiellement exploitable, appelée Energie Thermique des Mers (ETM) en rapprochant ces eaux froides du gisement d’eaux chaudes superficielles ( entre 25 et 30 °C). Il a été montré que le potentiel offert par les océans tropicaux pour l’ETM avec un impact minime sur le champ thermique océanique est très grand (*), et que le  risque de relâcher dans l’atmosphère le gaz carbonique abondant. dans l’eau froide est pratiquement négligeable.

L’exploitation de ces ressources sera d’autant plus facile et rentable que les eaux froides seront plus proches de la réserve d’eau chaude en surface. Or, c’est cette situation qu’on observe dans des régions particulières de la zone tropicale appelées les «Dômes d’eaux froides» où ces eaux froides, sous l’effet de la courbure du courant, remontent tout près de la surface.
Dans l’océan tropical, les dômes d’eaux froides les plus connus sont situés sur les bords Est de l’Océan Atlantique (dôme de Guinée vers 10°N, et dôme d’Angola vers 10°S) et de l’Océan Pacifique (dôme de Costa Rica vers 10°N). A l’Ouest de l’Atlantique, il existe aussi deux dômes grossièrement symétriques par rapport à l’équateur mais qui ne portent pas de nom, l’un au Nord et au large de la Guyane (Vers 7°N) et l’autre au Sud au large du Nord-Est Brésil (Vers 5°S) (Figure 2).

Il existe une différence importante entre les dômes de bord Est et ceux de bord Ouest : à l'Est où la thermocline est peu profonde les structures caractéristiques des dômes d'eau froide (couche de surface homogène chaude surmontant une thermocline peu profonde) ne se manifestent au large de la Guinée et d'Angola qu'en été de leur hémisphère. A l'Ouest en revanche où l'eau chaude (jusqu’à 30°C) amenée par le courant équatorial sous l'action des alizés s'accumule, cette structure permanente maintient un gradient de plus de 20°C sur à peine 300 mètres de profondeur.
Au Nord de l’équateur, les dômes de Guinée et de Costa Rica se prolongent vers l’Ouest par une crête formée par la convergence entre le Courant Équatorial Nord et le Contre Courant Équatorial Nord. Là aussi, on observe un gradient vertical de 20°C sur 300 m.

Figure 2 : La température moyenne à 300 mètres montrant des températures inférieures à 9°C en deux points qui marquent le cœur des dômes d’eaux froides de l’Atlantique tropical occidental. (Extrait de la réanalyse Glorys)

Outre ces dômes et ces crêtes qui présentent de très forts gradients verticaux de température, la région intertropicale est généralement caractérisée par des eaux chaudes (plus de 25°C) sur 50 à 300 m d’épaisseur, tandis qu’à une profondeur variable (de 300 m à 1000 m), on trouve de l’eau à moins de 5°C.

Il y a aussi, dans l’océan tropical, des zones dites d’upwelling où sous l’effet des alizés, les eaux froides atteignent la surface. Les plus connues se situent dans les courants des Canaries, de Benguela, de Californie et de Humboldt, mais on en trouve aussi, de dimensions plus modestes, lorsque la configuration de la côte, du vent et du courant le permettent, comme par exemple au Cabo Frio au Brésil.

Il est clair que les upwellings de bord Est sont favorables à une exploitation de l’eau froide à des fins de climatisation sur le continent africain. En revanche, avec en surface de l’eau dont la température dépasse difficilement 20°C il y est impossible d’atteindre le différentiel requis de 20°C pour une exploitation de l’ETM.
Par contre les dômes froids occidentaux Nord et Sud permanents et particulièrement marqués dans l’océan Atlantique (Figure 2), cachés sous une thermocline située à moins de 150 m de profondeur seraient très favorables à une exploitation de l’ETM. Ceux de Guinée, d’Angola et de Costa Rica, éloignés des côtes et non permanents n’y sont guère propices. Les crêtes citées ci-dessus, nécessiteraient des installations totalement offshore encore difficilement concevables. Les dômes du Brésil et de Guyane, proches des côtes, pourraient accueillir des installations destinées à la fois à la climatisation et à l’exploitation de l’ETM.

En conclusion, on peut faire remarquer que ces structures hydrologiques particulières, susceptibles de constituer une source d’énergie, ou d'économie d'énergie, ne font pas encore l'objet d'un recensement systématique, décrivant entre autres leur situation, leur étendue, leur variabilité saisonnière et leur caractère plus ou moins stable dans le temps. Depuis près de 20 ans, des progrès considérables en modélisation du milieu océanique ont été accomplis et ont donné naissance à une activité nouvelle, comparable à la prévision météorologique, que l'on appelle l'«0céanographie opérationnelle». On ne peut que souhaiter que les responsables du programme européen "Copernicus" accordent une priorité suffisante à l'établissement d'une cartographie détaillée et périodiquement mise à jour des ressources en eaux froides profondes des régions intertropicales !

Référence :

(*) Rajagopalan, K. and G.C. Nihous,(2013). Estimates of global Ocean Thermal Energy Conversion (OTEC) resources using an Ocean General Circulation Model (pdf 3,8 Mo), Renewable Energy, 50, 532-540. Retour

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