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Yves Dandonneau - mars 2024

Aurions nous hérité de l’évolution une angoisse de manquer d’oxygène ? On pourrait le croire tant des formules comme « l’océan qui nous fournit la moitié de l’oxygène que nous respirons » ou « l’Amazonie, ce poumon de la planète » font florès dans les médias, suggérant que si ces milieux venaient à être détériorés par l’action humaine, alors, l’oxygène viendrait à nous manquer.

Or, ces deux formules sont fausses : NON ! les océans ne nous fournissent pas 50 % de l’oxygène que nous respirons, mais environ 0 %, et si l’Amazonie produit beaucoup d’oxygène par photosynthèse, elle en consomme à peu près autant par sa respiration et son activité bactérienne. L’oxygène produit annuellement par la photosynthèse, dans les océans comme sur les terres émergées, ne représente qu’une infime fraction (0,03 %) de l’oxygène présent dans l’atmosphère, et est pratiquement consommé en totalité par les processus de respiration et de reminéralisation de la biomasse issue de cette photosynthèse. On peut pourtant craindre que ces croyances erronées soient parfois enseignées dans les écoles.

 

La photosynthèse, pourvoyeuse d’oxygène

Avant l’apparition de la vie sur Terre, l’oxygène présent dans l’atmosphère était lié au carbone, ces deux éléments formant ce gaz à effet de serre qui nous tracasse tant, le dioxyde de carbone, ou gaz carbonique : le CO2. C’est l’apparition de la photosynthèse, à la base de la vie, qui a permis de dissocier les atomes de carbone et d’oxygène pour former, d’une part la matière vivante, et d’autre part l’oxygène libre :

Formule1.jpeg

où C6H12O6 représente un glucide élémentaire, brique de base de la matière vivante.
Dans le monde actuel, les plantes et les algues continuent d’opérer la photosynthèse pour construire leurs tissus, et de libérer de l’oxygène. On estime que la photosynthèse fixe chaque année environ 100 gigatonnes de carbone dans les tissus végétaux, feuilles, troncs, algues, et libère en contrepartie 347 gigatonnes d’oxygène (1), moitié par les algues marines et moitié par les plantes sur les terres émergées. C’est probablement ce partage approximativement à égalité qui suggère que l’océan nous fournirait la moitié de l’oxygène que nous respirons. Notons en passant que l’atmosphère contient environ 1 200 000 gigatonnes d’oxygène, legs des ères géologiques passées, et que la quantité d’oxygène produite annuellement par photosynthèse n’en représente que 0,03 %.

La respiration, consommatrice d’oxygène

Ce n’est là qu’une des deux faces des cycles de l’oxygène et du carbone. L’autre face est la respiration. L’oxygène est en effet indispensable à notre respiration et à celle de tous les autres organismes qui ne possèdent pas la capacité de photosynthèse, et d’un point de vue biogéochimique, la respiration réalise l’inverse de la photosynthèse :

Formule2.jpeg

Dans la nature, sur les terres émergées, les plantes croissent et produisent de l’oxygène grâce à la photosynthèse, puis, elles meurent, ou bien les feuilles des arbres tombent et pourrissent, et au bout d’un temps variable, d’un an pour les feuilles à cent ans ou davantage pour les troncs d’arbres, la totalité de la biomasse élaborée est consommée et le carbone qu’elle avait fixé revient à l’atmosphère sous forme de gaz carbonique. Il a fallu pour cela alimenter les réactions de respiration avec une quantité d’oxygène égale à celle qu’avait produit la photosynthèse lors de la constitution de cette biomasse. Il en était autrement à l’ère primaire qui nous a légué des gisements de charbon, de pétrole et de gaz, mais les écosystèmes modernes ne produisent plus de carbone fossile comme c’était alors le cas (à quelques exceptions près, dont le rôle est mineur, comme les tourbières).
Il en va de même en mer, où le phytoplancton et le zooplancton finissent en débris qui sont dégradés par des bactéries au cours de leur chute vers la profondeur : tout l’oxygène produit par photosynthèse durant la croissance du phytoplancton est indispensable pour cette dégradation. Les mécanismes en jeu pour l’oxygène dans les océans diffèrent toutefois de ceux des écosystèmes terrestres:  les océans ne peuvent pas contenir d’oxygène au-delà de la solubilité de ce gaz. La couche supérieure de l’océan, éclairée et apte à la photosynthèse, est saturée en oxygène, de telle sorte que l’oxygène issu de la photosynthèse est en sursaturation et s’échappe dans l’atmosphère :

est-ce là qu’il faut chercher « la moitié de l’oxygène que nous respirons » ?

Non, car dans certaines régions, et notamment aux hautes latitudes quand la mer se refroidit et que le faible éclairement est insuffisant pour la photosynthèse, la solubilité de l’oxygène dans l’eau augmente, et l’océan absorbe autant que ce qu’il a émis par photosynthèse. Un travail publié en 1992 a bien montré que le bilan des échanges d’oxygène de l’océan vers l’atmosphère avant l’ère industrielle était positif en été, négatif en hiver, et nul en bilan annuel.
Qu’il s’agisse des océans ou des écosystèmes terrestres en général, et de l’Amazonie en particulier, dans l’histoire récente, la quantité d’oxygène présente dans l’atmosphère est donc restée stable. Qu’en est il avec le changement climatique ?

Changement anthropique et oxygène

L’atmosphère terrestre contient environ 1 200 000 gigatonnes d’oxygène. Un effet immédiat de la combustion du carbone fossile que nous utilisons pour satisfaire nos besoins en énergie est une consommation d’oxygène : au rythme actuel, nous brûlons chaque année environ 10 gigatonnes de carbone fossile et cette combustion utilise 27 gigatonnes d’oxygène. Ce n’est pas anodin, mais il faudrait des milliers d’années avant que la concentration en oxygène baisse de façon sensible.
Un des effets de l’augmentation du gaz carbonique dans l’atmosphère est une stimulation de la croissance des végétaux, et donc une production accrue d’oxygène par photosynthèse. Malgré cela, sous la pression des activités humaines, la forêt amazonienne est depuis quelques années en diminution. Supposons, catastrophe absolue, que l’ensemble de la végétation terrestre prenne feu : elle représente environ 600 gigatonnes de carbone sous forme organique, et sa combustion nécessiterait donc de l’ordre de 1600 gigatonnes d’oxygène. Dans ce scénario extrême, on voit que la concentration en oxygène de notre atmosphère en serait peu affectée. L’image d’une Amazonie qui serait le « poumon » de la planète n’est donc pas réaliste.

En mer, un tel scénario catastrophe n’est pas imaginable : la mer ne prendra pas feu. Imaginons toutefois une oxydation lente et totale de toute la matière organique, vivante ou morte, en particules ou dissoute, dont l’abondance est un peu supérieure à celle de la biomasse des terres émergées : cela nécessiterait une quantité d’oxygène plus importante, mais là aussi, très loin de pouvoir faire sensiblement baisser la concentration en oxygène de l’atmosphère.
Au contraire, le réchauffement a pour conséquence une diminution de la solubilité des gaz dans les océans, et en particulier de l’oxygène : les océans perdent donc actuellement un peu d'oxygène au profit de l’atmosphère, ce qui constitue une menace non pas pour notre respiration, mais pour celle des organismes marins pour lesquels le manque d’oxygène en profondeur est critique dans certaines régions.

L’homme est très imprudent dans ses activités, mais en ce qui concerne la disponibilité de l’oxygène dans l’atmosphère, nous pouvons respirer tranquilles : il y a suffisamment d’oxygène dans l’atmosphère pour que, photosynthèse à l’arrêt, nous puissions encore respirer pendant plusieurs milliers d’années, et les dégâts que nous causons à l’environnement ne conduiront donc pas à un manque. Les océans ne fournissent pas la moitié  de l’oxygène que nous respirons. Quant à l’Amazonie le qualificatif de « poumon » qui lui est souvent attribué (abusivement puisque le rôle des poumons est d’absorber de l’oxygène et de rejeter du gaz carbonique ), n’est pas du tout justifié.

 

(1) Les calculs réalisés ici sont basés sur les estimations suivantes :
Contenu en carbone (sous forme de gaz carbonique) de l’atmosphère en 2011 : 829 gigatonnes
Et concentration en gaz carbonique en 2011 : 390,5 parties par million (GIEC, 5ème rapport).
Masse atomique du carbone 12 g ; masse atomique de l’oxygène 32 g ; masse atomique du gaz carbonique 44 g.
Concentration en oxygène de l’atmosphère 210 000 parties par million.
Rapport oxygène / carbone dans les réactions de photosynthèse et de respiration 1,3. Ce rapport différent de 1 est dû au fait que la matière vivante incorpore aussi de l’azote et du phosphore, de telle sorte qu’une écriture théorique plus juste de ces réactions serait :
H3PO4 + 16 HNO3 + 106 CO2 + 122 H2O ==> (CH2O)106(NH3)16H3PO4 + 138 O2

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