Arbre fontaine, attrape-brouillard et oasis brumeuses.
Alain Gioda -IRD, Lima, Pérou
Comment s’abreuver quand il ne pleut pas et que l’eau souterraine est inaccessible ? L’extraire du ciel tout simplement.
Les grands déserts des côtes orientales des continents, jouxtant les eaux froides et poissonneuses des océans tropicaux (Atacama au Chili et sa prolongation au Pérou ; Sahara mauritanien ; Namibie…), sont des régions du monde où il ne pleut quasiment jamais. Ces eaux froides et le phénomène d'upwelling, dans les zones littorales, induisent une forte condensation et la formation de brumes mais sans précipitations notables. Néanmoins l’air est saturé d’humidité et les rares plantes y poussant ont la capacité naturelle de recueillir sur leur feuillage puis à leur pied l’eau condensée de cette brume.
La rencontre de scientifiques locaux, malheureusement négligés par des grandes institutions scientifiques du Nord, qui s’étaient penchés sur ce phénomène en le reliant aux techniques traditionnelles de gestion de l’eau en zone aride a été essentielle ; grâce à leurs expériences, conseils et publications il a pu émerger le concept de « l’arbre fontaine » et accessoirement celui de la «fontaine aérienne de la rosée».
Les choses avaient débuté aux îles Canaries en 1992, soit il y a plus de 15 ans, quand un article était sorti dans la revue scientifique « La recherche ». Il relatait une expérience inédite sous le nom de « L’arbre fontaine ». Certes ses auteurs ne prétendaient pas avoir inventé l’arbre fontaine ; cette technique était utilisée par les populations locales des îles Canaries bien avant l’arrivée des conquistadores au XVème siècle et puis elle se propagea quelque peu en Amérique latine, notamment au Mexique, grâce au dominicain Bartolomé de las Casas qui rebaptisa, lors d’une escale vers le Nouveau Monde, ce végétal « l’arbre saint ».
Toutefois les auteurs de l’article ressuscitèrent l’idée de l’arbre fontaine quasiment enterrée ou plutôt qui n’avait pas réussi à s’évader du microcosme insulaire ou régional et donc seulement connue des indigènes et des techniciens de terrain. Ainsi dans les années 1940, le responsable des gardes forestiers de l’île d’El Hierro aux Canaries Zósimo Hernández Martín avait replanté avec succès un de ces arbres. Après cette publication mais lentement, des ingénieurs du développement et ensuite le monde académique s’intéressèrent aux ressources qu’offrait cette collecte naturelle de l’eau du brouillard qui ne se précipitait pas en pluie.
Parallèlement à l’avancée précédente, il s’est diffusée dans la communauté scientifique le savoir-faire autour des pièges artificiels de brume constitués de filets en plastique ou en métal sur lesquels les gouttelettes du brouillard s’agglomèrent en gouttes finissant par tomber afin d’être collectées par des gouttières. Bref, des clones de l’arbre fontaine. Aux Canaries, la production moyenne est de l’ordre de 30 litres par jour et par mètre carré de filet. Le dispositif avait été testé en grandeur nature au Chili dans les années 1950, puis il alimenta un village dans les années 1990.
Aujourd’hui une entreprise Natural Aqua Canarias transfère le procédé de la recherche vers le développement industriel en fabricant et commercialisant une large gamme de capteurs de brouillard pour les collectivités et les particuliers. Le filet attrape-brouillard est un produit écologiquement correct car respectueux de l’environnement ; ce n’est pas une machine mais un dispositif passif. Par conséquent il ne consomme ni énergie et il ne produit ni déchet, ni bruit autre que celui du vent dans les branches. Par ailleurs il est facile à masquer ou intégrer dans le paysage car pouvant être implanté dans des lieux peu accessibles, telles les crêtes où le vent est plus fort et la brume plus épaisse, optimisant ainsi son rendement.
Quelques références classiques et des liens utiles :
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A propos d’un grand ancien des attrape-brouillard Carlos Espinosa
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Sites de la PME Natural Aqua Canarias et du projet européen Dysdera
Actualisé juillet 2009