Exemple de climatisation par l'eau froide profonde
Système de climatisation de l'Hôtel Intercontinental de Bora Bora
David Wary Directeur chantier fabrication et immersion – pipeline Bora
L’Hôtel Intercontinental Thalasso Spa de Bora Bora a ouvert ses portes en mai 2006. Mise à jour mai 2022.
Il est aujourd'hui le premier établissement «privé» entièrement climatisé par son propre système SWAC, ce qui lui permet de réaliser 90% d’économie par rapport à un système de climatisation conventionnel.
Idéalement positionné sur un «motu», l’hôtel présente les conditions géographiques optimales pour l’utilisation de cette technologie :
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des locaux techniques proches (à 120 m) de l’océan ;
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une forte pente du tombant océanique qui réduit la longueur de la conduite profonde de pompage d'eau froide ;
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le coût élevé de l’énergie électrique en Polynésie.
Description technique (voir caractéristiques techniques) :
La conduite d’aspiration, en tube PEHD, est de diamètre 400 mm, long de 2300 m et descend à une profondeur de 900 m.
Photo sous-marine de la conduite lestée posée sur le fond à 45m de profondeur
L’eau y est puisée à une température maximale théorique de 5,5°C qui permet de répondre aux besoins de la boucle eau glacée de l’hôtel.
L’une des spécificités de ce projet tient en sa conduite de refoulement. Celle-ci se fait par l’espace annulaire d’une conduite de diamètre 630 mm à l’intérieur de laquelle est «glissée» la conduite d’aspiration.
Cela permet :
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de limiter les déperditions thermiques de l’eau pompée en créant une protection thermique par rapport à l’eau de surface qui avoisine les 28°C ;
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de créer une protection mécanique de la conduite d’aspiration en zone de déferlement puis jusqu’à une profondeur de 220 m (soit sur une longueur de 500 m), limite des zones rocheuses coralliennes et sablonneuses ;
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De réduire les coûts élevés des opérations d’immersion en immergeant dans un même temps la conduite d’aspiration et le refoulement ;
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De restreindre la largeur de la tranchée dans le récif.
Conduite en attente d'immersion dans le lagon de Bora-Bora
Ce système de conduites coaxiales présente toutefois de fortes contraintes au niveau des connexions entre les parties terrestres et maritimes. La contrainte majeure restant la dilatation thermique importante du tube PEHD.
Le refoulement, proprement dit, se fait par l’intermédiaire de diffuseurs placés à 40 m de profondeur sur fond sableux et à une température de 14 à 16°C. Même si les diffuseurs ne se trouvent pas au point d’équilibre, les volumes refoulés faibles (270 m3/h), la nature des fonds (fonds sableux sur couche de corail détritique sans vie aquatique apparente) et les circulations océaniques laissent penser que l’impact direct de ce refoulement est faible.
Les caractéristiques du site ont également imposés des choix techniques originaux.
La plus importante est le fort tombant vertical observé à 60 m de profondeur. La pente redevient plus faible à 130 m. Dans toute cette zone, la conduite n’est pas équipée de lests mais bridée en tête et en pied par des lignes de tension remontées et ancrées à 12 m de profondeur (accessibles par plongeurs). Un collier de flottabilité en tête permet d’écarter la conduite de la paroi.
Quatre types de lests en béton, fonction des actions s’exerçant sur la conduite, l'équipent :
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Jusqu’à la profondeur de 35 m, limite d’action de la houle, l’ensemble des lests est ancré dans le sol par des ensembles de micro pieux.
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Les lests de 130 à 220 m sont très rapprochés les uns des autres pour garantir une protection mécanique efficace de la conduite dans une zone fortement rocheuse.
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Au-delà de 220 m de profondeur, la conduite d’aspiration est lestée par des poids suspendus qui empêchent tout contact de la canalisation avec le sol.
La construction, l’assemblage en toute longueur et la mise en place des lests et équipements ont été réalisés à l’intérieur du lagon de Bora Bora, très protégé.
L’opération d’immersion proprement dite a duré 50 h :
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Dix huit heures de transport du lagon jusqu’au site de l’hôtel ;
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Six heures pour la mise en place dans la tranchée terrestre au point «Zéro» et réglage de l’axe ;
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Vingt six heures de pompage pour l’immersion et le largage.
La tolérance de pose, étant donnée la morphologie des terrains traversés était de plus ou moins 20 cm sur l’axe jusqu’à une profondeur de 300 m.
Immersion de la conduite sur site
Au-delà de l’aspect purement économique, l’un des grands intérêts de cette installation reste l’exploitation «marketing» qui en a été faite par les propriétaires.
Ont été réalisés :
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Un centre Thalasso utilisant l’eau des profondeurs ;
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Une ligne de cosmétiques.
L’hôtel a reçu divers prix et récompenses pour ce projet très fortement affiché «écolo».
Ces aspects rentabilisent fortement et de manière indirecte l’investissement initial et seront des arguments forts aidant au développement de l’ETM.
Toutefois, on notera que :
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le système est dimensionné pour 1,5 MWf, ce qui est supérieur aux besoins réels de l’hôtel, mais qui semble être une limite basse de rentabilité. En effet, une puissance appelée plus faible impliquerait un diamètre de canalisation adapté, donc des déperditions thermiques accrues lors de la remontée. L’augmentation de la profondeur de puisage aurait un impact direct sur la rentabilité. Cette constatation fixe certaines limites en terme de potentialités.
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Les moyens à mettre en œuvre pour la réalisation et l’immersion sont non disponibles dans le tissu économique polynésien et celui des communautés ultramarines en général. Les entreprises ont mené à bien le projet avec des moyens qui peuvent être considérés comme faibles. Par conséquent, au-delà de considérations techniques, il conviendrait de développer des projets à plus grande échelle qui justifieraient économiquement le déplacement des équipements nécessaires. Là apparaît une certaine inadéquation puisque cette échelle de projet n’est pas compatible avec des besoins réels souvent faibles.
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Les études environnementales n’ont pas intégré l’impact du refoulement.
Opération de remorquage de la conduite à l'intérieur du lagon de Bora Bora
Après 18 mois de fonctionnement satisfaisant ce projet démontre la viabilité économique de petites unités SWAC.
Malheureusement la conduite d'eau à été détériorée et le système n'a plus fonctionné depuis un certain temps. Une bonne nouvelle, il va être réparé entre le 15 mai 2022. Voir l'article :
Le SWAC de l’Intercontinental Bora Bora Thalasso Spa bientôt réparé
Cependant, il conviendra de trouver de nouvelles solutions techniques innovantes pour réduire encore les coûts. Ceci sera primordial pour les communautés qui ne peuvent pas justifier de besoins conséquents mais qui ont pourtant des conditions souvent favorables (coûts électriques élevés).
On notera également l'importance de l'utilisation des eaux froides profondes pour la production "multi-produits" : comme ici à Bora-Bora l'air conditionné et la Thalasso thérapie pour maximiser la rentabilité des investissements (que représentent la construction et la pose des conduites profondes).
Annexe
Fiche technique du système de climatisation de l'Hôtel Intercontinental de Bora Bora
Le SWAC en chiffres :
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L’hôtel comprend 80 bungalows sur l’eau, des restaurants, des bâtiments du personnel, un centre de thalassothérapie, le tout, entièrement climatisé à l’eau de mer.
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La puissance installée est de 1.5 MWf (le Watt «froid» étant l’unité de mesure des puissances frigorifiques. Celle-ci est à distinguer du Watt électrique, utilisé pour les calculs de puissances consommées au niveau des systèmes de compression classiques)
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Pour obtenir cette puissance frigorifique, le système de pompage fournit 270 m3/h d’eau profonde aux échangeurs
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>Les débits de pompage de l’eau profonde sont régulés en fonction des besoins réels afin de limiter les pertes énergétiques.
Débit : 270m3/h
Diamètre du pipeline d’aspiration : 400mm
Longueur : 2300m
Profondeur de puisage : 900m
Nombre de lests béton : 147
T°C à l’arrivée dans le local technique : entre 4.5 et 5.2°C
Boucle eau glacée du circuit secondaire de l’hôtel entre 7 et 12°C
Une solution de climatisation conventionnelle consommerait 500kW électrique pour 4 380 000 kWh annuels en fonctionnement continu.
La pompe permettant la circulation des eaux est de 24kW, soit, , une consommation électrique annuelle de 210 240 kWh.
L'économie maximale théorique est donc de 95%.
- Détails
- Écrit par : David Wary
- Catégorie : Dossier Energie
Étude des impacts des prises d’eaux et rejets d’effluents...
...associés á l’exploitation de l’énergie thermique des mers (ETM)
Michel Gauthier
Proposition de recherches
1 - Le contexte actuel de l’exploitation de l’ETM
L’exploitation de l’énergie thermique des mers (ETM) redevient d’actualité dans le contexte de la recherche d’énergies nouvelles, non polluantes, susceptibles de suppléer l’usage des combustibles fossiles qui renchérissent (pétrole, charbon, gaz,…) alors que les réserves les plus facilement exploitables s’épuisent. Stockée sous forme de chaleur dans l’eau de surface de l’océan tropical, la ressource ETM peut-être transformée en énergie mécanique puis électrique en utilisant la stratification thermique naturelle de l’océan entre les eaux superficielles chaudes et les eaux profondes froides.
Le procédé de conversion imaginé à la fin du 19ème et expérimenté dans les années 1930 utilise les eaux chaudes superficielles et les eaux froides profondes pour alimenter respectivement l’évaporateur et le condenseur d’une turbomachine fonctionnant selon un cycle dit «de Rankine» dont les paramètres de fonctionnement sont adaptés au faible différentiel de température disponible - voisin de 20°C - dans les régions les plus chaudes de l’océan tropical. Ce faible écart de température et donc le faible rendement du procédé conduisent à des débits importants d’eau chaude et d’eau froide de l’ordre de plusieurs mètres cubes par seconde et par Megawatt (MW) installé : 5 et 2,5 respectivement (Nihous - 2005).
L’impact sur le milieu océanique de l’exploitation de la ressource ETM se traduira donc par des rejets massifs d’eaux, de température et de composition chimique généralement différentes. L’importance de cet impact dépendra essentiellement de la capacité de production des usines (puissance totale installée en TW), de leur répartition spatiale et de la stratégie adoptée pour évacuer les effluents. Les choix sont multiples et les conséquences sur le milieu naturel varieront selon que ces eaux de sortie d’usine seront réinjectées, mélangées ou non, à la même profondeur ou à des profondeurs différentes. Il convient donc d’étudier ces conséquences selon la stratégie choisie pour optimiser l’exploitation de la ressource ETM tout en minimisant son impact sur l’environnement océanique.
Ces études concernent l'impact global que pourra avoir à terme une exploitation importante de l'ETM. Elles différent des études d'impact local qui accompagneront toute construction d'usine ETM.
Cette optimisation pourrait conduire à des choix différents selon le but recherché : maximiser la production d’énergie, ou, par exemple, favoriser la production biologique par l’ «upwelling artificiel» ainsi créé, lors du rejet dans la zone euphotique de tout ou fraction des effluents enrichis en eaux profondes froides chargées de nutriments.
2 - Importance des upwellings sur l’environnement et le milieu vivant
Les «upwellings naturels» sont générés par la force du vent qui s’applique à la surface de l’océan et, dans certaines conditions (proximité d’une côte ou de l’équateur), fait diverger les eaux de surface. Celles-ci sont remplacées par des eaux plus froides et plus riches en sels nutritifs qui remontent des profondeurs.
Les upwellings sont très importants pour l’équilibre énergétique de l’océan et de la planète. Dans les régions tropicales ils permettent d’accumuler de la chaleur transférée ensuite aux plus hautes latitudes par les grands courants : le Gulf Stream dans l’Atlantique et le Kuro-Shivo dans le Pacifique. Ils participent également intensément aux interactions entre l’océan et l’atmosphère générant des oscillations metéo-océaniques aux conséquences climatiques importantes pour l’ensemble de la ceinture tropicale, notamment celles connues depuis des siècles sous l’appellation de El Niño.
Partout où ils se créent les upwellings sont aussi à la source de la productivité biologique de l’océan. La richesse en nutriments de ces eaux profondes ramenées près de la surface dans la zone euphotique favorise la photosynthèse et contribue à la productivité biologique de l’océan. Dans certaines conditions (voir ci-après), les «upwelling artificiels», consécutifs à l’exploitation de l’ETM, pourraient contribuer à un accroissement de la production primaire océanique. Les conséquences d’une telle sur-activation biologique peuvent paraître à première vue positives, mais il convient aussi d’évaluer leurs effets à long terme sur l’ensemble de la chaîne du vivant.
Pour toutes ces raisons, les impacts de la perturbation artificielle, de nature anthropique, de la structure thermique des océans sur la dynamique de l’océan lui-même et sur celle de l’atmosphère, ainsi que sur la vie marine, doivent être examinés avec soin dans la perspective d’un éventuel déploiement massif d’usines ETM dans les régions intertropicales. Il peut exister des seuils au-delà desquels ces perturbations modifieraient durablement la circulation générale de l’océan, et dans certaines régions, de l’atmosphère elle-même, rendant ces interventions humaines sur notre environnement naturel inacceptables. Ces seuils devront être évalués le plus précisément possible.
3 - Les données de base : besoins énergétique et potentiel ETM
La consommation annuelle mondiale d’énergie électrique en 2001 était d’environ 15 500 TWh. Elle pourrait atteindre 36 000 TWh en 2040 (EREC scenario to 2040). Cette consommation future serait satisfaite par l’exploitation d’un parc d’usines électriques de capacité totale de 5 TW (avec un taux d’utilisation de 0,8).
Quel est le potentiel théorique d’énergie stockée dans les océans et susceptible d’être exploité vis-à-vis d’une telle demande ?
L’ensemble du flux radiatif solaire absorbé en moyenne par l’océan est de 52 PW (Huang 2004) et la littérature indique qu’il devrait être possible d’en exploiter par ETM environ 10 TW dans la zone de 60 millions de kilomètres carrés de l’océan tropical où l’écart des températures entre l’eau de surface et l’eau à 1000 mètres de profondeur dépasse 22°C (Avery 1994). Ces estimations sont évidemment purement théoriques et très au-delà de ce qui serait pratiquement réalisable.
Une autre donnée importante, au-delà de l’aspect strictement thermique du problème, qui limite aussi les possibilités d’exploitation de l’ETM, concerne les volumes d’eaux déplacés verticalement. L’ensemble des upwellings naturels, presque entièrement situés dans la zone intertropicale, représentent environ 30 Sverdrup (le Sverdrup ou Sv est l’unité de débit utilisé par les océanographes. Un Sv est égal à 1 million de m3 d’eau par seconde). C’est un débit équivalent à celui de la plongée des eaux profondes et de fond des zones de convections arctiques et antarctiques pour entretenir la circulation thermo-haline méridienne telle que nous la connaissons aujourd’hui. Toute perturbation des mécanismes liés à cette circulation océanique, par exemple par des remontées artificielles d’eaux profondes, doit rester très inférieure à ce chiffre sous peine de changer notablement le mode actuel de circulation de l’océan. Il faut retenir (Nihous 2005) que pour alimenter un parc de 1 GW électrique par des usines ETM, il faudrait pomper 2500 mètres cubes d’eau froide par seconde, (soit un chiffre théorique 25 Sv pour 10 TW, ce qui est de l’ordre de grandeur du débit des upwelling naturels !) En réalité, même avec un déploiement rapide de l’ETM, par exemple, 5000 usines de 100 MW, produisant, en 2040, 10% de la demande d’énergie électrique prévue, les upwellings artificiels ainsi crées seraient plutôt de 1,25 Sv au total. Le but de l'étude est de proposer des scénarios optimisés et d'aider à identifier d'éventuels effets de seuil.
4 - Limitations de l’exploitation possible de l’ETM
Le potentiel énergétique théorique maximum de la ressource ETM (10 TW) représenterait ainsi le double du besoin en électricité de l’humanité à l’horizon 2040 (5 TW). Ce potentiel est très important, mais il ne tient pas compte de facteurs limitants du fait de difficultés techniques, de contraintes géographiques et physiques, et de préoccupations liées à l’environnement, qui réduiront fatalement la fraction effectivement exploitable. A ces contraintes peuvent également s’ajouter des paramètres politiques liés, entre autres, aux questions de souveraineté des états sur leur ZEE. L’exploitation de la ressource ETM obligera donc à faire des choix en fonction d’éléments techniques, économiques et politiques, et ces choix auront une incidence sur les impacts écologiques qui nous importent ici. Ainsi des usines ETM, à l’origine d’upwellings artificiels, situées dans les régions chaudes des extrémités occidentales des bassins intertropicaux, où les différentiels de températures sont les plus favorables, n’auront pas les mêmes incidences sur la dynamique océanique et le climat que les usines situées dans les régions orientales où les upwellings naturels sont observés. L’impact environnemental dépendra aussi des choix faits pour le rejet des effluents : doit-on les mélanger avant ré–injection dans le milieu ou les réinjecter séparément et à quelles profondeurs ? Quelles sont les échelles de temps des perturbations de la structure thermique induite par l’exploitation elle-même ?
Certaines de ces questions ont été récemment abordées à l’aide de simulations très simplifiées (Nihous 2005 et 2006) qui montrent qu’il existe une limite de l’exploitation de l’ETM induite par la perturbation de la structure thermique consécutive à cette exploitation. Pour que l’exploitation ETM soit durable, il est nécessaire qu’un gradient thermique vertical soit conservé. La limite supérieure d’exploitation de l’ETM tombe alors à environ 3 TW.
Au-delà de ces limitations théoriques, il est clair que les perturbations des rejets sur la dynamique océanique, couplée avec la basse atmosphère et le milieux vivant, doivent être évaluées pour disposer de toutes les données nécessaires à l’appréciation de l’impact de l’ETM sur l’environnement et d’estimer les seuils à partir desquels ces effets peuvent être jugés intolérables. C’est l’objet de ce projet d’étude.
5 - Objectifs du projet d’étude
Les questions qui se posent concernant l’environnement dans une perspective d’exploitation de l’ETM sont nombreuses ; d’autant plus que les stratégies de rejets peuvent être différentes en fonction des objectifs. Pour une stratégie donnée on veut pouvoir répondre aux questions suivantes:
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Comment la dynamique de l’océan va-t-elle intégrer la perturbation de sa structure thermique ?
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Quelles conséquences les perturbations de la température de surface et l’apparition de «puits de chaleur» artificiels peuvent avoir sur l’atmosphère et sa dynamique ?
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Comment le milieu vivant océanique peut-il répondre à des apports supplémentaires de nutriments et des conditions thermiques différentes ?
Ces questions ouvrent des perspectives de recherches qui peuvent se décliner sur trois plans distincts, qui dépendent encore des procédures de rejets choisies selon qu’elles créeront ou non des upwellings artificiels :
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Étude des perturbations de la structure thermique et de la dynamique de l’océan engendrés par les rejets d’usines.
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Étude du couplage de ces perturbations océaniques (à la fois thermique et dynamiques) avec l’atmosphère.
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Étude de l’impact sur l’écosystème marin de l’apport artificiel de nutriments dans la zone euphotique
Ces trois domaines de recherches relèvent de la modélisation, outil de simulation incontournable pour des expériences irréalisables sur le terrain.
6 - Conditions aux limites des études envisagées
L’exploitation de l’ETM est liée à l’existence de gradients thermiques verticaux importants et donc de températures de surface élevées que l’on ne trouve que dans les régions intertropicales et principalement dans leurs parties ouest où les eaux de surface sont les plus chaudes. On ne considérera a priori que les régions où l’écart de température moyen entre l’eau profonde et celle de surface est supérieure à 20°C c’est à dire situées très approximativement entre 20° N et 20° S. Parmi les stratégies possibles afin de définir cette zone ETM plus précisément, on pourra fixer la profondeur de la prise d’eau froide á 1 000 mètres; ce choix reflète un stade de développement technologique du génie océanique que l’on peut considérer réalisable á court terme, D’une façon générale, on s’efforcera d’harmoniser les choix des paramètres adoptés par les auteurs de travaux similaires pour faciliter la comparaison des résultats.
7 - Les outils possibles
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Les expériences de simulations des perturbations thermiques et dynamiques de l’océan pourront être réalisées à l’aide de modèles de circulation générale océanique (OGCM) utilisé en mode prédictif. Dans un premier temps, il ne sera pas nécessaire d’utiliser des versions hautes résolution de ces modèles. Des résolutions de 1 ou 2 degrés permettront de dégrossir le problème en multipliant, à un coût raisonnable, les simulations de quelques situations standards avec des répartitions de «parc d’usines » ETM variables en nombre, en position et en puissance croissante avec le temps.
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Le couplage des perturbations océaniques avec l’atmosphère pourrait être étudié avec des modèles couplés tels que ceux utilisés pour la prévision saisonnière. Les modèles couplés OGCM/ AGCM qui réalisent la prévision ENSO pourraient être utilisés pour tester l’impact des upwellings artificiels sur le déclenchement d’épisodes ENSO le long de la bande tropicale Pacifique (Régions parsemée d’îles où des test préliminaires d’usines ETM ont été réalisés ou sont envisagés).
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Le couplage milieux vivant - modèles dynamiques océan-atmosphère est en plein développement dans différentes équipes de recherche. Des modèles expérimentaux existent, bientôt relayés par des modèles opérationnels. L’étude de la capacité de l’océan d’accroître sa productivité biologique par des remontées artificielles d’eaux profondes riches en nutriments est à l’ordre du jour et a donné lieu à un appel émis par un cénacle international de spécialistes (Bergen Déclaration - 2005).
Références:
EREC : ”EREC scénario to 2040"
William H. AVERY : Renewable Energy from the Ocean. A guide to OTEC; William H. Avery & Chih Wu ; Oxford University Press, 1994. ISBN 0-19-507199-9
G. NIHOUS: Étude G.Nihous Doc pdf JRT ; Étude G.Nihous Doc pdf EGY (articles à publier) ;
Dernier article : "Near-field Evaluation of Artificial Upwelling Concepts for Open-ocean Oligotrophic Conditions", paru dans J. of Marine Env. Eng., Vol. 8.
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- Écrit par : Michel Gauthier
- Catégorie : Dossier Energie
Documentation Energie Thermique des Mers (OTEC)
IOA News Letters
L'IOA (International OTEC/DOWA Association) est une association créée en 1990, dont le but initial était d'informer la communauté scientifique internationale des travaux effectués pour développer l'usage de l'eau de mer profonde (DOW - Deep Ocean Water). Ce groupe de chercheurs originaires de différents pays a travaillé pendant un peu plus de 10 ans. Les résultats de leurs travaux se trouvent dans les IOA News Letters.
Ocean Thermal Energy Conversion (OTEC): Principles, Problems and Prospects
2nd International Conference on Ocean Energy (ICOE 2008), 15th – 17th October 2008, Brest, France
Ocean Thermal Energy Conversion M. Gauthier et D. Lennard.
L'énergie Thermique des mers
Article paru dans la revue trimestrielle du réseau ECRIN n°57 de septembre 2004, dans lequel on décrit ce que serait une usine ETM.
Un guide pour la sélection des sites d’implantation d'une usine ETM
Le cas de la centrale ETM 5MW de Tahiti .
Historique de l'effet thermoélectrique au Japon
Journal of Thermoelectricity No3, 2002
The Potential and Realities of Ocean Thermal Energy Conversion
Energy from the sea : the potential and realites of Oocean Thermal Energy Conversion (OTEC) - Patrick Takahashi University OF Hawaii, Honolul. USA
Conversion de l'énergie thermique de l'océan et les Iles du Pacifique.
Ocean Thermal Energy Conversion and the Pacific Islands March 2001 SOPAC Miscellaneous Report 417
Article de James R. Chiles
Invention and tecnology. - 2009. The other renewable energy.
Eighty years ago, a brilliant French inventor staked—and lost—his considerable fortune on developing ocean thermal energy, but his dream of harnessing unlimited energy from the sea still lives today. By James R. Chiles.
Invention and Technology magazine de décembre 2009 sur l'histoire de l'ETM.
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- Écrit par : Michel Gauthier
- Catégorie : Dossier Energie
Une énergie marine renouvelable négligée
Michel Gauthier
L’océan reçoit annuellement du soleil une quantité d’énergie équivalente à plus de mille fois la demande mondiale en énergie primaire. Cette énergie est contenue sous forme de chaleur dans la couche d’eau de surface des mers et des océans. Elle est redistribuée entre l’océan et l’atmosphère. Elle est à l’origine des vents, des vagues, des nuages et des pluies, du réchauffement des régions polaires. Elle détermine les climats.
L’idée de prélever une fraction de cette Énergie Thermique des Mers - ETM - pour la transformer en énergie électrique date de plus d’un siècle.
L’ETM : comment ça marche ?
En chauffant à sa température d’ébullition un fluide approprié sous sa forme liquide il se transforme en vapeur que l’on fait passer dans une turbine couplée à un alternateur avant de l’aspirer vers un condenseur où elle se refroidit et redevient liquide. Dans le cas de l’ETM la «chaleur» nécessaire à la formation de vapeur est prélevée dans les eaux de surface des régions les plus chaudes de l’océan où la température peut atteindre 25 à 28 °C, et le "froid" nécessaire à sa condensation est fourni par l’eau pompée sous la thermocline, là où sa température se refroidit et peut s’approcher de zéro degré centigrade.
Le procédé est donc identique à celui de nos centrales électriques modernes quel que soit le combustible : fossile ou nucléaire. Seules les conditions de fonctionnement changent. Le faible écart de température disponible dans l’ETM – de l’ordre de 20 °C – rend le procédé peu efficace. Cependant l'énergie que l'on peut extraire, c'est à dire l'énergie "nette" disponible pour l'utilisateur, représente selon l'écart de température exploitable, jusqu'à cinq fois la puissance consommée pour faire fonctionner l'usine.
La démonstration expérimentale que le procédé était réalisable à été faite en mer dès les années 1930. Elle est l’œuvre du français G.Claude qui déjà s’interrogeait sur le déclin des réserves, de charbon à l’époque.
Après la seconde guerre mondiale l’exploitation des ressources pétrolières, d’abord à terre puis offshore, repoussa ce questionnement récurrent sur l’avenir énergétique du monde industriel. Il fallut la crise pétrolière de 1973 et l’évidence de la vulnérabilité des approvisionnements pour relancer la recherche sur cette filière ETM en France, aux USA et au Japon. Le retour à une certaine régulation du marché pétrolier en 1986 remirent ces travaux en question et la France cessa d’y contribuer, laissant le leadership de l’ETM aux USA et au Japon.
Depuis près de vingt ans ces deux pays ont réussi à maintenir un certain dynamisme dans la recherche de solutions techniques et d’options économiques rendant l’exploitation de l’ETM de plus en plus attrayante. Ils ont optimisé les caractéristiques des composants : échangeurs et turbines, conforté le degré de confiance dans la tenue des équipements marins, notamment pour la construction et la pose de conduites d’aspiration d’eau profonde, et développé le concept d’usines ETM littorales "multi-produits" de tailles modestes, jusqu’à quelques dizaines de MW.
Ce concept d'usine "multi-produits", qui permet de valoriser d'autres utilisations des eaux froides profondes : pour la production d'eau douce et de produits aquacoles entre autres, est plus particulièrement adaptées aux besoins actuels de petites communautés isolées proches de la ressource. Ils ont également étudié l’extrapolation de la filière à des usines de plusieurs centaines de MW pour la production en mer de combustibles liquides synthétiques (hydrogène, ammoniac et méthanol) transportables par tankers pour répondre au besoin des pays industrialisés éloignés des zones où la ressource est disponible. Enfin, les données acquises sur le fonctionnement d’installations expérimentales pendant ces deux décennies permettent une meilleure appréciation des effets – positifs et négatifs– des rejets d’eau profonde encore froids et riches en sels minéraux .
Pendant cette même période s’est développée l’idée que le recours aux énergies renouvelables et propres s’imposerait de plus en plus comme une nécessité. Non plus seulement pour pallier de possibles ruptures d’approvisionnements en combustibles traditionnels, du fait d’embargos d’origine politique ou du fait de la raréfaction des ressources, mais aussi pour réduire autant que faire se peut les dégradations, graves et durables, que l’usage de ces combustibles cause à notre environnement .
A ce constat s’ajoute celui du changement en cours de la répartition future des besoins énergétique entre pays riches et pays pauvres. Si, depuis le début de l’ère industrielle et jusqu’à aujourd’hui ce sont les pays les plus riches qui furent à la fois les plus importants consommateurs d’énergie et les plus gros pollueurs, demain ce seront des pays «du Sud», plus pauvres, qui le deviendront du fait de la conjonction de leur croissance démographique et de leurs demandes d’amélioration de leurs conditions de vie de leurs populations.
Énergies du futur :
Estimation des besoins et perspectives de développement pour l’ETM.
Dans son rapport «Energy : the Next Fifty years», publié en 1999, l’OCDE imaginait différents scénarios pour l’évolution des besoins modiaux en énergie primaire, à partir des données mondiales de 1990 : une population de 5,26 milliards et une consommation d’énergie primaire de 8,98 Gtoe - soit 1,7 toe par habitant.
Le scénario le plus pessimiste, celui du type « laisser faire » (Business-as-usual) conduisait à une consommation de 24 Gtoe en 2050, pour une population de 10 milliards d’individus.
Le scénario « écologique » qui répondait le mieux aux exigences du protocole de Kyoto permettait de limiter la demande à 14 Gtoe avec la même population- soit 1,4 toe/habitant. Ce scénario écologique qui était aussi le moins onéreux, avec 24 000 milliards US $ d’investissements cumulés sur cinquante ans supposait de quadrupler en un demi siècle la capacité de productions des énergies renouvelables pour passer de 1,6 Gtoe (en 1990) à 5 Gtoe en 2050, avec une étape intermédiaire de 2,3 Gtoe en 2020.
Couvrir 5 à 10 % de ces besoins grâce à l’exploitation de l’ETM, pourrait être l’objectif d’un programme Européen de développement de l’ETM.
Voir :
The Hydrogen Economy of 2050: OTEC Driven? deMakai Ocean Engineering, Inc.
Or, c'est aussi dans ces pays que la ressource ETM est la plus accessible.
La ressource ETM
On estime à 60 millions de km2 la surface de l’océan tropical où la différence des températures entre l’eau de surface et l’eau à 1 km de profondeur est supérieure à 22 °C. Cette zone est en rouge sur la figure. La conversion par le procédé ETM de cette ressource thermique d’origine solaire permettrait la production de 100 000 TWh d’électricité par an, à un rythme « soutenable ».
La moyenne mensuelle Dt, correspondant à la différence de température entre la surface et 1000 mètres de profondeur est >22°C dans la zone rouge, comprise entre 20°C et 22°C dans la zone orangée, 18°C et 20°C dans la zone jaune et <18°C dans la zone turquoise.
Ne rien faire dans cette perspective inéluctable c’est prendre le risque d’être confronté à la fois à des modifications climatiques aux conséquences encore imprévisibles et à l’exacerbation des conflits pour l’appropriation des ressources énergétiques dites traditionnelles : fossiles et nucléaires.
Alors comme les marins qui voient l’horizon s’obscurcir et qui anticipent des dangers encore imprécis, les Géonautes doivent modifier leur route et leur allure avant qu’il ne soit trop tard.
Les routes possibles sont multiples : économiser l’énergie, en produire en polluant moins, exploiter des ressources propres et renouvelables. Et pour suivre cette troisième voie la ressource ETM parce qu’elle est abondante, stable et renouvelable offre un potentiel de production accessible à tous et commensurable à nos besoins.
Les promoteurs américains et japonais de la filière ETM imaginent que son développement pourrait se faire en trois phases s’étalant sur une durée de plusieurs décennies.
La première phase verra le développement de petites usines « multi-produits » répondant aux besoins immédiats de pays du "Sud" ayant un accès direct à la ressource. Elle sera réalisée en partenariat et avec l’appui technique et financier de la communauté internationale des pays industrialisés; les investissements nécessaires étant pour partie couvert par une contribution des pays du Nord aux besoins de développement de pays du Sud et par l'utilisation des fonds générés par les accords internationaux visant à réduire le taux de gaz carbonique dans l'atmosphère.
Dans la seconde phase, l’expérience acquise par l’exploitation des usines de première génération servira à l’extrapolation vers des unités de capacités de production répondant de mieux en mieux aux exigences des futurs marchés de l’énergie de pays industrialisés, d’abord pour alimenter en électricité des villes côtières de la zone tropicale puis, ultimement pendant la troisième phase, pour la production de combustibles synthétiques à destination du monde entier.
En parallèle avec l’évolution technique et la réduction des coûts qui accompagneront ce développement exemplaire de la filière, l’observation sur plusieurs décennies du fonctionnement de centrales de capacités croissantes sur des durées de plus en plus longues aura permis d’en comprendre les effets sur l’environnement, d'en fixer les limites, et de mettre au point les procédés proposés pour la valorisation des rejets.
Après avoir été le pays pionnier pour l’ETM au début du siècle dernier et après avoir encore lourdement investi entre 1982 et 1985 dans le projet d’un pilote de 5 MW destiné à Tahiti , la France a abandonné en 1986 tout effort dans ce domaine ; et cela au seul motif que le coût de l’énergie produite n’était pas compétitif avec celui du marché d’alors sur le Territoire!, ce qui était a priori une évidence pour une production pilote d’une filière nouvelle.
On ne peut que regretter cet abandon comme on regrette aussi qu’il n’y ai pas eu de volonté pour organiser au niveau national ou européen un suivi officiel de la continuation des travaux et des progrès réalisés à l’étranger sur cette filière. Cette absence de suivi qui risque de mettre nos industriels hors compétition dans l’hypothèse de l’ouverture d’un marché mondial pour son exploitation est d'autant plus surprenante que l'Europe et la France ont un grand nombre de territoires ayant un accès direct à cette ressource ETM que d’autres pays estiment encore pleine de promesses.
Mise à jour janvier 2006
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- Écrit par : Michel Gauthier
- Catégorie : Dossier Energie
Calcul des potentiels exploitables des énergies marines
Michel Gauthier
Calculs, Hypothèses , Approximations et Données.
1. Données de base
Pour chacune des énergies marines considérées on a cherché à quantifier :
-
La puissance globale représentative du flux d’énergie naturelle que l’on veut «domestiquer».
On l’appelle Ressource Naturelle Globale - RNG. On l’exprimera en watts (W) ou, s’agissant de puissance moyenne, en wattheures par an (Wh/a, avec 8400 heures par année). Les valeurs de ces RNG pour chacune des formes d’énergies considérées sont extraites de “Energy Flows in Ocean”; de Rui Xin Huang du WHOI; elles sont rappelées dans le tableau ci-dessous.
ainsi que : -
La fraction maximale de ce flux que l’on considère comme techniquement exploitable à l’horizon des décennies à venir. On l’appelle Potentiel Techniquement Exploitable - PTE. On l’exprime en wattheures par an.
Les valeurs adoptées pour les PTE sont extraites d’articles et d’ouvrages pour la plupart rédigés par les promoteurs des procédés de conversion considérés. Ces données, plus ou moins optimistes, sont entachées des imprécisions inhérentes à toute technologie encore immature et ne tiennent compte que de façon encore très peu documentée de critères d’acceptabilité économique, sociale et environnementale. On considère qu’il s’agit seulement de valeurs maximales raisonnables. C’est le souhait du Club des Argonautes que cet essai puisse susciter un effort de la part des spécialistes promoteurs des systèmes d’exploitation pour approcher des valeurs de plus en plus réalistes des potentiels exploitables tenant compte de ces critères d’acceptabilité.
Tableau 1
Flux entrant (dans l'océan) | En PW soit 1015 W |
Flux Thermique Solaire ondes courte
Dissipation interne Énergie de marée Énergie du Vent(Flux géothermique, p.m) (Transfert interne de chaleur des tropiques vers les pôles, p.m.) |
52,4 PW (Chaleur)
0,0035 PW (travail) 0,064 PW (travail) 0,032 PW 2 PW |
Flux sortant (de l’océan vers l’atmosphère) | |
Flux Chaleur Latente (vapeur d’eau)
Rayonnement Infrarouge Chaleur Sensible |
31,1 PW
17,8 PW 3,5 PW |
2. L’énergie hydraulique
Á titre de démonstration de la méthode utilisée on l’a appliquée d’abord au cas de l’énergie hydraulique. Celle-ci n’est pas habituellement considérée comme une énergie marine mais c’est une forme d’énergie renouvelable dont l’exploitation repose sur des technologies éprouvées et qui bénéficie d’une longue expérience qui « crédibilise » la valeur estimée de son potentiel techniquement exploitable- PTE .
Le cycle de l’eau, le cycle hydraulique de notre biosphère, est alimenté essentiellement par l’évaporation de l’eau de l’océan - c’est à dire par le flux de chaleur latente transmis à l’atmosphère par l’océan. Seulement 10 % des précipitations retombent sur des terres émergées.
La puissance thermique qui alimente le cycle de l’eau est de 31 PW (Tableau 1). Si seulement 10 % de ce flux est responsable de l’évaporation de l’eau de l’océan qui retombe en pluie sur les continents on admettra que (31 PW/10) soit 3,1 PW représente la limite supérieure de la ressource. La valeur de la RNG pour l’hydraulique est donc égale à (3,1x8400) ou 26 000 PWh/a. Il s’agit là d’une puissance thermique. Par ailleurs le potentiel techniquement exploitable - le PTE - de la ressource hydraulique est évaluée dans la littérature à 14 PWh/a. Il s’agit de puissance primaire électrique. On en déduit la fraction PTE/RNG du flux d’énergie naturel exploitable par la filière hydraulique. Elle est égale à (14 PWh /26 000 PWh) = 0,0005 soit 0,05%.
Ce rapport est représentatif du « rendement global » - hg - de l’exploitation de la ressource hydraulique. Il est le produit (hc x hu) du rendement hc (le rendement de Carnot ) de la machine thermique océan-atmosphère, ayant l’eau comme fluide de travail, qui transforme la chaleur en énergie mécanique, et du rendement hu qui prend en compte toutes les autres pertes : celles dues au relief, à la nature des sols et autres paramètres limitants qui font que toute l’eau des précipitations sur les terres émergées n’est pas turbinable dans des centrales……..
Résumé pour l’énergie hydraulique : |
L’énergie thermique des mers
Sur d’immenses régions de l’océan tropical la différence des températures entre l’eau de surface et l’eau profonde (à quelques centaines de mètres de profondeur) est supérieure à 20°C. Ce phénomène naturel peut-être exploité selon le procédé dit Énergie Thermique des Mers – ETM. La ressource est largement accessible, stable et disponible 24 heures sur 24.
La ressource naturelle exploitable par ETM est celle que l’océan mondial chauffé par le soleil absorbe sous forme de chaleur. Le flux de chaleur absorbé est estimé à 52,4 PW ou 456.10 6 TWh/an ( voir Huang; Tableau 1).
Une étude japonaise évalue le potentiel ETM exploitable dans la ZEE (Zone Économique Exclusive) japonaise à l’équivalent de 8,6 Gtoe soit 30.103 TWh ou 16 fois la consommation annuelle du Japon en énergie primaire en 1980 ; c’est aussi l’équivalent de la consommation mondiale d’énergie primaire en 1990. Une autre source donne pour la ZEE indienne un potentiel de 184 GW électrique .
Une valeur du PTE mondial de la ressource ETM est celle donnée par W.Avery . D’après cet expert on pourrait extraire 0,19 MW de l’énergie solaire captée par 1 km2 de surface océanique située dans la zone tropicale la plus propice à l’exploitation ETM. Cette zone s’étale sur 60 millions de kilomètres carrés. Elle représente un PTE de 12 TW électrique soit 100 000 TWh/a. La fraction du flux d’énergie naturelle qu’il serait donc possible d’exploiter est hg = (PTE/RNG=100/456 000) =0,00023.
Par ailleurs avec des écarts de température exploitable de l’ordre de 22 °C , Avery évalue le rendement hc de la conversion ETM de chaleur (en travail puis) en électricité à 2,7% ou 0,027.
Résumé pour l’Energie Thermique des Mers |
4. L’énergie marémotrice.
Le phénomène de marée est scientifiquement bien connu ; il est prévisible avec une grande précision dans le temps et l’espace. Les zones privilégiées pour son exploitation sont les régions côtières là où la marée est à la fois de grande amplitude et aussi, selon les sites, propices à l’installation soit d’usines du type « la Rance», soit de parc d’hydroliennes là où les « courants de marée » sont intenses.
La puissance mécanique dissipée naturellement dans l’océan par les marées (Tableau 1) est de 0,0035 PW soit RNG =29,4 PWh/a.
L’usine française marémotrice de 240 MW construite sur la Rance et exploitée depuis 1968 est le meilleur exemple d’exploitation techniquement réussie. Elle produit annuellement de l’ordre de 0,5 TWh/a. Une évaluation du potentiel de production des sites mondiaux répertoriés susceptibles d’aménagements de ce type est de 400 Twh/a avec http://www.worldenergy.org/wec-geis/publications/reports/ser/tide/tide.asp" <u="">un parc mondial de 150 GW installés et une disponibilité de 2 300 heures par an.
Quant au potentiel du captage des courants de marée par hydroliennes, certains estiment le potentiel des mers européennes à 12 GW pour la puissance installable et 48 TWh de production annuelle. Compte tenu des ordres de grandeur impliqués et en l’absence de données sur la puissance techniquement exploitable par cette technologie d’hydroliennes, on la supposera arbitrairement égale à celle du type « la Rance » .
Le PTE mondial du phénomène de la marée exploitée par les deux procédés : barrages plus hydroliennes, serait alors de 800 TWh/an et la fraction d’énergie naturelle exploitable : PTE/RNG = (800 TWh /29,4 PWh) = 0,027 ou 2,7 % de la ressource naturelle soit hg = 0,027 .
Il est important de souligner qu’ici la puissance du phénomène naturel exploitée est une puissance mécanique et non plus thermique comme vu précédemment pour l’ETM et l’ hydraulique.
Résumé pour Énergie des marées |
4. L’énergie éolienne
Le vent puise son énergie dans les variations des caractéristiques thermodynamiques des masses d’air atmosphérique. Le vent est caractérisé par son intensité et sa direction qui résultent de l'équilibre entre des forces de pression, de Coriolis et de frottement, variables selon les latitudes, la nature des sols, la répartition des océans et des continents, etc.
Il est convenu de différencier les équipement éoliens « offshore », implantés en mer, de ceux sis «à terre» qui sont assujettis à des contraintes techniques et juridiques différentes. On ne considère ici que le captage de l’énergie du vent dit «offshore».
La puissance mécanique dissipée par le vent sur l’océan mondial est estimé à 64 TW. (Tableau 1). La RNG éolienne est donc de (64x8400) =537 PWh/a.
L’Allemagne prévoit de s’équiper d’installations offshore capables de 25 GW à l’horizon 2030 . http://www.sparksdata.co.uk/refocus/showdoc.asp?docid=17899722&accnum=1&topics=">Le Canada prévoit de disposer de 3,4 GW installés d’éoliennes offshore produisant 12 TWh/a, en 2025 . Le Royaume Unis estime qu’en 2010 sa ressource éolienne pourrait satisfaire 6 % de sa demande en électricité avec une contribution de la part « offshore » proche de 15 TWh/an ; le potentiel global de la ressource pour l’Europe entière serait de 1845 TWh annuels .
En l’absence de données pour la PTE spécifique de la ressource mondiale on supposera de façon arbitraire qu’elle pourrait être dix fois celle donnée ci-dessus pour l’Europe seule, soit 1845x10=18 450 TWh/a.
La fraction techniquement exploitable de la ressource éolienne offshore est donc :
PTE/RNG = (18,45 PWh/537 PWh ) soit hg = 0,034 ou 3,4 %.
Résumé pour l’énergie éolienne offshore. |
6. L’énergie de la houle.
La dissipation par frottement de l’énergie du vent soufflant sur la mer est à l’origine des vagues et de la houle; ce phénomène peut se propager très loin des zones où il s’est formé. En un point donné sa puissance mécanique s’exprime en kW par mètre de largeur de crête.
La puissance moyenne dissipée par la houle sur la façade atlantique française est évaluée à 45 kW/m et l’exploitation de la ressource nationale serait capable de produire annuellement 417 TWh ; ce qui est équivalent à la production électrique du parc nucléaire national de 420 TWh en 2001. Le potentiel de la ressource sur la côte ouest des Etats-Unis est évalué à 440 TWh/a; soit du même ordre de grandeur que la production hydraulique du pays, 350 TWh/a en 1998 .
Selon le World Energy Council, 10 % de la demande annuelle mondiale en électricité – qui est de 14 000 TWh/a pourrait être couverte par la production houlomotrice. On adoptera donc cette valeur de (14 000/10)=1 400 TWh/a comme valeur de la PTE – Potentiel Techniquement Exploitable - par des houlomotrices.
C’est dix fois moins que la PTE estimée pour les éoliennes qui puisent dans la même ressource : le vent.
Le Tableau 1 ne fournit aucune évaluation pour la RNG - l’énergie dissipée naturellement par la houle dans l’océan mondial - mais seulement celle dissipée par le vent. Nous conviendrons donc que le vent produit la houle avec un rendement égal à 1; ce qui est évidemment irréaliste ; c’est une valeur maximum adoptée pour les besoins de cet essai d’évaluation.
La somme (1 400 TWh houle + 18 450 TWh éolien) serait alors la fraction maximale de la ressource naturelle du vent offshore exploitable par l’ensemble des parcs mondiaux houlomoteur et éolien, soit un PTE de 19 850 TWh/a
Résumé pour l’ensemble Houle + Vent. |
7. Synthèse et discussion.
La production annuelle d’énergie primaire que l’on pourrait extraire des énergies marines serait de l’ordre de 120 000 TWh d’électricité.
Ceci est équivalent à la totalité de l’énergie primaire consommée par l’humanité en l’an 2 000 (et environ 10 fois la consommation annuelle d’électricité des pays de l’OCDE qui était de 10 000 TWh en 2000 avec 15 % de production renouvelable, pour l’essentiel d’origine hydraulique).
Les contributions respectives des procédés de conversion des phénomènes marins à cette production seraient de:
-
800 TWh pour l’énergie des marées,
-
1 400 TWh pour celle de la houle,
-
18 450 TWh pour l’énergie éolienne,
-
100 000 TWh pour la conversion par ETM.
Ces contributions entraîneraient des perturbations :
-
pour l’ETM, de 0,02 % du flux de chaleur solaire absorbé par l’océan,
-
de 4 % de l’énergie mécanique du vent « offshore », et
-
de 2% de l’énergie mécanique dissipée par la marée.
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- Écrit par : Michel Gauthier
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L'énergie Thermique des mers
Article paru dans la revue trimestrielle du réseau ECRIN n°57 de septembre 2004
Description d'une centrale de production ETM
Quel impact sur l'environnement? Quel potentiel exploitable pour l'ETM?
Les énergies marines : quelques mots à propos du potentiel exploitable des ressources.
L'océan tropical est un vaste capteur d'énergie solaire et ses eaux de surface un immense réservoir de chaleur. La circulation océanique qui contribue, avec la circulation atmosphérique, à l'apport de chaleur depuis les régions tropicales vers les pôles et à l'établissement des climats crée une stratification relativement stable entre l'eau de surface chauffée par le soleil et l'eau profonde froide en provenance des régions polaires. Dans toute la région intertropicale la température de l'eau sous la thermocline (1) descend régulièrement jusqu'à 4° C à 1 000 mètres de profondeur alors qu'au-dessus elle est souvent supérieure à 20° C,
L'idée d'exploiter ce phénomène naturel pour produire de l'énergie est née en France au 19e siècle. Plusieurs procédés ont été expérimentés. Ils sont fondés sur le principe de thermodynamique selon lequel il est possible d'obtenir du travail mécanique à partir d'un transfert de chaleur entre deux sources à températures différentes.
Cette ressource en énergie thermique et les procédés pour sa conversion en énergie mécanique utilisable par l'homme sont connus sous le nom d'"énergie thermique des mers " (ETM) ou " Ocean Thermal Energy Conversion " (OTEC en anglais).
La ressource est abondante, stable, disponible 24 heures sur 24 tous les jours de l'année, largement distribuée et facile d'accès pour de nombreux pays situés dans la ceinture intertropicale.
Description d'une centrale de production ETM
Une centrale ETM est constituée
- D'un sous-système de production d'énergie, avec comme composants principaux :
- l'évaporateur dans lequel un fluide dit « de travail » passe de la forme
liquide à la forme vapeur grâce à l'apport de chaleur transmis par la circulation de l'eau chaude de surface,- le condenseur, refroidi par la circulation d'eau froide profonde, où la vapeur est condensée après être passée dans une turbine,
- la turbine qui transmet son énergie mécanique à un turboalternateur.
- D'un sous-système d'alimentation en eau, froide et chaude, pompée en surface et en profondeur dans l'océan.
- De l'infrastructure, qui supporte et abrite tous les composants nécessaires au fonctionnement de l'usine.
La production d'énergie
La technologie des composants pour la production d'énergie dépend du choix du fluide de travail. Au stade actuel du développement de l'ETM il se dégage deux grandes options. Dans le domaine des températures disponibles, entre 4° C et 28° C, l'ammoniac et l'eau peuvent être utilisés.
Avec l'ammoniac, NH3 l'évaporateur et le condenseur sont des échangeurs ammoniac / eau de mer, à plaques ou à tubes métalliques, en titane ou en alliages d'aluminium. L'ammoniac liquide à la sortie du condenseur est pompé et réintroduit dans l'évaporateur. Il est ainsi recyclé sous pression (de l'ordre 900 kPa, soit 9 atmosphères) en permanence et l'on parle alors d'ETM en cycle fermé.
Photo du flotteur sphérique construit pour la mise à i'eau de la conduite d'eau froide de 2.5 mètres de diamètre pour l'usine ETM .
La Tunisie., Brésil 1935.
Avec de l'eau comme fluide de travail, c'est l'eau chaude de surface qui se vaporise partiellement pendant son passage dans un évaporateur maintenu sous très faible pression (voisine de 3 kPa). Chaque kilogramme d'eau chaude produit environ 5 grammes de vapeur. Le condensat - c'est ici de l'eau - n'a pas à être recyclé. On parle alors d'ETM en cycle ouvert. L'avantage de ce cycle est la simplicité de ses échangeurs « à contact » (2) et son inconvénient la grande taille de la turbine qui fonctionne avec des écarts de pression très faibles, inférieurs à 2 kPa.
Alors que des projets industriels existent pour des centrales à ammoniac en cycle fermé jusqu'à des puissances de 100 MW et plus, ceux des centrales à cycle ouvert restent à ce jour limités à des puissances de quelques dizaines de MW.
L'alimentation en eau
Le faible différentiel de température disponible (à peine supérieur à 20° C) limite le rendement de la conversion à des valeurs très faibles (3). Pour assurer une puissance ETM de 1 MW net il faut alimenter l'usine avec des débits de l'ordre de 2 à 3 m3 s-1 tant en eau chaude qu'en eau froide.
Le «prix à payer» en termes d'énergie pour assurer cette alimentation est évidemment une donnée essentielle pour la viabilité du procédé. Avant que les premiers travaux expérimentaux ne démontrent qu'ils avaient tort, les détracteurs de l'ETM prédisaient que le pompage de l'eau froide utiliserait à lui seul plus d'énergie que l'usine ne pourrait en produire ! La réalité démontrée expérimentalement est que la puissance dite « parasite » de l'ensemble des « auxiliaires » nécessaires au fonctionnement peut être limitée à moins de 30% de la puissance brute produite, avec une part de l'ordre de 20% pour le seul pompage de l'eau froide. Ces performances sont le résultat d'une optimisation complexe entre de nombreux paramètres dont le plus « lourd » est le diamètre de la conduite. Il s'avère en effet que la réduction des pertes de charge passe par l'obligation d'opter pour des conduites de grands diamètres. La plus importante réalisation reste encore celle faite dans les années 1930 pour l'usine ETM « La Tunisie » à cycle ouvert flottante de 2,2 MW net. La tuyauterie pour l'alimentation, à raison de 5 m3 s-1, en eau froide à 5°, avait un diamètre de 2,5 m et était longue de 700 m. Elle était faite de tronçons en tôle d'acier roulée de 3 mm d'épaisseur (4). Les réalisations récentes, toutes de petites tailles, utilisent des tuyaux en PEHD (5) qui sont disponibles sur le marché jusqu'à 1,5 m de diamètre. Pour la réalisation d'usines ETM de 100 MW et plus, les promoteurs étudient l'utilisation de plastiques armés ou de bétons allégés pour la construction de conduites de 15 à plus de 30 m de diamètre.
L'infrastructure
Elle dépend essentiellement du site choisi pour implanter l'usine. La théorie autoriserait d'implanter l'usine à n'importe quelle profondeur entre la source chaude et la source froide mais toutes les réalisations ont jusqu'à ce jour opté pour des infrastructures en surface construites sur .la côte (on-shore), ou sur des supports flottants en mer (off-shore) plus ou moins profonde. L'avantage de l'installation en mer profonde, à l'aplomb de la ressource en eau froide, est de minimiser la longueur de la tuyauterie alors verticale et donc le coût et les pertes de charges. Son inconvénient est de compliquer le transfert de la production énergétique vers les lieux de consommation. A contrario l'implantation à terre facilite ce trans- fert, mais oblige à allonger la conduite - alors forcément plus ou moins inclinée - pour accéder à la ressource froide, et à résoudre des problèmes toujours difficiles d'" atterrage ».
Au stade actuel de développement de l'ETM il se dégage une certaine distribution des différentes options avec leurs avantages et inconvénients respectifs en fonction des besoins exprimés. À court terme, ce sont des unités ETM à cycle ouvert " onshore » de petite puissance (1 à 20 MW) qui répondraient le mieux aux besoins de développement de petites communautés isolées, littorales ou insulaires, en zone tropicale. À long terme ce sont des usines ETM à cycle fermé, flottantes en haute mer, d'une capacité de plusieurs centaines de MW pour la production de combustibles synthétiques transportables, qui pourraient contribuer à l'approvisionnement du marché mondial de l'énergie (6).
L'ETM à quels coûts?
L'ETM est une forme d'énergie de faible densité, comme le sont en général les énergies renouvelables, et son exploitation requiert la construction d'installations lourdes en investissements.
Des études - la plupart américaines - donnent des estimations de coûts d'investissement et de production
pour des usines ETM flottantes jusqu'à 100 MW. Ils varient dans des fourchettes très larges, de 4 à 12 US $/Watt pour la construction et de 7 à 22 US cent/kWh pour le fonctionnement, selon les distances à la côte - de 10 à 400 km (7). Ces estimations reposent sur l'extrapolation de données expérimentales à des échelles de temps et de puissance - de l'ordre de quelques mois et quelques centaines de kW seulement. Elles ne sont pas jugées suffisamment crédibles ni suffisamment attrayantes au prix actuel du marché de l'énergie traditionnelle, pour attirer des investisseurs privés.
Un programme de construction d'usines pilotes de 1 à 10 MW électriques apporterait une réponse à ce besoin d'expériences ETM à échelles intermédiaires tout en contribuant au développement de petites communautés insulaires particulièrement isolées où le prix de l'énergie produite souvent par des petites centrales diesels-électriques est très élevé. C'est dans cette perspective que la France avait entrepris au début de la décennie1980 l'étude d'une centrale ETM de 5 MW électrique à Tahiti. Le projet a été abandonné en 1986 (8).
Les États-Unis ont plusieurs projets de centrales ETM pour leurs bases militaires d'outre-mer, une de 8 MW pour Diégo Garcia dans l'Océan Indien et l'autre pour celle de Guam. L'Inde et le Japon se sont associés pour réaliser une ETM de 1 MW. Montée sur une barge flottante l'usine « Sagar Shakthy " a été présentée en 2001 avant d'être remorquée pour essais sur la côte près de Tuticorin au sud-est du continent.
Photo de la barge ETM indo-japonaise " Sagar Shakthi " porteuse d'une centrale ETM expérimentale de 1 MW. Elle est ici à quai avant son remorquage au large où elle sera équipée pour essais de sa conduite vel1icale d'amenée d'eau froide en PEHD de 1 m de diamètre et longue de 1000 mètres
Quel impact sur l'environnement ? Quel potentiel exploitable pour l'ETM ?
L'ETM ne génère par principe ni chaleur ni polluants mais perturbe des flux naturels d'énergie et de matière. Il convient donc de définir la nature et l'ampleur de ces perturbations sur le milieu naturel avant de pouvoir évaluer leurs effets aux niveaux local, régional et global.
Pour assurer une production ETM d'1 MW il faut alimenter l'usine avec des débits de l'ordre de 2 à 3 m3 s-1 tant en eau chaude qu'en eau froide. Ce sont donc des volumes d'eau considérables qui seront pompés puis rejetés dans le milieu naturel. Les organismes vivants entraînés au travers des crépines d'aspiration seront affectés et probablement tués par les effets physiques et les traitements biocides (anti-fouling) qu'ils subiront durant leur transit dans l'usine. Quant aux effluents liquides, Ieur redistribution dans le temps et dans l'espace, dépendra des caractéristiques hydrographiques du site, de la puissance de l'usine et de sa conception. Ils seront réintroduits dans le milieu naturel à des températures de quelques
degrés différentes (2 à 3° C) de celles des eaux à leur entrée dans l'usine et selon les choix: eaux du condenseur et de l'évaporateur séparées ou mélangées, profondeurs et formes des évacuations... les effets sur l'environnement pourront être différents et plus ou moins sensibles.
Pour les petites centrales littorales, les résultats d'études et d'essais indiquent que les risques associés à leur exploitation ne devraient pas altérer gravement la faune et la flore marines vivant à proximité et que les effets des rejets dans l'océan resteraient minimes (9).
Pour de grosses centrales de 100 MW et plus, les résultats des travaux de simulation réalisés aux USA donnent des informations sur les limites et les procédures à respecter pour leur exploitation. Elle serait
« durable » à condition de rester en deçà de 0,07% de la chaleur solaire absorbée par l'océan (10). Dans les régions propices, là où un écart de températures supérieur à 22 °C existe en permanence entre les eaux en surface et à 1 000 m de profondeur, la puissance ETM exploitée devrait rester inférieure à 0,5 MW net par km2 d'océan. La superficie totale de ces zones étant évaluée à 60 millions de km2, le potentiel de la ressource permettrait l'instalation d'usines - soigneusement espacées les unes des autres - d'une puissance globale de 10 000 GW !
C'est un ordre de grandeur équivalant aux besoins mondiaux actuels.
Un aspect particulier de l'eau profonde froide est qu'elle est non seulement froide mais aussi riche en éléments nutritifs. Les rejets d'usines ETM de grandes puissances pourraient donc agir à la
manière des «upwellings» (11) naturels qui refroidissent et « fertilisent » les eaux de surfaces. À très long terme, l'exploitation contrôlée de l'ETM pourrait stimuler la production biologique primaire des eaux dans des régions de !'océan où elles sont naturellement pauvres, et aussi diminuer le risque de formations cycloniques en abaissant la température de surface des « loupes » d'eau chaudes tropicales où elle puisent leur énergie.
Michel Gauthier
Les énergies marines : quelques mots à propos du potentiel exploitable des ressources
Les formes d'énergies marines théoriquement exploitables sont nombreuses et variées. On ne considère ici que celles dont on estime avoir démontré la faisabilité technique. Elles sont des composantes du «cocktail» d'énergies renouvelables que les experts recommandent de développer pour apporter des solutions aux problèmes que pose la croissance des besoins mondiaux d'énergie primaire, besoins qui
pourraient atteindre selon les scénarios entre 14 à 25 Gtoe (12) en 2050, à comparer à ceux actuels proches de 10 Gtoe (13). Leur potentiel en termes économique et écologique est encore mal connu faute d'expériences in situ suffisantes par la taille, le nombre et la durée.
Toutes ces énergies ont pour origine des phénomènes naturels dus à l'influence du Soleil et de la Lune sur
l'océan. Leur exploitation n'implique pas d'apports anthropiques dans la biosphère, contrairement à la combustion d'un fuel fossile ou nucléaire, mais seulement des perturbations de flux naturels d'énergie et de matière. Pour donner des ordres de grandeur réalistes à la ressource exploitable, il conviendrait donc pour chacune d'elles de faire l'inventaire de ces flux et de la fraction qu'il peut-être convenu de perturber.
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Thermocline : couche d'eau de mer où s'observe une variation rapide. Retour texte
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Le choix d'un condenseur à surface permet de récupérer le condensat : c'est de l'eau douce. L'ETM en cycle ouvert permet d'intégrer directement production d'eau douce et production d'énergie. Retour texte
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Le rendement théorique dit de Carnot est égal à (T°chaud-T°froid)/T°Kchaud Retour texte
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L'installation de cette usine, "La Tunisie", du pionnier de l'ETM, G. Claude, au large de Rio de Janeiro en 1935, fut un échec. Cet échec est plus imputable à l'absence de prévisions météo-marines fiables et au manque d'expérience pour les travaux en mer qu'à la technologie de la construction de la conduite. Retour texte
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PEHDou poly-éthylène haute densité, utilisé notamment pour toutes Ies alimentations d'eau du Natural Energy Laboratory of HawaII Authority (NELHA) aux USA (http://www.nelha.org) Retour texte
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On peut se référer à l'article daté 2003 de W. Avery pour la réévaluation économique de la production par l'ETM de combustibles exportables. Retour texte
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Luis Vega, Ocean Thermal Energy Conversion-OTEC (III), Article IOA Newsletter. Vol. 12 n°4, Winyer 2001 Retour texte
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La réduction brutale du prix du pétrole (le prix du baril fut divisé par deux en moins d'un an) a rendu le coût du KWh ETM moins compétitif. Retour texte
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Y. Monbet. Rapport Ifremer / Deroet« Avant projet Tahiti 5MW. Etudes des impacts sur l'environnement ". Décembre 1987. Retour texte
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W. Avery and C. Wu "Renewab e energy from the ocean". A guide to OTEC Oxford U.P 1994. Retour texte
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Il s'agit de "remontées naturelles d'eau froide profonde" qui, chargées de sels minéraux (nutriments), viennent "fertiliser" les eaux de surface. Retour texte
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Gtoe: Gigatonnes équivalent pétrole (109). Retour texte
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Energy.. The Next Fifty Years ". OECD, 1999. Retour texte
- Détails
- Écrit par : Michel Gauthier
- Catégorie : Dossier Energie