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​Propos d’Argonautes en mai 2025

(Temps de lecture: 6 - 11 minutes)

Inauguration du Rond-Point Michel Lefebvre, devant le CNES toulousain.

Cette inauguration est prévue pour le 16 mai et plusieurs Argonautes doivent y assister, Rappelons que Michel Lefebvre a été un animateur exceptionnel pour l’utilisation des satellites dans les projets scientifiques d’étude de l’océan et de l’atmosphère, et qu’il a aussi été l’un des membres fondateurs du Club des Argonautes. où il a laissé une foule de textes très originaux, des plus sérieux aux plus poétiques. Au cours de cette inauguration, des hommages seront prononcés en présence de son épouse et de son fils par Anny Cazenave et Pierre Bahurel qui relateront sa carrière scientifique. A proximité immédiate du rond point Michel Lefebvre, on trouve quelques uns des laboratoires et des instituts qui lui doivent beaucoup : Mercator Ocean International, le Laboratoire d'Etudes en Géophysique et Océanographie Spatiales (LEGOS), le Groupe de Recherche de Géodésie Spatiale (GRGS), le Centre National d’Etudes Spatial (CNES), une antenne de l’European Space Agency (ESA) : son jardin.

 

Les conséquences de la mise en application de la nouvelle politique des Etats Unis d’Amérique
Le sujet revient sans cesse sur le dessus de l’actualité, et nous n’avons sans doute pas fini d’en parler. La manière dont la science est entravée aux USA interpelle et inquiète. Nous avons eu connaissance d’une lettre des membres républicains du sénat américain donnant ses recommandations à Trump pour l’année fiscale 2026. Le climat n’y est considéré que comme une « idéologie » et les propositions de coupes budgétaires y sont un leitmotiv. Toutefois, il ne s’agit que de propositions, et la majorité requise pour qu’elles soient acceptées est de 60 % : il faut espérer que toutes ne passeront pas. L’Inflation Reduction Act lancé par Joe Biden était articulé avec des objectifs de verdissement de l’économie, en faveur du climat. Mais avec l’administration Trump, parler de climat est devenu « idéologique », et, réalisme oblige, beaucoup d’acteurs sont amenés à s’engager dans la voie prise par le nouveau gouvernement américain : stratégie qui sera peut être perdante à long terme, mais qui est hélas incontournable à court terme.
Nombreux parmi nos collègues aux USA sont déjà dans l’impossibilité d’exercer leur métier de chercheur. Le CNRS doit proposer prochainement un programme visant à accueillir certains de ces collègues, en accordant une priorité aux chercheurs européens qui travaillent actuellement aux Etats Unis et sont parmi les premiers visés par des licenciements. Très probablement, ils retrouveront des salaires moins élevés qu’aux Etats Unis. D’autre part, en France où le recrutement dans la recherche est très bas depuis plusieurs années, il y a des réticences, surtout de la part des syndicats.

L’Inde est en retard sur le réchauffement global, et on ne sait pas exactement pourquoi
Il y a certes en Inde des vagues de chaleur très intenses, mais sur les décennies qui précèdent, le réchauffement climatique y est moindre que la moyenne pour la Terre entière. On sait que d’une façon générale le réchauffement est moins marqué aux basses latitudes que près des pôles, mais cette différence est tout particulièrement marquée pour l’Inde, sans qu’on en ait une explication certaine. Ce sujet a été au centre d’une conférence organisée par le ministère indien de l’environnement. Une des causes proposées est la pollution par des poussières qui y atteint des niveaux très élevés. Ordinairement, ces aérosols qui réfléchissent le rayonnement solaire vers l’espace sont censés refroidir le climat, mais en Inde, ces poussières sont pour une grande part des suies issues de la combustion du charbon ou du bois, qui absorbent le rayonnement et ont donc plutôt une action réchauffante. Des changements dans le régime régional des vents ont aussi été invoqués : ils auraient pour origine le très intense réchauffement dans les pays du Moyen Orient qui entraînerait un décalage des vents de mousson vers le nord de la Mer d’Arabie, avec, pour résultat, des pluies très abondantes au Pakistan et au nord-ouest de l’Inde. Une autre cause serait
l’irrigation qui est abondamment pratiquée dans toute la péninsule indienne. Cette dernière favoriserait sur toutes les étendues agricoles – soit la majeure partie du pays – une forte évaporation qui absorbe la chaleur de l’atmosphère. Concernant l’irrigation, il convient de faire la différence entre l’Inde du nord, en particulier le Penjab, où l’eau utilisée est celle des grands fleuves que sont l’Indus et le Gange, qui prennent leur source dans l’Himalaya, et l’Inde du sud, où l’irrigation, très mal gérée, et acheminée par un réseau en très mauvais état, se fait aux dépens des nappes phréatiques qui sont surexploitées.

La hausse du niveau de la mer, sera-t-elle de 60 cm en fin de siécle, ou davantage ?.
La deuxième partie du rapport TRACC (trajectoire de réchauffement de référence pour l'adaptation au changement climatique), à destination du gouvernement, vient d’être publiée. Elle constitue la base pour la prise de décisions par le gouvernement pour faire face aux conséquences du changement climatique. Ce rapport est directement issu de DRIAS et ne traite pas de l’élévation du niveau de la mer, pour lequel il garde le même niveau d’alerte qu’il y a une dizaine d’années (soit + 60 cm en fin de siécle), malgré les estimations scientifiques récentes qui sont à la hausse (ainsi que l’indiquent les exposés de Goneri le Cozanet au Bureau des Longitudes et lors de l’assemblée générale de Météo et Climat). Si les mécanismes de déstabilisation de la calotte de l’Antarctique est s’accélèrent, ce sera beaucoup plus, soit +1m, +1,2 m… et quand ? Or, entre 60 cm et 1,2 m, la différence en termes de dommages et de coûts est considérable. De plus, la tendance à une croissance exponentielle des conséquences du réchauffement climatique, fait que le temps dont nous disposons pour prendre les mesures nécessaires est de plus en plus court.

Mer d’Aral et tectonique
Un article récent met en évidence que l’assèchement de la mer d’Aral a des conséquences dans les entrailles de la Terre. À près de 200 kilomètres sous la surface, des roches chaudes et visqueuses se sont mises à bouger. A l’origine de ce mouvement, la perte de masse liquide causée par cet asséchement (1000 milliards de tonnes d’eau environ) compensée par un relèvement du manteau terrestre à une vitesse de 7 mm par an. L’observation vient des données satellite de l’altimètre de Sentinel-1, et si un relèvement de la croûte terrestre était attendu, son amplitude et sa durée surprennent. La Mer d’Aral est réduite à une flaque depuis plusieurs dizaines d’années, et pour satisfaire les besoins en eau de la région, il a été mis en place des retenues collinaires de telle sorte que les fleuves Amou Darya et Syr Darya n’apportent pratiquement plus d’eau à la Mer d’Aral..

Lac Tchad et fluctuations climatiques à grande échelle au Sahel
Dans les années 70 – 80, les pluies au Sahel ont diminué de 30 % par rapport aux années 50, une longue sécheresse a sévi au Sahel et le Sahara s’étendait vers le sud de façon très inquiétante. La superficie du Lac Tchad s’est alors considérablement réduite, jusqu’à voir émerger une dorsale qui a coupé le lac en deux parties. La situation s’est améliorée depuis, et les oscillations à long terme des conditions climatiques dans cette région sont devenues l’objet de recherches actives, qui les attribuent à des causes locales comme l’interaction entre les activités humaines, l’occupation des sols, la végétation et l’évaporation, ainsi qu’à des causes à plus grande échelle comme la variation de la température des océans et son influence sur la mousson africaine. Elles ont donné lieu au programme international AMMA au début des années 2000. Le lien avec le changement climatique en cours n’est pas évident : les récits, les voyageurs arabes indiquent que, tout comme à la fin des années 70 – 80 où le Lac Tchad était à peu près totalement asséché, une telle situation s’était déjà produite, longuement, au 15ème ou 16ème siécle. Alors, une barre de hauts fonds séparait en deux le Lac Tchad, et cette barre est restée émergée, et couverte de cultures pendant tout le 16ème siècle.

La force de Coriolis et la déviation du courant
Il est bien connu sous le nom de « force de Coriolis » que les courants marins induits par le vent sont déviés à la droite du vent dans l’hémisphère nord, et à sa gauche dans l’hémisphère sud, en conformité avec la théorie d’Ekman. Les amateurs de romans d’espionnage savent bien cela, qui ont lu cette histoire d’agent secret enlevé et enfermé il ne sait où, et qui réussit à deviner dans quel hémisphère on l’a conduit en remplissant un lavabo et en observant dans quel sens se forme le tourbillon lorsqu’il vide ce lavabo. Histoire naïvement simpliste puisque les forces en jeu sont dérisoirement faibles et que la moindre irrégularité dans le dessin du lavabo, ou un infime courant d’air dans la pièce, suffiraient à inverser le résultat. Toutefois, dans le Golfe du Bengale, on observe le courant à gauche du vent bien qu’on se trouve dans l’hémisphère nord, et l’explication ne réside pas du tout dans la forme du Golfe qui ne serait pas un lavabo parfait. La raison en est que l’on se trouve à de basses latitudes où la période de Coriolis est supérieure à 48h, et que les vents dans cette région sont régulés par l’alternance du système brises terre-mer de période diurne donc inférieure à celle de Coriolis. Ainsi, dans le Golfe du Bengale situé dans l'Hémisphère Nord, où ce régime de vent tourne dans le sens des aiguilles d’une montre à une vitesse plus grande que l’opposée du tourbillon vertical planétaire, la composante du courant d’Ekman correspondante est à gauche du vent, et non pas à droite. C’est ce que vient de le démontrer un article récent dans lequel les auteurs saluent notre collègue Argonaute José Gonella, qui avait posé très tôt les bases théoriques de cette particularité.

Plancton, Covid, poussières atmosphériques, même usage
Il y a dans la mer des animaux et végétaux planctoniques de toutes sortes et de toutes tailles, qu’on ne peut capturer pour identification et inventaire qu’avec des engins différents, et qu’on ne peut confier qu’à des spécialistes très divers : la tâche est énorme, et la connaissance de l’adaptation des écosystèmes marins au climat et au changement climatique en est rendue extrêmement difficile. Une méthode simple dans sa mise en opération est pourtant en passe d’apporter une réponse : elle consiste à extraire et analyser l’ADN de la matière vivante (ou morte) d’un petit volume d’eau retenue sur un filtre. On y trouve de tout en grand nombre, et les brins d’ADN y sont comme des petits codes numériques, que les outils informatiques de traitement des données sont maintenant à même d’exploiter.
Pendant l’épidémie de Covid, chacun étant confiné chez soi, et les déplacements étant contraints, il n’était pas facile de suivre les progrès ou le déclin de l’épidémie, jusqu’à ce qu’on prenne conscience que le réseau d’égouts drainait les eaux usées de toute une ville, transportant les mouchoirs et autres déchets : le simple prélèvement d’un petit flacon s’est montré plus efficace que des dizaines d’enquêteurs.
Et les écosystèmes terrestres ? Là aussi, un prélèvement d’air peut caractériser tout un site, par l’ADN de son contenu retenu sur un filtre : petits insectes et leurs fragments, microbes spores de champignons, pollen, poussières végétales…

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