Michel Lefebvre
Michel Lefebvre a été un acteur et un animateur inlassable du développement de l’observation spatiale pour l’océanographie.
C’est en grande partie grâce à lui que les chercheurs français ont pu très tôt, avec le satellite TOPEX-POSEIDON accéder à des données de topographie précise et globale de l’océan pour étudier les courants marins. Il était doué de qualités humaines exceptionnelles et a entraîné avec lui toute une génération de chercheurs. Le rond point situé à l’entrée du Centre National d’Études Spatiales à Toulouse portera son nom, ainsi qu’en a décidé la municipalité de Toulouse. Michel Lefebvre, qui nous a quittés en 2019, est l’un de ceux qui ont fondé le Club des Argonautes, et nous nous réjouissons de l’hommage qui lui est ainsi rendu.
Episodes de canicules, de sècheresses....
Les épisodes de canicules, de sécheresses, les crues, interrogent : cela s’est-il déjà produit dans le passé, cela va-t-il empirer ? Les données pour répondre à ces questions sont de plus en plus facilement accessibles. L’accès aux données hydrométriques, accessibles partiellement depuis 2000 par hydro Portail, a évolué depuis juin 2024 en donnant accès à tout l’ensemble des données hydrométriques, par le portail data-eaufrance. Météo-France a ouvert ses archives au public en 2023 (voir (voir page actualité septembre 2024 à ce sujet). Notons aussi que les données des stations météorologiques des particuliers (au nombre de 800 environ pour la France métropolitaine), dont la qualité est vérifiée avec rigueur, sont accessibles depuis le site de Infoclimat (https://www.infoclimat.fr/).
SWOT et EarthCARE
Les premières données rapportées par de nouveaux satellites tiennent leurs promesses, haut la main. SWOT (Surface Water Ocean Topography), qui mesure le niveau de l’eau avec une précision et une définition inaccessibles jusqu’à présent, par interférométrie radar, apporte des informations sur les ressources terrestres en eau, sur les variations de contenu des lacs, et sur les courants et tourbillons marins à petite échelle. EarthCARE muni entre autres instruments d’un radar profileur de nuages permet d’observer et de suivre à haute définition la structure des nuages et la répartition des tailles des gouttelettes d’eau et des cristaux de glace.
Accord de Paris
+ 1,5°C, + 2°C en 2050 ? 2°C, c’était la première proposition faite lors de la préparation des Accords de Paris. C’était aussi la prévision d’Arrhénius dans l’hypothèse d’un doublement de la concentration en CO2 dans l’atmosphère (soit 2 x 280 = 560 parties par million). C’est à la demande des petits états insulaires que ce seuil a été ramené à + 1,5°C, mais on sait bien qu’au point où nous sommes arrivés, ces objectifs sont hors d’atteinte, et que si nos émissions ne ralentissent pas rapidement, nous dépasserons + 3°C. S’il fallait re-négocier ces seuils à ne pas dépasser, il est probable que nous assisterions maintenant à une âpre cacophonie. Par ailleurs, les difficultés auxquelles il faudra faire face ne sont pas tant l’augmentation des températures moyennes, que celle des températures extrêmes.
Emissions de gaz carbonique
Il faut (ou : il faudra) réduire fortement nos émissions de gaz carbonique issus de gisements de carbone fossile (et aussi de méthane, dont la concentration dans l’atmosphère augmente très vite). Mis à part l’épisode de la pandémie due au Covid19, le total de ces émissions ne cesse d’augmenter dans le monde. Il diminue cependant en Europe. L’explication est simple : une part de plus en plus grande des émissions causées par la consommation des européens a lieu dans d’autres pays, surtout en Chine, à qui nous déléguons la fabrication de nos biens de consommation. C’est pourquoi, et l’Europe elle même pousse dans cette direction, les pays doivent être jugés non pas sur les émissions de CO2 qui ont lieu à l’intérieur de leurs frontières, mais sur toutes celles qui ont servi à la fabrication de ce qu’ils consomment : les «émissions basées sur la consommation». Notre consommation de carbone fossile qu’il s’agit de réduire se niche dans de multiples ramifications. Une de celles dont on parle le plus est la voiture individuelle, dont la version à moteur thermique est peu à peu remplacée par la version électrique. Les voitures d’occasion à moteur thermique sont exportées vers les pays en développement. On oublie trop une option qui consisterait à «rétrofiter» ces voitures, c’est à dire à remplacer leur moteur thermique par un moteur électrique, en évitant ainsi les émissions qui correspondent à la fabrication de la carrosserie.
Toutes ces actions ont un coût, et pourraient idéalement être financées par de la création de monnaie, mais pour le moment, l’essentiel du financement provient de taxes ou de mesures incitatives, qu’il faudrait surveiller attentivement, ce qui est un des rôles de l’AMF (Autorité des Marchés Financiers) : plus des deux tiers des fonds français qui affichent des prétentions de durabilité investissent en réalité dans des entreprises qui développent de nouveaux projets de charbon, pétrole et gaz. En 2023, pour la première fois, les revenus mondiaux issus de la tarification carbone ont dépassé 100 milliards de dollars. Comment gérer ces revenus afin de les rendre les plus efficaces possible dans la réduction des émissions de carbone fossile ? La réponse n’est pas simple: une analyse de 1500 mesures dans divers pays conclut que les mesures les plus efficaces sont celles qui visent simultanément plusieurs objectifs. Et pour convaincre les gens d’agir, la justice sociale est indispensable.
Rapports GIEC
Après le sixième rapport, adopté définitivement en 2021, on entre dans le calendrier qui doit conduire à la rédaction du septième rapport du GIEC. Sa publication est en principe attendue pour 2028. Cependant, une douzaine de pays bloquant les discussions, il n’a pas été possible de trouver un accord unanime lors d’une réunion en Bulgarie où les participants étaient censés définir un calendrier de planification des actions à mener pour aboutir à cette publication. Les principaux points de conflit sont d’une part le report de 2030 à 2040 de la date d’application des mesures contraignantes de réduction des émissions, et d’autre part, le partage des efforts entre les pays développés qui ont historiquement causé la crise climatique et ceux qui n’ont fait que la subir. Faudra-t-il attendre 2029 (ou encore plus tard) pour la publication de ce rapport ?
Points de bascule du climat
Les publications scientifiques consacrent de plus en plus d’articles aux points de bascule du climat. Il s’agit du franchissement de seuils au-delà desquels le climat de certaines parties du globe ou de sa totalité pourrait changer de façon brusque et irréversible à l’échelle du siècle. Le point de bascule qui est le plus étudié est celui de la circulation méridionale de retournement dans l’océan Atlantique, dont l’arrêt modifierait radicalement le système de transfert de chaleur des basses vers les hautes latitudes. Il s’est déjà produit d’autres types de bascules depuis le début de l’interglaciaire actuel : l’aridification du Sahara, où les fresques du Hoggar et du Tibesti attestent l’existence d’une période propice à l’agriculture jusqu’en 2000 avJC, en est une qui a fait l’objet d’études nombreuses. Très récemment, il y a eu des pluies abondantes au Sahara et au sud Maroc. Est ce l’avènement d’un point de bascule ? Notons toutefois que déjà, au 16ème siècle, le Maroc a étendu son empire jusqu’à Tombouctou à la faveur d’une période pluvieuse pendant près d’un siècle, confirmée par l’accroissement de la surface des lacs situés près de Tombouctou. C’était alors l’époque du Petit Age Glaciaire. Dans tous les cas, les incertitudes sont trop grandes pour prévoir avec certitude l’occurrence d’une bascule du système climatique. De plus, les études de points de bascule se focalisent exclusivement sur le sous-système qui est susceptible de les déclencher, mais ignorent souvent les interactions à diverses échelles de temps de ce sous système avec le climat global.
Climatoscepticisme
Donner la parole à des personnes connues pour répandre des contre vérités pourrait devenir un délit. Le gendarme de l’audiovisuel (Arcom) vient de mettre en garde pour la première fois un média pour désinformation climatique. En effet, le collectif Quota Climat a saisi cette autorité à l’encontre de Sud Radio à la suite d’une interview du très controversé François Gervais, chimiste, et surtout, climatosceptique, dont les thèses sont dénuées de fondement scientifique. Cette émission minimisait ou contredisait le consensus scientifique autour du changement climatique et l’Arcom a émis un avertissement à l’encontre de Sud Radio. En cas de récidive, cette station risque une mise en demeure, puis une sanction financière. Une première !
Elon Musk et le changement climatique
L’entretien récent de Donald Trump avec Elon Musk a été publié sur Internet. On y lit que la limite que pose Elon Musk concernant le changement climatique est que la concentration en gaz carbonique n’atteigne pas 1000 parties par million, au-delà de quoi on respire mal et on est victimes de maux de tête. Nous n’en sommes qu’à 425 parties par million, et les pires scénarios examinés par le GIEC, si nous sommes raisonnables, ne devraient pas nous conduire à de tels niveaux : nous aurions alors à faire face à bien d’autres calamités. Mais de 425 à 1000, cela ne laisse-t-il pas place à une exploitation débridée des hydrocarbures fossiles et à des années de business effréné et enrichissant ? Elon Musk se déclare aussi en faveur des cryptomonaies, dont sait qu’elles sont très consommatrices d’énergie. Souhaitons qu’un tel binôme ne vienne pas à présider aux Etats Unis!
Modification de la rotation de la Terre
Quoi de plus enivrant pour qui étudie les mouvements des fluides à la surface de la Terre que de savoir que ces mouvements modifient la vitesse de la rotation de la Terre solide autour de son axe, et par conséquent la durée du jour. Les réajustements de l’écorce terrestre qui s’opèrent lors de tremblements de terre induisent aussi des sauts de la durée du jour. Il y a environ 20 ans, on observait qu’il y avait une très forte corrélation entre la vitesse de rotation de la Terre et le moment cinétique de l’atmosphère. A 10 ans d’échéance, la corrélation diminuait et on attribuait cela aux interactions (mal connues) entre le manteau et le noyau terrestres. Dans ces réflexions, l’océan ne jouait aucun rôle détectable (était ce faute d’en connaître la circulation ?). Glaces, masses d’eau, systèmes de vents, tous agissent en même temps, et les effets sur la durée du jour sont minimes (de l’ordre de la milliseconde). La fonte des glaces a un effet inverse selon qu’il s’agit des glaciers tropicaux (dont après fusion la masse perd de l’altitude et se rapproche de l’axe de rotation de la Terre) ou des calottes polaires (dont l’eau de fusion s’éloigne de l’axe de rotation en dérivant vers l’équateur). En El Niño, le ralentissement des courants équatoriaux vers l’ouest est de nature à ralentir la rotation de la Terre. Est-ce l’inverse en La Niñà ? probablement, mais alors, un autre phénomène intervient : l’accumulation d’eau dans le Pacifique tropical nord-ouest (la «Warm Pool») fait se déplacer l’axe des pôles. Alors que la durée du jour augmente lentement inexorablement dans les temps géologiques, depuis une dizaine d’années, elle tend maintenant plutôt à diminuer, tandis que l’emplacement du pôle qui décrivait une trajectoire plus ou moins périodique et régulière se déplace maintenant en ligne droite.
Avril 2023, augmentation brusque de la température moyenne de la Terre, quelles causes ?
Lorsque, en avril 2023, la température moyenne globale a brusquement augmenté, très au dessus des valeurs des années précédentes, et alors que le dernier évènement El Niño n’avait pas encore débuté, l’éruption récente du volcan Hunga Tonga dans les îles Tonga dans le Pacifique sud a semblé une explication plausible, le mécanisme invoqué étant l’injection dans la stratosphère d’une grande quantité de vapeur d’eau qui y augmenterait durablement l’effet de serre. Il est maintenant possible de dresser un bilan de cet épisode, et il apparaît que le rôle de cette injection de vapeur d’eau dans la stratosphère a été contrecarré par l’injection simultanée d’aérosols soufrés provenant de la même éruption, et qui sont connus pour refroidir le climat durant un ou deux ans, comme cela s’est passé après l’éruption du volcan Pinatubo aux Philippines en 1991, et, plus loin dans l’histoire, celle, terrible, du Tambora en 1815. Une cause certaine du réchauffement est l’interdiction de l’usage du fuel contenant du soufre dans le transport maritime, à la suite de quoi la concentration en aérosols de l’atmosphère a chuté, facilitant la pénétration du rayonnement solaire jusqu’à la surface de la Terre. Mais cela ne suffit pas à expliquer la brusque hausse de la température moyenne globale en 2023. Brusque… et anormale ? Ou simplement due aussi aux émissions de gaz carbonique ?
Une video spectaculaire a été diffusée par la NASA. Elle montre les émissions de gaz carbonique et leur transport dans l’atmosphère en hiver dans l’Amérique du nord, puis plus généralement sur tout le globe. Il n’y a là rien de bien nouveau : la carte (« le cadastre ») des émissions est connu, et il est ici couplé à un modèle de transport atmosphérique, le tout à très fine échelle. Les émissions dans l’est de l’Amérique du nord en hiver (industries, chauffage domestique) sont impressionnantes. L’alternance quotidienne source/puits de gaz carbonique des forêts tropicales, due au cycle photosynthèse /respiration, est un autre aspect bien rendu de cette vidéo.
Le glyphosate qui pollue les rivières et les nappes phréatiques n’aurait pas une origine seulement agricole : les eaux usées des villes en contiendraient de façon quasi permanente, ce qui ne correspond pas au rythme saisonnier auquel l’agriculture utilise cet herbicide. Ne s’agirait-il pas là d’une manœuvre de diversion pour attirer l’attention ailleurs que sur les usages agricoles ? Le "roundup" est maintenant interdit, mais il est, dit-on, assez facile de se procurer les produits qui permettent d’en fabriquer.
Tout comme la température moyenne globale, le contenu en vapeur d’eau de l’atmosphère augmente. Le graphique ci dessous représente cette augmentation d’année en année, et on note un brusque décrochement vers des valeurs élevées en 2023, année qui a aussi vu une brusque augmentation de la température. L’augmentation de 1 kg m-2 pour une valeur moyenne annuelle de l’ordre de 25 kg m-2 serait donc de 4 % environ, ce qui est supérieur à ce qu’on peut calculer en se basant sur un saut de la température moyenne globale d’environ 0,3°C. Noter le très net cycle saisonnier avec un maximum de contenu en vapeur d’eau de l’atmosphère globale au mois d’août. Ces estimations du contenu en vapeur d’eau de l’atmosphère sont essentielles pour l’étude du climat car elles sont indispensables pour corriger beaucoup de mesures par satellite.
Attention : le puits de carbone dans la végétation en France se dégrade. C’est un constat qui se confirme à chaque rapport. Cette fois, c’est la conclusion de travaux menés par Solagro, rapportés par Christian Couturier qui fut président de NEGAWAT. La forêt française a stocké 28 millions de tonnes de gaz carbonique en 2022. Mais cette capacité d’accumulation a été réduite de 60% par rapport à la moyenne 2005-2015. Le mauvais état des forêts française signifie que le puits de carbone qu’on en attend est largement surestimé et que pour atteindre le net zéro émissions, il faudra trouver autre chose. L’une des erreurs les plus manifestes est la filière bois énergie, très mal contrôlée.
Des panneaux solaires à géométrie variable.
Disposés de façon à capter un maximum d’énergie solaire, ils entrent en compétition avec l’usage agricole des terres. Toutefois, des projets qui permettent un usage mixte des surfaces pour l’agriculture et pour la capture de l’énergie solaire se multiplient. Au départ des projets, il y a en général une démarche des sociétés qui installent les panneaux et qui cherchent des sites favorables. L’agriculteur contacté est souvent en position de faiblesse dans ces négociations, où, pourtant, il conviendrait de trouver une solution optimale pour les deux partenaires. Les plantes ont besoin de lumière mais en été, pour plusieurs cultures, cette lumière arrive en trop grande quantité, de telle sorte que des panneaux solaires judicieusement installés peuvent s’avérer profitables pour les deux partenaires. Il existe maintenant des panneaux à rendement très élevé qui non seulement captent le rayonnement en provenance du Soleil, mais aussi le rayonnement infra-rouge émis par le sol sous-jacent. Et pourquoi ne pas élever des canards en plein air sous les panneaux solaires ?