Qu'est-ce que l'IPBES?
Convergences et divergences avec l'IPCC (GIEC)
Michel Petit
Avant-propos
L’IPBES (Intergovernmental science-policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services, traduit en français par Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques) a été formellement mis en place, lors d’une assemblée plénière ad-hoc qui s’est tenue à Panama du 16 au 21 avril 2012, sous l’égide du PNUE.
Sa première assemblée plénière se tiendra du 21 au 26 janvier 2013 en Allemagne à Bonn où la réunion de Panama a décidé que son secrétariat serait installé.
Cette assemblée a pour objet :
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de décider de la manière dont l’IPBES sera rattaché au système des Nations Unies,
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de préciser ses procédures de fonctionnement et de choisir les membres de son bureau.
La similitude du sigle IPBES avec celui de l’IPCC n’est pas due au hasard et il est utile de faire une comparaison entre les deux organismes.
Introduction
L’IPCC fait le point des connaissances :
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sur la science du climat,
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sur les conséquences du changement climatique et les mesures d’adaptation possibles à ce changement
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et enfin sur les possibilités d’en maîtriser l’amplitude.
Ses rapports font autorité sur le plan international, en dépit des campagnes de dénigrement exploitant deux erreurs de détail reconnues et corrigées sans que cela ait entraîné la moindre modification des conclusions générales.
Il était donc naturel d’envisager de créer un organisme analogue pour la biodiversité, pour lequel un sigle voisin a été choisi : IPBES.
Toutefois, dans le nom développé "Intergovernmenal Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystems Services", on notera le remplacement de «Panel» par «Science-Policy Platform» qui amène à se poser la question des convergences et des divergences entre les deux structures.
Dans l’ensemble de ce texte, on utilisera les sigles anglais pour éviter les querelles de traduction et ne pas perdre de vue les similitudes voulues.
La genèse de l’IPCC et de l’IPBES
L’IPCC a été créé en 1988, quatre ans avant la Convention de Rio sur le climat dont la rédaction a bénéficié de son premier rapport publié en 1990.
Par contre, l’IPBES a été mûri bien après l'établissement de la Convention sur la Diversité Biologique également à Rio en 1992.
Les promoteurs de l’IPCC ont été des scientifiques au premier rang desquels figure son premier président Bert Bolin. Leur objectif était de mettre à la disposition des décideurs des documents rédigés de façon à leur en faciliter la compréhension et à rendre compte rigoureusement de l’état des connaissances scientifiques et des marges d’erreur dont elles peuvent être entachées. Ces documents devaient être rédigés par des chercheurs à la pointe du domaine et faire état de tous les travaux publiés sur le sujet traité.
Il en va différemment pour l’IPBES. Le projet initial formulé par des scientifiques reconnus comme Michel Loreau et Harold Mooney avait les mêmes objectifs que l’IPCC.
Pour reprendre une citation d’un article de Anne Larigauderie and Harold A. Mooney retraçant l’histoire de l’IPBES,
“…not only more science but also more relevant scientific information, and a more structured dialog between the scientists and policy makers are needed to trigger societal responses and inform decision making. Accordingly, the vision for IPBES is that of a mechanism, which would provide on a regular basis, global and regional trends in biodiversity and associated ecosystem services, analyse their causes, and explore possible future changes, in order to inform decision making.”
La différence avec l’IPCC repose sur l’existence préalable de la Convention sur la biodiversité et de sa conférence des parties qui était un organisme incontournable pour la création de l’IPBES.
Le projet initial a donc été remodelé par les réflexions des diverses parties prenantes dans les réunions de cette conférence des parties, c’est-à-dire des gouvernements qui décident et aussi des ONG militantes ou scientifiques et des chercheurs qui participent aux événements annexes à la réunion officielle ainsi qu'à l'UNEP (PNUE) qui accueille pour l'instant et de manière intérimaire la consultation IPBES. La volonté d’associer une palette d’acteurs au fonctionnement de l’IPBES est très probablement à l’origine du choix du terme "science-policy platform". La mention explicite des services des écosystèmes, suite à la publication de l'évaluation des écosystèmes du Millénaire (Millennium Ecosystem Assessment, 2005), souligne l’importance de ces services.
Les règles qui ont joué un rôle essentiel dans le succès de l’IPCC sont :
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l’interdiction de toute recommandation politique,
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l’obligation de rendre compte objectivement de tous les points de vue exprimés dans la littérature scientifique
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et l’équilibre qu’il a réussi à conserver entre les gouvernements et les scientifiques.
Au moment où l’IPBES va se concrétiser, il convient d’examiner dans quelle mesure ces règles peuvent être suivies par l’IPBES et comment ses structures permettront d’en assurer l’observance, à tout le moins pour ce qui est de l’évaluation de l’état des connaissances scientifiques.
La neutralité vis-à-vis des décisions politiques
Dans le cas de l’IPCC, la question de la neutralité politique se pose peu pour ce qui est de la science du changement climatique :
les modèles climatiques sur ordinateur sont des créations d’une planète numérique dont le comportement est dicté par les lois de la mécanique des fluides. Ces modèles sont semblables à ceux qui simulent le comportement d’un avion avant qu’il n’ait été construit, leur validité est vérifiée en confrontant leurs résultats aux observations du climat réel. La politique survient au niveau des mesures d’adaptation au changement climatique et plus encore à celui des mesures propres à limiter l’ampleur de ce dernier. La neutralité vis-à-vis des décisions politiques est assurée par l’exposé des bénéfices et des inconvénients des mesures envisagées, sans expression d’une préférence. C’est ainsi que, contrairement à une opinion largement répandue, l’IPCC a toujours refusé, malgré les invitations répétées des politiques, de faire une recommandation quant à la valeur de la concentration atmosphérique des gaz à effet de serre qu’il convient de ne pas dépasser. Il s’est limité à donner pour chaque plafond de concentration envisageable la fourchette des températures auxquelles on peut s’attendre et les évolutions futures des émissions qui permettent de l’atteindre.
La situation est plus complexe pour l’IPBES.
L'état des connaissances sur les écosystèmes, et la complexité intrinsèque de ces derniers, sont loin de permettre d'envisager la création d'une planète numérique simulant à partir de lois connues l'évolution de la biodiversité. Les problèmes de biodiversité comportent généralement des spécificités locales difficiles à cerner. La dimension politique est donc encore plus présente pour les problèmes de biodiversité que pour ceux du climat. Il ne semble pas acquis que les décideurs acceptent que l'IPBES adopte comme règle d'or pour toutes ses activités celle de l'IPCC : "Be policy relevant, never policy prescriptive. Soyez politiquement pertinent, mais jamais politiquement prescriptif"
S’il est normal que les décideurs puissent poser aux scientifiques les questions qui les intéressent, il ne faut pas que les réponses puissent être biaisées par des considérations politiques. Certaines des phrases introduites par ce paragraphe permettent de nourrir des craintes à ce propos.
Il ne semble pas acquis que les décideurs acceptent que l’IPBES adopte comme règle d’or pour toutes ses activités celle de l’IPCC : Be policy relevant, never policy prescriptive.
La répartition des rôles entre scientifiques et décideurs
Pour que le dialogue science société puisse avoir lieu sur des bases saines, il faut que la distribution des rôles soit bien précisée et respectée.
Dans le cas de l’IPCC, ce sont les décideurs qui approuvent le plan détaillé des rapports, à partir des propositions des scientifiques.
Les scientifiques ont ensuite carte blanche pour écrire le rapport et exploiter le résultat des deux expertises collectives successives qui permettent des les améliorer. Les gouvernements et les ONG ayant le statut d’observateur interviennent en désignant des experts en lesquels ils ont confiance. En outre, les gouvernements peuvent, en tant que tels, envoyer leurs commentaires scientifiques lors de la deuxième expertise. La plénière du groupe de travail concerné ou de l’ensemble de l’IPCC, où siègent les gouvernements approuve le rapport final. Elle est présidée par les rédacteurs du rapport qui peuvent s’opposer à la prise en compte d’un amendement qui ne serait pas conforme aux résultats scientifiques connus.
Rien ne semble s’opposer à ce qu’une procédure similaire soit utilisée par l’IPBES. Encore faut-il que ses règles de fonctionnement en soient garantes.
Le fonctionnement de l’IPCC et celui de l’IPBES
L’IPCC est organisé en trois groupes de travail (GT) :
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Le GT I analyse les fondements scientifiques des changements climatiques,
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le GT II les conséquences de ces changements, l’adaptation et la vulnérabilité à ces changements
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et enfin le GT III étudie l’atténuation possible de ces changements, qu’on désigne souvent par mitigation.
C’est le Bureau de chacun de ces groupes de travail qui coordonne le travail des rédacteurs du rapport, en s’appuyant sur des unités de support technique placées auprès de celui des deux co-présidents du groupe, qui vient d’un pays développé. Ce pays prend en charge le financement de cette unité, forte de plusieurs chercheurs sous la direction d’un scientifique confirmé. Les unités de support techniques assurent en particulier la récapitulation ligne à ligne des commentaires reçus lors des deux expertises.
Le Bureau de l’IPCC comprend :
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un président dont le rôle est essentiel, en particulier pour présenter les rapports à la Convention des Parties,
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quatre vice-présidents qui ne jouent pas un rôle clef,
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les bureaux des groupes de travail
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et celui d’une «task force» chargée de rédiger les règles permettant d’établir et de comparer les émissions des divers pays.
Les co-présidents des groupes de travail jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement de l’IPCC, en particulier pour présider les plénières de leur groupe qui approuvent leur rapport. Ils ont toujours été choisis sur la base de leur réputation scientifique, au tout premier rang international. Le bureau de l’IPCC, à Genève, s’occupe de questions d’intendance et n’a aucune influence sur le contenu des rapports. Il en va de même pour les organisations parentes, l’OMM et le PNUE.
Les quatre fonctions qui ont été assignées à l’IPBES lors des réunions préparatoires ne correspondent pas à des sujets scientifiques et identifier un scientifique ayant une réputation internationale dans ce domaine n’aurait aucun sens.
La première de ces fonctions concerne «la génération de connaissances», compris non comme la mise en œuvre de programmes de recherche, mais comme :
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l’identification des besoins de connaissances requis pour les évaluations de l’IPBES,
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la disponibilité des connaissances existantes,
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les manques à combler.
La deuxième est une mission d’évaluation dont la description est conforme en tout point à celle de l’IPCC et, en particulier, explicite la recommandation d’être «policy relevant, but not policy prescriptive».
La troisième fonction est un soutien à la politique qui reste à préciser, mais qui inclurait l’assurance que les évaluations répondent aux questions d’intérêt politique et apporterait une aide aux décideurs dans leur exploitation des résultats des évaluations, grâce à l’identification et au développement d’outils et de méthodes politiques. Cette fonction répondrait à la crainte que les évaluations constituent un soutien insuffisant à la politique.
Enfin, la quatrième fonction est le développement des capacités (capacity building) à de nombreux niveaux différents pour permettre une meilleure utilisation des évaluations globales, régionales et thématiques de l’IPBES et renforcer la capacité nationale d’action politique.
Les organes dirigeants prévus pour l’IPBES restent à préciser au cours de la prochaine plénière et éventuellement des suivantes.
Le Bureau de la Plénière, qui se compose :
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du Président,
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de quatre vice-présidents
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et de cinq autres membres,
sera élu parmi les représentants des membres de la Plateforme.
Chaque région sera représentée au sein du Bureau par deux membres, compte tenu du principe d’une représentation géographique équitable.
Le Président et les quatre vice-présidents, dont l’un fera office de rapporteur, seront choisis en tenant dûment compte de leur expertise scientifique et technique et de façon à ce que chacune des cinq régions de l’ONU soit représentée.
Un groupe d’experts multidisciplinaire sera créé. En attendant qu’une structure régionale finale et la composition définitive du groupe d’experts soient déterminées par la Plénière, une disposition provisoire relative à la composition dudit groupe sera mise en place. Cette composition provisoire serait basée sur une représentation égalitaire de cinq participants de chacune des cinq régions de l’Organisation des Nations Unies et mise en place pour une période qui ne dépasserait pas deux ans, afin que la structure régionale finale et la composition définitive du groupe d’experts puissent être convenues lors d’une session de la Plénière.
Outre le bureau et le groupe d’experts, et en fonction des décisions finalement prises quant à leur création, la Plénière pourrait, après que le programme de travail ait été adopté, créer des groupes de travail ou autres structures pour mener à bien le programme de travail de la Plateforme.
Ces groupes ou ces structures s’acquitteraient notamment des fonctions suivantes :
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Identifier et hiérarchiser les informations scientifiques indispensables aux décideurs et catalyser les efforts visant à produire de nouvelles connaissances (sans entreprendre de nouvelles recherches);
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Mener en temps utile des évaluations périodiques de l’état des connaissances sur la biodiversité et les services écosystémiques [et leurs fonctions] et leurs interactions, qui pourraient inclure des évaluations complètes aux niveaux mondial, régional et, si nécessaire, sous-régional, ainsi que sur des questions thématiques aux échelles appropriées et de nouveaux sujets identifiés par la science;
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Identifier des outils et des méthodes utiles pour la définition des politiques, qui pourraient notamment ressortir des évaluations, faire en sorte que les décideurs puissent avoir accès à ces outils et à ces méthodes et, si nécessaire, promouvoir et catalyser leur développement;
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Hiérarchiser les besoins en matière de renforcement des capacités en vue d’améliorer l’interface science-politique aux niveaux appropriés, puis fournir et mobiliser un appui financier et autre pour répondre aux besoins ayant reçu le rang de priorité le plus élevé et directement liés à ses activités, comme décidé par la Plénière, et catalyser des financements pour les activités de renforcement des capacités en offrant un cadre aux sources de financement traditionnelles et potentielles.
Toute décision quant à la définition de ces groupes de travail qui semblent devoir jouer un rôle essentiel dans les réalisations concrètes de l’IPBES, est repoussée après l’adoption du programme de travail.
Cependant, plusieurs options sont mentionnées dans le compte-rendu officiel de la réunion de Panama :
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Option 1 : création de deux groupes de travail, un pour les évaluations, l’amélioration des connaissances et le soutien à la politique, l’autre pour le développement des capacités ;
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Option 2 : création de deux groupes de travail, un pour les évaluations, l’autre pour l’amélioration des connaissances, le soutien à la politique et le développement des capacités ;
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Option 3 : création de structures régionales ayant compétence sur l’ensemble des sujets : évaluations, amélioration des connaissances, soutien à la politique et développement des capacités avec en complément des groupes de travail ad-hoc et de durée limitée pour des évaluations globales ou thématiques.
Conclusion
Les promoteurs de l’IPBES visaient la création d’un organisme qui, comme l’IPCC, fournirait aux décideurs un état objectif des connaissances scientifiques sur la biodiversité et les services rendus par les écosystèmes.
Il aura fallu de nombreuses années de négociation pour que ce projet aboutisse, avec une première assemblée plénière en janvier prochain.
Le dialogue entre la science et la société sur la sauvegarde de la biodiversité devrait s’en trouver renforcé, comme l’a permis l’existence de l’IPCC. Ce dernier s’est soigneusement attaché à la plus stricte neutralité vis à vis des décisions politiques et s’est interdit toute recommandation politique.
Il n’est pas acquis que l’IPBES adopte des règles de fonctionnement lui garantissant la même objectivité. La valeur de ses analyses dépendra beaucoup de son programme de travail et de la façon dont il sera mené.
Voir aussi :
FAQ : Comment fonctionne le GIEC (IPCC)?
Processus d'élaboration et de publication des rapports du Groupe Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC)
- Détails
- Écrit par : Michel Petit
- Catégorie parente: FAQ
- Catégorie : FAQ Organisations internationales
Quelles sont les organisations internationales dédiées au climat?...
"... à l'observation et à la recherche sur l'environnement?
Jacques Merle
Liste des grandes organisations internationales
Il existe plusieurs catégories d'organisations internationales dédiées à l'étude de l'environnement terrestre et au climat.
Au sommet on trouve des agences des Nations Unies comme l’OMM et le PNUE et des organisations non-gouvernementales comme l’ICSU qui ont la charge de coordonner les activités des nations impliquées dans l’étude de l'environnement terrestre et du climat.
Les milieux pris en compte sont l'atmosphère (météorologie), l'océan, l'eau continentale sous ses trois états, les surfaces continentales et les milieux vivants.
Ces agences mettent sur pied des grands programmes thématiques internationaux et des programmes spécifiques de recherche qui, généralement, ont été initiés et proposés par des chercheurs éminents dans leur discipline pour faire avancer la connaissance sur certains points clés (à l’origine, c'est un processus «Bottom up»).
Enfin la nécessité de suivre l'évolution de cet environnement terrestre, et plus particulièrement le changement climatique, implique la mise sur pied de systèmes d'observation opérationnels permanents, au-delà de la durée des programmes de recherche, généralement très limitée.
Mais ces systèmes d'observation opérationnels sont souvent étroitement imbriqués dans les opérations de recherches qui en établissent les fondements ; et Il est parfois difficile de distinguer ces deux activités qui relèvent cependant de financements différents, l’observation opérationnelle nécessitant des financements dédiés et permanents non soumis à l'aléa du financement des opérations de recherche. Il existe de ce fait de multiples passerelles et comités de concertation et de liaison communs entre les programmes de recherche et l’observation opérationnelle, ce qui contribue à la complexité de ces mécanismes de coordination.
Une autre difficulté pour présenter ces instances internationales, tient au fait que plusieurs agences onusiennes peuvent s'associer pour parrainer et gérer un même grand programme.
Par ailleurs, de nouvelles technologies, ou des entités politiques regroupant plusieurs pays, sont susceptibles de créer leurs propres structures. C'est le cas pour les techniques d'observation spatiale qui font l'objet de mécanismes de coordination spécifiques largement indépendants des précédents. De même l'Union Européenne, rassemblant de nombreux pays européens, possède ses propres organisations dans ces domaines, la principale, très active pour l'observation opérationnelle, étant le .
D'une façon générale ces organisations internationales donnent le sentiment d'un foisonnement parfois inextricable dû principalement au fait qu'elles résultent d'initiatives venant d'horizons divers qui s'imbriquent et s'empilent les unes sur les autres sans que les simplifications et les regroupements qui s'imposaient au fil du temps aient toujours été pris en compte. Ces constructions donnent aussi parfois l’impression d’être des coquilles vides ou, au mieux, de simples bannières sous lesquelles se rassemblent certains pays ou groupes d’intérêts thématiques. Il est donc impossible d'être exhaustif dans cette tentative de présentation de ces mécanismes de coordinations internationaux. Nous nous attacherons seulement ici à évoquer les dispositifs les plus importants avec leurs liaisons organiques lorsqu’elles sont suffisamment claires. Une dernière difficulté de cette exposition tient aussi à l'abondance des sigles, majoritairement anglo-saxons, qui parsèmeront inévitablement cet exposé.
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Les grandes agences intergouvernementales
Dans le domaine de l’environnement terrestre et du climat on distingue quatre grandes organisations intergouvernementales principales.
Trois dépendent directement de l’ONU à des titres divers :
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La première, l’Organisation Météorologique Mondiale – OMM ( World Meteorological Organisation - WMO en anglais) possède la qualité d’agence technique des Nations Unies.
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La seconde, le Programme des Nations Unies pour l’Environnement – PNUE (United Nations Environmental Programme – UNEP, en anglais) ne possède pas encore cette qualité et demeure un «programme» malgré la demande exprimée par plusieurs nations qu'elle accède au rang d’une agence technique.
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La troisième, la Commission Océanographique Intergouvernementale – COI (Intergovernmental Oceanographic commission – IOC - en anglais ) possède un statut encore un peu différent des deux premières et est rattachée à l’UNESCO.
Enfin il existe une quatrième organisation, non gouvernementale celle-là, qui joue un grand rôle dans le domaine de la recherche sur l’environnement. Il s’agit du Conseil International des Unions Scientifiques – CIUS (International Council of Scientific Unions - ICSU - en anglais, qui tout en conservant son abbre a, depuis 1998, changé son intitulé en : « International Council for Sciences ».
L’OMM (WMO) dont le siège est à Genève est la plus ancienne de ces organisations intergouvernementales. Crée en 1951 pour les besoins de la prévision météorologique, elle est maintenant au cœur du dispositif d’étude du climat à travers notamment un grand programme appelé le «World Climate Programme – WCP» dont la partie recherche constitue le «Programme Mondial de Recherche sur le Climat – PMRC en français -"World Climate Research Programme – WCRP», véritable pierre angulaire du dispositif d’étude du climat et de son changement, présenté en détail plus loin.
Le PNUE (UNEP) , est un programme des Nations Unis créé en 1972 à la suite d’une proposition émanant d’une conférence des Nations Unies sur l’environnement humain qui s’est tenue à Stockholm la même année. Etabli à Nairobi au Kenya, le domaine de cette institution est celui de la préservation de l’environnement et du développement durable principalement dans les pays en développement. A ce titre l’UNEP est présent en qualité de soutien et de sponsor dans de nombreux programmes et organisations dédiés à l’étude et à l’observation du changement climatique, sans pour autant en être un acteur majeur, comme l’est l’OMM, du fait de son statut. La France, avec d’autres nations, plaide pour corriger cette situation et en faire une «Organisation des Nations Unies pour l’Environnement – ONUE » qui serait pleinement active dans la question climatique.
La COI (IOC), créée en 1969 et rattachée à l’UNESCO à Paris, était initialement chargée de coordonner la recherche scientifique dans le domaine marin. Sa mission évolue maintenant vers la mise en service opérationnelle de systèmes d’informations sur l’océan répondant en particulier aux besoins de l’observation et de la prévision du changement climatique. A ce titre la COI est à l’origine d’un système d’observation de l’océan, GOOS, rattaché à un système d’observation du climat plus vaste, GCOS, principalement entre les mains de l’OMM dont on parlera plus en détail plus loin.
Le CIUS (ICSU), véritable ONG de la science, créée en 1931 pour promouvoir la science au bénéfice de l’humanité avec son siège à Paris, joue un rôle très important dans les organisations et les programmes intergouvernementaux sur l’environnement et le climat en apportant une caution scientifique approfondie sur l’état des connaissances dans ces domaines.
Rassemblant des entités scientifiques nationales comme les académies des sciences de nombreux pays parmi les 140 qui, à des titres divers, se réfèrent à cette commission, celle-ci fédère aussi des organisations scientifiques internationales par une «International Scientific Union» de 31 membres.
L’ICSU intervient dans tous les domaines du climat mais particulièrement dans celui de l’océan avec un célèbre comité scientifique constitué de groupes touchants à toutes les sous-disciplines de l’océanographie, le «Scientific Committee on Oceanic Research - SCOR» mis sur pied en 1957 et qui contribua beaucoup à l’avancée des connaissances sur l’océan.
Ces agences intergouvernementales, notamment l’ICSU, mirent sur pied des programmes de recherche individualisés dans les domaines de l’environnement, du changement global, du développement durable et de ses incidences humaines et bien évidemment du changement climatique.Quatre programmes émergèrent dans ce contexte à l’initiative principale de l’ICSU :
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DIVERSITAS, programme international sur la biodiversité créé en 2002.
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IHDP : «International Human Dimension Programme» sur les conséquences humaines du changement environnemental créé en 1996 par l’ICSU.
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IGBP : «International Geosphere Biosphere Programme» ( Programme International Géosphère Biosphère - PIGB en Français) lancé en 1986 par l’ICSU pour étudier les conditions de la durabilité du vivant sur Terre.
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WCRP : «World Climate Research Programme» (Programme Mondial de Recherche sur le Climat - PMRC en français) créé au sein de l’OMM en 1980 avec l’appui de l'ICSU pour l’étude du climat.
Ces quatre programmes furent rassemblés en 2001 sous la bannière d’un «Earth System Science Partnership - ESSP» dont l’objectif était de mieux intégrer entre elles les différentes disciplines relevant des sciences naturelles et sociales pour l’étude de l’environnement et du développement. Deux de ces programmes concernent particulièrement la question climatique, il s’agit de l’IGBP et évidement le WCRP.
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Les programmes de recherche de l’IGBP
Mis sur pied en 1986 par l’ICSU, le programme IGBP a pour objectif général d’observer et de comprendre l’interaction des processus physiques, chimiques et biologiques qui régulent le système Terre et permettent la vie, ainsi que les changements qui affectent ce système soumis principalement à l’action de l’homme.
L’IGBP sponsorise actuellement 12 projets couvrant tous les aspects du système Terre :-
AIMES : “Analysis, Integration and Modelling of the Earth System”
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GLP : “Global Land Project”
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IGAC : “International Global Atmospheric Chemistry”
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iLEAPS : “Integrated Land Ecosystem-Atmosphere Processes Study”
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IMBER : “Integrated Marine Biogeochemistry and Ecosystem Research”
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“Land-Ocean Interactions in the Coastal Zone”
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PAGES : “Past Global Changes”
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SOLAS : “Surface Ocean - Lower Atmosphere Study”
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CCAFS : “Climate Change and Food Security”
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GCP : “Global Carbon Project”
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GECHH : “Global Environmental Change and Human Health”
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GWSP : “Global Water System Project”
Un projet passé : JGOFS (Joint Global Ocean Fluxes Study), terminé en 2003, a mobilisé une partie importante de la communauté scientifique océanographique spécialisée dans le rôle de l’océan sur le cycle du carbone. Les objectifs de JGOFS se poursuivent actuellement dans les programmes IMBER et SOLAS ( voir Ci-dessus). Outre IMBER et SOLAS, les programmes de l’IGBP actuellement les plus près de la question climatique, impliquant notamment l’océan, sont LOICZ, PAGES et GCP.
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Les programmes de recherche du WCRP (World Climate Research Programme - Programme Mondial de Recherche sur le Climat - PMRC en Français)
Le WCRP, créé en 1980 Par l’OMM, la COI et l’ICSU, est dédié à l’étude du climat, sa variabilité et son changement à courts et moyens termes. Plus précisément le WCRP s’est donné deux objectifs de recherche principaux :
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la prévision du climat parallèle à la prévision météorologique
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et le diagnostique de l’influence de l’homme sur le climat.
Pour cela le WCRP s’est doté d’un arsenal de réflexions et de programmation scientifique de haut niveau avec à sa tête le «Joint Scientific Committee – JSC» rassemblant une douzaine de scientifiques représentant les disciplines entrant dans l’étude du climat, physiciens et chimistes de l’atmosphère et de l’océan, glaciologues, paléoclimatologues… etc.
Parallèlement au JSC, le rôle supposé dominant de l’océan dans la machine climatique avait conduit l’ICSU, par l’intermédiaire du SCOR et avec le soutien de la COI, à créer un «Committee on Climatic Change and the Ocean - CCCO» rassemblant aussi l’ensemble des compétences scientifiques dans le domaine des relations entre l’océan et le climat. Le CCCO rendait compte au JSC pour la construction des programmes à finalité climatique impliquant l’océan. Le CCCO a cessé ses activités en 1990 après la mise sur pied des programmes de recherche TOGA et WOCE.
Le WCRP, avec le JSC et le CCCO, ont été les instances scientifiques internationales qui ont construit les premiers programmes internationaux de recherche dédiés à l’atmosphère, à l’océan et à leurs interactions dans la dynamique du climat.
Les deux programmes internationaux historiques impliquant l’océan et ses relations avec l’atmosphère sont :
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TOGA «Tropical Ocean and Global Atmosphere» dédié à l’étude de l’interaction entre la basse atmosphère et l’océan intertropical, siège du phénomène El Nino dans le Pacifique, qui s’est déroulé sur 10 ans de 1985 à 1995.
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WOCE «World Ocean Circulation Experiment» visait à parsemer l’océan mondial d’observations physiques et chimiques de la surface au fond susceptibles de donner une image réaliste de la circulation générale actuelle de l’océan.
On peut ajouter GEWEX «Global Energy and Water cycle EXperiment» lancé en 1990 et toujours en activité pour étudier le cycle de l’eau et les échanges d’énergie entre les deux enveloppes fluides atmosphère et océan.
Ces programmes pionniers au sein du WCRP, dans la décennie 1980, scellèrent les relations entre la dynamique de l’atmosphère et celle de l’océan, ainsi qu’entre les communautés scientifiques des atmosphériciens et des océanographes.Actuellement, en 2012, cinq programmes de recherche sont coordonnés par le WCRP:
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CLIVAR : «Climate Variability and Predictability» qui a pris la suite de TOGA et WOCE en y intégrant la dimension temporelle avec la paléoclimatologie
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CLIC : «Climate and Cryosphere» a pour objectif d’étudier les relations entre la cryosphère et le système climatique global
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GEWEX : «Global Energy Water Experiment»
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SPARC : «Stratospheric Processes and their Role in Climate» incluant l’étude du rôle de l’ozone, des poluants atmosphériques et aerosols, dans le changement climatique.
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SOLAS : «Surface Ocean Lower Atmosphere Study» commun avec IGBP.
Ci-dessous les organigrammes du WCRP et du programme CLIVAR montrant la complexité de l’organisation d’un tels programme en panels, groupes de travail , comités ... etc
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A ces programmes du WCRP s’ajoutent cinq ateliers de travail dédiés aux expérimentations numériques (modèles).
WMP : «WCRP Modeling Pannel»
WGCM : «Working Group on Coupled Modelling»
WGSF : «Working Group on Surface Fluxes»
WOAP : «WCRP observation Assimilation Pannel»
WGNE : «Working Group on Numerical Experiment»
Le WCRP Co-sponsor également avec la COI le programme OOPC : «Ocean Observation Panel for Climate» qui rejoint le domaine des observations opérationnelles pour le climat rattachées à GOOS et GCOS (Voir paragraphe 4, ci-dessous).
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Les systèmes d’observation opérationnels
Les systèmes d’observations de la Terre ont des origines diverses. On peut en distinguer trois catégories plus ou moins imbriquées ou se recouvrant dans une pluralité de sigles qui évoluent dans le temps.Il y a :
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Ceux issus des programmes de recherche décrits précédemment dans le cadre des agences traditionnelles des Nations Unies tels que l’OMM, le PNUE, la COI/UNESCO, et l’ICSU.
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Ceux issus des grandes conférences internationales, plus ou moins politiques, sur les questions touchant à la protection de l’environnement, au développement et au climat ( G8 …)
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Ceux issus des agences techniques comme les agences spatiales, ou des groupes de pays comme l’Union Européenne.
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Les systèmes d’observation opérationnels issus de la recherche.
Il existe deux principaux systèmes d’observations à vocation opérationnelle dans les domaines du climat et de l’océan qui reposent sur les grands programmes de recherche mis en place à partir des années 1980, sous les auspices de l’OMM, la COI/UNESCO, le PNUE et l’ICSU.
Il s’agit de GCOS : «Global Climate Observing System» et de GOOS : «Global Ocean Observing System»-
Global Climate Observing System – GCOS
Le GCOS a été lancé en 1992 sous les auspices de l’OMM, la COI/UNESCO, le PNUE et l’ICSU. Il comportait à l’origine et jusqu’en 2008 quatre modules principaux correspondants aux systèmes d’observation des différents milieux terrestres constituant le système climatique :
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WWW : «World Weather Watch», la plus ancienne structure d’observation de l’atmosphère pour la prévision du temps et le modèle des systèmes d’observation opérationnels.
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GAW : «Global Atmosphere Watch» qui inclut l’observation de la composition chimique et biologique de l’atmosphère et pas seulement ses paramètres physiques.
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GTOS : «Global Terrestrial Observing System» qui rassemble les observatoires de l’hydrosphère et des continents ainsi que de la cryosphère.
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GOOS : «Global Ocean Observing System» qui rassemble les observatoires de la physique, la chimie et la biologie des océans.
A noter que GOOS revendique son indépendance vis-à-vis de GCOS pour ce qui concerne les domaines non directement liés au climat comme les systèmes côtiers, le milieu vivant….etc (Voir GOOS)
A ces quatre systèmes d’observations s’ajoutent trois «Science Panels» :-
AOPC : «Atmospheric Observation Panel for Climate»
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TOPC : «Terrestrial Observation Panel for Climate»
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OOPC : «Ocean Observation Panel for Climate»
Notons que l’OOPC est aussi l’un des panels de GOOS, et représente donc l’intersection de GCOS avec GOOS.
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Global Ocean Observing System – GOOS
GOOS est un système global et permanent d’observation de l’océan mondial incluant des activités d’analyse des paramètres océaniques et de modélisation.
Créé sous l’impulsion de la COI au début des années 1990 avec l’appui de l’OMM, du PNUE et de l’ICSU, son organigramme est fait de trois comités principaux :-
«Intergovernmental Committee for GOOS - I-GOOS». C’est l’instance représentative des Etats membres de GOOS (au nombre d’une centaine), sous le couvert de l’OMM, la COI et le PNUE. I-GOOS est administré par un « I-GOOS Board ».
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«GOOS Scientific Steering Committee - GSSC» C’est l’instance scientifique au sommet conseillant les Etats membres du I-GOOS et assurant la stratégie, la définition des projets et leur mise en place,… etc
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«Ocean Observation Panel for Climate - OOPC», Commun avec GCOS et déjà mentionné, c’est le groupe chargé de la stratégie d’observation de l’océan dans ses relations avec le climat. Ce groupe représente l’intersection principale de GCOS avec GOOS.
L’OOPC nécessite une présentation plus complète car cette instance est au cœur du dispositif d’observation opérationnel de l’océan dans ses relations avec le climat. Les principaux programmes d’observation de l’océan, encore partiellement dépendant de programme de recherche mais qui relèvent de l’OOPC, sont les suivants :
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VOS : «Volunteer Observing Ships», Observations par navires marchands
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IGOSS : «Integrated Global Ocean Services System» ,
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IODE : «International Oceanographic Data and Information Exchange»,
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GLOSS : «Global Sea Level Observing System»,
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TAO : «Tropical Atmosphere Ocean» Mouillages pour l’observation d’ENSO dans le Pacifique
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PIRATA : «Pilot Research Moored Array» Mouillages pour l’observation de la variabilité de l’océan Atlantique tropical
D’autres groupes de travail, comités, instances de coordination diverses pour l’observation de l’océan sont rattachés à cet OOPC. Citons en particulier le «Global Ocean Data Assimillation Experiment - GODAE» d’inspiration française qui a accompagné le lancement du programme d’observation autonome de l’océan : ARGO. Le déploiement de plusieurs milliers d’engins dérivants de façon autonome au sein de l’océan en opérant des observations de température et de salinité délivrées à des satellites collecteurs d’informations, débuta en 2002 et fut une véritable révolution dans l’observation opérationnelle de l’océan. Ci-dessous la couverture des océans par plus de 3000 engins ARGO en octobre 2012.
Citons aussi le «Joint WMO-IOC technical Commission for Oceanography and Marine Meteorology - JCOMM».
Cette commission dépend à la fois de l’OMM et de la COI/UNESCO, et résulte de la fusion, en 2001, de la «Marine Meteorological Commission - MMC», créée par l’OMM, et de «Integrated Global Ocean Service System – IGOSS», créé par la COI. Cette commission rassemble maintenant les compétences à la fois des météorologues et des océanographes en matière d’étude et d’observation de la surface des océans. Ce regroupement est un des rares exemples d’une restructuration utile et réussie parmi ces instances internationales !
Notons encore pour GOOS l’existence de comités régionaux dans une structure dite de «Regional Alliances», qui regroupe l’ensemble des régions océaniques où des activités GOOS sont coordonnées incluant :-
Southeast Asian GOOS
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GRASP
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Les organisations mondiales pour l’observation de l’environnement et du climat.
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Des organisations politiques au sommet
Les grands sommets politiques internationaux (le sommet mondial du développement durable à Johannesburg en 2002, le sommet du G8 à Evian en 2003, le sommet «Rio plus 20» en 2012,…), prenant conscience de l’importance de la question de l’évolution de notre environnement et du climat, tentent de mettre sur pied des structures internationales de coordination pour la surveillance de cet environnement terrestre et son évolution.
En 2003 les principaux pays développés ont convenu de rassembler à Washington, un «Earth Observation Summit - EOS .
Celui-ci, à la suite de plusieurs sommets politiques sur le développement durable et l’environnement ( Johanesbourg 2002, G8 Evian 2003, Bruxelle 204 ...), a mis en place un «Group on Earth Observations - GEO» chargé de lancer une action destinée à réaliser un «Global Earth Observation System of Systems - GEOSS».
Les systèmes d’observation spécifiques à chaque questions et à chaque milieux touchant à l’environnement, tels que GCOS pour le Climat, GOOS pour l’océan et d’autres…, avaient déjà été mis en place antérieurement par les agences de l’ONU (OMM, PNUE, COI, …) comme on l’a vu. Ces systèmes d’observation ont donc été intégrés à ces superstructures que sont GEO, GEOSS….. sans que, concrètement, des actions nouvelles aient été menées. On peut donc se poser la question de l’utilité de ces constructions politiques mondiales au-delà du fait que l’évocation de ces questions au plus haut niveau politique peut contribuer utilement à la prise de consciences de ces problèmes environnementaux par nos sociétés.
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D’autres organisations mondiales, régionales et thématiques
A ces structures, issues du plus haut niveau politique, on peut ajouter des rassemblements issus de la communauté scientifique ou simplement de fondations privées financées par des mécènes. On peut citer, pour l’océan, le «Partnership for Ocean Global Observation - POGO». Ce partenariat pour l’observation globale de l’océan créé en 1999 peut être considéré comme une ONG ; il rassemble de grandes institutions scientifiques de réputation mondiale pour : «Promouvoir la coopération à long terme dans l’étude et l’observation des océans de la planète». POGO a joué un rôle dans la mise sur pied d’ARGO, ce dispositif de flotteurs autonomes dérivants dans l’océan mondial qui représente la tentative la plus avancée d’un observatoire opérationnel de l’océan.
Les agences spatiales sont également à part dans ces dispositifs. Elles s’étaient organisées antérieurement, dès1984, en un «Committee on Earth Observations Satellites - CEOS» pour faciliter la coordination internationale des missions spatiales civiles pour l’observation de la Terre. Le CEOS a élaboré en 1998 un partenariat pour définir une stratégie et a créé une instance coordonnant ces stratégies d’observations spatiales de la Terre : «Integrated Global Observing Strategy - IGOS» à ne pas confondre avec IGOSS (voir plus haut).
Mentionnons aussi l’existence de structures de coordinations européennes pour l’étude et la mise sur pied d’observatoires opérationnels de l’environnement terrestre et du changement climatique. Il s’agit de «Global Monitoring for Environment and Security - GMES» qui vise la construction d’une capacité européenne d’observation et de protection de l’environnement terrestre. Les services GMES reposent sur des données d’observation de la Terre collectés depuis l’espace (satellites), depuis l’atmosphère (Instruments aéroportés, ballons …), depuis l’océan (Navires, instruments autonomes dérivants ou mouillés) et depuis les continents.
Les services GMES se répartissent entre-
Des services dédiés à la fourniture de ces données recueillies sur les continents, les océans et l’atmosphère ;
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Des services fournissant des systèmes d’alerte sur la dégradation de l’environnement terrestre ;
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Des services enfin s’adressant plus particulièrement au changement climatique.
Ces services ont été remplacé par Copernicus, le programme d’observation de la Terre de l’Union européenne.
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Rappelons enfin qu’il existe un : «Intergovernmental Panel on Climate Change – IPCC» ( GIEC en français) qui occupe une place centrale dans l’arsenal des dispositifs de diagnostic de l’évolution de l’environnement et du changement climatique.
Beaucoup plus récemment, en octobre 2012, un organisme international semblable à l’IPCC, l’«Intergovernmental science-policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services- IPBES» a été mis en place pour suivre et diagnostiquer l’évolution de la biodiversité terrestre.
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Liste des grandes organisations internationales
Agences et organisations intergouvernementales :
COI (UNESCO) : "Commission Océanographique Intergouvernementale" - IOC : Intergovernmental Oceanographic commission
ICSU (non gouvernementale) : "International Council Science" - CIUS : "Conseil International pour la Science"
IPBES : Intergovernmental science-policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services
IPCC : Intergovernmental Panel on Climate Change" - GIEC : Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'volution du Climat"
OMM (ONU) : Organisation Météorologique Mondiale - WMO World Meteorological Organisation
ONU : Organisation des Nations Unies
UNESCO (ONU) : United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization
Grands programmes thématiques internationaux et programme spécifiques de recherche :
AIMES (IPGB) : “Analysis, Integration and Modelling of the Earth System”
CCAFS (IPGB) : “Climate Change and Food Security”
CCCO (WRCP) : "Committee on Climatic Change and the Ocean"
CLIC (WRCP) : "Climate and Cryosphere"
CLIVAR (WRCP) : "Climate Variability and Predictability"
DIVERSITAS (ESSP) : "Integrating biodiversity Science for humanwell-being"
ESSP : "Earth System Science Partnership"
GCP (IGPB) : “Global Carbon Project”
GECHH (IPGB) : “Global Environmental Change and Human Health”
COPERNICUS : "Programme d’observation de la Terre de l’Union européenne"
GLP (IPGB) : “Global Land Project”
GEWEX (WCRP) : "Global Energy and Water cycle EXperiment"
GWSP (IPGB) : “Global Water System Project”
IGAC (IPGB) : “International Global Atmospheric Chemistry”
IGBP (ESSP) : "International Geosphere Biosphere Programme"
IHDP(ESSP): "International Human Dimensions Programme on Global Environmental Change"
iLEAPS (IPGB) : “Integrated Land Ecosystem-Atmosphere Processes Study”
IMBER (IPGB) : “Integrated Marine Biogeochemistry and Ecosystem Research”
JGOFS (ICSU - SCOR) : "Joint Global Ocean Flux Study"
JSC (WCRP) : Joint Scientific Committee –
LOICZ (IPGB) : “Land-Ocean Interactions in the Coastal Zone”
OOPC (WCRP, COI) : "Ocean Observation Panel for Climate"
PAGES (IPGB) : “Past Global Changes”
PNUE (ONU) : "Programme des Nations Unies pour l'Environnement - UNEP United Nations Environment Programme"
SCOR (ICSU) : Scientific Committee on Oceanic Research
SOLAS (WCRP et IGBP) : “Surface Ocean - Lower Atmosphere Study”
SPARC (WCRP) : «Stratospheric Processes and their Role in Climate
TOGA (WCRP) : "Tropical Ocean and Global Atmosphere"
WCP (WMO) : "World Climate Programme" - PCM : "Programme Climatique Mondial"
WCRP (OMM, COI, ICSU, ESSP): "World Climate Research Programme" - PMRC : Programme Mondial de Recherche sur le Climat
WOCE (WCRP) : "World Ocean Circulation Experiment
Systèmes d'observation opérationnels :
AOPC (GCOS - GOOS, WCRP) : «Atmospheric Observation Panel for Climate
ARGO(WOCE - WCRP): Programme d’observation autonome de l’océan
CEOS (Agences spatiales) : "Committee on Earth Observations Satellites"
GAW (GCOC) : «Global Atmosphere Watch
GCOS (GEO) : "Global Climate Observing System"
GODAE (GOOS/OOPC) : "Global Ocean Data Assimillation Experiment"
GEO (EOS) : "Group on Earth Observations"
GEOSS (GEO) : "Global Earth Observation System of Systems"
GOOS (GEO) :"The Global Ocean Observing System"
GLOSS (GOOS/OOPC): "Global Sea Level Observing System"
COPERNICUS : "Programme d’observation de la Terre de l’Union européenne"
GTOS (GCOS) : "Global Terrestrial Observing System"
IGOS(OOPC): "Integrated Global Observing Strategy "
I-GOSS (OMM, COI, GOOS) : "Integrated Global Ocean Services System"
IODE (GOOS/OOPC) : "International Oceanographic Data and Information Exchange"
JCOMM (OMM/COI) : "Joint WMO-IOC technical Commission for Oceanography and Marine Meteorology"
OOPC (GCOS, GOOS, WCRP) : «Ocean Observation Panel for Climate
PIRATA (GOOS/OOPC) : "Pilot Research Moored Array"
POGO (Fondation privée): "Partnership for Ocean Global Observation"
TAO (GOOS/OOPC) : «Tropical Atmosphere Ocean»
TOPC (GCOC - GTOS) : "Terrestrial Observation Panl for Climate"
VOS (GOOS/OOPC) : "Volunteer Observing Ships"
WWW (OMM, GCOS): «World Weather Watch»
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- Écrit par : Jacques Merle
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GEO : Global Earth Observation.
Comment doter l’humanité de moyens d’observation de la Terre exhaustifs, coordonnés et pérennes ?
Pierre Bauer
Depuis plus d'un siècle, pour les besoins de la prévision du temps, les services météorologiques assurent l'observation quotidienne de l'atmosphère.
Il s'agit de la VMM (WWW) qui assure l'archivage de milliards de mesures, ce qui permet de disposer de séries climatiques accessibles à toute la communauté scientifique. Ce sont d'ailleurs ces données qui ont servi de base aux travaux du GIEC (IPCC), relatifs au réchauffement de la planète.
Pour ce qui concerne la prévision météo, cette nécessité de collecter, d’organiser et de standardiser les données d’observation de la Terre afin de répondre aux attentes de la communauté planétaire a été reconnue dès le dix-neuvième siècle.
Compte tenu des exigences de la prévision, (disposer d'un grand nombre d'observations sur la totalité de la planète), la coopération internationale s'est imposée très naturellement: aucun pays, si puissant soit-il, ne peut effectuer à lui seul la totalité des observations nécessaires !
Même si la VMM prend en compte certaines données océaniques dans ses séries climatiques, l'insuffisance des mesures permanentes et systématiques de l'océan, a été reconnue, depuis plusieurs années, comme une lacune sévère tant pour le besoin de surveillance et de prévision, régional ou globale, de l'état de l'océan, que pour l'étude du changement climatique. La transition, toujours délicate, depuis des systèmes de mesures océaniques déployés à l'occasion d'un programme de recherche, jusqu'à un réseau permanent, (et redondant), tel que celui de la VMM, est a peine entamée.
Pour comprendre l'intérêt et l'enjeu des discussions internationales en cours depuis 2003, il n'est pas inutile de rappeler les circonstances de la naissance, au cours de la 2ième moitié du XIXième siècle, des premiers services météo.
Ainsi en 1853 fut organisée à Bruxelles la première conférence internationale de météorologie. Ceci conduisit à la création, en 1873, de l’OMI qui devint en 1951 une agence spécialisée des Nations Unies dénommée OMM et dont le champ d’action est :
- la météorologie,
- le climat,
- l’hydrologie opérationnelle
- et les sciences géophysiques qui s’y rattachent.
Son mandat est de faciliter à l’échelle mondiale la coopération en matière de réseaux de stations d’observations météorologiques, hydrologiques et géophysiques pertinentes et de promouvoir le développement et la mise en oeuvre de centres dédiés à la fourniture de services météorologiques ou associés à la météorologie.
L’ère spatiale a apporté une nouvelle dimension dans la collecte des données météorologiques. Ce fut tout d’abord une nouvelle perception de la planète Terre et de son environnement et ensuite, beaucoup plus tard, une source majeure de données pour les modèles numériques atmosphériques.
L’avènement de l’ère spatiale coïncide également avec une prise de conscience beaucoup plus générale de la nécessité d’appréhender la planète Terre dans toutes ses composantes depuis le centre de la Terre jusqu’à ses couches les plus externes (magnétosphère) au contact avec le «vent solaire». C’est ainsi que, suivant une suggestion de Llyod Berkner en 1952, l’ICSU organisa en 1957-1958 l’Année Géophysique Internationale (AGI) dédiée à l’ensemble des disciplines géophysiques.
L’AGI connut une mobilisation internationale d e grande ampleur, notamment dans les régions arctique et antarctique, et, conformément aux souhaits qui avaient été formulés, fut l’occasion du lancement du premier et du troisième satellite artificiel : Spoutnik (4 octobre 1957) et Explorer 1 (31 janvier 1958). Ces deux satellites devaient fournir les premières mesures globales de la densité atmosphérique dans la thermosphère et de l’environnement en particules de haute énergie (ceintures de Van Allen).
Au cours des années 1970 la dimension internationale, connut une nouvelle impulsion liée à des préoccupations sociétales :
- le changement climatique
- et l’amincissement de la couche d’ozone.
Alors que l’hypothèse d’un réchauffement de la planète induit par les émissions de gaz carbonique avait été formulée dès 1895 par Svante Arrhénius, il fallut attendre 1967 pour que la première simulation convaincante de l’effet du doublement de la concentration en gaz carbonique soit faite par Manabe et Wetherald. La possibilité d’un changement climatique dû à l’activité humaine fut ensuite évoquée lors d’une conférence mondiale sur l’environnement en 1972 à Stockholm. La matière fut ensuite portée au niveau politique au cours de la première conférence mondiale sur le climat à Genève en 1979 ce qui aboutit à la création du GIEC sous l’égide des Nations Unies en 1988.
S’ensuivirent le sommet de la Terre à Rio en 1992 sur la nécessité de la réduction des émissions de gaz à effet de serre afin de permettre un développement pérenne préservant la planète (« sustainable development » dont la traduction française officielle, « développement durable », s’écarte de la signification initiale) et le protocole de Kyoto en 1997 concrétisant l’engagement d’un certain nombre de pays industrialisés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.
De même, toujours au cours de années 1970, les craintes suscitées par l’impact de l’aviation supersonique commerciale en matière de pollution stratosphérique ont été à l’origine de nombreuses études de laboratoire sur la chimie de l’atmosphère ainsi qu’à la mise en oeuvre de campagnes d’observation de la stratosphère. Si l’ensemble de ces travaux ne permît pas de mettre en évidence un impact décisif des vols supersoniques sur la couche d’ozone stratosphérique, ils conduisirent toutefois à identifier un rôle spécifique des fréons dans les réactions chimiques affectant l’ozone. Cependant, à ce stade, la question restât essentiellement «académique» jusqu’au mois d’octobre 1982 avec la découverte à la station japonaise de Syowa en Antarctique d’un phénomène de destruction temporaire massive de la couche d’ozone. Tout l’investissement expérimental et observationnel, engagé depuis une décennie, permit alors rapidement d’identifier les causes exactes du phénomène et aboutit au protocole de Montréal en 1987 sur l’arrêt de la production et de la diffusion des fréons et des halons.
La nécessité d’un effort de coordination mondiale des moyens de surveillance de la planète Terre, induite par les problèmes environnementaux et leur prise en compte au niveau politique, a donné lieu à plusieurs initiatives, sur la base du "meilleur effort", mettant en jeu des agences nationales et internationales, depuis le système mondial de veille météorologique jusqu’à une première approche intégrée IGOS rassemblant tant les moyens d’observation spatiaux que les systèmes d’observation terrestres, océaniques et aéroportés.
Néanmoins, malgré ces louables avancées et la reconnaissance croissante de l’importance vitale des systèmes de surveillance de la Terre, il restait encore beaucoup à faire avant de disposer d’un système complet et durable d’observation du climat.
Au cours des dernières années, plusieurs événements importants ont pour la première fois mis l’accent au niveau politique sur la nécessité de progrès en matière de systèmes d’observation de la Terre. En 2002 à Johannesburg, au Sommet Mondial du Développement Durable, les gouvernements sont formellement convenus du besoin urgent d’observations coordonnées sur l’état de la planète. Par la suite, au cours d’une réunion du G8 tenue à Evian, en France, en juin 2003, les chefs d’état ont affirmé la priorité donnée à l’observation de la Terre.
En juillet 2003, le premier Sommet Mondial de l’Observation de la Terre s’est réuni à Washington. Les gouvernements y ont adopté une déclaration signifiant un engagement politique d’aller vers le développement d’un système cohérent, coordonné et durable de systèmes d’observation de la Terre. Ce Sommet a d’abord créé un GEO chargé de préparer un premier Plan de mise en œuvre à 10 ans. Après deux ans de travail intense, le GEO a été établi sur une base permanente, avec un plan d’action menant à la réalisation d’un GEOSS.
Une vision ambitieuse sous-tend le GEOSS, celle d’un futur, dans lequel les décisions et actions au bénéfice de l’humanité seraient fondées sur un système d’information et d’observation de la Terre coordonné, cohérent et durable.
Le GEOSS a vocation à rassembler tous les pays, et englobe aussi bien les observations in situ que les observations spatiales et aéroportées. Les systèmes d’observation préexistants constituent les fondations du GEOSS. Tous les systèmes d’observation qui participent au GEOSS conservent leur mandat et leur mode de gouvernance, auxquels s’ajoute leur implication dans le GEOSS.
La plus grande promesse du GEOSS réside probablement dans le partage généralisé des observations et des produits entre les différents systèmes participants et l’assurance que ces observations et produits partagés seront accessibles, comparables et compréhensibles pour tous. En d’autres termes, «le total sera plus grand que la somme des parties».
Neuf objectifs initiaux, répondant à des besoins sociétaux exprimés et considérés comme prioritaires, ont été assignés à GEOSS :
- Réduire les pertes en vies humaines et en biens associées aux catastrophes naturelles ou induites par l ‘activité humaine;
- Déterminer les facteurs environnementaux affectant la santé humaine et le bien-être;
- Améliorer la gestion des ressources énergétiques;
- Comprendre, évaluer, prévoir, atténuer et développer des moyens d’adaptation à la variabilité et au changement climatiques;
- Améliorer la gestion de l’eau grâce à une meilleure appréhension du cycle de l’eau;
- Améliorer l’information météorologique, la prévision du temps et les systèmes d’alerte météorologique;
- Améliorer la gestion des écosystèmes maritimes, côtiers et terrestres;
- Apporter un soutien à l’agriculture raisonnée et combattre la désertification;
- Analyser, assurer un suivi et protéger la biodiversité.
Conclusion
GEO fournit le cadre politique escompté de longue date par lequel la demande de mise en place et de maintenance d’un système global d’observation de la Terre émane des plus hauts niveaux gouvernementaux.
Cependant, sans un engagement ferme et sans une action concertée, le risque demeure que les systèmes existants se dégradent dans les prochaines années.
Beaucoup a été accompli avec les systèmes actuels, mais à défaut de saisir l’occasion offerte par le GEOSS pour rectifier les déficiences identifiées de ces systèmes, la chance d’extraire une valeur ajoutée substantielle du réseau global d’observation pourrait être gâchée pour l’avenir prévisible.
Dans plusieurs domaines d’importance (par exemple, la haute atmosphère, les observations hydrologiques), la capacité d’observation continuera vraisemblablement de décliner comme elle l’a fait depuis plusieurs décennies si aucune intervention décisive n’a lieu.
Il en va de même des satellites, qui demandent des temps de développement longs et des financements lourds.
En ce qui concerne certains nouveaux domaines d’observation (par exemple, autour des questions de santé ou d’énergie), tout espoir de coordination future serait compromis enl’absence d’accord immédiat sur des standards d’interopérabilité.
Dans d’autres domaines, comme ceux du changement climatique, de la dégradation des sols, de la désertification et de la perte de biodiversité, à défaut de l’établissement immédiat d’un système d’observation de base, et d’un engagement de continuité de ces systèmes d’observation, on se privera de la possibilité de détecter et de quantifier les changements et d’atteindre les objectifs des traités internationaux à leur sujet.
Toutefois, quelques signes positifs doivent être relevés, dans le contexte du GEOSS.
En Europe l’initiative GMES lancée en 1998 par la CE et l’ESA est passée du concept à la réalité, grâce à une série d’engagements financiers importants depuis 2001. Plus récemment, après une communication de la Commission Européenne affirmant son intention de consacrer un budget significatif à l’établissement et au maintien d’une infrastructure pour GMES pour part de sa contribution au GEOSS, le Conseil au niveau ministériel des pays membres de l’ESA tenu à Berlin en décembre 2005 a pris la décision de construire une série de satellites pré-opérationnels, nommés Sentinelles.
Les états membres de l’ESA financeront les coûts de développement, tandis que la Commission Européenne prendrait en charge la continuation de la série. Si ceci se confirme, les Sentinelles assureront l’acquisition continue de nombreux jeux de données utiles pour la surveillance du climat.
Les États-Unis ont aussi engagé une démarche nationale coordonnée pour un Système Intégré d’Observation de la Terre (IEOS). Le plan de l’IEOS s’assigne plusieurs objectifs prioritaires, dont, pour ce qui concerne le climat, celui «d’améliorer la connaissance du climat et de l’environnement passé et présent de la Terre, incluant sa variabilité naturelle, la compréhension des causes des changements de cette variabilité et des changements observés». L’IEOS suppose que les observations doivent être acquises d’une manière qui répondent aux principes établis de la surveillance climatique, assurent une continuité à long terme, et satisfassent à la condition de détection de signaux faibles mais persistants. De plus, le plan souligne la nécessité d’un système d’information «de bout en bout», comportant des capacités de traitement et de gestion des données, en tant qu’élément-clé du succès de l’effort américain consacré à l’IEOS et à sa participation au GEOSS dans les dix années à venir.
Enfin, les premières réalisations concrètes de GEO ont vu le jour tel le réseau GEONETCast, dû à l’initiative d’EUMETSAT, qui diffuse sur la Terre entière des données relatives à l’environnement (météorologie, état de la mer, pollution atmosphérique...) grâce à une coopération sans précédent des pays (73) membres du GEO ainsi que des 52 organisations internationales qui s’y sont associées.
Le 4ème sommet ministériel de l’observation de la Terre, qui s’est tenu le 30 novembre 2007 à la ville du Cap en Afrique du Sud, a pris acte des avancées et, dans une déclaration adoptée par l’ensemble des états membres de GEO, a renouvelé, l’affirmation selon laquelle les réseaux d’observations pérennes terrestres, océaniques, aéroportées et spatiales sont indispensables pour les prises de décisions en matière de gestion de la planète et a fait état de l’engagement des pays membres envers la réalisation totale du plan de mise en oeuvre à 10 ans.
Voir aussi les FAQ :
Quelles sont les organisations internationales dédiées au climat?...
Comment fonctionne le GIEC (IPCC)?
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- Écrit par : Pierre Bauer
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Comment fonctionne le GIEC (IPCC)?
Processus d'élaboration et de publication des rapports du Groupe Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC)
Michel Petit
Les rapports du groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sont publiés et consultables sur le site http://www.ipcc.ch.
Tout le monde peut constater que des estimations et des barres d’incertitude sont clairement fournies. Bref, ils n’ont rien de “ la bouillie pour les chats ” qu’on pourrait redouter au terme d’un consensus diplomatique. Cependant, ils sont effectivement approuvés à l’unanimité par tous les pays membres dont le nombre approche 200.
Les rapports du GIEC sont rédigés bénévolement par des chercheurs et seules quelques personnes assurant un support technique sont rémunérées. Le groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat, plus connu dans le monde sous son nom anglais, Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC) est une création conjointe de l’organisation météorologique mondiale (OMM) et du programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE). Il regroupe tous les états-membres de l’une ou l’autre des ces deux organisations. Sa mission est d’évaluer l’état des connaissances (y compris les incertitudes et les controverses scientifiques) sur les questions politiquement pertinentes pour l’élaboration des actions possibles face au changement climatique, en se gardant soigneusement de suggérer quelque décision que ce soit. Le GIEC comprend actuellement trois groupes de travail qui se consacrent respectivement :
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au phénomène du changement climatique,
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aux conséquences de ce changement et à ce qu’on peut faire pour s’y adapter,
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aux possibilités de maîtriser les émissions de gaz à effet de serre qui en régissent l’amplitude.
Son assemblée générale est composée des représentants des états-membres et décide de la structure des grands rapports qui rythment la vie du groupe. Le troisième d’entre eux a été approuvé en 2001, les deux précédents l’ayant été en 1990 et 1995.
Des rapports spéciaux intermédiaires sur des sujets limités peuvent également être décidés. L’assemblée générale élit, pour la durée de la préparation de chacun des rapports majeurs, un Bureau qui, outre un président et quatre vice-présidents, comprend les bureaux des trois groupes de travail qui travaillent indépendamment pour l’essentiel. Chacun de ces bureaux de groupe comprend deux co-présidents, l’un d’un pays développé, l’autre d’un pays en développement et six membres représentant les diverses régions du monde. Les membres de ces bureaux sont des scientifiques reconnus et les deux co-présidents sont des personnalités de stature internationale. Le pays développé qui présente un candidat à la présidence d’un groupe s’engage, en cas d’élection, à financer une unité de soutien technique de quelques membres, qui assistera le bureau dans l’exercice de ses responsabilités. Ces dernières consistent tout d’abord à proposer à l’approbation de l’assemblée générale le plan détaillé du rapport du groupe de travail qui est divisé en chapitres. Après l’obtention d’un consensus sur ce plan, les états ont quelques semaines pour proposer des noms de personnes susceptibles de prendre une responsabilité dans la rédaction de chacun des chapitres. Le Bureau choisit pour chaque chapitre une équipe de deux coordinateurs assistés de quelques « auteurs principaux » qui ont la responsabilité d’écrire les diverses parties du chapitre. Ces auteurs sont choisis dans des listes proposées par les états-membres. Ces équipes, une fois choisies, sont entièrement responsables du contenu de leur chapitre et engagent donc leur réputation vis-à-vis de leurs pairs. Il en ira ainsi tout au long du processus jusqu’à l’approbation du rapport de chacun des trois groupes de travail au cours d’une assemblée plénière. Cette dernière est composée de représentants des états, mais ce sont les deux scientifiques co-présidents du groupe concerné, qui orientent les débats, en assurant la présidence des sessions et recueillent l’aval des responsables d’un chapitre, avant toute modification.
On en arrive à cette étape finale qu’après une double procédure de relecture critique. Une première version est soumise à la revue par des experts du domaine abordé, désignés par les états-membres et par les organisations non gouvernementales (ONG) concernées par le changement climatique, qui ont un statut d’observateur. Certaines de ces ONG sont d’obédience écologiste, d’autres représentent les vues des pétroliers et des autres lobbies de producteurs d’énergie. Toutes les sensibilités sont donc présentes et, de plus, la liste des experts n’est pas fermée : toute remarque scientifique est prise en compte, quel qu’en soit l’auteur.
Ainsi, en France, tout scientifique qui le désire peut obtenir l'accès au texte proposé et faire parvenir au secrétariat du GIEC France toutes les remarques qu'il voudrait faire, ou les amendements qu'il désirerait voir apporter à ce texte .
Les commentaires reçus sont regroupés ligne par ligne et utilisés pour produire une deuxième version. Cette deuxième version est envoyée, pour avis, à tous les experts ayant commenté la première, ainsi qu’à tous les gouvernements qui sont invités à envoyer chacun une liste unique de remarques. A ce stade, on voit l’influence politique reprendre un certain poids, limité par le caractère scientifique obligatoire des commentaires. Cette deuxième série de critiques est traitée exactement comme la première. C’est le résultat de cet exercice qui sera soumis à l’approbation de l’assemblée générale.
En outre, le bureau de chaque groupe de travail organise la rédaction d’un sommaire pour décideurs, soumis lui aussi à une double revue. Ce sommaire qui résume les résultats les plus pertinents de tous les chapitres en une dizaine de pages de texte et autant de pages de figures et de tableaux, est adopté mot à mot par l’assemblée générale qui lui apporte des amendements jugés par les auteurs comme compatibles avec la vérité scientifique. Avec un léger retard par rapport aux rapports des trois groupes de travail, un rapport de synthèse présentera la réponse à quelques questions générales clefs et comprendra lui aussi un sommaire pour décideurs approuvé mot à mot par l’assemblée générale.
Ce processus rigoureux et lourd, nécessitant plusieurs années de travail, permet au GIEC de produire des rapports qui sont considérés comme fidèles par la communauté scientifique et comme objectifs par tous les états sans exception, quels que soient leurs intérêts propres. Cette alchimie miraculeuse est obtenue en donnant à chacune des deux parties prenantes un poids qui varie au cours des diverses étapes : les politiques choisissent collectivement des équipes scientifiques compétentes et équilibrées, puis laissent quartier libre aux scientifiques pour rédiger leur rapport et reprennent la main lors de l’adoption finale, tout en restant à l’écoute des scientifiques et sous la présidence de scientifiques qui maintiennent le débat sur le plan de l’objectivité de la rédaction proposée.
Voir aussi : "Réponses aux arguments de ceux qui doutent de la réalité d’un changement climatique anthropique" de Michel Petit.
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- Écrit par : Michel Petit
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