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Propos d'Argonautes (novembre 2024)

(Temps de lecture: 4 - 8 minutes)

Inversion des rôles ce 8 novembre : alors que nous écoutons habituellement un scientifique nous parler d’un élément du système climatique

Que faisions nous entre 1960 et 1990 ?

Inversion des rôles ce 8 novembre : alors que nous écoutons habituellement un scientifique, nous parler d’un élément du système climatique, cette fois, l’objet n’est autre que nous, ou du moins la communauté scientifique dont nous faisions partie et dans laquelle il y a plus de trente ou quarante ans nous avons mené nos activités de recherche. Notre invité, Ianis Cammilleri, est un étudiant, diplômé de l’école des Ponts et Chaussées (2002) et son intérêt pour les problèmes d’énergie et de climat l’a amené à suivre en 2023-2024 un master 2 à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Son thème de recherche était "les scientifiques français face à l'alerte climatique (1960 – 1992)", et ce n’est qu’en approchant de la fin de son mémoire qu’il a appris qu’un club de retraités, les Argonautes, était composé d’anciens chercheurs qui avaient participé à l’amélioration des connaissance sur le climat et le changement climatique à cette période. Ianis a nourri son travail par la lecture d’un très grand nombre, très impressionnant, de rapports de groupes de travail et de conférences nationales et internationales, au fil desquels s’est construite l’alerte climatique, et se sont manifestés des freins qui ont ralenti sa prise en compte comme une priorité. Annoncé par Arrhenius en 1986, et solidement établi par les travaux de modélisation de Mannabe dans les années 1960, le changement climatique dû à l’accumulation des rejets de gaz carbonique dans l’atmosphère n’a été pleinement admis qu’après 1990, lorsque les archives climatiques piégées dans les glaces ont montré que la concentration en gaz carbonique de l’atmosphère était plus élevée pendant les périodes interglaciaires. Les débuts de la période qu’a étudiée Ianis correspondent d’une part à la naissance d’un mouvement écologiste très puissant aux Etats Unis, et au développement de la modélisation numérique de la dynamique de l’atmosphère, mais l’idée que le climat puisse changer à cause du dioxyde de carbone s’est ensuite heurtée à des doutes. En France ces doutes ont longtemps freiné l’acceptation du risque climatique. Ils étaient dus au peu de considération, jusqu’au sein de l’Académie des Sciences, que les physiciens avaient pour la jeune science du climat, qui s’édifiait autour de modèles numériques qui simulaient des processus physiques qui relevaient de « sciences exactes » mais qui devaient aussi prendre en compte les incertitudes dans des domaines moins connus. Associés à ces recherches, les Argonautes ont bien connu les leaders scientifiques de cette époque, et ont souvent été impliqués dans les évènements de la chronologie exposée par Ianis Cammilleri : une très agréable immersion dans l’époque de nos débuts.

Le Lac d’Ourmia en Iran subira-t-il le même sort que celui de la Mer d’Aral ?

Le Lac d’Ourmia est une étendue d’eau de plus de 5000 km² située au nord-ouest de l’Iran. Il est alimenté en eau et en sels minéraux par des rivières et des nappes phréatiques, et est endoréique, ne se vidant que par l’évaporation et par les prélèvements pour les besoins en eau des habitants de la région. Il se concentre donc et est salé, comme le sont la Mer d’Aral et la Mer Morte. Il a fait l’objet d’une conférence par François Molle à Montpellier au mois d’octobre. La Mer d'Aral a vu son niveau et son volume drastiquement baisser à cause du choix fait à partir de 1960 par l'Union Soviétique de faire des républiques d'Asie Centrale un lieu prioritaire pour la culture irriguée du coton. Cela n’a pas été le cas pour le lac d’Ourmia, pour lequel au contraire des mesures préventives ont été prises par l’Iran qui a appliqué un « Programme de restauration du lac d’Ourmia ». Malgré cette réelle volonté de l’Iran qui y a consacré des budgets conséquents et malgré un environnement scientifique de qualité, dans un pays pourtant réputé autoritaire, le lac subit inexorablement un processus d’assèchement similaire à celui de la mer d’Aral. En cause, des prélèvements excessifs dans les rivières et dans les nappes qui l'alimentent. Ceux ci ne sont pas seulement dus à l’irrigation des cultures, mais aussi aux besoins d'une population urbaine proche, en particulier à Tabriz, pour laquelle la nappe phréatique du lac est une source d'eau domestique amplifiée par l'impact du tourisme. L'identification de l'ensemble des facteurs, qui se combinent non seulement pour empêcher l'adoption de mesures correctives appropriées, mais aussi pour accroître la surexploitation de l'eau, est essentielle pour comprendre les mécanismes de surexploitation de l'eau qui tendent à se généraliser dans le monde.

L’oxygène dans l’océan et le changement climatique

L’oxygène pénètre dans l’océan par dissolution à l’interface océan atmosphère, et sa solubilité décroît lorsque la température augmente. On devrait donc constater une perte d’oxygène de l’océan vers l’atmosphère en réponse au réchauffement climatique. Or, les mesures de concentration en oxygène réalisées en routine, notamment par le réseau BGC Argo ne montrent pas nettement un tel appauvrissement. La raison en serait un changement, lié lui aussi au réchauffement en cours, des mouvements convectifs de l’eau océanique qui enfouissent en profondeur les eaux qui se sont enrichies en oxygène au contact de l’atmosphère. En particulier, des eaux plus salées en surface dans l’Atlantique tropical, et donc plus denses, plongeraient plus profondément et en plus grande quantité, entraînant avec elles davantage d’oxygène. Cette augmentation compenserait la perte d’oxygène due à la diminution de la solubilité.

Les points de bascule sont devenus une préoccupation abondamment reprise par les médias

La menace constituée par les points de bascule du climat a fait l’objet de plusieurs conférences. Ces points de bascule sont devenus une préoccupation reprise par les médias et par les écologistes mais ce qu’on en dit manque souvent de précision et de rigueur. Le terme « bascule » lui même serait à préciser. Du point de vue des mathématiques, il en existe des catégories précises. En ce qui concerne le climat, ils évoquent des stades de l’évolution au-delà desquels celui-ci présenterait d’autres régimes, de température, de pluie, de vent, que par le passé, globalement ou régionalement. Une variation de l’amplitude d’oscillations climatiques peut en être un signe précurseur, comme lors du passage d’un interglaciaire à une période glaciaire. Mais un point de bascule n’est pas nécessairement lié à un changement d’oscillations : par exemple, en Amazonie, on déforeste, en conséquence, les pluies diminuent, et les conditions deviennent propices aux incendies. Cet enchaînement conduit à un paysage et un climat nouveaux dans la région. l’arrêt éventuel de l’AMOC est l’exemple très souvent cité de point de bascule du climat, et récemment une pétition de climatologues des pays du nord met en garde les gouvernements contre un refroidissement brutal qui pourrait frapper leur région. Pour documenter cette menace, ils utilisent toutefois un modèle dans lequel le transfert de chaleur des tropiques vers les pôles ne s’effectue que par l’océan, alors que ce transfert s’effectue tout autant par l’atmosphère.

Frontières mouvantes

Plusieurs segments de la frontière entre l’Italie et la Suisse sont déterminés par les lignes de crête des glaciers. Or, ces glaciers fondent, et donc leur ligne de crête se déplace. Pour cette raison, la Suisse et l’Italie ont nommé une commission mixte pour tracer une nouvelle frontière qui tienne compte de ces changements, qui viennent d’être actés. Ce cas n’est pas unique. Le même genre de litige a eu lieu entre le Chili et l’Argentine, dont la frontière reposait sur des poteaux plantés sur le glacier Hielo Sur, et ces poteaux se déplaçaient avec la glace. Il a été décidé entre les deux pays de définir la frontière selon des critères de coordonnées géographiques, et comme en 1494 au traité de Tordesillas, le nouveau tracé a été adopté sous l’arbitrage… du Pape !

L’élection de Donald Trump et les scientifiques du climat aux Etats Unis

Il est encore trop tôt pour voir quelles conséquences aura cette élection sur nos collègues des Etats Unis d’Amérique. Mais on peut se rappeler ce qui s’était passé lors de la première élection de Donald Trump en 2017 : il s’était immédiatement retiré des accords de Paris, et il y avait eu un très fort attrait de l’Europe, et de la France en particulier, pour les chercheurs américains. Un système de bourses avait même été instauré en France pour encourager leur venue.

 

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