Quoi de nouveau au Club des Argonautes ?
Un nouveau membre nous a rejoints : Guy Duchossois, qui a accompagné le développement de l'océanographie spatiale
en Europe depuis 1967.
Notre site web a évolué : il bénéficie d’une nouvelle présentation et privilégie maintenant la forme d’un blog.
Et alors que nous discutions, la fusée Ariane 6 décollait avec succès de Kourou !
Apprentissage machine
Depuis 2022, l’apprentissage machine a permis des avancées fulgurantes dans la modélisation globale pour la prévision numérique du temps. Des modèles opérationnels, tels que AIFS (Artifial Intelligence IFS) prévoyant un sous-ensemble des variables météos de IFS (Integrated Forecasting System, le modèle traditionnel) font mieux ou aussi bien que IFS lui-même. On pourra sans doute bientôt faire des prévisions d’ensemble « AIFS » comme on le fait pour IFS, et des développements analogues sont en cours pour faire la même chose avec des modèles fins à domaine limité (couplés à un modèle global) dans différents pays: services météos en France (AROME), en Suisse, en Norvège, etc... En revanche, l'assimilation de données se prête difficilement à l’"intelligence artificielle" jusqu'au stade totalement opérationnel, où, comme la prévision, l'apprentissage se ferait uniquement sur des archives d'observations brutes. Mais on y travaille. L’atout en météo est d’avoir assimilé toute la réanalyse ERA 5 (i. e. tout le climat récent passé) et de permettre une très grande rapidité de calcul. Les « journées de l’IA » organisées par Météo France » les 13 et 14 février y étaient consacrées. Les enregistrements et présentations sont accessibles à l'adresse suivante : http://www.meteo.fr/cic/meetings/2025/JIA/
Un aspect « pensée magique » tend à s’associer à l’intelligence artificielle, surtout dans les médias. Parler d’un « perroquet probabiliste » serait plus juste. Avouons le : voir un tel éléphant débouler dans le magasin de porcelaine des connaissances patiemment (et intelligemment) assemblées pendant des décennies pour améliorer la prévision météorologique, est dérangeant. L’intelligence sera-t-elle désormais l’affaire de machines ? A quelqu’un qui, dans les années 40, lui avait dit « vous ne ferez jamais une machine qui pense » Von Neumann aurait répondu « si vous me définissez exactement ce que vous voulez dire par « penser », alors si ! je vous ferai une machine qui pense ! »
Les retenues d’eau pour l’irrigation
Qualifiées parfois par dérision de « mégabassines » elles ont été l’objet d’affrontements sociopolitiques, notamment à Sainte Soline dans les Deux Sèvres. Un séminaire sur le cycle de l’eau organisé par l’Institut Pierre Simon Laplace a permis un débat scientifique apaisé. D’un simple « pour ou contre » les « mégabassines », on passe à une situation beaucoup plus complexe. C’est d’abord un choix de modèle agricole : s’assurer qu’on aura à disposition de grandes réserves d’eau pour l’irrigation correspond en général à une volonté de développer la culture du maïs, très gourmand en eau en été, ou toute autre monoculture sur de grandes surfaces. Ce mode de culture ne devrait évidemment pas pénaliser les autres usages de l’eau en cas de sécheresse. Toutefois, on note souvent que la mise en service de nouvelles retenues d'eau suscite un accroissement de la demande pour des compléments d'usage, voire même de nouveaux usages. Le risque est que cette demande soit assurée par des prélèvements supplémentaires - principalement dans les nappes - menaçant la réserve disponible du bassin versant pour d'autres prélèvements non seulement agricoles, mais aussi domestiques, énergétiques ou industriels. Une gestion concertée et dynamique de la ressource s'impose avec d'autant plus plus de rigueur que la variabilité climatique future risque de conduire à des périodes de pénurie (sécheresse) de plus en plus longues.
Après la prise de fonction de Donald Trump
Pour tous ceux qui suivent avec attention l’évolution du climat, les agences et universités des Etats Unis d’Amérique sont une source d’informations et de services essentielle, et certainement, difficile à contourner. Et pourtant, nous allons peut être devoir nous en passer, car le nouveau gouvernement des Etats Unis est ouvertement climatosceptique et désireux de couper les financements qu’il considère inutiles, voire contraires aux intérêts de pays. Déjà, lors du premier mandat de Donald Trump, ces agences et universités avaient vécu une période difficile. Cette fois, le gouvernement a été préparé à cela de manière plus efficace, et les restrictions budgétaires risquent d’être pires. Ainsi, on craint que le réseau de bouées Argo qui permet de suivre l’augmentation du contenu de chaleur dans les océans (un des termes principaux du déséquilibre énergétique de la Terre), perde la plus grande part de son financement. La National Oceanographic and Atmospheric Administration, est très menacée, ainsi que toutes les activités industrielles de pointe qui se sont développées autour des activités scientifiques. On peut craindre que la mise à disposition gratuite des données d’observation du climat soit remplacée par des contrats payants. La situation des chercheurs américains est très dure : recrutés pour la durée d’un projet de recherche, beaucoup d’entre eux ont été recrutés pour ces projets depuis peu et sont d’un point de vue administratif en période d’essai, un statut qui permet de mettre fin brusquement à leur contrat. Partout dans le monde, les chercheurs, et pas seulement ceux des sciences du climat, protestent contre cette politique. Des manifestations « Stand Up for Science » ont lieu dans de nombreuses villes et pays. L’Académie des Sciences française a envoyé une lettre au Président Trump pour défendre les intérêts de la science. Ces dénis des sciences suscitent une sidération.
Faut il désespérer ? Il y a tout de même des contre-pouvoirs, qui ne sont pas éteints : par exemple, la Cour Suprême, pourtant acquise aux intérêts du nouveau Président, s’est opposée à l’arrêt de l’US Aid. On espère d’autres manifestations de résistance.
Pêche, ou surpêche ?
Chalutages qui ravagent les fonds marins, pêche industrielle prédatrice, épuisement des ressources, biodiversité menacée, aires marines protégées qui ne sont protégées par personne : Le tableau est sombre. Ce tableau n’est pas dressé par des scientifiques spécialistes de la pêche, mais le plus souvent par des organisations non gouvernementales, dont le message n’est pas seulement motivé par des connaissances scientifiques de l’état des stocks de poissons, mais aussi par des convictions écologiques et des préoccupations sociales. Une de leurs cibles favorites est la pêche industrielle par de gros navires, dont les pratiques de chalutage sont dévastatrices pour les fonds marins, et dont les produits, de qualité très médiocre, sont commercialisés loin des lieux de pêche et ne profitent pas à l’économie locale. Certaines ONG disposent d’une véritable compétence scientifique, sont attentives aux connaissances, et participent même à la recherche des instituts publics en leur fournissant des données. Elles ont aussi un pouvoir de communication très aiguisé au service d’un lobbying qui, lui, n’est pas toujours cohérent avec les connaissances scientifiques. Par exemple cet hiver, la pêche a été interrompue pendant un mois dans le Golfe de Gascogne pour tous les navires de plus de 8 mètres, afin de protéger les dauphins des prises accidentelles par les engins de pêche : déjà mise en application l’an dernier, et selon les premières études, cette mesure aurait donné des résultats encourageants mais il est encore bien tôt pour savoir si les dauphins en ont vraiment bénéficié
L’arrêt possible de l’« Atlantic Meridional Ocean Circulation » (AMOC)
Cet arrêt de l’AMOC s’est déjà produit, notamment à la fin de la dernière glaciation, et il a même été livré à la réflexion du grand public de façon plutôt abracadabrante par le film « Le jour d’après », qui met en scène un refroidissement intense et soudain dans l’hémisphère nord à la suite d’une conjonction improbable de phénomènes météorologiques. La branche superficielle de l’AMOC transporte vers les pôles une partie de la chaleur accumulée par l’océan aux basses latitudes, et est donc un acteur important du climat, grâce auquel les régions atlantiques de haute latitude sont moins froides et celles des basses latitudes moins chaudes. C’est un sujet sur lequel les climatologues travaillent depuis longtemps par modélisation et par observation des courants et des propriétés de l’eau de mer. Plutôt rejetée dans les années 90, l’éventualité d’un arrêt de l’AMOC est de plus en plus considérée comme possible, voire inévitable à échéance de 30 ou 100 ans. Il s’agirait alors d’un « point de bascule », qui modifierait le système climatique sans possibilité de retour au système actuel à brève échéance. Toutefois, un tel renversement n’apparaît pas encore de façon certaine dans les observations actuelles, et l’examen de quelques ordres de grandeur donne une idée de la difficulté de prévoir ce qui se passera : la branche sud de l’AMOC est connectée avec le Courant Circumpolaire Antarctique, dont le débit est 100 fois supérieur.
Mieux mesurer le rayonnement émis par la Terre
Dans un climat à l’équilibre, la Terre émettrait autant d’énergie vers l’espace qu’elle en reçoit du Soleil. On sait qu’elle se réchauffe, et son déséquilibre énergétique (EEI, pour Earth Energy Imbalance) est scruté avec attention. Le rayonnement émis par la Terre se fait sous forme visible (la lumière su Soleil réfléchie par les nuages, les surfaces enneigées, les aérosols, et toutes surfaces qui sont partiellement réfléchissantes. Et il se fait aussi sous forme de rayonnement infra rouge. La surface du globe terrestre est un puzzle sans cesse changeant de nuages, de terres émergées dotées d’un pouvoir de réflexion variable, de mers, et de glaces. Malgré tous les mesures par satellites dont nous disposons, estimer l’EEI avec précision reste un challenge. On espérerait atteindre une plus grande précision sur l’EEI en utilisant non plus un radiomètre qui scanne, mais une sorte de pyranomètre, i. e. un radiomètre « absolu » qui mesurerait la totalité du rayonnement reçu au niveau du satellite, dans le visible et l’infra rouge, mais personne n’a encore réussi à fabriquer un tel instrument. Une autre approche possible serait par accélérométrie en reprenant le très original projet BIRAMIS, élaboré dans les années 1980, mais qui n’a pas été financé. Son principe consistait à utiliser une propriété des rayonnements, qui exercent de façon infinitésimale une poussée sur les objets en déplacement dans l’espace. Cette technique présente toutefois un gros inconvénient : elle ne permet pas de distinguer les différentes composantes du rayonnement global.
Y aura-t-il davantage de « hurricanes » en 2025 ?
La question ressurgit chaque année, la plupart du temps accompagnée dans les médias de prévisions alarmistes sur leur violence accrue. Nous en avons débattu dans un article publié sur notre site en 2020. Il y est analysé une étude menée par onze spécialistes internationaux, qui ont fait la synthèse des connaissances existantes sur les cyclones et leur réponse au changement climatique. Cette synthèse publiée en 2019 n’indique pas d’augmentation du nombre de cyclones tropicaux, mais montre qu’il est possible que ceux de catégorie 4 et 5, les plus destructeurs, deviennent proportionnellement plus fréquents. Les précipitations liées à ces cyclones seront plus abondantes en raison de l’augmentation de la quantité d’eau contenue par un atmosphère qui se réchauffe.
Une approche originale pour estimer sources et puits de carbone
La concentration en gaz carbonique de l’atmosphère évolue selon des modalités très régulières : un cycle annuel, avec un minimum en été boréal et un maximum en hiver se surimpose à l’augmentation due aux émissions humaines. Le maximum hivernal est dû à l’augmentation des émissions à cause du chauffage domestique, et à la diminution de la photosynthèse et aux processus de dégradation des végétaux sur les continents situés pour la plus grande partie dans l’hémisphère nord. Le minimum est dû à la photosynthèse estivale essentiellement dans l’hémisphère nord. Dans ce cycle, le puits de carbone dans la végétation terrestre est bien mis en évidence par la baisse de concentration en gaz carbonique atmosphérique entre le maximum et le minimum. Une analyse des caractéristiques du cycle annuel de l’évolution de la concentration en gaz carbonique de l’atmosphère, possible grâce aux mesures quotidiennes réalisées depuis 1958 montre que le puits de carbone dans la végétation terrestre s’est accru jusque vers 2008, en réponse à l’effet stimulant du gaz carbonique sur la photosynthèse. Mais depuis 2008, ce puits décroît. Les raisons de cette décroissance sont à rechercher dans es effets négatifs (stress) du réchauffement sur le développement des végétaux, dans l’augmentation des conditions de sécheresse, et aussi sans doute dans les incendies qui sévissent en Amazonie, et qui frappent aussi les forêts boréales.
C’est comment sous les glaciers ?
On imagine des roches, et au dessus, de la glace, solide, telle qu’on a coutume de la voir et de la toucher, et qui se déplace en raclant et en se déformant. C’est oublier l’eau à l’état liquide qui peut s’y trouver à des pressions de plusieurs dizaines d’atmosphères : un apport supplémentaire d’eau soulève alors le glacier, quel que soit le poids de ce dernier, et cela en accélère l’écoulement. En plus des roches, de la glace, et de l’eau à l’état liquide, on y trouve aussi des sédiments de taille colloïdale générés par effet de rabot lors du frottement du glacier sur les roches, et qui jouent un rôle de lubrifiant dans l’écoulement du glacier. Ce sont ces éléments colloïdaux qui donnent une couleur blanche à l'eau des torrents à l'aval des zones englacées .