L’arrêt de l’inventaire par la NOAA des catastrophes climatiques
La National Oceanic and Atmospheric Administration, cible des attaques climatosceptiques de la nouvelle administration américaine, vient de se voir contrainte
Reculs dans les mesures de lutte contre le changement climatique
Les abandons multiples de mesures initialement destinées à lutter contre le changement climatique laissent les sociétés sans boussole. Alors que les annonces sur le réchauffement et les nombreuses catastrophes qu’il engendre font chaque jour les titres des journaux, le sentiment grandissant est que nous avançons sans plan. Récemment le site internet de bonpote a résumé cette situation en quelque mots, avec une grande lucidité : « ...ce qui compte, au fond, ce n’est pas tant l’action que le sentiment d’action. La parole est aussi – voir plus – importante que les actes. Donner l’impression que les entreprises agissent alors qu’elles n’agissent pas dans l’espoir qu’elles finissent par le faire un jour…. ».
Dans l’Océan Arctique, les eaux froides et peu salées sont retenues par le gyre de Beaufort
Le transport des eaux atlantiques tropicales chaudes et salées vers le pôle se fait essentiellement par la Gulf Stream et la Dérive Nord Atlantique, puis le refroidissement de ces eaux dans les parties les plus septentrionales de l’Atlantique Nord (bassins du Labrador, et d’Irminger) et les Mers Nordiques (bassins de Norvège, d’Islande, du Groenland et de Barents) les rendent plus denses. Leur plongée dans l’océan profond entame un cycle désigné sous l’acronyme AMOC (Atlantic Meridional Overturning Circulation) qui constitue un des circuits les plus importants du système climatique terrestre. Cette structure fonctionnerait de façon assez simple si n’y intervenaient pas des apports d’eau douce de l’Arctique, dus notamment aux fleuves sibériens et canadiens et à la fonte des glaciers. Mélangée à l’eau de mer, cette eau douce alimente des masses d’eaux peu salées, et donc moins denses que l’eau issue de l’Atlantique tropical (pénétrant par la mer de Barents), qui s’étalent à la surface de l’Océan Arctique et font obstacle aux échanges de chaleur entre les eaux d’origine tropicale et l’atmosphère. Les courants océaniques dans cette région, entretenus par les vents, sont propices à la formation d’un courant circulaire dans le sens des aiguilles d’une montre (cyclonique) dénommé le Gyre de Beaufort. Celui ci tend à maintenir les eaux peu salées à sa surface et à les empêcher de s’échapper vers l’Atlantique Nord. En profondeur au contraire, la circulation anticyclonique écarte les eaux salées vers la périphérie. Il se forme ainsi dans l’Océan Arctique une lentille stable d’eau peu salée qui, en surélévation, forme comme un plateau maintenu dans cet état par la convergence du Gyre de Beaufort. Tout nouvel apport d’eau douce tend à être capturé par ce système et à accroître la hauteur du plateau. Un tel état ne peut bien sûr pas s’auto-alimenter de façon durable : lorsque les vents deviennent défavorables au maintien du gyre, ces eaux peu salées et froides peuvent déferler vers l’Atlantique nord (surtout par l’est du Groenland), et y provoquer un refroidissement du climat.
Sur les cartes qui montrent les anomalies du contenu thermique de l’océan (de 1993à 2023 sur ce lien), on voit à l’est du Groenland, une tache qui, à l’inverse de la tendance globale, se refroidit. C’est là une conséquence du piégeage des eaux peu salées par le gyre de Beaufort. Le refroidissement dans cette région pourrait aussi être accentué par les très forts incendies des forêts boréales du Canada et de Sibérie : ces incendies en effet laissent des surfaces déboisées qui n’émettent plus d’aérosols dont l’action était « réchauffante ». Au contraire, les fumées envoient à très haute altitude des aérosols qui y subsistent longtemps et ont un effet refroidissant.
Prévisions météorologiques
L’apport, des observations par satellite, et leur variété, ont permis d’améliorer considérablement les prévisions météorologiques. Puis, les progrès sont venus de l’amélioration des modèles, et enfin, de leur rapidité d’exécution, Le gain apporté par l’intelligence artificielle a encore accru cette rapidité d’exécution. Les progrès à attendre concernent surtout la mise à disposition des prévisions : lorsque les conditions météos deviennent préoccupantes, la consultation des sites sur lesquels on peut suivre l’évolution de la situation augmente en flèche au point de mettre ces sites en difficulté. C’est notamment le cas pour les données des radars de pluie, ainsi que les sites qui montrent en temps réel les éclairs par temps d’orage. Prévenir efficacement et rapidement les populations concernées en cas de phénomènes extrêmes est devenu primordial, les victimes ne pardonnant pas les défaillances dans la chaîne de diffusion des alertes.
Se débarrasser du carbone atmosphérique en enfouissant de la biomasse dans l’océan ?
Cela semble facile : pourquoi ne pas immerger pour très longtemps, voire pour toujours, le carbone organique des déchets agricoles au fond des océans ? L’idée a été débattue au début de cette année lors d’une réunion de scientifiques et d’entrepreneurs à Bucarest. Comme très souvent lorsqu’il s’agit de géoingéniérie, des entreprises seraient prêtes à se saisir des opportunités financières qu’offre une telle aubaine, avant qu’on ait eu le temps d’en évaluer les probables inconvénients. Ceux ci pourtant existent : le projet prévoit de vérifier l’absence de remontées en surface de la biomasse pendant seulement 15 ans, alors que les processus impliqués s’étaleraient sur au moins 1000 ans. Une telle pratique conduirait à un appauvrissement des terres agricoles dans lesquelles, idéalement, cette biomasse devrait retourner pour une agriculture durable. N’oublions pas non plus que cette biomasse a été produite avec l’azote et le phosphore d’engrais chimiques dont la fabrication est très énergivore, et que ces précieux éléments seraient gaspillés. Enfin, comme tous les projets de géoingéniérie, celui-ci accrédite l’illusion que continuer d’utiliser les combustibles fossiles n’est pas d’une gravité extrême, puisqu’on peut se débarrasser du dioxyde de carbone issu de leur combustion.
Les projets hydrauliques géants ont été des objets de fierté.
Les civilisations nous ont légué des ouvrages hydrauliques impressionnants, preuves du besoin essentiel d’assurer les besoins en eau pour les villes et l’agriculture. Dans l’histoire récente du XXème siècle, certains de ces ouvrages, ou projets inaboutis, relevaient d’une folie mégalomane tout en suscitant souvent une grande fierté nationale. Les travaux réalisés pour l’irrigation du coton dans la région de la Mer d’Aral, qui ont abouti à l’assèchement quasi complet de cette étendue d’eau, se sont terminés en fiasco. En Chine à la sortie des plateaux de loess, des digues ont été élevées de chaque côté du Fleuve Jaune afin de dompter ses débordements : il a fallu sans cesse les rehausser pour compenser le dépôt de sédiments, et le fleuve coule maintenant parfois à 10 mètres au dessus de la plaine environnante pour laquelle il constitue une menace de crue dévastatrice, qui s’est plusieurs fois réalisée. Des projets fous ont été proposés, comme celui consistant à creuser un canal entre la Mer Méditerranée et la région au nord du Sahara située en dessous du niveau de la mer, afin d’y créer une étendue marine qui améliorerait le climat en favorisant l’évaporation et les pluies. La liste des ces projets qui (heureusement?) n’ont pas vu le jour est étonnamment longue et variée. En France dans les années 1950, la construction du barrage de Serre Ponçon, déclaré d’utilité publique, a été bien acceptée, malgré le déplacement de maisons, de cultures et d’entreprises : qu’en serait il aujourd’hui où des aménagements bien plus modestes comme le barrage de Sivens sur un affluent du Tarn, ou les réservoirs d’eau de Sainte Soline, ont soulevé une forte opposition ?
Depuis quelques années, la calotte de glace de l’Antarctique regrossit
Une préoccupation liée au réchauffement global est que celui ci s’accompagne de la fonte progressive des calottes polaires et entraîne une montée du niveau des océans. Ainsi, la calotte du Groenland perd de la masse d’année en année, et cela a été aussi le cas pour celle de l’Antarctique. Mais depuis 2021 environ, il semble que la masse glaciaire de l’Antarctique s’accroisse légèrement. Cette masse est composée de plusieurs glaciers dont les comportements sont différents et peuvent se compenser, mais le bilan pour toute la calotte est légèrement à la hausse. Ceci est il contradictoire avec le réchauffement climatique ? Non, car une atmosphère plus chaude contient davantage de vapeur d’eau, et sur l’Antarctique où les températures restent de toute façon négatives, cette humidité tombe sous forme de neige et accroît donc la masse glaciaire. Il se pourrait aussi que les rivières atmosphériques qui transportent la vapeur d’eau jusqu’à des latitudes de plus en plus hautes atteignent plus souvent l’Antarctique. Le satellite BIOMASS récemment lancé et muni d’un radar en bande P devrait permettre de suivre avec davantage de précision l’évolution des calottes.
Verra-t-on un jour une sphère noire en orbite avec un accéléromètre pour l’étude du rayonnement émis par la Terre ?
Assez tôt dans l’histoire des satellites, il a fallu tenir compte de toutes les forces susceptibles de modifier leurs trajectoires, et donc d’estimer ces forces afin de maintenir les satellites sur leurs orbites. Cela a été l’objectif principal de l’expérience CACTUS, un accéléromètre conçu par l’ONERA et lancé en 1975 avec les satellites Castor et Pollux. Celui-ci a donné d’excellents résultats pendant la courte durée de vie de ces satellites, montrant notamment que l’accéléromètre était capable de mesurer la poussée qu’exerce sur eux le rayonnement, et en particulier l’émission infra rouge nocturne de la Terre pendant le passage dans l’ombre de la Terre, à l’opposé du Soleil, période pendant laquelle seul ce rayonnement agit. Or, ce rayonnement nocturne est un terme essentiel pour estimer le déséquilibre radiatif de la Terre, cause du réchauffement climatique que nous vivons. François Barlier, Argonaute, a été l’un des acteurs de cette réussite, qui a inspiré le projet de satellite BIRAMIS, un satellite de forme sphérique et de couleur noire pour optimiser sa performance de mesure radiométrique, et transportant un micro-accéléromètre. Malheureusement, BIRAMIS n’a pas été financé, et n’a pas dépassé le stade de projet. Verra-t-il le jour bientôt ? Intéressé par l’article publié sur le site des Argonautes, l’ancien directeur technique de l’ONERA a demandé à parler avec François Barlier, qui était alors hospitalisé en rééducation. Leur discussion reprendra lorsqu’il sera sorti de l’hôpital.