Le Club des Argonautes a refait son site web
La structure du site internet des Argonautes, mise en place peu après la création du Club, puis modifiée en fonction des outils et des préoccupations, ne correspondait plus à nos besoins de publication, représentés surtout par des articles qui commentent l’actualité scientifique et s’accommodent mieux d’une présentation chronologique sous la forme d’un blog.
Le nouveau site reprend la même adresse, https://argonautes.club/ et sa page d’accueil est plus riche, avec notamment une liste plus longue des publications les plus récentes, et une liste d’étiquettes (ou : « tags »), qui permet d’accéder rapidement à tous les articles traitant de domaines divers tels que « cycle de l’eau », « interfaces continentales », « climat et société », « changement global » et une vingtaine d’autres. Ces transformations ont conduit à modifier les liens d'accès à bon nombre d'articles de l'ancien site, liens d'accès qui resteront inchangés sur toutes les pages du web qui y font référence. Un travail est en cours pour dresser un tableau complet de redirection de ces liens.
L’ensemble du site restera chez l’hébergeur coopératif « Ouvaton » sur un compte qui sera ouvert au nom de l'association "Club des Argonautes".
Modèles de prévision météorologique ou climatique, et intelligence artificielle
Les visioconférences et séminaires auxquels on peut assister par internet et qui traitent des progrès accomplis par l’apprentissage numérique se multiplient, et les progrès sont très rapides. Les nouvelles techniques que l’on place sous la dénomination d’intelligence artificielle court-circuitent une physique déjà connue, et prennent en compte un éventail de données plus vaste, incluant la reconnaissance de formes. Leur vitesse d’exécution ouvre des possibilités nombreuses. . Un paysage nouveau se profile, où l’accès très rapide et souple à des bases de données variées, déjà esquissé depuis quelques années en Europe par le « open science cloud », ou par la plateforme WekEO mise sur pied par Copernicus, sera une priorité.
Le réchauffement brutal de 2023 et 2024
En avril 2023, la température moyenne à la surface de la Terre s’est mise à augmenter avec une rapidité inaccoutumée. Rien là de surprenant puisqu’un épisode El Niño était attendu. Mais le réchauffement a débuté avant que l’El Niño se déclenche, et des températures élevées ont persisté bien après la fin de l’épisode et perdurent encore actuellement. D’autres évènements ont pu contribuer à ce réchauffement : une grande quantité de vapeur d’eau (un gaz à effet de serre) injectée dans la stratosphère lors de l’éruption du volcan Hunga-Tonga, et l’arrêt des émissions de soufre par le transport maritime après l’interdiction de l’utilisation des fuels lourds dans le transport maritime, les aérosols formés par les composés soufrés réfléchissant vers l’espace une partie du rayonnement solaire. Ou bien encore, tout simplement, la concentration en gaz carbonique de l’atmosphère qui continue d’augmenter. Mais tout ceci ne suffit pas pour expliquer entièrement la hausse de la température moyenne à la surface du globe. Une cause supplémentaire est étudiée, qui attire l’attention sur une modification des nuages. La répartition globale des nuages et leur effet sur le bilan radiatif est un domaine complexe et insuffisamment observé par satellite. Depuis 1984, ces observations montrent toutefois que les systèmes nuageux des latitudes élevées tendent à se déplacer vers les pôles, tandis que les régions subtropicales s’élargissent et que les nuages bas y sont en diminution. Par conséquent, l’albédo de la Terre diminue, et son déséquilibre énergétique s’accroît : le réchauffement s’accélère. Si cette augmentation de l’albédo causé par les nuages est une conséquence du réchauffement global, alors, elle constitue une rétroaction positive et l’accélération que nous connaissons depuis deux ans se poursuivra. Si elle n’est qu’un effet de la variabilité naturelle, ou des mécanismes autres que la diminution des nuages, nous pourrions alors assez rapidement retrouver le rythme de réchauffement d’avant 2022.
Que devient la lumière réfléchie par la Terre vers l’espace ? Une partie éclaire la Lune, sur laquelle le « clair de Terre » est magnifiquement plus brillant que notre « clair de Lune », à cause en partie des nuages que contient l’atmosphère de la Terre. Dans une étude récente basée sur 20 ans de données, de 1998 à 2017, on a analysé la réflectance de la Terre, en mesurant la manière dont elle se réfléchit sur la Lune. Sur cette période, la réflexion par la Terre du rayonnement solaire visible a diminué d’un demi-watt par mètre carré environ, par rapport à la fin du vingtième siècle : une baisse très significative qui contribue à l’augmentation du déséquilibre énergétique de la Terre.
Plus chaud, davantage d’eau dans l’atmosphère
L’observatoire européen Copernicus a publié une analyse qui montre que le contenu de vapeur d’eau dans l’atmosphère a atteint une valeur record en 2024, année la plus chaude jamais observée. Les années marquées par des conditions El Niño s’y détachent des autres, montrant des maxima dans ce contenu. La température moyenne des océans y est en effet plus élevée, en raison du recouvrement des eaux froides de l’upwelling équatorial du Pacifique par des eaux tropicales chaudes. Au cours de l’ El Niño de 2023, la température moyenne globale à la surface des océans a été de 0,25 °C plus chaude que lors de celui de 2016, alors que le contenu en vapeur d’eau de l’atmosphère a augmenté de 1,4 %. En se basant sur ces deux périodes marquées par le même phénomène, et donc a priori comparables, on obtient un taux de croissance du contenu en vapeur d’eau de l’atmosphère de 7 % par °C, qui correspond bien à la relation de Clausius – Clapeyron. Cette dépendance du contenu de vapeur d’eau à la température ne doit pas être généralisée aux échelles locales, en particulier, aux zones arides terrestres qui se réchauffent plus vite que les océans. Les terres émergées à des latitudes inférieures à 40 ° ont tendance à devenir plus sèches, et dans les études statistiques, océans et zones arides devraient être traités séparément.
Dear Mr President-elect,
Ainsi se sont adressé à Donald Trump les éditeurs de la revue scientifique Nature, inquiets des conséquences que pourrait avoir pour la recherche scientifique le changement de gouvernement aux Etats Unis. A quoi devons nous nous attendre ? Bien sûr, au retrait des Etats Unis d’Amérique des accords de Paris, et à des difficultés pour nos partenaires américains, NOAA en tête. Tout accord de coopération, d’échange de données, risque maintenant de devenir l’objet de transactions, dans lesquelles l’égalité des gains des partenaires sera la seule règle.
L’idée de géoingéniérie de l’albédo progresse…
Une bonne raison de refuser les projets de géoingéniérie du climat est qu’une fois mis en oeuvre, il faudrait les maintenir sous peine d’un retour au climat perturbé qu’on a cherché à améliorer. Parmi ces projets, la géoingéniérie solaire est la moins coûteuse à mettre en œuvre, à l’initiative de pays sans coordination avec les autres. Ainsi, une étude par modélisation a été menée en Inde sur l’impact que l’injection d’aérosols réfléchissants aurait sur les rendements de blé et de riz. Cet impact serait positif pour les deux cultures, surtout pour le blé, en limitant la hausse de la température en hiver et au printemps, et en augmentant les précipitations pendant la période de croissance. Or, on assiste actuellement à des reculades dans les politiques mises en œuvre pour limiter le réchauffement du climat. Il est à craindre que les perspectives faciles offertes par la géoingéniérie fassent passer au second plan les efforts à faire pour réduire nos émissions de gaz carbonique. C’est le constat amer de l’influent climatologue James Hansen.
Attention à la hausse du niveau marin
Une élévation de 1 mètre du niveau moyen des océans à la fin du siécle : il faut bien sûr s’en préoccuper, mais à regarder nos rivages et nos infrastructures, les optimistes pensent qu’on devrait pouvoir gérer cela. Vraiment ? D’abord, une hausse de 1 m, c’est ce qui correspond à un scénario de réduction de nos émission de gaz carbonique. Or, chaque année, les mesures pour cette réduction sont repoussées à plus tard, et nous sommes maintenant plutôt dans un scénario d’émissions fortes : alors, la prévision de hausse du niveau marin pourrait aller jusqu’à 1,9 m. Ensuite, ce n’est pas tant la hausse moyenne du niveau marin, mais la surcote qui se produit lors des tempêtes qui importe et qui conditionne les dégâts occasionnés. Il y a une forme de confiance paresseuse à regarder nos rivages avec l’idée qu’un mètre de plus n’est pas si grave : ce pourrait être bien plus qu’un mètre, et il conviendrait d’ajouter encore un mètre pour la surcote lors des tempêtes.
Se définir comme « scientifique » vaut il gage de vérité ?
Depuis plus de trente ans, le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat dresse un bilan des connaissances sur le climat et du rôle des activités humaines sur son évolution. Il alerte périodiquement les décideurs sur les dangers qui en découlent et les mesures qu’il conviendrait d’adopter. Force est de constater que malgré ces avertissements, la réponse des gouvernements n’est pas à la hauteur des menaces, et cela justifie pleinement un militantisme qui appelle à davantage de volonté publique pour freiner l’évolution en cours. Des scientifiques, de disciplines variées, sont à l’origine de certains de ces mouvements de protestation, et cette présence affichée se veut une garantie de compétence en matière de climat et de connaissance des risques. Mais le système climatique est une machine complexe, et en se basant sur nos pratiques au Club des Argonautes, où nous nous intéressons tous de très près au questions climatiques, nous ne sommes jamais compétents à la fois sur l’effet de serre, sur l’eau, sur les courants marins ou sur le cycle du carbone. C’est la multidisciplinarité du Club qui lui donne sa compétence, de la même façon, toute proportion gardée, que le GIEC doit son efficacité à la complémentarité de ses membres. Sur les questions qui nous sont familières mais qui ne sont pas strictement de notre domaine de compétence, et malgré notre qualité de « scientifiques », nous sommes peu différents de citoyens ordinaires. Il ne faudrait pas que parmi les revendications et les mots d’ordre qui sont lancés, certains ne soient pas en accord avec les faits établis collectivement par les climatologues : ce serait alors du pain béni pour les climatosceptiques qui ne manqueraient pas de profiter d’éventuelles incohérences dans le discours des militants de la cause climatique.
En mission scientifique en Papouasie Nouvelle Guinée : d’accord, mais sans prendre l’avion !
Depuis une dizaine d’années, les vidéoconférences par internet ont remplacé une grande partie des réunions scientifiques internationales, évitant ainsi les émissions de gaz carbonique causées par les transports en avion des participants. On ne peut que s’en féliciter, même si cette facilité tend à multiplier les conférences dont l’impact en termes d’émissions de carbone n’est pas nul. Un économiste italien, Gianluca Grimalda, de l’Institut de Kiel, a poussé très haut cette logique en utilisant le train et le bateau pour se rendre en Papouasie Nouvelle Guinée afin d’y étudier l’interaction entre l’intégration dans le marché et l’exposition au changement climatique. Il lui aura fallu deux mois pour faire le trajet du retour, au grand dam de son employeur qui l’a licencié. Mais la justice lui a été favorable sur un point : il n’a pas commis de faute grave, mais tout simplement, ses convictions idéologiques ne sont pas compatibles avec son emploi de chercheur à l’Institut de Kiel.
Retour aux débuts du Club des Argonautes : on reparle de l’énergie thermique des mers
Peu après la fondation du Club des Argonautes en 2003, l’exploitation de la différence de température entre la surface des océans tropicaux et 500 à 1000 m plus profond nous est apparue comme une chance de produire de l’énergie électrique bon marché, et ainsi de pouvoir considérablement diminuer notre recours au carbone fossile. En évaporant un gaz à la température de l’eau chaude de surface, puis en le condensant à celle de l’eau froide, on peut en effet produire de l’électricité, et les réserves marines de chaleur pour cela sont considérables, supérieures à la consommation humaine d’énergie primaire. Hélas, les difficultés techniques sont considérables elles aussi, notamment pour maintenir une canalisation de fort diamètre dans des zones où risquent de se produire des tempêtes. Tahiti a été l’une des régions où des projets de cette nature ont été étudiés. Plusieurs fois abandonnée, l’intérêt pour cette filière vient d’être relancé par le gouvernement de Polynésie qui a déclaré sa volonté de « soutenir les projets de développement des filières d’énergie marine », « d’évaluer la faisabilité de production d’électricité par l’exploitation de l’énergie thermique des mers » et de « soutenir les projets de démonstrateurs ». Nos amis de la Société Airaro à Papeete ont tout notre soutien.
Du nouveau dans la mesure des courants par satellites
Cela fait plusieurs décennies que l’on déduit les courants océaniques (composante géostrophique), avec d’autres paramètres comme température et salinité), de la mesure d’altimétrie satellitaire, c’est à dire en mesurant la hauteur de l’océan le long de la trace du satellite. Selon le même principe que pour le calcul des vents à partir des champs de pression atmosphérique, on peut ainsi calculer les courants marins, ou plus exactement la dérive moyenne de toute la couche mélangée (environ les 100 premiers mètres) de l’océan. Le projet ODYSEA sélectionné par la NASA pour le programme Earth System Explorers, permettrait, s’il est finalement retenu, une nouvelle approche : il est basé sur un diffusiomètre Doppler construit conjointement par la France (CNES et Thales) et les Etats-Unis, qui devra permettre pour la première fois grâce à la mesure Doppler de mesurer les courants océaniques des tout premiers centimètres de la surface à l'échelle mondiale. Une couverture quotidienne globale à fine résolution spatiale est visée. De telles mesures de la dérive des premiers centimètres de l’océan sont très utiles pour le transport des déchets de plastique et autres polluants. En outre, le signal radar pourra aussi être utilisé comme un diffusiomètre pour estimer simultanément les vents à la surface des océans.