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Propos d'Argonautes (décembre 2024)

(Temps de lecture: 6 - 11 minutes)

Nouvellement « Argonaute », Patrick Vincent a été guidé à ses débuts par des « anciens » que nous connaissons bien, Argonautes eux mêmes, ou proches de Argonautes.

La Conférence UNOC 3 à Nice en juin 2025

Nouvellement « Argonaute », Patrick Vincent a été guidé à ses débuts par des « anciens » que nous connaissons bien, Argonautes eux mêmes, ou proches de Argonautes. On peut dire qu’il est un Argonaute de deuxième génération, le premier. Il nous a détaillé les enjeux et les préparatifs de la prochaine conférence UNOC 3 (United Nations Océan Conférence 3) qui se tiendra à Nice en juin 2025, organisée conjointement par la France et le Costa Rica. Par rapport aux deux conférences précédentes qui se sont tenues à New York en 2017 et à Lisbonne en 2022, celle ci essaiera de faire avancer les réglementations permettant d’assurer des conditions durables pour l’exploitation des océans. Cet aspect qui sera prioritaire a été très peu financé jusqu’à présent. Il est anticipé qu’il sera difficile d’obtenir des engagements collectifs ambitieux, mais il est prévu que des gouvernements puissent émettre des engagements sur les points qu’ils jugent importants. Dix thèmes seront discutés : pêche, écosystèmes, coopération, pollution, lien biodiversité – climat, soutenabilité, ressources alimentaires, connaissances et santé, lois nécessaires pour tendre vers les objectifs, et financement.

La conférence proprement dite qui s’ouvrira le 8 juin par une célébration de la journée mondiale de l’océan, sera précédée par trois évènements : un Congrès Scientifique (One Ocean Science Congress) du 4 au 6 juin, organisé par le CNRS et l’IFREMER, auquel participeront environ 2000 scientifiques, un sommet le 7 juin sur la montée des océans et la résilience, et un forum le 8 juin sur l’économie bleue et les moyens de financer des transports maritimes durables. C’est Olivier Poivre d’Arvor, ambassadeur des pôles et des enjeux maritimes, qui pilotera l’action de la France, et le Ministère des Affaires Étrangères, et le Secrétariat Général de la Mer y auront aussi un rôle important. La publication d’un document de recommandations scientifiques élaborées après le Congrès Scientifique est prévu pour fin mars 2026.

Santé et Océans ne font pas en France l’objet d’études conjointes, les océanographes ne s’étant pas encore emparés de ce sujet. Les énergies marines renouvelables ne font pas l’objet de séances spéciales, mais seront abordées chaque fois qu’il sera question de durabilité ou d’économie bleue. Parmi ce qu’on peut espérer de cette conférence, citons Mercator, qui développe des outils de simulation numérique de l’océan, et qui devrait évoluer vers une organisation intergouvernementale ; IPOS (International Panel on Ocean Sustainability) qui deviendrait non pas un équivalent du GIEC, mais aurait pour fonction de bâtir une synthèse des connaissances pour les décideurs ; « Space for Ocean », à organiser, qui apporterait des services aux pays qui n’ont pas les moyens d’être autonomes dans le domaine spatial pour l’océan ; comment pourrait on disposer des connaissances existantes pour appuyer un moratoire sur l’exploitation des grands fonds marins. Les aires marines protégées sont un sujet conflictuel, en particulier en France où les niveaux de protection de ces aires sont faibles.

L’intelligence artificielle s’installe rapidement dans la prévision climatique

A suivre les médias, il semble que l’intelligence dite « artificielle » est en voie de remodeler nos activités et, que nous en tenions les rênes ou pas, notre futur. Plusieurs fois, une meilleure prévision météo par l’IA que par les modèles des agences nationales a été proclamée, rappelant la victoire de l’ordinateur Deep Blue contre le champion au jeu d’échecs Kasparov. Cette mise en rivalité peut laisser croire qu’il y a d’un côté les modèles de prévision déterministes basés sur la simulation numérique des processus physiques, et de l’autre, l’intelligence artificielle qui, inéluctablement finirait par dominer. Il n’en est rien : les météorologues et les climatologues ont reconnu très vite les améliorations que permet l’intelligence artificielle, et on introduit de plus en plus de modules dans la chaîne de la prévision météorologique, y compris dans des modules physiques. La tendance est d’utiliser des langages de très haut niveau afin de manipuler ces modules comme des briques. Ceci permet d’élaborer les prévisions beaucoup plus rapidement, et donc de pouvoir prendre des mesures d’alerte plus précoces. On peut voir sur le site du Centre Européen comment le recours à l’IA permet de mieux prendre en compte les données de sondeurs micro-ondes au-dessus des banquises, pour lesquelles on ne dispose pas d’équations satisfaisantes. Un autre domaine dans lequel l’IA devrait apporter des progrès est celui des nuages, dont la physique est très complexe. L’application de l’IA aux projections climatiques à long terme est beaucoup moins avancée que pour la prévision météorologique, mais certains des modules utilisés en météo sont introduits dans les modèles climatiques, notamment pour corriger les dérives.

Dixièmes Assises Nationales des Energies Marines Renouvelables

Il y a surtout été question d’éolien offshore, tandis que des solutions énergétiques moins répandues, comme la climatisation par l’eau de mer, n’ont pas été évoquées. Un point mérite cependant d’être souligné car il va à l’encontre de la règle de la libre concurrence chère à l’Union Européenne : celle ci élabore le « Net Zéro Industrial Act », par lequel elle s’efforce de soutenir la transition écologique et de renforcer sa compétitivité industrielle. Le strict respect de la libre concurrence conduit à aller au moins coûteux, et par là, bien souvent, à choisir des équipements produits hors de l’Europe à des coûts inférieurs. Cette logique de la libre concurrence prônée jusqu’à présent par l’Europe conduit donc à une perte inéluctable de souveraineté. Or, lors de ces Assises, le mot d’ordre était d’accepter d’utiliser des énergies marines plus coûteuses, mais dont on aurait la maîtrise. L’UE, malgré sa préférence pour la concurrence non faussée, accepterait donc enfin de faire des exceptions. les exposés des conférenciers sont accessibles sur internet.

La conférence publique du Bureau Des Longitudes de décembre consacrée au satellite SMOS

Lancé en 2009, le satellite européen SMOS (Soil Moisture and Ocean Salinity), est toujours actif sur son orbite et fête ses 15 ans. A son tableau, de très beaux résultats, comme la cartographie globale de l’humidité des sols et de la salinité des océans, ce pourquoi il a été conçu, et aussi la détection d’émissions électromagnétiques par certains pays et activités à des fréquences interdites, une cartographie des fines glaces de mer, l’observation de vents violents sous les cyclones, le suivi du gel et du dégel des sols, l’observation de la fonte des glaces au Groenland, et l’observation de lentilles d’eau douce d’une durée de vie de plusieurs semaines en mer. Malgré ces résultats remarquables, SMOS n’a pas atteint la renommée qu’il mérite pourtant : la raison, peut être, est que sa communauté d’utilisateurs est restée trop restreinte, faute d’une communication à la hauteur de la réussite de l’expérience. A l’opposé, une équipe très large s’est constituée autour du satellite SWOT, dédié lui aussi à l’hydrologie et à l’océanographie, et qui produit depuis deux ans des résultats remarquables.

Une suite opérationnelle de SMOS (qui a tout de même duré 15 ans, et continue de fournir d’excellentes données) dans le cadre de Copernicus serait le plus logique, mais rien n’est encore prévu.

Le nouveau plan local d’urbanisme de Paris

Ce plan qui a été adopté en novembre dernier, après quatre années de consultations et de délibérations, fait la part belle à l’écologie. S’adapter au changement climatique en est la ligne directrice, avec, pour cible essentielle, réduire les conséquences de l’effet d’îlot de chaleur urbain qui aggrave les canicules. La végétalisation en sera un outil privilégié, l’évapotranspiration des végétaux constituant un puits pour la chaleur. Cette végétalisation a déjà été mise en œuvre dans d’autres pays, notamment au Chili, où un inconvénient majeur est très vite apparu : par souci d’économies des ressources en eau, il avait été décidé d’arroser avec des eaux usées les murs végétaux aménagés, et des microbes ont ainsi été répandus dans les rues et ont causé des intoxications. Voilà un écueil qu’il faudra éviter à Paris.

La communication sur le changement climatique

Il y a une vingtaine d’années, les débats organisés par les médias opposaient souvent des climatologues à des orateurs climatosceptiques, et on doit reconnaître que les premiers n’étaient pas très à l’aise dans l’art de la communication vers le grand public. C’était avant (bien avant!) que Françoise Vimeux s’affirme peu à peu dans ce rôle de communicante scientifique sur le changement climatique. Il ne s’agit plus d’expliquer l’effet de serre face à ceux qui le niaient et qui ont perdu cette bataille, mais d’expliquer comment le changement climatique agit à chaque fois, de plus en plus souvent, que des évènements climatiques exceptionnels ont lieu. Et Françoise Vimeux fait cela très bien, avec beaucoup de clarté et de précision.

Les rivières atmosphériques parviennent à des latitudes de plus en plus élevées

Les rivières atmosphériques sont des longues bandes d’air chargé d’humidité en déplacement, en général vers le nord est dans l’hémisphère nord (vers le sud est dans l’hémisphère sud), et qui amènent des pluies intenses vers des latitudes plus élevées.

Contenu en vapeur d’eau de l’atmosphère dans le Pacifique nord le 20 décembre 2024,

contenu en vapeur d'eau de l'atmosphere

vu par earth.nullschool.net/. En bleu, trois rivières atmosphériques, avec plus de 40 kg d’eau par mètre carré : en marron, moins de 20 kg/m².

Une étude récente montre qu’au cours des 40 dernières années, ces rivières atmosphériques se sont en moyenne décalées vers les pôles de 6 à 10 degrés de latitude (distance de Barcelone à Orléans, ou à Dunkerque), et cette migration considérable a des conséquences sur la répartition des pluies extrêmes et des zones de sécheresse. La raison de cette migration est le réchauffement de la surface des océans.

Un usage inattendu de nos téléphones portables

Les téléphones portables sont très nombreux, et il y en a un peu partout, du moins sur les terres émergées. Une étude conduite par Google utilisant 40 millions de téléphones portables a montré que ceux ci pouvaient réduire l’erreur de localisation du système GPS de 10 à 20 %, et la diminuer davantage encore dans les régions les moins bien observées. Le principe utilisé est le suivant : plus l’atmosphère est ionisée, plus le signal radio émis pour le GPS est ralenti, et cela affecte les mesures. On y remédie grâce à des cartes en temps réel de la densité des électrons liée à cette ionisation. Ces cartes sont cependant affectées par les fluctuations de l’ionisation, dues par exemple à des tempêtes solaires, et l’observation très fine, à la nanoseconde près, des communications par téléphone portable permet d’affiner ces cartes dans les régions où les données manquent, comme l’Afrique, l’Amérique du sud ou l’Asie du sud. Ce n’est pas la première fois que les téléphones portables en grand nombre se montrent utiles : ils ont aussi été permis cartographier des déplacements de l’écorce terrestre.

Regain d’intérêt pour les bouées habitées pour observer l’océan

Certains se souviennent de la « bouée Cousteau » qui a accueilli à la fin des années 60 des scientifiques pour l’observation de l’océan à un point fixe, avant d’être mise hors service à la suite d’un incendie. Dans le Pacifique nord, des chercheurs de la Scripps Institution of Oceanography ont utilisé le FLIP, une version de bouée améliorée : allégée, cette bouée se couche à l’horizontale sur la mer comme un navire, et une hélice la propulse jusqu’au point où elle doit être mise en opération. Par un jeu de lests, on la fait se mettre en position verticale, et l’avant devient alors un laboratoire juste au dessus de la surface de la mer, porté et stabilisé par les 100 mètres de la partie arrière immergée du navire. Le FLIP a été utilisé jusqu’en 2013, et devait être démantelé en 2023, mais la société anglaise DEEP, spécialisée dans l’habitat marin pour la recherche et l’exploration, l’a acheté in extremis pour le remettre en état au service de programmes d’océanographie. Et en France, sous l’impulsion de Jean Louis Etienne, on prépare le Polar Pod, sur le même principe que le FLIP.

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