Justice et transition écologique
De nombreux états ont signé l’accord de Paris pour le climat.
Il reste encore à y donner suite en prenant les mesures indispensables pour ralentir le changement climatique, et là, l’action des états est beaucoup trop lente. Cependant, si les états sont souverains, ils ne sont pas à l’abri de poursuites judiciaires, et la Cour Européenne des Droits de l’Homme est de plus en plus sollicitée pour cela : la Bulgarie, les Pays Bas, l’Allemagne, la Belgique, ont ainsi été condamnées, et aussi la France lors de ce qu’on a appelé «l’affaire du siècle». La dernière condamnation en date a été prononcée contre la Suisse, après la plainte portée par un collectif de 2 500 Suissesses de 73 ans en moyenne : les «Aînées», au titre que leur grand âge les rendait particulièrement sensibles aux méfaits du réchauffement climatique.
Finance et transition écologique
Le monde de la finance se préoccupe-t-il des risques dûs au changement climatique ? Obnubilé qu’il est par le profit, et dominé par l’International Sustainability Standards Board (ISSB) et les normes comptables que sont les International Financial Reporting Standards, il ne prend le changement climatique en considération que dans la mesure où celui ci peut nuire aux profits financiers. Cette attitude est celle des États Unis, puissance dominante du monde financier, et paraît bien ancrée. Cependant, en Europe, une autre approche se fraye un chemin : sous la dénomination de «Double Matérialité», elle consiste à prendre en compte en plus des dégâts que le climat peut faire à la finance (les seuls que considère l’ISSB), ceux que la finance peut faire au climat. Et l’Europe n’est plus seule à tenter de mettre cette double matérialité en avant : la Chine, suivant en cela la recommandation de l'Asia Investor Group on Climate Change, a décidé récemment de se mettre en porte à faux avec l’ISSB en adoptant elle aussi la Double Matérialité.
La santé des océans
La conférence internationale "Our Ocean" vient de se tenir à Athènes. La Grèce, pays hôte, a marqué cette conférence en annonçant l'interdiction du chalutage de fond dans toutes ses aires marines protégées, et en augmentant en nombre et en étendue ces aires marines protégées. Une fois ces aires décrétées, le problème est de les faire respecter, et là, en général, les moyens de surveillance manquent. Un débat est en cours, en France notamment, pour savoir s’il vaut mieux quelques grandes aires marines protégées, ou beaucoup de petites : pour ce qui est de la préservation des ressources et de la biodiversité, la réponse semble pour le moment en faveur de la deuxième solution.
Un phénomène nouveau a été observé : des upwellings (remontées jusqu’en surface d’eaux profondes plus froides) se produisent parfois là où ils n’existaient pas avant le changement climatique en cours. Pour les espèces inféodées à des eaux chaudes, ces upwellings nouveaux peuvent constituer des pièges.
Aérosols, pas simple...
La décision mise en application en 2020 de réduire les émissions d’aérosols soufrés par le transport maritime a eu une forte incidence sur la teneur en aérosols de l’atmosphère, notamment en Atlantique nord, et ceci a stimulé les recherches sur le rôle climatique des aérosols. Globalement, ceux ci réfléchissent une partie du rayonnement solaire vers l’espace et tendent donc à refroidir le climat, comme cela se produit lors des éruptions volcaniques majeures (le philipin Pinatubo en 1992, le mexicain El Chichon en 1982, et, en remontant dans l’histoire, l’indonésien Tambora en 1815 et l’islandais Laki en 1785). Mais l’action des aérosols, en se combinant avec celle de la vapeur d’eau, est plus complexe : ils sont des noyaux de condensation, et aussi des noyaux glaciogènes, et les gouttelettes ou cristaux ainsi formés ont un effet sur le transfert radiatif et sur la dynamique des nuages. Complexité que traduit bien cette saillie de John Mason, spécialiste de la microphysique des nuages, lors d’un exposé auquel a assisté un Argonaute encore étudiant : «si le climat dépend vraiment de la microphysique des nuages, alors, que Dieu nous vienne en aide». Certains aérosols (les suies notamment, en Inde en particulier) sont absorbants, et dans les nuages bas, en absorbant le rayonnement, ont un rôle important sur la dynamique de ces nuages. Les poussières désertiques, notamment celles constituées d’argile, ne constituent pas des noyaux de condensation, mais, des noyaux glaciogènes, qui aboutissent à des cirrus denses, dont l’effet est réchauffant. Au début du mois d’avril, la Météo allemande prévoyait un grand ciel bleu et 22°C, or, la couverture de nuages était totale et la température n’a été que de 15°C. En cause : des cirrus épais (DIBS : Dust-Infused Baroclinic Systems) induits par la poussière, et non pas des nuages bas. Ces cirrus ont été assez réfléchissants pour avoir eu un impact refroidissant en surface. On manque d’observations sur les aérosols. La situation devrait s’améliorer bientôt avec le lancement du satellite américain PACE , avec le EarthCARE européen, et aussi avec un projet de satellite chinois.
La température moyenne globale : les records s’enchaînent
Mars 2024 a été le mois de mars le plus chaud jamais enregistré, et s’ajoute à la suite de neuf précédents records mensuels d’affilée. Les températures anormalement élevées ont particulièrement touché l’Europe, l’est de l’Amérique du nord, le Groenland, l’est de la Russie, l’Amérique centrale, plusieurs zones d’Amérique du sud et d’Afrique, le sud de l’Australie et plusieurs régions du continent Antarctique. Qu’en sera-t-il, une fois l’épisode El Niño terminé, pour l’été 2024 ? Les prévisions basées sur le mois d’avril s’avèrent souvent peu fiables (on appelle cela le «tunnel d’avril»). Elles promettent des températures élevées dans le sud-est de la France, tandis que le nord-ouest sera chaud, mais pas exceptionnellement. Les sols humides après les pluies abondantes de ce printemps tendront à retarder l’installation de périodes chaudes.
Dessaler l’eau de mer pour pallier au manque d’eau : fausse bonne solution
Barcelone manque d’eau douce. La menace n’est pas nouvelle et déjà, dans les années 1990, il a été envisagé d’y acheminer l’eau du Rhône par un canal : c’est le projet Aqua Domitia qui a été abandonné à cause du coût du franchissement des Pyrénées et aussi d’oppositions d’agriculteurs du Languedoc. Dès 2009, pour y pallier, Barcelone s’est dotée d’une usine de dessalement d’eau de mer située dans la banlieue sud à El Prat del Llobregat. Et qui produit environ 20 000 mètres cube d’eau douce par jour. Au mois d’avril dernier, la Catalogne à décidé d’implanter une nouvelle usine de dessalement de l’eau de mer, capable de satisfaire 6 % des besoins de Barcelone. Celle ci sera flottante, installée sur un paquebot dans le port de la ville. 12 autres usines de dessalement sont prévues sur la côte de Catalogne, notamment pour satisfaire les besoins de l’industrie touristique. De telles usines se sont multipliées partout dans le monde dans les pays soumis à des sécheresses. Outre le fait qu’elles sont très énergivores, elles rejettent aussi en abondance des saumures très concentrées, plus chaudes que l’eau de mer utilisée, et enrichies en divers produits (anti algues, antifouling etc.). Les conséquences de ces rejets pour la biodiversité des eaux côtières n’ont pas encore été bien évaluées.
La verte contrée qui a fait rêver les Vikings
Le Groenland a été ainsi nommé parce qu’à l’époque où il a été habité par des Vikings, il était réputé verdoyant et propice à une agriculture rudimentaire. L’histoire plus récente évoque plutôt le blanc des neiges et des glaciers. Cependant, avec le réchauffement climatique, la végétation s’y réinstalle, et des saumons se reproduisent maintenant dans les rivières du Groenland. S’agit-il du début de la fonte de la calotte glaciaire du Groenland, avec pour conséquence, une montée de plusieurs mètres du niveau des océans ? Pas encore : ces rivières et ces pentes qui se végétalisent sont situées à basse altitude, au bord de la mer, tandis que l’essentiel de la calotte glaciaire se situe en altitude, dans une cuvette au centre du Groenland.
Les carburants pour demain
L’hydrogène est souvent présenté comme une excellente solution pour stocker et utiliser les énergies renouvelables. Mais qu’en faire si les stations service n’en proposent pas, si le marché n’est pas organisé ? En France, c’est l’aviation qui tire le plus vers cette solution, basée sur de l’hydrogène liquide. Mais ceci nécessite pour les avions un réservoir très volumineux (toutefois cependant moins pesant que pour les autres carburants car l’hydrogène est très léger). À côté de l’hydrogène, ne devrait on pas s’intéresser davantage aux carburants de synthèse qu’on peut produire avec des énergies renouvelables (éventuellement en empruntant du CO2 capté dans l’atmosphère). En effet, une voiture qui roule à l’hydrogène fait trois fois moins de chemin que si elle utilise l’électricité utilisée pour produire cet hydrogène. Des alternatives existent : méthane, carburants de synthèse. Et si on s’orientait vers ces carburants de synthèse, pourquoi ne pas en faire profiter l’automobile ? Il y a en effet une clause de réexamen en 2026 de la décision européenne d’arrêter la production des véhicules thermiques en 2030.
Et si les câbles sous marins rendaient service à l’océanographie ?
Les câbles sous-marins sont nombreux à travers les bassins océaniques, et ils ne sont pas utilisés par l’océanographie. Ceci pourrait changer, car il y a en projet (IFREMER, partenaires industriels américains) d’instrumenter les câbles sous-marins du réseau internet. Dans un premier temps, ces équipements concerneraient les câbles à installer, et plus tard, ceux déjà installés. Les capteurs envisagés sont principalement des capteurs de pression qui permettraient une observation très précise et en temps réel de la hauteur des vagues. Une première installation est envisagée entre l'Australie et la Nouvelle Calédonie. Un projet est à l’étude avec le Portugal sur des câbles déjà installés, avec relais de la transmission des données par des bouées instrumentées. La Woods Hole Oceanographic Institution aux États-Unis a aussi un projet analogue dans l’Océan Arctique.