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systeme climatique

  • Et quelles sont les menaces?

    Yves Dandonneau 

    1 - Le carbone, puits et source d’énergie

    2 - Les isotopes du carbone

    3 - L’absorption du rayonnement infra rouge par le gaz carbonique et les autres gaz à effet de serre

    4 - Concentration et pression partielle de gaz carbonique et quelques raccourcis de calcul

    5 - Le cycle naturel du carbone : puits et sources de gaz carbonique

    6 - La perturbation anthropique et le cycle du carbone

    7 - Questions et menaces

    Le carbone est un élément très abondant dans les roches terrestres, l’eau et l’atmosphère. Il a tendance à se combiner à l’oxygène pour donner du gaz carbonique (CO2) en dégageant de la chaleur, et cette réaction fournit l’essentiel de l’énergie utilisée par l’homme. Le CO2 absorbe le rayonnement infra rouge et cette propriété contribue à déterminer la température à la surface de la Terre, là où nous vivons. Du fait des activités humaines, la teneur en CO2 de l’atmosphère augmente donc (figure 1), et cette augmentation entraîne un réchauffement du climat.

     

    Soluble dans l’eau, intervenant dans les réactions géochimiques ainsi que dans celles de la vie, le carbone suit des cycles complexes qu’il faut connaître pour prévoir comment évoluera le climat en réponse à la perturbation anthropique.

    1 - Le carbone, puits et source d’énergie

    En brulant du carbone (c'est-à-dire en le combinant à l’oxygène), on obtient de l’énergie. L’état d’oxydation le plus abouti est le gaz carbonique. Entre le carbone et le gaz carbonique, il existe une multitude de formes plus ou moins oxydées, la plupart d’entre elles résultant de réactions du monde vivant.

    Le tableau I donne la chaleur produite par quelques formes du carbone. On remarque que la combustion d’une mole de méthane (CH4) produit environ deux fois plus de chaleur que celle d’un atome de carbone graphite : la raison est que pour le méthane, l’oxydation du carbone s’accompagne de celle de 4 atomes d’hydrogène. Celle d’une mole d’éthanol (C2H5OH) en produit plus de trois fois plus : en plus de l’hydrogène qu’elle contient, elle comprend deux atomes de carbone. Si on décompose la combustion du carbone en 

    1. production de monoxyde de carbone (CO),
      puis

    2. production de gaz carbonique, cette seconde combustion dégage à elle seule près des trois quarts de l’énergie produite par la combustion de carbone en gaz carbonique.

     

    MégaJoule/kg

    kWh/kg

    kiloJoule/mole

    Graphite

    33

    9

    394

    Méthane

    50

    14

    802

    Ethanol

    29

    8

    1 330

    Monoxyde de carbone

    10

    3

    283

    Tableau I : Chaleur spécifique de combustion de quelques formes de carbone

    Les réactions chimiques qui produisent du gaz carbonique dégagent de la chaleur.
    Inversement, pour réduire du gaz carbonique, il faut fournir de l’énergie. Ainsi, l’oxygène étant abondant à la surface de la terre, la totalité du carbone devrait à terme se trouver sous forme de gaz carbonique. Ce n’est pas le cas, à cause de la photosynthèse opérée par les végétaux terrestres, les algues et les cyanobactéries, par laquelle le gaz carbonique est réduit en hydrates de carbone selon la réaction simplifiée suivante :

    6 CO2 + 6 H2←→ C6H1206 + 6 O2 (1)

    C’est l’énergie lumineuse, par l’intermédiaire de la chlorophylle, qui permet cette réaction. La respiration, la mort des cellules et leur décomposition, ramènent le carbone de sa forme réduite à la forme stable gaz carbonique. Toutefois, localement, dans certaines niches où l’oxygène manque, une petite fraction de ces hydrates de carbone reste préservée de l’oxydation : c’est ainsi que se sont lentement formés les gisements de charbon et de pétrole au cours des ères géologiques, gisements que l’activité humaine exploite à une vitesse folle, réinjectant dans l’atmosphère le gaz carbonique des ères géologiques passées.

    2 - Les isotopes du carbone

    Le carbone comporte six électrons et six protons, et, sous sa forme la plus abondante (98,89 %), six neutrons, ce qui lui confère une masse atomique de 12. Environ 1,1 % des atomes de carbone contiennent sept neutrons : c’est le carbone 13. Ces deux isotopes sont stables, au contraire du troisième isotope, le carbone 14, radioactif, de période 5 730 ans, formé dans la haute atmosphère par substitution d’un proton par un neutron dans un atome d’azote. Lors de sa décomposition par radioactivité, le noyau du carbone 14 émet un électron, revenant ainsi à l’état du noyau d’azote.

    La plus ou moins grande abondance de ces isotopes n’a aucun effet sur le climat, mais témoigne de certains processus :

    • Les molécules de gaz carbonique qui ont un atome de carbone 13 sont plus lourdes et ont davantage d’inertie que celles, beaucoup plus nombreuses, qui ont l’isotope 12, et ont donc une probabilité moindre d’être captées par la réaction de photosynthèse. La matière vivante est donc de ce fait appauvrie en isotope 13 par rapport au milieu environnant, et cette particularité est préservée dans les gisements de charbon et de pétrole. De ce fait, lorsqu’on brûle du pétrole, les masses d’air contaminées par le gaz carbonique émis portent la signature de ce fractionnement isotopique ancien. Les mesures de concentration en 13CO2 dans l’atmosphère permettent de calibrer les modèles d’émission de gaz carbonique et de circulation atmosphérique.
       

    • Dans les années 60 ont eu lieu des expérimentations nucléaires dans l’atmosphère, qui ont émis de grandes quantités de carbone 14. Une part de ce carbone 14 a été oxydée en gaz carbonique 14CO2, qui s’est comporté comme 12CO2 ou 13CO2 et a pénétré les océans. La mesure de la concentration en carbone 14 en de nombreux points de l’océan, représentatifs de sa totalité, a permis d’estimer à 2,2 GT de carbone la part des émissions humaines absorbée chaque année par les océans.

    3 - L’absorption du rayonnement infra rouge par le gaz carbonique et les autres gaz à effet de serre

    Composées de deux atomes, les molécules d’azote et d’oxygène, qui composent la quasi-totalité de l’atmosphère, sont transparentes pour le rayonnement infra rouge, de longueur d’onde comprise entre 4 et 70 microns environ émis par la Terre. Mais l’atmosphère contient aussi, en quantité moindre, des gaz dont les molécules sont composées de trois atomes ou plus, qui absorbent ce rayonnement. Au premier rang d’entre eux, la vapeur d’eau, relativement abondante, mais en quantité variable. Elle correspond à un stade du cycle naturel de l’eau sur terre, et en première approche, on peut considérer que son rôle dans le transfert du rayonnement infra rouge n’est pas affecté par le changement climatique en cours. Il n’en va pas de même pour le gaz carbonique dont la concentration dans l’atmosphère augmente régulièrement du fait des activités humaines. Le spectre d’absorption du gaz carbonique présente des bandes dans lesquelles ce rayonnement est fortement absorbé, vers 4 et 15 microns notamment. Lorsqu’un photon infra rouge émis par la Terre est intercepté par une molécule de gaz carbonique, il est aussitôt réémis sous la forme d’un autre photon infra rouge, mais celui-ci, au lieu de s’échapper vers l’espace, a 50 % de chances d’être renvoyé vers la surface de la Terre qu’il contribue alors à chauffer. La chaleur additionnelle acquise par la surface de la Terre se propage dans l’atmosphère par conduction thermique et convection : c’est ce processus qui constitue l’effet de serre.
    Le gaz carbonique n’est pas le seul gaz à effet de serre dont l’activité humaine fait croître la concentration dans l’atmosphère. Le plus puissant est le protoxyde d’azote N2O, appelé aussi «gaz hilarant» émis principalement par l’usage d’engrais azotés en agriculture, mais aussi par certains procédés industriels : à concentration égale, le protoxyde d’azote absorbe environ 300 fois plus d’énergie infra rouge que le gaz carbonique. Le méthane, CH4, en augmentation lui aussi du fait des pratiques agricoles (l’élevage et les rizières) est lui aussi un gaz à effet de serre beaucoup plus puissant que le gaz carbonique (environ 90 fois). Enfin, les lourdes molécules d'halocarbures, certains utilisés autrefois, mais maintenant interdits, comme gaz réfrigérants, ont un énorme pouvoir absorbant et leur durée de vie dans l’atmosphère dépasse le millier d’années. Heureusement, ils sont en concentration très faible. L’effet de la présence de tous ces gaz dans l’atmosphère sur le climat dépend bien sûr de leurs concentrations respectives, mais aussi de leur durée de vie : une même quantité de gaz introduite dans l’atmosphère n’aura évidemment pas le même effet sur le climat selon qu’elle y persiste 100 ans ou 1 000 ans. Afin de pouvoir évaluer cet effet, on a donc introduit la notion d’équivalent carbone (tableau II). 1 kg de méthane, 90 fois plus puissant que le gaz carbonique en termes d’effet de serre, mais dont le temps de résidence dans l’atmosphère est très inférieur, aura le même effet que 25 kg de gaz carbonique où que 6,8 kg de carbone (1 kg de gaz carbonique contient 0,27 kg de carbone) ; on dit alors que 1 kg de méthane vaut 6,8 équivalents carbone.

     

    Temps de résidence approximatif dans l’atmosphère

    Équivalent carbone

    Gaz carbonique

    100 ans

    0,27

    Méthane

    12 ans

    6,8

    Protoxyde d’azote

    120 ans

    81,3

    Halocarbures

    Jusqu'à 50 000 ans pour certains

    34 à 6 220

    Tableau II : Propriétés des principaux gaz à effet de serre d’origine humaine

    Bien que le gaz carbonique soit beaucoup moins efficace en termes d'effet de serre que d’autres gaz, il est beaucoup plus abondant, et est responsable des trois quarts de l’effet de serre (voir figure 2).


     4 - Concentration et pression partielle de gaz carbonique et quelques raccourcis de calcul

    Dans l’atmosphère, la concentration en gaz carbonique s’exprime simplement en moles (ou parties) par million (ppm). Rapportée à tous les gaz de l’atmosphère cette concentration peut varier selon les ajouts ou la condensation de vapeur d’eau dont le temps de résidence dans l’atmosphère est assez bref. Aussi exprime-t-on cette concentration par rapport à de l’air sec. C’est ainsi qu’elle est représentée sur la figure 1.

    Une autre notion est importante car c’est elle qui détermine les échanges de gaz entre l’atmosphère et les océans : la pression partielle (pCO2). Dans l’atmosphère, si la pression atmosphérique est «normale» (760 mm de mercure, ou 1,01325 bar) et s’il n’y a pas de vapeur d’eau, la pression partielle s’exprime en microatmosphère (µatm) par le même nombre que la concentration en ppm. Dans les conditions usuelles, la pression partielle de gaz carbonique est égale au produit de la pression atmosphérique par la concentration de ce gaz dans l’atmosphère, vapeur d’eau comprise.
    Dans l’océan, la pression partielle de gaz carbonique est égale à celle mesurée dans un volume d’air équilibré avec l’eau de mer. Cette mesure n’a d’intérêt qu’à l’interface océan-atmosphère à travers laquelle se produisent les échanges gazeux, et où l’atmosphère est à la même température que la surface de l’océan et saturée en vapeur d’eau. Le flux de gaz carbonique se fait du milieu dans lequel la pression partielle est la plus élevée vers celui où elle est la plus faible, et est proportionnel à la différence de pression partielle, et à un coefficient d’échange qui dépend de la vitesse du vent.
    L’océan et l’atmosphère se côtoyant depuis «belle lurette», ces deux milieux se sont équilibrés, avec, toutefois, des écarts de pression partielle qui peuvent localement et saisonnièrement excéder 100 µatm selon la circulation océanique et les variations de température (cet équilibre, avant l’ère industrielle, se situait aux environs de 280 µatm). La pression partielle de gaz carbonique dans l’eau de mer varie en effet avec la solubilité de ce gaz, laquelle est surtout fonction de la température. Elle varie aussi selon l’état du H2O + CO2 ←→ H+ = HCO3- ←→ 2 H+ + CO32- (2)

    Un retrait de gaz carbonique (par photosynthèse par exemple, voir réaction (1) où un retrait de carbonate (CO32-, par fabrication de calcaire) déplaceront cet équilibre dans le sens d’une atténuation de la perturbation. Une écriture simplifiée de l’équilibre (2) met en évidence le comportement dominant des carbonates et permet de comprendre les variations de la pression partielle de gaz carbonique face aux perturbations ;

    2 HCO3- ←→ H2O + CO32- + CO2 (3)

    Ainsi, un déséquilibre dû à un apport de gaz carbonique dans l’eau, c'est-à-dire un ajout à la partie de droite de l’équilibre, actionnera cette réaction vers la gauche : le déséquilibre sera corrigé par la fabrication d’ions bicarbonate HCO3-, accompagnée d’une acidification de l’eau. Un retrait de carbonate CO32-, c'est-à-dire un retrait à la partie gauche, qui se produit lorsque des organismes fabriquent du calcaire entraînera par compensation une diminution des ions bicarbonate, et une augmentation du gaz carbonique dissous et par conséquent, de sa pression partielle. On appelle «carbone inorganique total» la somme gaz carbonique + carbonate + bicarbonate.

    Le calcul de ces équilibres est assez complexe, mais il existe des relations empiriques simples qui répondent aux questions qu’on se pose le plus fréquemment.

    La première permet de calculer la réponse de la pression partielle de gaz carbonique dans l’eau à une variation de température Δt :

    pCO2 (t + Δt) = pCO2 (t) (1+ 0,023 Δt) (4)

    Dit plus simplement, la pression partielle de gaz carbonique augmente de 2,3 % par degré.

    La seconde définit le «facteur de Revelle» comme le rapport de la variation relative de la pression partielle de gaz carbonique à la variation de la concentration en gaz carbonique + carbonates (TCO2) :

    F = (ΔpCO2 / pCO2) (ΔTCO2 / TCO2)-1 (5)

    Roger Revelle a cartographié ce rapport qui varie de manière très cohérente, dans l’océan (voir figure 3). On voit que la pression partielle de gaz carbonique se comporte comme un amplificateur des variations du contenu en carbone inorganique total de l’eau de mer (entre 1,8 et 2,5 mM/kg), variations qu’elle multiplie par 8 à 16 selon les zones de l’océan.


    Figure 3 : variation du facteur de Revelle dans l’océan mondial

    5 - Le cycle naturel du carbone : puits et sources de gaz carbonique

    Les principaux flux de gaz carbonique entre l’atmosphère d’une part, et les océans et les terres émergées d’autre part, résultent de processus physiques (dissolution, transport et diffusion) et chimiques (transformations, équilibre avec les carbonates), ainsi que de l’activité biologique (photosynthèserespiration). Le cycle dit « naturel » est celui, supposé stable, qui régnait avant l’ère industrielle, et mettait en jeu des sources de gaz carbonique égales aux puits.

    • Processus physiques et chimiques

      Aux échelles de temps qui nous préoccupent, les processus physiques et chimiques d’échange de carbone entre les terres émergées d’une part, et l’atmosphère et les océans d’autre part, sont très faibles (voir figure 4) : il s’agit essentiellement d’altération des roches (0,2 Gt/an), et d’apport de gaz carbonique dissous dans l’eau de pluie (0,2 Gt/an), ces deux termes étant rejoints par 0,4 Gt/an de gaz carbonique issu de la décomposition des litières végétales, le tout étant entrainé vers l’océan par les fleuves.
      Il n’en va pas de même entre l’atmosphère et l’océan dans lequel la dissolution du gaz carbonique, et son évasion sont à l’origine de flux importants (environ 70 Gt/an dans chaque sens). Pour l’essentiel, le flux d’évasion vers l’atmosphère est dû à des remontées d’eaux froides en surface, ce qui se produit surtout dans les zones d’upwelling tropicales ; ces eaux profondes qui sont riches en carbone inorganique total ont une pression partielle de gaz carbonique qui peut être bien plus élevée que celle de l’atmosphère, et cette différence est amplifiée par le réchauffement qu’elles subissent à ces basses latitudes où le rayonnement solaire est intense. L’absorption de gaz carbonique par l’océan s’effectue surtout aux hautes latitudes, lorsque les eaux qui dérivent vers les pôles, transportées par le Gulf Stream dans l’Atlantique nord ou par ses équivalents des autres bassins océaniques, se refroidit et voit donc sa pression partielle de gaz carbonique baisser et devenir inférieure à celle de l’atmosphère.
      D’autre part, les mouvements au sein de l’océan sont à l’origine de flux de carbone inorganique total du même ordre de grandeur (90 Gt/an de l’océan superficiel vers l’océan profond, 100 Gt/an dans le sens inverse). Ces flux sont dus au mélange turbulent entre l’océan superficiel peu concentré en carbone inorganique total et l’océan profond plus concentré, et aussi à des transports massifs, vers le bas dans les hautes latitudes où se forment les eaux froides profondes, et vers le haut aux basses latitudes.

    Figure 4 : Cycle global du carbone.

    Les principaux flux annuels de l’époque pré-industrielle sont indiqués par les flèches noires, en GtC an–1, et les flux ‘anthropogéniques’ par les rouges. Les contenus en carbone des différents compartiments sont indiqués en GtC dans les rectangles blancs, en noir pour les stocks naturels, en rouge pour les changements intervenus depuis le début de l’ère industrielle (établi pour les années 90, 4ème rapport du GIEC).

    • Processus biologiques

      Ces processus occasionnent des flux de gaz carbonique importants, que ce soit sur les terres émergées ou dans les océans, et leur bilan est à peu près nul, les flux de photosynthèse étant équilibrés par ceux de respiration et de dégradation de la matière organique : environ 120 Gt/an pour la vie terrestre (à l’origine des variations saisonnières dans l’atmosphère visibles sur la figure 1), et 50 Gt/an pour la vie océanique. La différence importante entre ces deux domaines est que sur les terres émergées, la matière organique qui résulte de la photosynthèse reste piégée dans les premières dizaines de cm du sol et au contact de l’atmosphère, tandis que dans l’océan, une partie des débris issus de la matière vivante sédimente vers l’océan profond et s’y décompose en libérant du gaz carbonique. C’est ce processus de sédimentation  de la matière vivante qui est à l’origine de la différence entre un océan de surface pauvre en carbone inorganique total et un océan profond riche.
      A noter dans l’océan un processus très lent et dont les résultats ne sont sensibles qu’aux échelles de temps géologiques : la biocalcification. Il s’agit de fabrication de pièces calcaires (CO32-, carbonate de calcium), coquilles de mollusques chez les Ptéropodes, ou coccolithes chez les algues microscopiques dites coccolithophoridés. Ces pièces calcaires sédimentent à travers la colonne d’eau, et celles qui parviennent à la surface du sédiment sans être totalement dissoutes retirent ainsi, peu à peu, du carbone au système océan – atmosphère – terres émergées. Paradoxalement, la biocalcification fait augmenter la pression partielle de gaz carbonique : on voit en effet qu’un retrait de carbonate de l’eau de mer actionne l’équilibre chimique (3) vers la droite, dégageant ainsi du gaz carbonique.

    6 - La perturbation anthropique et le cycle du carbone

    Depuis le début de l’ère industrielle, soit depuis 1860 environ, l’activité humaine utilise du carbone, sous forme de charbon, de pétrole ou de gaz, pour ses besoins en énergie. On a ainsi transformé en gaz carbonique, c'est-à-dire «brûlé» 244 Gt de carbone (voir figure 4), à raison de 6,4 GtC/an dans les années 90. Ce chiffre est maintenant largement dépassé : en 2012, ces émissions ont atteint 9,7 Gt, auxquelles s’ajoutent 0,4 Gt dues à la production de gaz carbonique lors de la calcination du calcaire dans la fabrication du ciment. S’y ajoutent également 1,6 Gt/an provenant d’un changement d’affectation des sols : lorsqu’une forêt est défrichée pour être transformée en champs, la biomasse constitutive de la forêt est brûlée et l’humus du sol est rapidement oxydé. Tous ces rejets de gaz carbonique dans l’atmosphère y font augmenter l’effet de serre naturel sont à l’origine du réchauffement global du climat. Cependant, une partie de ce gaz carbonique anthropique ne perdure pas dans l’atmosphère et est au contraire absorbée, selon deux processus principaux :
    D’une part, une atmosphère riche en gaz carbonique stimule la photosynthèse et est favorable à la croissance des végétaux terrestre. Ainsi, la biomasse des végétaux sur les terres émergées tend à augmenter, au taux estimé de 2,6 GtC/an.
    D’autre part, l’injection permanente de gaz carbonique dans l’atmosphère fait que la pression partielle de ce gaz est maintenue à une valeur supérieure à sa valeur moyenne dans l’océan, ce qui entraîne un flux additionnel de 2,2 GtC/an de l’atmosphère vers l’océan.
    Les émissions anthropiques excèdent donc largement les capacités d’absorption (2,6 + 2,2 = 4,8 GtC/an) des systèmes naturels, et la concentration en gaz carbonique de l’atmosphère ne cesse d’augmenter (figure 1).

    L’évolution de cette perturbation dépendra du rythme de nos émissions de gaz carbonique. Mais quel que soit ce rythme, la résorption de l’excès anthropique de gaz carbonique se fera surtout par l’océan et prendra beaucoup de temps : l’équilibre entre l’océan de surface (les 50 à 150 premiers mètres) et l’atmosphère s’établit assez rapidement, en six mois environ, puis est remis en question au fur à mesure que cet océan superficiel se mélange avec un océan profond dont le contenu en carbone inorganique total résulte d’un équilibre antérieur, préindustriel même en ce qui concerne l’océan très profond. On estime que si on stoppait totalement les émissions, il faudrait 30 ans pour en résorber la moitié, et que 50 ans plus tard, il en resterait encore 20 %.

    7 - Questions et menaces

    Un arrêt brutal des émissions de gaz carbonique n’est évidemment pas envisageable, et la concentration de ce gaz dans l’atmosphère continuera de croître. Les puits de carbone risquent alors de perdre en efficacité.

    L’entrée de gaz carbonique, un gaz acide, dans l’océan y augmente l’acidité et y réduit donc la solubilité de ce gaz. Cet effet apparaît dans les variations du facteur de Revelle (figure 3) qui est plus élevé aux hautes latitudes qu’aux basses. La raison en est que le gaz carbonique est plus soluble dans les eaux froides des latitudes élevées qui en contiennent donc davantage et sont (on constate déjà une acidification des océans) plus acides. Dans ces eaux, l’ajout d’une même quantité de gaz carbonique y entraînera une augmentation plus grande de la pression partielle de gaz carbonique. Au final, un océan qui a absorbé tout ou partie du gaz carbonique anthropique sera plus acide et aura une pression partielle de gaz carbonique plus élevée : ce sera à l’atmosphère de s’y ajuster.

    Un climat plus chaud peut s’avérer néfaste pour la végétation terrestre qui pourrait en souffrir. La capacité des écosystèmes terrestres à absorber une partie du gaz carbonique anthropique devrait alors diminuer, voire même s’annuler.

    Sous un climat plus chaud, la matière organique des sols sera oxydée plus rapidement, occasionnant un dégagement de gaz carbonique dans l’atmosphère. Ceci est spécialement préoccupant aux latitudes élevées où d’importantes quantités de carbone organique sont piégées dans les sols gelés (pergélisols) ou dans les tourbières, principalement sous forme de méthane.

    Enfin, jusqu’à preuve du contraire, les écosystèmes marins n’ont pas été affectés par le réchauffement climatique et ne jouent donc aucun rôle dans l’absorption du gaz carbonique anthropique (figure 4). Sous l’influence du réchauffement global, l’écart de température (et donc de densité) entre l’océan superficiel et l’océan profond devrait s’accroître, freinant les échanges turbulents entre ces deux couches, ou les remontées d’eaux profondes. Or, ce sont ces mélanges ou ces remontées qui fournissent les sels nutritifs nécessaires à la croissance des algues. Si la photosynthèse par ces algues diminue, ce n’est pas 11 GtC/an que cet écosystème émettra vers l’océan profond (figure 4), mais une quantité moindre, ce qui y ralentira l’exportation du carbone anthropique. On pourrait aussi assister à des modifications de cet écosystème marin sous ces nouvelles conditions, sans qu’il soit possible d’en prévoir dès maintenant les conséquences en termes de puits de carbone.

    Si les grands traits du cycle du carbone sont relativement bien connus, les flux indiqués sur la figure 4 sont des estimations et souffrent souvent d’une forte imprécision. Les éléments les mieux connus sont les stocks de carbone dans les milieux fluides : atmosphère et océan, au sein desquels les mélanges conduisent à une certaine homogénéité. Les émissions anthropiques de carbone sont elles aussi connues avec précision via les données sur la consommation de pétrole, de charbon et de gaz. Mais les flux entre les compartiments atmosphère, océans, et terres émergées sont très difficiles à estimer à cause de leur très forte variabilité dans l’espace et le temps. Mieux connaître ces flux et leurs variations est indispensable pour comprendre et prévoir l’évolution du système climatique. Ceci passe par des mesures sur le terrain bien plus nombreuses que ce qu’on a pu réaliser jusqu’à présent, et qui ne pourront être réalisées que dans le cadre d’une action internationale coordonnée.


    Voir aussi :

    FAQ :

    Quel est le rôle du gaz carbonique sur l'évolution du climat?

    Y a-t-il saturation de l'effet de serre?

    Dossier Climat :

    VII bis - Le cycle du carbone et le climat

  • Jacques Merle 

    La température moyenne de la surface de la Terre est, avec l’élévation du niveau moyen des océans, l’indicateur le plus pertinent du réchauffement climatique observé depuis le début de l’ère industrielle (aux environ de 1850), période où les premières mesures physiques de température ont été réalisées en routine par les services météorologiques pour les besoins de la prévision du temps.

    La communauté scientifique et le GIEC estiment que, depuis cette époque, le réchauffement est d’environ 0,8 °C. Cependant cet accroissement n’est pas uniforme, il présente une variabilité interannuelle importante et, surtout, il est marqué à long terme par des périodes prolongées où la température se stabilise ou même décroît pendant plusieurs décennies comme ce fut le cas entre 1940 et 1970. Plus récemment, depuis 1998, on observe une évolution semblable de la température de surface qui semble se stabiliser et marquer une pause, appelée généralement par les scientifiques et les media le «Hiatus» ou encore «La pause».

    Ce ralentissement thermique est déconnecté de l’accroissement des émissions anthropiques de Gaz à Effet de Serre (GES), tels que le dioxyde de carbone et le méthane. Les taux d’émissions de ces GES se maintiennent et même s’accroissent régulièrement pour atteindre maintenant (en 2015) dans l’atmosphère les valeurs les plus élevés que l’on ait pu observer depuis un million d’années, dépassant 400 ppm (parties par million). Comment alors expliquer cette absence momentanée de réponse thermique au forçage des GES, s’ils sont bien la cause du changement climatique ? Cette question est surtout brandie par des sceptiques qui voient là une occasion de semer le doute sur la réalité de la cause humaine du réchauffement actuel, mais elle touche presque tous les domaines de l’océanographie physique étant au cœur de l’interaction des deux enveloppes fluides qui entourent la Terre et dans laquelle nous vivons.

    Bien que les années 2014 et 2015 aient vu la reprise de la hausse de la température moyenne globale, ce hiatus thermique a suscité, et suscite encore en 2016, beaucoup de questions et de débats et alimente des controverses pouvant atteindre les milieux gouvernementaux de certains pays, comme récemment aux États Unis. Les «Climato-sceptiques», certes de plus en plus minoritaires, se sont jetés sur cet apparent événement qui démontrait, à leurs yeux, l’origine incomprise et donc naturelle plutôt qu'anthropique du réchauffement climatique. La vigueur de ces débats a suscité plusieurs centaines d’études qui se sont exprimées par des publications de qualité inégale mais touchant à de multiples domaines de la question climatique et impliquant principalement l’océan et l’atmosphère. Presque tous les sujets de recherche touchant aux relations entre ces deux milieux ont été abordés. Ils peuvent se résumer par la question : Comment l’océan absorbe et redistribue la chaleur générée dans l’atmosphère par les GES anthropiques ?
    Pour répondre à cette question générale un large éventail de questions secondaires se pose et détermine autant de chapitres :

    • Le hiatus existe-t-il vraiment ?

    • Quel est le rôle des forçages naturels comme le soleil ?

    • Quel est le rôle de la redistribution horizontale de chaleur par l’océan ?

    • Que sait-on du rôle de l’océan profond et du bilan énergétique de la Terre ?

    • Pourquoi cette question du hiatus a-t-elle pris une dimension politique ?

    • Que conclure ?

    Cette étude n’est pas une synthèse exhaustive de tous les points de vue scientifiques particuliers exprimés sur le sujet. On rassemble seulement les articles les plus significatifs exprimant un aspect de ce phénomène. Plus qu’un «review paper», c’est une invitation à la lecture à partir de références classées dont il s’agit. Dans chaque chapitre les articles sont classés dans l’ordre de leur citation dans le texte.

    1. Le hiatus existe-t-il vraiment?

    Le hiatus a commencé à être détecté et à intriguer la communauté scientifique autour des années 2010 où il devint visuellement apparent sur les courbes d’évolution de la température moyenne à la surface de la Terre (Fig 1). C’est probablement un article de Kevin Trenberth ( 1 - Trenberth 2009), dans lequel il évoquait la possibilité d’un refroidissement temporaire de la température de surface de l’océan et mettait en cause la méconnaissance que l’on avait du bilan énergétique de la Terre, qui alerta la communauté scientifique et prit rapidement une dimension polémique . Le graphique semblait montrer, depuis le pic thermique de 1998 consécutif à un puissant «El Niño», qualifié parfois de l’El Niño du siècle, un ralentissement du réchauffement, toujours en cours au moment de sa mise en évidence. Rapidement, autour de l’année 2010, deux camps s’opposèrent :

    1. Ceux qui s’interrogeaient sur des biais possibles introduits par des changements dans les instruments d’observation et avaient tendance à nier l’existence du hiatus.
    2. Ceux pour qui, au contraire, l’absence de corrélation apparente entre les concentrations de GES et la température était la preuve que le réchauffement n’était pas d’origine anthropique et s’acharnaient à clamer auprès des media la réalité de l’origine naturelle de ce hiatus.

    Parmi la première catégorie, la réaction de certains auteurs fut donc de mettre en doute et de corriger l’existence même de ce ralentissement du réchauffement en prenant en compte des biais possibles qui auraient été introduits par des changements d’instruments d’observation au cours du temps (2 -Lijing and Zhu 2014) ( 3 - Lyman and johnson 2014), ( 4 - Karl et al 2015). Ce dernier article de Karl et al est à l’origine d’une polémique entre des membres du sénat américain et la NOAA, évoqué plus en détail chapitre 5. D’autres auteurs ont tenté par des analyses statistiques poussées de mettre en évidence une éventuelle rupture dans la série temporelle qui matérialiserait le hiatus. Toutes ont échoué ( 5 - Foster and Abraham 2015) ( 6 - Rajaratnam et al 2015). C’est ce qui amena T. Mann ( 7 - Mann 2015) a évoquer : « le fantasme» de la pause climatique et à demander de bannir les termes de hiatus et de pause !

    D'autre part, les changements dans l’instrumentation ont été particulièrement marqués par le déploiement du réseau d’observations autonomes ARGO qui rend accessible à l’observation, à partir de 1998 justement, des régions jusqu’ici mal échantillonnées comme une partie de l’hémisphère sud et les régions polaires ( 8 - Wendel 2015). Avant ARGO la température de surface des océans était principalement estimée in situ à partir des observations des équipages des navires de commerce, avant que les observations spatiales, à partir des années 1970, apportent des données plus homogènes. Cependant cette connaissance de la température de surface de l’océan souffrit longtemps de son sous échantillonnage dans les mers du Sud et au voisinage des pôles que ARGO combla.
    ARGO délivre aussi une précieuse information sur l’océan profond (jusqu'à 2 000 mètres de profondeur) permettant d’estimer l’évolution du contenu thermique de l’océan par couches. ARGO a ainsi permis de comparer la répartition de la chaleur dans différentes couches sur la verticale avec la température de surface et de les confronter à des simulations de modèles. C’est ce que fit (9 – Meehl et al 2011) dans un des premiers articles à l’origine du questionnement sur le hiatus. À l’aide d’un modèle et de données Meehl montra que durant les périodes de ralentissement de l’accroissement de la température en surface (hiatus), la couche océanique des 300 premiers mètres absorbait moins de chaleur que les couches plus profondes, ce qui indiquait que le déficit thermique en surface était dû à une plongée rapide de la chaleur dans les profondeurs. Mais Durack (10 – Durack et al 2014) au contraire, montra, à partir d’observations satellites, que le réchauffement des 700 premiers mètres de l’océan est considérablement sous-estimé depuis 1970. En conséquence, d’après cet auteur, le hiatus apparent n’est qu’une conséquence de cette sous-estimation dû à un faible échantillonnage de l’hémisphère sud et à des méthodes d’extrapolation trop simplistes.
    Les observations profondes d’ARGO ont permis de mieux estimer l’évolution du contenu thermique de l’océan par tranches d’eau, (11- Roemmich et al 2006) et ainsi de corriger des biais dus aux profondeur maximales atteintes par les instruments de mesure antérieurs, qui ont évolué au cours du temps et sont à l’origine d’erreurs importantes dans le contenu thermique. De plus les méthodes d’interpolation trop sommaires des régions sous échantillonnées, affectent aussi considérablement l’estimation du contenu thermique et sa variabilité.
    Dans la deuxième catégorie on trouve des auteurs niant le ralentissement du réchauffement. Certains, prenant en compte le contenu thermique, cherchent à mettre en évidence une rupture statistique dans la série temporelle marquant l’évolution de la température. Peu de publications cependant montrent un hiatus marqué qui serait en désaccord avec les taux d’émissions de carbone fossile. Ce sont principalement des articles de presse, non répertoriés ici, qui rapportent les propos de scientifiques sceptiques quant à l’origine humaine du réchauffement. Ces opposants se manifestent principalement en tentant de montrer la prévalence des forçages naturels, notamment celle du Soleil, pour expliquer l’évolution de la température, incluant le réchauffement et sa pause.

    1 - Trenberth K. «An imperative for climate change planning : tracking Earth global energy», Current Opinion in Environmental Sustainability, 2009
    2 - Lijing Cheng and Jiang Zhu : «Artifacts in variations of ocean heat content induced by the observation system changes», JRL, 2014.
    3 - Lyman JM. And GC. Johnson : «Estimating Global Ocean Heat Content changes in the Upper 1800 m since 1950 and the influence of Climatology Choise», Journal of Climatology, 2014.
    4 - Karl T. et al : «Possible artifacts of data biases in the recent global surface warming hiatus», Science Express Reports, 2015.
    5 - Foster G. and J. Abraham : «Lack of evidence for a slowdown in global temperature», US CLIVAR Variations, 2015.
    6 – Rajaratman B. et al : «Debunking the climate hiatus«, Climatic Change, 2015.
    7 - Mann T. : «Le fantasme de la pause climatique», Revue Pour la Science, 2015.
    8 - Wendel J. : «Global Warming « hiatus » Never Happened Study says», Eos, 2015.
    9 - Meehl G A : «Model-based evidence of deep-ocean heat uptake during surface-temperature hiatus period», Nature Climate Change, 2011.
    10 - Durack P. J. et al : «Quantifying underestimates of long term upper-ocean warming», Nature Climate Change, 2014.
    11 - Roemmich D. : «Unabated planetary warming and its ocean structure since 2006», Nature climate change, 2015.

    2. Quel est le rôle des forçages naturels, tel que le soleil, pour expliquer le réchauffement et le hiatus?

    La question du rôle du Soleil dans le changement climatique actuel a été posée depuis le début de la prise de conscience de l’instabilité climatique, il y a plus de 40 ans. Une frange importante de scientifiques des sciences de l’environnement n’était pas convaincue de la responsabilité de l’homme dans le changement climatique. Ils partaient du principe que le Soleil a joué un rôle dans les variations climatiques à l’échelle des siècles, tels que l’optimum médiéval chaud (900 – 1 400 AD) du moyen-âge et le petit âge glaciaire qui a suivi (1 500 – 1 800 AD), et ils mettaient en avant des causes externes naturelles susceptibles de l’expliquer, comme surtout, le Soleil, et aussi l’activité volcanique, et les aérosols. En France les plus ardents propagandistes du rôle du Soleil dans le réchauffement climatique sont Vincent Courtillot et Jean Louis Le Moël. D’autres auteurs admettent l’influence du Soleil mais l’estiment mineure. Le débat est toujours en cours.
    Après un article initial (1 - Bard et Frank 2006) alertant la communauté scientifique sur le rôle possible du Soleil sur la variabilité du climat, on peut distinguer deux catégories d’articles :

    1. Les tenants d’une influence déterminante du Soleil sur la variabilité du climat ;
    2. Les tenants d’une faible influence du Soleil sur le réchauffement climatique.

    Parmi les tenants d’une influence déterminante du Soleil dans la variabilité du climat, une frange importante de scientifiques opérant dans les sciences de l’environnement n’est pas convaincue de la responsabilité de l’homme dans le changement climatique. Ils mettent en avant des causes externes naturelles susceptibles d’expliquer cette variabilité. Il est vrai que l’activité volcanique, les aérosols et surtout le Soleil ont une influence sur cette variabilité climatique. Ces partisans du tout Soleil sur la variabilité du climat (2 - Courtillot et al 2007), ( 3 - J-L Le Moël et al 2009), ( 4 - Scafetta et B. West 2008), ( 5 - A. Shapiro et al 2011) expliquent le hiatus actuel par le déclin de l'activité solaire, qui est à son plus bas niveau. En particulier V. Courtillot et ses coauteurs, dont Jean-Louis Le Moël, invoquent des corrélations entre des paramètres climatiques et les variations du magnétisme terrestre. Ils distinguent plusieurs échelles temporelles de variations, depuis l'échelle historique (10 - 100 ans), jusqu'à des échelles archéologiques (100 - 5000 ans) et (10 000 – 1 million d’années). Ils constatent aussi que les variations d'amplitude du géomagnétisme à l'échelle décennale sont fortement corrélées avec les évolutions du rayonnement solaire global et la température moyenne de la terre. Ils en concluent que le rayonnement solaire a été le forçage principal du climat jusqu'au milieu de la décennie 1980 où un réchauffement climatique très marqué supplémentaire s’est manifesté, le réchauffement anthropique actuel.

    Parmi les auteurs, qui reconnaissent une influence du Soleil, mais la jugent très minoritaire on peut citer : ( 6 - Foucal et al 2006), ( 7 - Duffy et al 2006), ( 8 - A. Shurer et al 2013), ( 9 - Stauning 2011), (10 Stauning 2015)
    Pour Foukal et al les variations de la luminosité globale sont trop faibles pour avoir accéléré le réchauffement global tel qui est observé aujourd’hui. Cependant une analyse approfondie de ces données d’observations spatiales détaillées a permis de faire avancer considérablement les connaissances fondamentales sur les changements de la luminosité solaire. Ces résultats nouveaux indiquent qu’il est peu vraisemblable que les changements de luminosité aient eu une influence déterminante sur le réchauffement global constaté depuis le 19ème siècle. Cependant Foukal reconnaît que des inconnues subsistent concernant le rôle de la partie ultraviolette du spectre et l’influence de la magnétosphère.
    Pour Schurer et al, le climat du dernier millénaire a été marqué, dans l’hémisphère nord, par des variations d’échelles décennales et centennales telles que le maximum thermique médiéval autour de l'an mil et le petit âge glaciaire à la fin du Moyen Âge. Un modèle permet de comparer l'empreinte climatique des périodes de hauts et de bas forçage solaire avec l’amplitude du changement thermique. Les auteurs trouvent que les changements de température de l'hémisphère Nord au cours du dernier millénaire n'ont pas été fortement influencés par les variations du flux radiatif solaire. Au contraire, depuis 1900, ce sont les éruptions volcaniques qui semblent avoir été le paramètre le plus important susceptible d'influencer le climat, et ceci dans le sens d’un refroidissement.
    Quant à Stauning, il a confirmé qu'il existe bien une corrélation entre le nombre de taches solaires et la température moyenne du globe. Cette corrélation est maximale avec un décalage de trois années dans la série des températures. Stauning démontre que la réduction de l'accroissement des températures observée depuis 1980 correspond au déclin de l'activité solaire actuelle. Sans cette réduction de l’activité solaire, la température moyenne du globe se serait élevée continûment au même taux que dans les années 1980. L'activité solaire est maintenant (en 2015) à son plus bas niveau depuis près d’un siècle et elle ne peut probablement pas baisser encore plus ; aussi, nous dit Stauning, la température moyenne de la terre va probablement rattraper son niveau d'accroissement d'avant 1980, effaçant ainsi le hiatus ; ce qui s’est produit à partir de 2015.

    1 - Bard E. et M. Frank : «Climate change and solar variability : What’s new under the Sun ?», Earth and Planetary Sciences Letters, 2006.
    2 - Courtillot V. et al : «Are there connections between the earth    ’s magnetic field and climate», Earth and Planetary Science Letter, 2007
    3 - Scafetta V. et B. West : «Is climate sensitive to solar variability»,
    4 - Le Moël et al : «Evidence for solar forcing in variability of temperature and pressure in Europe», Journal of Atmospheric and Solar-terrestrial Physics, 2009.
    5 - Shapiro A.I. et al : «A new approach to the long-term reconstruction of the solar irradiance leads to large historical forcing», Astronomy and Astrophysics, 2011.
    6 - Foukal P. et al, «Variation in solar luminosity and their effect on the Earth’s climate», Nature, 2006.
    7 - Duffy P. B. et al : «Solar variability does not explain late-20th-century warming», Physics Today, 2009.
    8 - Schurer A et al : «Small influence of solar variability on climate over the past millennium», Nature Geoscience, 2013.
    9 - Stauning P. : «Solar activity-climate relations : A different approach», Journal of atmospheric and solar-terrestrial physics, 2011.
    10 - Stauning P. : «Reduced solar activity disguises Global Temperature Rise», Atmospheric and Climat Sciences, 2013.

    3. Quel est le rôle de la redistribution horizontale de la chaleur par l’océan?

    Plusieurs dizaines d’articles se penchent sur les relations entre le réchauffement de la surface terrestre avec son hiatus et les oscillations thermiques, de périodes décennales, qui affectent principalement l’océan Pacifique. C’est ( 1 - Meehl et al 2013) qui ouvrent le débat avec un modèle qui leur permet de distinguer dans la variabilité du climat des causes externes et des causes internes au système climatique. Meelh indique que les périodes de baisse du réchauffement (hiatus) correspondent à la phase froide de la PDO « Pacific Decadal Oscillation ». ( 2 - Watanabe et al 2014) poursuivent dans ce sens en montrant que le hiatus est en relation avec la PDO et avec le refroidissement du Pacifique équatorial oriental lui-même généré par un renforcement des alizés. Cette relation entre le hiatus et le refroidissement du Pacifique équatorial en relation avec la PDO, les alizés et la circulation atmosphérique de Walker est étudiée par plusieurs auteurs : ( 3 - England et al 2014), ( 4 - Kosaka et Xie 2013 et 2015), ( 5 - Tokinaga et al 2012). Ils donnent une priorité au Pacifique et à l’intensification de la cellule de Walker pour expliquer le hiatus, ( 6 - Capotondi 2015) allant jusqu’à prévoir des décennies froides (La Niña) plus fréquentes et plus intenses ( 7 - Clement et Dinezio 2014). ( 8 - Kosaka et Xie 2013 ) avaient déjà noté en 2012 que le hiatus était consécutif à l’énorme El Niño de 1997 – 1998 suivi par une décennie beaucoup plus fraîche ( La Niña). Au contraire ( 9 - Tokinaga et al 2012) avaient montré qu’a l’échelle du siècle, depuis 1950, une tendance à l’affaiblissement de la circulation de Walker était nette. D’autres encore mettent en évidence les relations entre le hiatus avec l’océan Pacifique mais aussi l’océan Atlantique ( 10 - Mac Gregor et al 2014), ( 11 - Steinman et al 2015), ( 12 - Gleisner et al) et l’océan Indien (13 - Lee et al 2015), ( 14 - Vialard 2015), ( 15 - Nives et al 2015)

    1 - Meehl A. et al : «Externaly forced and internally generated decadal climate variability associated with the Interdecadal Pocific Oscillation», Journal of climate, 2013.
    2 - Watanabe M. et al : «Contribution of natural decadal variability to global warming acceleration and hiatus», Nature Climate Change, 2014
    3 - England M. H. et al : «Recent intensification of wind-driven circulation in the Pacific and the ongoing warming hiatus», Nature Climate Change, 2014.
    4 - Kosaka Y. and S. Xie : «Recent global- warming hiatus tied to equatorial Pacific surface cooling», Nature, 2013.
    5 - Douville H. et al : «The recent global warming hiatus : What is the role of Pacific variability ?», GRL, 20155 –
    6 - Capotondi A. : «Extreme La Nina events to increase», Nature Climate Change, 2015.
    7 - Clement A. and P. Dinezio : «The tropical Pacific Ocean back in the driver seat», Science, 2014.
    8 - Kosaka Y. and S. Xie : «Tropical Pacific influence on the recent hiatus in surface global warming», US CLIVAR Variations, 2015.
    9 - Tokinaga H. et al : «Slowdown of the Walker circulation driven by tropical Indo-Pacific warming , Nature, 2012.
    10 - Mc Gregor S. et al : «Recent Walker circulation strengthening and Pacific cooling amplified by Atlantic warming», Nature Climate Change, 2014.
    11 - Steinman B. et al : «Atlantic and Pacific multidecadal oscillation and northern hemisphere temperature», Science, 2015.
    12 - Gleisner H. et al : «Recent global warming hiatus dominated by low-latitude temperature trends in surface and troposphere data», GRL, 2014.
    13 - Lee S. K. et al : «Pacific origin of the abrupt increase in Indian Ocean heat content during the warming hiatus», Nature Geoscience, 2015.
    14 - Vialard J. : «Hiatus heat in the Indian Ocean», Nature Geoscience, 2015.
    15 - Nieves V., J. Willis and W. Patzert : «Recent hiatus caused by decadal shift in Indo-Pacific heating», Sciencexpress, 2015.

    4. Que sait-t-on du rôle de l’océan profond et du bilan énergétique de la Terre?

    Il y a seulement 30 ans les observations de l’océan profond (au-delà de 1 000 mètres de profondeur) étaient rares. Depuis cette époque le programme international WOCE (World Ocean Circulation Experiment) a partiellement comblé cette lacune. Mais le progrès le plus décisif a été obtenu avec le réseau ARGO qui maintenant permet d’obtenir une bonne couverture de l’océan mondial jusqu’à une profondeur de 2000 m.
    On a déjà noté chapitre 3 ( 9 - Meelh et al 2011) que c’est probablement Meelh qui le premier montra, avec des données et à l’aide d’un modèle, que sous le forçage d’un flux de un Watt par mètre carré au sommet de l’atmosphère, la couche océanique des 300 premiers mètres absorbait moins de chaleur que la couche plus profonde durant les périodes de ralentissement ou d’inversion du réchauffement (hiatus). Le déficit thermique de la surface serait donc dû à une plongée rapide de la chaleur dans les couches plus profondes lors des épisodes de hiatus. Plusieurs auteurs s’engagèrent dans cette direction de recherche et tentèrent d’évaluer à quelles profondeurs et où la chaleur qui manquait en surface s’était stockée plus profondément durant un hiatus ( 1 - Chen et Tung 2014), ( 2 - Balmaseda et al 2013). Une synthèse de cette question fut donnée par ( 3 - Purkey et al 2015).
    Mais certains auteurs ne détectent pas cette plongée rapide de la chaleur au détriment de la couche superficielle durant un hiatus ( 4 - Liovel et al 2014), ( 5 - Cole et Buis 2014), ( 6 - Foster et Abraham 2015). Ils mettent en évidence la difficulté de mesurer avec précision le contenu thermique des couches profondes de l’océan, qui nécessiterait des observations de température approchant le millième de degré C.
    C’est ce qui amène certains, et parmi eux principalement encore Kevin Trenberth, à s’interroger sur l’irritante question de la chaleur manquante dans le bilan énergétique de la Terre. La question fut posée dès que le hiatus fut mis en évidence ( 7 - Trenberth et Fasullo 2011), mais elle prit toute son importance lorsque l’actualité projeta le hiatus à la une des media (8 - Hansen et al 2011), ( 9 - Schmidt et al 2014), ( 10 - Tollefson 2014), ( 11 - Johnson et Lyman 2014), et encore ( 12 - Trenberth et al 2014).

    1 . Chen X. and Tung K.K. : «Varying planetary heat sink led to global warming slowdown and acceleration», Science, 2014)
    2 . Balmaseda MA. KE. Trenberth, E. Källen : «Distinctive climate signals in reanalysis of global ocean heat content», AGU, 2013
    3 . Purkey S. et al : «Warming the abyss : The deep ocean’s contribution to global warming», US Clivar Variations, 2015.
    4 . Liovel W. et al : «Deep-ocean contribution to sea level and energy budget not detectable over the past decade», Nature Climate Change, 2014.
    5 . Cole S. and A. Buis : «NASA study finds Earth’s ocean Abyss has not warmed», NASA News, 2014.
    6 . Foster G. and J. Abraham : «Lack of evidence for a slowdown in global temperature», US CLIVAR Variations, 2015.
    7 . Trenberth KE. And JT Fasullo «Tracking Earth’s energy : from El Nino to global warming», Surv Geophys, 2011.
    8 . Hansen J. et al : «Earth’s energy imbalance and implications», Atmospheric Chemistry and Physics, 2011.
    9 . Schmidt GA. et al : «Reconcilling warming trends», Nature Geoscience, 2014.
    10 . Tollefson J. : «The case of the missing heat», Nature, 2014.
    11 . Johnson GC. And JM. Lyman : «Where’s the heat ?», Nature Climate Change, 2014.
    12 . Trenberth K. et al : «Earth energy imbalance», Journal of Climate, 2014.

    5. Le hiatus prend une dimension politique inattendue

    Le président du comité scientifique du Congrès américain «Committee on Science, Space and Technology – US House of Reptesentatives» s’est ému de la publication d’un article, déjà mentionné chapitre 1 (4 - Karl et al, 2015), mettant en évidence une sous-estimation dans le dernier rapport du GIEC du réchauffement à travers une ré-analyse de l’ensemble des données de température de la surface de la Terre. Karl, chercheur à la NOAA, a produit un nouveau jeu de données corrigé, et conclut de cette analyse que ces résultats ne soutiennent pas la notion de “slowdown” de la croissance de la température. En d’autres termes, pour Karl (?), et en réponse aux interrogations posées par une partie de la communauté scientifique, le hiatus n’existe pas.
    Cette affirmation a soulevé une tempête parmi les scientifiques proches des lobby soutenant l’exploitation des énergies fossiles carbonatées. D’où une demande de clarification de la part du président de ce comité scientifique du congrès auprès de la présidente de la NOAA, exigeant la délivrance des données brutes (ce qui n’est pas coutumier dans le milieu scientifique), avant leur retraitement par Karl soupçonné de manipulation illicites de données. L’affaire a fait grand bruit aux USA au sein du congrès et dans les media. En janvier 2016 elle n’est toujours pas éteinte.

    6 . Conclusions

    Les conclusions actuelles (décembre 2015) sur le hiatus peuvent être reprises de celles des deux scientifiques les plus en pointe sur la question, Kevin Trenberth et Gerald Meehl et résumées ainsi :

    Trenberth fait le point des connaissances à la mi-2015 sur la question du hiatus. Il critique d’abord l’étude de Karl et al (chapitres 1 et 5) pour qui il n’y a pas de ralentissement perceptible de l’élévation de la température pour la période 2000-2014 si l’on prend en compte des jeux de données légèrement ajustés et corrigés de biais évidents appliqués à l’ensemble de la période 1950 – 1999.

    Trenberth lui objecte que sa période de référence 1950 – 1999 inclut une partie d’un hiatus plus ancien, bien marqué celui-là, appelé par certains «The big hiatus» ayant affecté l’ensemble de la Terre au cours des années 1940 à 1970. Trenberth note aussi malicieusement que l’existence du hiatus des années 2000 dépend de la façon dont l’enregistrement des températures est partitionné en incluant ou non dans la série temporelle analysée l’année 1998 exceptionnellement chaude à la suite de l’El Niño de 1997-98 !
    Pour Trenberth, la variabilité interannuelle de la température de surface de la Terre est en partie pilotée par El Niño et l’oscillation australe du Pacifique équatorial. L’année 1998 est la plus chaude observée depuis que des enregistrements météorologiques physiques existent (Cependant 2015 a été plus chaud que 1998), correspond à l’El Niño du siècle de 1997-98. Durant cet El Niño exceptionnel, les eaux chaudes couvrirent presque entièrement la surface du Pacifique tropical et nourrirent l’atmosphère en énergie sous forme de chaleur latente liée à l’intense évaporation. Cette chaleur latente d’évaporation, prise à l’océan, contribua à le refroidir durablement pendant plus de dix années, de 2000 à 2014, donnant au Pacifique équatorial l’apparence d’un phénomène La Niña presque permanent avec des alizés intensifiés.

    Trenberth met ainsi en évidence une variabilité quasi décennale dans le Pacifique qui peut être rattachée à la PDO «Pacific Decadal Oscillation» elle-même intégrable dans l’IPO «lnterdecadal Pacific Oscillation». Ce refroidissement prolongé du Pacifique équatorial peut expliquer le refroidissement du hiatus. Pour Trenberth la PDO est l’élément essentiel qui pilote les deux hiatus connus du XXème siècle. On a vécu depuis 2000 le pôle négatif (froid dans le Pacifique équatorial) de la PDO. On entre maintenant, en 2015, avec le gigantesque El Niño qui se développe actuellement sur l’ensemble du Pacifique équatorial, dans un pôle chaud de la PDO, ce qui devrait définitivement éteindre dans l’immédiat toutes manifestations d’un improbable hiatus.

    Trenberth règle aussi leur compte aux partisans des forçages externes et du tout Soleil qui, selon eux, serait susceptible d’expliquer le hiatus. Certes il admet qu’il existe des forçages externes qui peuvent contribuer à réduire le réchauffement anthropique comme les éruptions volcaniques, les aérosols et la variation naturelle du flux radiatif solaire. Mais, pour lui, leur contribution totale est minoritaire (moins de 20 %) et ces forçages peuvent jouer dans les deux sens. Ainsi, les aérosols émis dans l’atmosphère par l’activité industrielle très polluante des années 1945 – 1970 ont pu atténuer le flux radiatif solaire incident et freiner ainsi le réchauffement expliquant le hiatus 1945-1970. Mais, après les réglementations internationales prises à partir de 1970 dans les pays développés pour réduire leurs émissions d’aérosols, leur rôle joua dans l’autre sens.

    Meehl présente une synthèse des connaissances (en 2015) sur la variabilité de la température moyenne de surface de la Terre et le hiatus qui complémentent les perspectives et les hypothèses de Trenberth exposées précédemment. Incontestablement les variations à long terme (plus de 50 ans) de cette température moyenne du globe sont dominées par le réchauffement induit par les émissions de gaz à effet de serre de l’humanité. Cependant superposé à cette tendance à long terme on observe une variabilité décennale illustrée par le hiatus. Toutes les questions et les polémiques qui ont été soulevées pour l’expliquer ont contribué à étudier et mieux comprendre cette échelle de variabilité décennale. Meehl a pu mettre en évidence une relation entre le hiatus et la phase négative de la PDO «Pacific Decadal Oscillation». Lorsque celle-ci affecte le Pacifique équatorial par des températures un peu inférieures à la moyenne, le taux d’accroissement de la température moyenne de la surface de la Terre est moins élevé qu’en moyenne (0,11 degré C durant un hiatus pour 0,18 degré C en moyenne générale depuis 1900). Généralisant ce concept, Meehl l’applique à l’ensemble de la série temporelle disponible et fiable, c'est-à-dire corrigée de ses biais dus aux évolutions des instruments de mesure (principalement le réseau ARGO) et montre qu’il y a eu dans le passé de nombreuses périodes où le taux d’élévation de la température a ralenti étant marqué par une phase négative de la PDO.
    Meehl note également que beaucoup d’efforts ont été déployés pour trouver des explications à ces processus non seulement pour identifier une composante décennale dans la variabilité du climat mais aussi et surtout pour en comprendre le mécanisme profond. Certains auteurs, nous dit Meehl, ne sont pas allé très loin au-delà d’une formulation très générale impliquant la variabilité intrinsèque du système climatique pour expliquer les hiatus. Mais Meehl lui-même a franchi un pas important en mettant en évidence, à l’aide d’un modèle pour la première fois, que les décennies hiatus correspondaient à un accroissement du contenu thermique des couches océaniques au- dessous de 300 mètres de profondeur, alors qu’au-dessus le contenu thermique diminuait, ce qui indiquerait que durant les périodes à hiatus il existerait un enfouissement de la chaleur dans les profondeurs océaniques.
    Un autre fait d’observation important est relatif à la répartition par océan de cet enfouissement de la chaleur en profondeur. Les alizés du Pacifique sont très intenses durant les pôles négatifs de la PDO comme ce fut le cas au cours du hiatus 1998 – 2012, mais la quantité de chaleur qui est absorbée au-delà de 300 mètres de profondeur dans le Pacifique est seulement la moitié du total. L’autre moitié serait absorbée par l’AMOC de l’océan Atlantique (Atlantic Meridional Overturning Circulation), ainsi que par l’océan Indien sud et l’océan austral. Meehl reconnaît que beaucoup d’inconnues demeurent notamment en ce qui concerne la redistribution de la chaleur dans l’océan profond et sa répartition par océan.

    1 - Trenberth K. : «Has there been a hiatus ?», Sciences, 2015.
    2 - Meehl G. : «Decadal climate variability and the early-2000s hiatus», US CLIVAR Variations, 2015

  • Michel Petit avec la participation du Club des Argonautes

    Certains climato-sceptiques ont mis en avant l'argument : «L'atmosphère étant déjà opaque pour le rayonnement infrarouge, l'ajout de nouveaux gaz à effet de serre (GES) ne change rien et ne peut provoquer un accroissement de température.» Cette assertion est fausse car elle oublie que les GES non seulement absorbent, mais également émettent du rayonnement infrarouge. Le phénomène de l'effet de serre et l'absence de sa saturation quand on augmente la concentration des GES dans l'atmosphère peuvent être décrits de la façon suivante.

    La température d'une planète est déterminée par l'équilibre entre l'énergie du rayonnement solaire qu'elle absorbe et le rayonnement infrarouge qu'elle émet. Au voisinage du sol, la densité de l'atmosphère terrestre est telle que la concentration des gaz à effet de serre (GES) qu'elle contient ne permet pas aux photons infrarouges émis par la surface de la Terre ou par les GES de l'atmosphère qui absorbent, mais aussi émettent du rayonnement infrarouge, de s'échapper dans l'espace. Ce n'est qu'à partir d'une altitude suffisante, dite altitude d'émission, que la densité des GES devient suffisamment faible pour que ces photons puissent s’échapper. Cette altitude croît avec la concentration des GES.

    Si on ajoute dans l’atmosphère des GES, l'émission infrarouge diminue, car la température de l'atmosphère décroît avec l'altitude et tout corps émet d'autant moins d'énergie que sa température est plus basse. Par conséquent, durant une phase transitoire, la Terre émet moins d'énergie qu'elle n'en reçoit et tend à se réchauffer. L'augmentation progressive de température de la surface se propage immédiatement vers le haut. Cet accroissement cesse lorsque la nouvelle altitude d'émission retrouve la température qui lui permet de rayonner une énergie égale à l'énergie solaire absorbée.

    Le temps nécessaire pour atteindre ce nouvel équilibre dépend de la capacité calorifique de l'océan, du sol, de l’atmosphère et de la vitesse de fonte des glaciers, des calottes polaires et de la banquise. Son ordre de grandeur est de plusieurs décennies.

    Ce processus peut se répéter indéfiniment, ce qui montre que l'argument évoqué en introduction ne prouve rien.

    Seuls des calculs complexes tenant compte du profil des raies d’absorption et des échanges d'énergie au sein de l'atmosphère peuvent permettre, au moyen d'ordinateurs puissants, de préciser le transfert du rayonnement infrarouge dans l'atmosphère et de quantifier précisément l’ampleur du réchauffement. Un élément important est que les photons émis par chaque couche de l'atmosphère le sont dans toutes les directions, ce qui explique qu'une partie de l'énergie du rayonnement infrarouge de la surface (sol ou eau de mer) lui est restituée par la présence des GES dans l'atmosphère.

    Voir aussi :

    Dossier climat, chapitre VI : L'Effet de Serre

  • Jacques Merle

    I - Le rôle de l'océan dans le climat

    Le système climatique est une machine qui convertit et distribue l’énergie solaire que la Terre absorbe soit 240 W/m2 environ.

  • Michel Petit

    Les chercheurs analysent.

    Une planète (ou un satellite) sans atmosphère (la Lune par exemple) atteint un équilibre thermique lorsque le rayonnement solaire absorbé par sa surface est équilibré par le rayonnement infrarouge émis par celle-ci. Ce rayonnement dépend de sa température de surface qui s'ajuste de façon à ce que l'énergie rayonnée soit égale à l'énergie absorbée.
    Par contre, la planète est entourée d'un édredon isolant , lorsqu'elle est dotée d'une atmosphère contenant des constituants atmosphériques même éventuellement minoritaires, tels que la vapeur d’eau, le méthane, le gaz carbonique, etc... qui absorbent et réémettent l’infrarouge thermique (IRT), et sont appelés «Gaz à Effet de Serre (GES)». Ce nom a été choisi parce que les vitres des serres de jardinier absorbent le rayonnement infrarouge et laissent passer le rayonnement visible ; ce phénomène ne joue cependant pas un rôle essentiel dans la chaleur qui y règne. Dans l'atmosphère, un photon infrarouge émis depuis le sol vers le haut est absorbé par une molécule qui passe alors dans un état excité. Mais, cet état est instable et en revenant sur son état fondamental, la molécule émet un nouveau photon de même fréquence (donc de même énergie) qui est émis dans une direction aléatoire. Certains de ces nouveaux photons se dirigent vers la haut, mais d'autres retournent vers la surface du sol et de la mer qui s'en trouve réchauffée. Toutefois, au-dessus d'une certaine altitude (hauteur d'émission), lorsque la quantité de GES qui reste à traverser devient suffisamment faible pour qu'elle cesse d'absorber l'IRT, l’atmosphère envoie vers l’espace l’infrarouge thermique qu'elle émet. Lorsque la concentration en GES augmente, cette hauteur d'émission augmente elle aussi. Comme la température de l'atmosphère décroit avec l'altitude, la différence entre la température au sol et celle des couches dont s'échappe le rayonnement IRT croit avec la teneur en GES. Cette température d'émission est imposée par l'équilibre énergétique à assurer avec le rayonnement solaire absorbé ne dépend pas de la concentration en GES ; la température au sol augmente donc avec la teneur en GES de l'atmosphère.

    En moyenne annuelle, la Terre reçoit du Soleil, un flux de 342 Watt/m2, (dont 92 % dans la partie visible et proche infrarouge et 8 % dans l'UV). Compte tenu de l'albédo terrestre de 0,313, un (petit) tiers de ce flux incident (107 W/m2), est réfléchi par les nuages ou par la surface du globe; il est directement renvoyé dans l'espace.

    Les deux tiers restants (235 W/m2) sont absorbés par l'atmosphère (67 W/m2), par l'eau des mers et océans, et par les continents (168 W/m2).

    Figure 9 : Échanges d'énergie entre la surface terrestre et l'atmosphère par rayonnements ou par transferts de chaleur.

    L’océan et les continents émettent un rayonnement fonction de leur température, dans le spectre de l'infrarouge thermique (IRT, autour de 10 µ de longueur d'onde). L’établissement d’un équilibre thermique, en dépit de cet apport continu d'énergie solaire, implique que ce rayonnement infrarouge thermique émis par notre Planète vers l’espace soit égal aux 235 W/m2 reçus dans le visible et le proche infrarouge. Sans gaz à effet de serre, la température moyenne d’équilibre à la surface de la Terre serait bien plus basse : seulement 255 °K , soit -18 °C, au lieu de +15 °C (sachant qu’une surface à -18 °C émet 235 W/m2 ce qui équilibre l'énergie du rayonnement solaire visible absorbé …). Néanmoins, étant un corps à température proche de 15 °C, la surface terrestre émet 390 W/m2 (en moyenne) dans l’IRT et seulement une part de cette énergie s'échappe dans l’espace, à cause de l'effet de serre provoqué par la présence dans son atmosphère de GES, vapeur d'eau et dioxyde de carbone essentiellement, en quantité faible mais suffisante pour avoir un effet important.

    Ce phénomène existe depuis des millénaires. Plus récemment, depuis le début de l'ère industrielle, son ampleur a été accrue par l'utilisation intensive de combustibles fossiles qui a engendré un dégagement massif croissant de gaz carbonique (environ 30 milliards de tonnes par an, en ce début de 21ème siècle).

    Près de la moitié de ce gaz à Effet de Serre s'accumule dans l'atmosphère, tandis que l'autre moitié est absorbée par l'océan ou par photosynthèse de la végétation continentale. L'augmentation de la teneur en CO2 de l'atmosphère constitue le principal facteur du Changement Climatique en cours.

    Voir aussi :

    Quels sont les gaz à effet de serre ? Article de Jean-Marc Jancovici.

    Y a-t-il saturation de l'effet de serre?

    Quel est le rôle de l'océan dans le changement climatique anthropique?

    Vers un futur équilibre du climat?

    Dernière mise à jour : janvier 2017

  • Au regard de l’évolution de la pensée scientifique, météorologie et climat sont à l’origine antinomiques :

  • François Barlier avec le concours des membres du Club des Argonautes

    Introduction

    La manière dont tourne la Terre dépend de la façon dont elle est faite. Observer la rotation de la Terre permet en retour d’avoir des informations fondamentales sur la constitution de la Terre et sur son évolution liée à la redistribution spatiale et permanente des masses et de leur quantité de mouvement. En effet la Terre n’est pas un corps solide ; c’est un corps élastico-visqueux fait de couches concentriques de différentes compositions :

    • une graine solide,
    • un noyau liquide,
    • un manteau visqueux,
    • une couche solide, la lithosphère
    • et la croûte terrestre,

    le tout entouré d’une couche liquide, les océans, et d’une couche gazeuse, son atmosphère. De nombreuses interactions et échanges, très complexes et variables au cours du temps, existent entre les différentes couches.
    On observe notamment une redistribution des masses et des échanges de quantité de mouvement en relation notamment avec des phénomènes météorologiques, climatologiques, océanique, hydrologique.

    Comment cela impacte la rotation de la Terre est une question qui est abordée ci-dessous.

    Les paramètres de la rotation de la Terre

    La rotation terrestre est caractérisée par un axe instantané de rotation qui se déplace sur la croûte terrestre (c’est le mouvement du pôle) et dans l’Espace (c’est le mouvement de précession-nutation).

    L’Espace est défini par le système de références célestes, lICRF ou International Celestial Reference Frame adopté par les instances internationales, astronomiques, géodésiques, géophysiques.

    La rotation est aussi caractérisée par la vitesse de rotation de la Terre autour de cet axe, vitesse qui est variable mais qui définit la longueur du jour (la LOD ou - Length Of Day-). Comme on le sait en accord avec la mécanique d’un solide en rotation, ces cinq paramètres ne sont pas strictement indépendants, mais les nouvelles techniques d’observation, notamment spatiales, permettent de les déterminer séparément de manière très avantageuse et avec une très grande précision (environ : 0,007 milliseconde de temps - noté ms - et 0,1 milliseconde de degré d’arc ou milli-arcseconde - noté mas -).

    La vitesse de rotation de la Terre autour de son axe principal

    La vitesse de rotation de la Terre n’a jamais été constante au cours des temps géologiques ; elle a décru continuellement en moyenne mais avec cependant des fluctuations importantes tantôt un peu plus rapide que sa valeur moyenne, tantôt au contraire un peu plus lente. Il en résulte que la durée du jour n’a jamais non plus été constante. Quand la Terre tournait sensiblement plus vite, il y a quelques centaines de millions d’année, la durée du jour était ainsi beaucoup plus courte, elle était d’environ 22 heures il y a 350 millions d’années ; ce faisant le nombre de jours dans l’année correspondant au temps nécessaire au mouvement de la Terre autour du Soleil était plus grand, aux environs de 400 jours. On peut noter que ceci est compatible avec une décroissance moyenne de 2 ms par siècle de la durée du jour sur ces temps géologiques, comme on a pu l'estimer en comptant les stries quotidiennes dans les anneaux de croissance annuels des coraux fossiles sur ces temps géologiques.

    La vitesse de rotation de la Terre dépend de plusieurs facteurs tels que :

    • le caractère élastico-visqueux de la Terre et l'attraction gravitationelle de la Lune qui la ralentissent (phénomène de marée),
    • le rebond post glaciaire qui l'accélère,
    • le mouvement des milieux fluides que sont l'atmosphère, l'océan, les glaciers et les cours d'eaux,
    • les effets saisonnier ou interannuel comme le phénomène El Niño.

    Ces éléments inter-agissent entre eux et peuvent même se neutraliser à certaines périodes.

    L'origine de la décroissance séculaire de la vitesse de rotation de la Terre est désormais assez bien comprise. La Terre étant un corps élastico-visqueux, l'attraction gravitationnelle de la Lune crée un bourrelet autour de la Terre dont l’axe n’est pas strictement aligné avec la direction de la Lune, ce qui serait le cas si la Terre était un corps parfaitement élastique. Il y a un petit angle de déphasage entre les deux axes qui génère un couple de freinage réduisant progressivement la vitesse de rotation de la Terre, et ce faisant, en accord avec les lois de la mécanique céleste, freine aussi progressivement la vitesse du mouvement de la Lune autour de la Terre, Lune qui s’éloigne ainsi de la Terre au rythme actuel de 3,8 cm/an. Dans le langage de cette mécanique, on dit alors qu’il y a transfert du moment cinétique de rotation de la Terre au moment cinétique du mouvement de la Lune autour de la Terre, car on peut considérer que le moment cinétique total de l'ensemble est conservé. Ceci s’accompagne aussi automatiquement au sens de cette mécanique d’une diminution de l’énergie cinétique de rotation de la Terre sur elle-même. Pendant longtemps les astronomes et les géophysiciens se sont demandés où pouvait se trouver dissipée cette énergie car une première explication, correcte mais insuffisante, donnait la dissipation des marées lunaires dans les mers peu profondes mais cela ne pouvait expliquer qu’une partie de cette dissipation d’énergie. Les mesures du niveau des mers par altimétrie spatiale (mission spatiale franco-américaine TOPEX/Poséidon lancée en 1992) ont apporté la solution : les marées lunaires (en fait les marées luni-solaires) se dissipent également dans des mers profondes contre les dorsales océaniques en engendrant des ondes internes. Ces ondes ont une signature altimétrique très faible en surface de l’ordre du centimètre ; on croyait au départ qu'il n’était pas possible de la mesurer mais cela a été fait.

    L’interprétation des données d’observation de la LOD montre qu’un autre phénomène doit aussi être pris en compte pour comprendre correctement les variations à très long terme de cette LOD ; il s’agit du rebond post glaciaire lié à la déglaciation de la Terre qui a eu lieu principalement dans les régions septentrionales de latitude élevée ; cette déglaciation a commencé il y a environ 20 000 ans, mais elle se traduit encore aujourd'hui par une lente remontée continue de l'altitude de certains pays nordiques au-dessus du niveau de la mer (en prenant en compte l'augmentation du niveau moyens des mers) ; elle est notamment bien mise en évidence dans les pays scandinaves. Au niveau de la Terre considérée globalement, ceci se traduit par une redistribution des masses autour de l’axe principal d'inertie de la Terre avec une lente diminution séculaire de l’aplatissement de la Terre qui devient progressivement moins aplatie au pôle ; globalement il y a un transfert de masses des régions de basses et moyennes latitudes en direction des régions polaires ; il génère ainsi une diminution du moment principal d’inertie et donc d’après les lois de la mécanique, il génère une augmentation de la vitesse de rotation de la Terre. Ce phénomène est en opposition avec le premier phénomène lié au freinage de la rotation par les marées qui génère au contraire une diminution de cette vitesse de rotation. On peut penser pour comprendre ce genre de phénomènes au patineur qui rapproche plus ou moins ses bras de son corps pour tourner plus ou moins vite. La diminution de l’aplatissement est équivalente à ce phénomène. D’une valeur théorique de l’augmentation séculaire de la LOD de 2,3 ms/siècle due au phénomène de dissipation de la marée lunaire, on peut en déduire une nouvelle valeur corrigée de la LOD soit environ 1,8 ms/siècle. Cette valeur est de fait plus proche de ce qui peut être observé aujourd'hui ; ainsi à partir d’une série de l’IERS (International Earth Rotation Service à l’Observatoire de Paris/ département du Syrte) de 1830 à 2015- la série dénommée "C 02" de l’IERS – on estime l’augmentation de la composante séculaire de la LOD à environ 1,5 ms/siècle pour cette période et cette série. Cependant, on observe en même temps de grandes fluctuations de plusieurs millisecondes de la LOD à caractère multidécennal ce qui gêne l'estimation exacte de la composante séculaire (figure 1 ci-dessous).

    Figure 1 – Variation de 1830 à 2000 de la durée du jour (LOD) (d’après l’IERS-Syrte- Observatoire de Paris, série C 02). On observe bien une tendance à la croissance de la LOD qui croit sur cette figure selon un rythme proche de 1,5 ms/siècle.

    Un point complémentaire doit être donné maintenant. La variation séculaire de l’aplatissement terrestre déterminée aujourd'hui par télémétrie laser avec grande précision est une autre façon d'estimer la composante séculaire de la LOD ; elle confirme ses résultats ; comme on l'a dit, il y a en effet une relation physique entre la LOD et la variation de l’aplatissement de la Terre. Cette variation temporelle peut être déterminée avec grande précision par des mesures de télémétrie Laser sur les satellites comme Lageos, Starlette ; la comparaison de la LOD avec cette dernière permet alors de confronter et de conforter les résultats obtenus sur des principes très différents et d'assurer une bonne fiabilité des résultats.

    À partir de différentes analyses de la LOD, on peut observer en plus de ce qui a été dit des écarts entre observation et modélisation qui traduisent des variations, soit à caractère irrégulier de la LOD, soit à caractère multidécennal (plusieurs dizaines d’années) ; l’amplitude relative de ces variations peut atteindre plusieurs millisecondes et parfois beaucoup plus et peut être attribuée pour partie après analyses et discussions à des couplages noyau-manteau ; il y a des échanges de moments cinétiques entre le manteau et le noyau liquide, soit par un couplage de nature électromagnétique ou par un lien avec la topographie de la frontière noyau-manteau ; on ne sait malheureusement pas encore très bien les modéliser et bien les comprendre et l’impact exact reste un problème ouvert. À noter que dans ces analyses, il est nécessaire de prendre en préalable en compte tout ce qui peut être bien connu par ailleurs. Ainsi on sait modéliser les variations induites par les composantes zonales des marées luni-solaires qui doivent donc être prises en compte a priori, et cela pour pouvoir ensuite estimer le plus correctement possible les contributions d’autres sources géophysiques envisageables, celles en particulier d’origine atmosphérique, océanique, hydrologique. Il y a enfin des variations de la vitesse de rotation avec des périodes sensiblement plus courtes à caractère annuel, semi-annuel, saisonnier (figure 2) et même à caractère diurne et semi-diurne qui sont devenues observables en dépit de leur petitesse (seulement quelques dizaines de microsecondes) grâce à la technique de l’interférométrie à grande base (VLBI ou Very Long Base Interferometry).

    Figure 2 – Corrélation entre la variation observée de la LOD (en rouge) et sa variation théorique, liée aux mouvement des enveloppes fluides que sont l'océan et l'atmosphère. On peut en effet la calculer à partir de données météorologiques et altimétriques (en bleu) (d’après l’IERS- Syrte –Observatoire de Paris).

    De même, les composantes de marée diurnes et semi-diurnes de la LOD se corrèlent de manière remarquable avec les prédictions du moment angulaire de la marée de l’océan mondial issues de modèles fondées sur des données altimétriques du satellite Topex-Poséïdon (figure 3, d’après B.F Chao, EOS vol.84, n°16, 2003).

    Figure 3 - Les composantes de marée diurnes et semi-diurnes (en bleu) se corrèlent de manière remarquable à partir des prédictions (en rouge) du moment angulaire de la marée de l’océan mondial issues de modèles fondées sur des données altimétriques du satellite Topex-Poséïdon (d’après B.F Chao, EOS vol.84, n°16, 2003). Pour le lecteur intéressé, voir sur cette page, les trois graphes donnant respectivement les corrélations de la LOD avec le moment angulaire du noyau modélisé sur le long terme (voir la variation de la LOD sur la Figure 1), les corrélations de la LOD avec le phénomène El Niño (à comparer aussi avec la Figure 4) et à nouveau la corrélation de la LOD avec des composantes de marée diurne et semi-diurne en la situant dans le temps.

    La qualité et la complémentarité des observations disponibles permettent de mettre en évidence de petites variations de la vitesse de rotation liées au rythme des saisons.

    Comme effet saisonnier, on doit noter un ralentissement de cette vitesse de rotation au printemps (nord) et une augmentation en automne (nord). On observe aussi des anomalies de vitesse générées avec le développement du phénomène océanographique bien connu El Niño (figure 4 et aussi figure 3).

    Figure 4 - Corrélation entre la durée du jour et l’indicateur (SO1) de El Niño (SO1 est fonction de la différence de pression entre Tahiti et Darwin(Australie) (d’après A.Cazenave, et Kurt Feigl, formes et mouvements de la Terre, satellites et géodésie, la croisée des sciences, CNRS éditions -Belin- 1994 ).

    Ces variations sont liées en effet à des variations importantes du régime des vents induisant des échanges de moments cinétiques entre Terre solide et enveloppes liquides et gazeuses. Dans le cas du phénomène El Niño, on sait en effet que le régime des vents alizés qui soufflent dans les zones équatoriales et tropicales du Pacifique est profondément modifié voire inversé. On sait aussi que ce phénomène débute par un transfert d'une importante masse d'eau de l'ouest du Pacifique vers l'est. Finalement, si l’on porte sur un même graphique sur une durée de quelques années, 2008-2012 (figure 2), la variation de la LOD observée et celle calculée à partir du moment cinétique d’origine atmosphérique et océanique, on observe une corrélation excellente. En résumé, on sait très bien comprendre les fluctuations de la vitesse de rotation de la Terre sur le court terme. Sur le plus long terme, le problème est plus ouvert avec des questions non encore bien résolues.

    La décroissance séculaire de la vitesse de rotation de la Terre peut même se trouver totalement masquée pendant plusieurs décennies et paraître même ne plus exister, voire accélérer dans le sens opposé. Il n'est plus nécessaire de ce fait de faire des sauts de secondes intercalaires additionnelles pour que le Temps Universel Coordonnée qui sert de temps légal, fondé sur les horloges atomiques, puisse rester toujours assez proche d'un temps universel fondé sur la vitesse de rotation de la Terre (jadis utile pour des raisons de navigation maritime, mais toujours maintenu pour des raisons politiques, avec l'impossibilité d'obtenir à ce jour un accord unanime des pays concernés ) ; ainsi entre 1999 et 2004, il n'y a pas eu de sauts de secondes intercalaires.

    Le mouvement du pôle

    L’axe instantané de rotation de la Terre perce la croûte terrestre en un point qu’on appelle le pôle instantané. Ce pôle dont on détermine les coordonnées cartésiennes dans un plan tangent à la Terre à partir d’un point «origine» conventionnelle se déplace continûment sur la croûte terrestre (dans l’océan Arctique ce point origine est proche (quelques mètres) du pôle d’inertie de la figure de la Terre et proche aussi du pôle nord géographique conventionnel - voir l’encadré hors texte sur les définitions des différents concepts de pôles utilisés ; on peut déjà noter que dans l’océan Arctique ce point « origine" est proche(quelques mètres) du pôle d’inertie de la figure de la Terre) ; ce mouvement se fait en accord avec les lois de la mécanique dans un carré petit, moins de 20 mètres sur 20, ce qui permet de définir un pôle moyen de rotation. Ce pôle moyen toutefois n’est pas fixe lui-même comme on peut le constater sur des observations et des analyses à long terme ; il se déplace lentement au cours du temps (à environ 4 millisecondes de degré d’arc par an, milliseconde de degré d’arc qui vaut environ 3 cm à la surface de la Terre) ; c'est un déplacement approximativement linéaire et de type séculaire, au départ en 1900 en direction du Groenland mais avec des sauts ou des variations brutales non négligeables au cours du temps (figure 5).

    Figure 5 - Le mouvement du pôle et sa dérive (d’après l’IERS-Syrte-Observatoire de Paris). En rouge, le déplacement cyclique, d'une période de 430 jours environ, et en noir, le déplacement moyen.

    On estime aujourd'hui que l’origine de la composante séculaire principale de ce mouvement est liée au lent rebond postglaciaire, et que les accidents apparemment chaotiques du mouvement sont dus surtout à des transferts de masse d'origine hydrologique entre continents et océans ou d'origine atmosphérique. Il faut retenir que tout transfert de masse quelle qu'en soit l'origine provoque un déplacement sur la croûte terrestre du pôle de l'axe principal d'inertie ; il est en effet directement fonction de la distribution des masses de la Terre ; mais il génère alors un déplacement relatif du pôle de cet axe principal d'inertie par rapport au pôle de l'axe instantané de rotation.

    Pour entrer plus dans la compréhension détaillée de l'origine du mouvement du pôle à différentes échelles de temps, on doit considérer maintenant l'analyse des différentes composantes périodiques de ce mouvement. On peut déjà noter que depuis très longtemps les analyses sur la décomposition spectrale des coordonnées du pôle en fonction du temps ont permis de reconnaître (dès la fin du XIX éme siècle), les deux premiers termes périodiques prépondérants ; il y a d'abord un premier terme correspondant à un mouvement du pôle de type circulaire avec une période comprise entre 430 et 433 jours (en prenant en compte l'élasticité de la Terre) et une amplitude temporellement variable entre 30 et 300 millisecondes de degré d’arc ou milli-arcseconde- noté mas- (c’est le terme de Chandler mis en évidence par Chandler) ; ensuite, il y a un second terme avec une période annuelle et une amplitude de l’ordre de 100 mas. Le terme de Chandler d’après les lois de la mécanique correspond à un mouvement «libre» qui se poursuit tout seul et dont l’amortissement peut se faire entre 15 et 75 ans (ce n’est pas encore bien connu avec précision aujourd'hui) ; cela permet d’affirmer l’existence de processus d'excitation générant des variations temporelles de l’amplitude et de la phase du terme de Chandler car par ailleurs l'amplitude de ce terme s'amortit ; il y a notamment les marées générées dans les régions polaires qui dissipent l'énergie associée à ce mouvement du pôle ; concernant l’origine des processus générant inversement des variations du terme de Chandler on a pensé pendant longtemps et avec raison qu’elle était à rechercher dans des phénomènes se produisant dans l’atmosphère et les océans. En revanche, le processus physique exact demeurait non certain et problématique ; on n’arrivait pas à modéliser correctement les variations observées du terme de Chandler. Cependant en 2000, Richard Gross (voir référence à la fin) proposa un processus physique qui apparut en revanche très intéressant et valable : l’origine serait à rechercher dans des variations de pression s’exerçant sur le fond des océans, variations causées par des variations de température et de salinité et par des variations de la circulation des océans générée par les vents. Il y aurait aussi une contribution liée aux variations de la pression atmosphérique sur la surface terrestre mais dont les effets seraient comparativement un peu plus petits dans le rapport deux tiers un tiers. Mais de manière plus récente Christian Bizouard (Bizouard et al., A&A, 526, A106, 2011) a encore repris la question en s’appuyant sur la modélisation de la circulation atmosphérique et océanique d’une part et une nouvelle estimation des composantes du terme chandlérien (amplitude et phase) d’autre part. Le résultat de Christian Bizouard est très convaincant et est encore confirmé dans son dernier ouvrage sur le mouvement du pôle (voir les figure 6 et la référence du livre de C.Bizouard à la fin).
    Il est opportun de citer aussi une étude assez récente sur le phénomène El Niño (Marcus, S. L., O. de Viron, and J. O. Dickey (2010), Interannual atmospheric torque and El Niño–Southern Oscillation: Where is the polar motion signal?, J. Geophys. Res., 115, B12409, doi:10.1029/2010JB007524); cette étude va dans le même sens que les travaux cités précédemment et confirme la forte influence de El Niño sur la LOD comme on l' a dit plus hautj ; elle indique également une influence sensiblement moindre sur le mouvement du pôle. Ceci s’explique par la symétrie de la circulation atmosphérique par rapport à l’équateur, mais en revanche l’asymétrie des deux hémisphères Nord et Sud en relation avec leurs surfaces respectives de continents et d’océans conduit à donner une plus grande importance à l’action de l’océan et des transferts hydriques continents -océans pour comprendre le mouvement du pôle tel qu’il est observé; le mouvement du pôle est en effet plus sensible à une asymétrie des mouvements et des pressions exercée sur le fond des océans et sur les continents, comme cela ressort de l’étude de Richard Gross. A titre d’information, et sans entrer dans plus de détails, on peut ajouter que ces considérations sont importantes pour étudier la variabilité proprement dite du phénomène El Niño, qui a conduit à considérer deux types de El Niño avec leurs impacts différents sur la LOD et de ce fait à approfondir les relations entre les échanges atmosphère-océans et la rotation de la Terre.(de Viron, O., and J. O. Dickey, 2014, The two types of El Niño and their impacts on the length of day, Geophys. Res. Lett., 41, 3407–3412, doi:10.1002/2014GL059948)

    Figure 6- Variations d’amplitude et de phase de l’oscillation du terme de Chandler observée et celle modélisée (d’après Christian Bizouard et al. , A et A, 526, 2011) exhibées sur les graphes de la partie supérieure.
    Les graphes de la partie inférieure représentent respectivement le mouvement observé du pôle en trois dimensions (à gauche) et le terme de Chandler extrait du mouvement du pôle observé (à droite).

    Tout cela montre que l’on peut désormais modéliser aujourd’hui les variations du terme de Chandler de manière très satisfaisante, et cela à partir de la modélisation de la circulation océanique et atmosphérique. Ce résultat n’invalide pas l’intérêt de poursuivre certaines autres recherches. Parmi les impacts possibles, on pense à certains événements sismiques exceptionnels liés à d'énormes déplacements de masse. Le terme annuel avec une amplitude de l’ordre de 100 mas correspond par contre clairement à un mouvement «forcé» par le déplacement saisonnier de masses atmosphériques et hydrologiques que l’on sait estimer.

    Dans le détail, le mouvement du pôle doit se décrire aussi en incluant d’autres termes périodiques mais en général de plus petite amplitude comme on le voit aussi sur la figure 6, graphes inférieures. Il y a ainsi un terme du mouvement du pôle découvert par Markowitz correspondant approximativement à une périodicité de l’ordre de 25 ans et avec une amplitude de 15 à 20 mas. On met également en évidence d’autres variations de période comprise entre 10 et 15 ans mais avec encore des plus faibles amplitudes. Il existe enfin des variations avec des périodes encore plus courtes entre 200 jours et 10 ans et même encore plus courtes avec des périodes comprises entre 2 et 100 jours. L’origine de tous ces termes périodiques qui sont révélés par l’analyse de l’observation du mouvement du pôle n’est pas immédiate ; elle doit se trouver dans l’analyse parallèle des processus géophysiques d’échanges possibles de masse avec leurs constantes de temps et leurs périodes envisageables pour les différentes couches composant le système Terre ; les phénomènes à considérer sont essentiellement de nature atmosphérique, océanique, hydrologique ; on doit inclure aussi les relations impliquant les couches internes de la Terre, le noyau, le manteau.

    Il importe dans la recherche et l’estimation des différentes causes d’excitation géophysique de retrancher au préalable tout ce qui est peut-être bien connu a priori, ainsi les termes dus aux marées océaniques, aux déformations de la Terre par les marées zonales, ou encore liés à l’existence du mode libre de l’axe de rotation due au noyau fluide de la Terre ; même si ces termes sont petits et nombreux, ils sont bien connus par la théorie et il faut les retrancher avant toute analyse sur les sources possibles d’excitation.

    En conclusion tout transfert ou déplacement de masse à l'intérieur du système Terre quelle qu'en soit l'origine notamment météorologique ou climatologique provoque un déplacement du pôle d'inertie et donc aussi un déplacement relatif par rapport à lui du pôle de rotation. Pour interpréter et comprendre le mouvement du pôle, il est donc essentiel de pouvoir faire avec précision le bilan de ces transferts et déplacements des masses à toutes les échelles de temps et d'espace. La mission spatiale Grace (2002) va permettre d’évaluer ces transferts avec une précision jusqu’alors inégalée.

    Une révolution en 2002 : Apport des données de la mission spatiale Grace (2002) pour la modélisation du mouvement du pôle.

    Un point très important qui va dans le sens exprimé plus haut doit être maintenant souligné. Il est désormais possible d'avoir une bien meilleure prise en compte des transferts de masse d’origines diverses (calottes glaciaires, glaciers continentaux, hydrologie des bassins fluviaux, continents, océans) et cela sur des durées de quelques semaines ou de quelques années ; ces transferts sont mesurés à partir des données du satellite germano-américain Grace lancé en 2002. Ce satellite a pour objet la détermination du champ de gravité et de sa variation temporelle liée à des redistributions des masses de la Terre. Ces redistributions et ces transferts de masse sont liés notamment et à titre d’exemples à la fonte des glaces du Groenland et de l’Antarctique (qui répartit uniformément sur les océans des masses antérieurement confinées près des pôles) et aux transferts hydrologiques entre continents, bassins fluviaux et océans (qui, selon les épisodes de pluie ou de sécheresse, stocke ou libère de grandes quantités d'eau depuis les océans dans leur globalité vers les zones émergées concernées, ou inversement). En anglais, on parle de l’impact des variations du «Terrestrial Water Storage and Global Cryosphere Storage», voir l'article de Adhikira cité en référence à la fin. Ce faisant sur la période 2003-2015, il a été ainsi possible de manière remarquable de bien représenter le mouvement du pôle à partir de l’intégration des équations fondamentales de la rotation des corps ; on observe ainsi, d’après les auteurs cités en référence, que sur la période certes assez courte entre 2005 et 2011, que le mouvement du pôle moyen suit sur cette durée une tendance distincte de la dérive séculaire moyenne du mouvement du pôle observée et admise depuis 1900 jusqu’alors (figure 5) ; elle pourrait avoir changé de direction en lien avec les phénomènes géophysiques évoqués plus haut (phénomènes météorologiques et climatiques). Il faut noter que dans le passé on a déjà observé de telles fluctuations et le mouvement du pôle moyen a toujours eu un aspect un peu erratique mais on ne savait pas très bien s’il s'agissait d'une réalité ou d’incertitude dans les données et dans leur traitement. Ce qui est en fait le plus intéressant ici est désormais la possibilité aujourd’hui de reproduire avec grande précision, le mouvement du pôle moyen grâce aux données de la mission Grace ; il faut noter la grande importance des transferts de masse entre océans, bassins fluviaux et calottes glaciaires. Cela peut remettre en cause l’importance peut-être surestimée ou mal estimée d’autres processus comme les interactions noyau-manteau. Les données de Grace et des observations associées comme les données laser sur Lageos apparaissent désormais fondamentales et à prendre obligatoirement en compte pour toute interprétation des phénomènes. Tout n’est pas encore évidemment compris, loin de là et des recherches sont à poursuivre.
    Mais il convient surtout ne pas arrêter les observations des paramètres de la rotation terrestres qui sont à poursuivre plus que jamais sur le très long terme, tout comme aussi l’observation spatiale des nombreux paramètres géophysiques par satellite pouvant jouer un rôle dans la rotation de la Terre.

    Conclusion et perspectives

    Des progrès très importants ont été faits dans la mesure des paramètres de la rotation terrestre à partir de toutes les techniques spatiales (GPS/GNSS, Doris, Laser, VlBI).

    Dans la modélisation des paramètres de la rotation de la Terre, il faut distinguer les composantes astronomiques, généralement très bien connues, des composantes géophysiques (météorologiques, atmosphériques, climatologiques, océanographiques, hydrologiques) plus difficiles à prévoir, voire imprévisibles.

    On sait traduire avec une grande précision l'effet d'un changement de régime des vents sur la durée du jour. Mais on ne sait pas calculer ce changement de régime des vents d'après une variation de la durée du jour, car comme on l'a vu, trop de phénomènes géophysiques interviennent.

    Par contre, on sait de mieux en mieux observer ces phénomènes et les mesurer grâce aux nouvelles techniques spatiales (satellites météorologiques type Météosat, satellites altimétriques et océanographiques type Jason, satellites dédiés à l’étude champ de gravité - satellites Grace et Lageos –satellites dédiés à l’environnement terrestre et solaire qui est aussi à prendre en compte à travers des phénomènes climatiques).

    Ces connaissances, en constante amélioration, permettent de comprendre de mieux en mieux les changements qui interviennent dans le système Terre et leurs conséquences sur sa rotation.

    Les interactions noyau-manteau avec leurs implications dans la rotation de la Terre demeurent encore difficiles à appréhender, mais les satellites dédiés à l’étude du champ magnétique terrestre devraient pouvoir y contribuer en liaison avec les autres techniques géophysiques, comme la sismologie. Il y a un enrichissement réciproque de la connaissance entre les observations, l’interprétation des paramètres de la rotation terrestre, et les données géophysiques de toute origine.

    Remerciements et reconnaissance

    Beaucoup des explications et des informations données sont tirées d’un livre publié très récemment en 2017 par le Bureau des longitudes «Les Références de Temps et d’Espace, un panorama encyclopédique : Histoire, Présent, et Perspectives», coordonné par Claude Boucher avec le concours de Pascal Willis, chez Hermann, 2017.
    On a puisé tout particulièrement des informations et des références dans les chapitres portant sur la Rotation de la Terre rédigés par Nicole Capitaine du Bureau des longitudes et de l’Observatoire de Paris (département du Syrte). On doit aussi indiquer une synthèse extrêmement détaillée du sujet avec tous ses aspects historiques par Kurt Lambeck en 1980 «The Earth’s variable rotation: geophysical causes and consequences, Cambridge University Press,1980» et une autre plus récente par Helmut Moritz et Ivan Mueller «Earth rotation, theory and observation, the ungar ublishing company, 1987».
    À noter l’article de Richard Gross «The excitation of the Chandler wobble», Geophys. Res. Lett., vol 27, 15, 2000, p 2329-2332».
    Il faut signaler aussi l’article «Climate-driven polar motion 2003-2015» dans «Advances Sciences» du 8 avril 2016 par Adhikira et al. et portant sur la prise en compte des données du satellite Grace et encore l'ouvrage par Anny Cazenave et Kurt Feigl «Formes et mouvements de la Terre, satellites et géodésie, la croisée des sciences», CNRS éditions -Belin- 1994.
    Beaucoup des figures sont tirées de l’IERS, Service de l’Observatoire de Paris, département du Syrte sous la responsabilité de Christian Bizouard ainsi que de son article «C.Bizouard et al., 526, A106 (2011)» mais voir finalement aussi beaucoup d’informations et des figures dans le livre «Le mouvement du pôle de l’heure au siècle, Modélisation géophysique» par Christian Bizouard, édition paf, Presses académiques francophones, 2014.

  •  Long fleuve tranquille ou torrent tumultueux ?

    Yves Dandonneau 

    En absorbant le rayonnement infra rouge émis par la Terre, le gaz carbonique contribue à réchauffer le climat. Du fait de la combustion de charbon ou d'hydrocarbures pour satisfaire la demande d'énergie due aux activités humaines, la concentration de ce gaz dans l'atmosphère a fortement augmenté, passant de 280 parties par million (ppm) avant l’ère industrielle à plus de 400 ppm actuellement.
    Le réchauffement du climat causé par cette augmentation est régulièrement observé, et les trois dernières années ont été les plus chaudes depuis qu'existe un réseau d'observations météorologiques.

    Après des années d'études et de débats contre ceux qui doutaient que les rejets de gaz carbonique dus aux activités humaines aient un rôle dans le réchauffement climatique, les accords signés à Paris à l'issue de la vingt et unième conférence des parties en novembre 2015, ont semblé inaugurer une période de convergence de vues sur le changement climatique, et une forte volonté internationale pour prendre des mesures, afin de réduire ces émissions et de limiter le réchauffement en cours. Depuis cet accord historique, pourtant, on assiste à davantage de controverses que de mises en œuvre des mesures qu'il conviendrait de prendre.

    En premier lieu, le temps imparti est souvent mal compris : il faudrait très vite prendre ces mesures, alors que le réchauffement n'est évoqué que pour la fin du 21e siècle. Il y a aussi la limite, fixée à + 1,5 °C par rapport à la période pré-industrielle, qui constitue un objectif très ambitieux (trop ambitieux ?), qui sera certainement difficile à respecter. De plus, la pollution de notre environnement et les menaces qu'elle fait peser sur la santé, la baisse de la biodiversité, constituent d'autres menaces, qui ont parfois les mêmes causes que le réchauffement climatique, mais pas forcément les mêmes remèdes. Et il y a la manière dont le monde est dirigé, organisé en États qui se sont définis au cours de l'histoire par des rivalités plus que par la coopération.

    Dans les lignes ci-dessous, nous tentons de fournir un cadre qui permette de situer dans les rouages de l'évolution du climat, les questions qui surgissent actuellement.

    L'effet de serre et le réchauffement climatique

    Le mécanisme par lequel l'accumulation de gaz carbonique dans l'atmosphère conduit à un réchauffement du climat, est désigné par le terme effet de serre (voir encart) et a déjà été analysé dans nos pages. Il a fait l'objet de nombreuses attaques de la part des climatosceptiques, prétendant en particulier qu'au delà d'une saturation que nous avons déjà atteinte, davantage de gaz carbonique dans l'atmosphère ne produirait plus aucun effet, ce qui est inexact. Or, il y a un effet, faible – aux concentrations actuelles en gaz carbonique, la Terre émet environ 1 W/m2 de moins que ce qu'elle reçoit du Soleil – mais durable. Cette différence constitue le «déséquilibre radiatif»

    Le gaz carbonique n'est pas le seul gaz dans l'atmosphère à absorber le rayonnement infra rouge émis par la Terre, mais c'est son injection par l'homme en grande quantité dans l'atmosphère qui est la cause principale du réchauffement du climat. La vapeur d'eau, le méthane, les oxydes d'azote, l'ozone, sont aussi des gaz à effet de serre.
    La vapeur d'eau contribue davantage à l'effet de serre que le gaz carbonique ; elle participe au cycle naturel de l'eau, et multiplie par 2 environ l'action du gaz carbonique car le réchauffement du climat a pour conséquence d'augmenter sa concentration dans l'atmosphère.


    À concentration égale à celle du gaz carbonique, le méthane possède un potentiel de réchauffement 30 fois supérieur. Heureusement, sa concentration est beaucoup plus faible, et il tend à se transformer en gaz carbonique par oxydation au bout de quelques années. Il représente toutefois une menace pour le climat si les réserves qui sont piégées dans les sols gelés venaient à être libérées dans l'atmosphère.

     

     

    Sur une Terre sans océans et sans glaces, la réponse de la température à l'effet de serre serait très rapide, de l'ordre de quelques jours. Mais les océans participent à ces flux d'énergie, et leur capacité calorifique est 1000 fois plus grande que celle de l'atmosphère. C'est un peu comme si on voulait ajuster le chauffage dans un appartement situé dans un immeuble non chauffé : avant d'atteindre un régime d'équilibre, il faudrait attendre que l'ensemble de l'immeuble ait été réchauffé lui aussi. Ainsi, 93 % de la chaleur emmagasinée par l'effet de serre est capté par les océans, 3 % étant capté par la fonte des calottes polaires et des glaciers. Ceci explique la lenteur de la réponse du système climatique, lenteur qui n'incite pas à prendre très vite les mesures qui conviendraient.

    Quand le réchauffement s'arrêtera-t-il ?
    À une concentration en gaz carbonique (ou, plus généralement, en gaz à effet de serre) donnée, correspond théoriquement une température d'équilibre du système climatique, et le réchauffement prendra fin lorsque cette température sera atteinte. Un doublement de la concentration en gaz carbonique (voir encart ci-dessous) dans l'atmosphère par rapport à la période préindustrielle (soit 560 ppm) correspondrait, en régime stabilisé, à une augmentation la température que l'on estime comprise entre 1,5 et 4,5 °C : la limite de 1,5 ou 2 °C fixée par l'Accord de Paris serait franchie.

    Deux processus contribuent à faire évoluer la température de la Terre vers une stabilisation :

    1. plus cette température est élevée, plus la Terre rayonne vers l'espace, ce qui tend à réduire l'écart avec le rayonnement reçu du Soleil, c'est à dire le déséquilibre radiatif, et
    2. les puits (océans, biosphère terrestre) et sources (carbone fossile) de gaz carbonique font évoluer la concentration en gaz carbonique de l'atmosphère, modifiant ainsi la cause de l'effet de serre.
    L'habitude a été prise de comparer les différentes prévisions de l'évolution du climat en prenant comme base l'hypothèse d'un doublement de la concentration en gaz carbonique de l'atmosphère. La réponse du système climatique à ce doublement est désignée par le terme de sensibilité climatique, « transitoire » si son calcul est basé sur les données dont nous disposons, ou « à l'équilibre » s'il se base sur des projections à long terme. Les estimations de la sensibilité climatique à l'équilibre divergent selon les modèles de climat utilisés, autour d'une valeur médiane de + 3 °C .
     

    Actuellement, nos émissions de gaz carbonique sont telles que sa concentration dans l'atmosphère continue d'augmenter, tandis que la hausse très lente de la température moyenne globale ne suffit pas à réduire le déséquilibre radiatif, qui s'accroît d'année en année. Réduire cette concentration est l'enjeu principal pour limiter le réchauffement climatique.

    Réduire la concentration en gaz carbonique de l'atmosphère

    Le gaz carbonique est introduit dans l'atmosphère (sources) par la combustion du carbone fossile, par la fabrication de ciment, et par le changement d'usage des sols (déforestation notamment). Il en sort (puits) par dissolution dans les océans et par absorption par la végétation.

    La combustion du carbone fossile a été, et demeure, notre principale source d'énergie, et malgré les engagements à la réduire, les émissions de 2016 ont été légèrement supérieures à celles de 2015, et ajoutent chaque année environ 2 ppm de gaz carbonique à celui qui était déjà présent dans l'atmosphère. Nous arrivons ainsi à 407 ppm en décembre 2017. Consommer moins de carbone fossile a de fortes implications dans toutes les activités humaines et ne se fera pas sans une forte volonté d'y parvenir.

    Les océans réagissent à l'ajout de gaz carbonique dans l'atmosphère en en absorbant rapidement environ 20 % des émissions annuelles, suffisamment pour tendre vers un équilibre de pression partielle de CO2 entre l'atmosphère et la partie superficielle des océans. L'absorption du CO2 se poursuit ensuite à un rythme beaucoup plus lent, conditionné par le mélange de la couche de surface avec les eaux profondes. On estime que si on stoppait totalement les émissions, il faudrait 100 ans à l'océan seul, pour résorber 20 % de la fraction du CO2 émis qui s'est accumulée dans l'atmosphère, et que 1000 ans plus tard, il en aurait absorbé 50%.
    Il ne faut donc pas compter sur les océans, dont il est irréaliste de penser modifier le comportement, pour résorber rapidement l'excès de CO2 de l'atmosphère.

    Les écosystèmes terrestres, eux, sont plus sensibles à l'action de l'homme. Ainsi, depuis des décennies, par nos pratiques agricoles (qui tendent à appauvrir les sols en matière organique) et par la déforestation, les hommes ont rejeté d'énormes quantités de CO2 dans l'atmosphère. Ce processus est réversible. Depuis une dizaine d'années, ces émissions décroissent légèrement. La mise en œuvre de pratiques résolument orientées vers un stockage accru de matière organique dans les sols pourrait contribuer à faire très significativement décroître la concentration en CO2 de l'atmosphère. Par ailleurs, l'augmentation de la concentration en CO2 stimule la croissance de la végétation terrestre, et cet effet fertilisant a pour conséquence une augmentation de la masse de carbone stockée dans les végétaux. Ceci peut constituer un puits pour environ 25 % de nos émissions de CO2.

    S'il est difficile de stimuler le puits océanique de carbone, la végétation terrestre et les sols offrent un réservoir très vaste où un changement de nos usages peut, pour un coût modéré, extraire du gaz carbonique de l'atmosphère. Cela ne suffira toutefois pas pour faire baisser la concentration de ce gaz dans l'atmosphère à un niveau compatible avec des températures supérieures de seulement 1,5 ou même 2 °C aux températures de l'époque pré-industrielle : il faudra en outre recourir à un coûteux piégeage industriel du CO2, basé sur des énergies renouvelables et non pas sur du carbone fossile, ce qui ne ferait qu’aggraver la situation.

    La route sera longue, mais sera-t-elle sûre?

    Le système climatique est porteur de menaces qui pourraient se traduire par un emballement du réchauffement en cours. Ainsi, la réduction des calottes de glace des pôles qui réfléchissent vers l'espace une part de l'énergie reçue du Soleil, s'accompagne d'un gain d'énergie pour le climat. Lequel gain d'énergie entraîne une réduction accrue de ces calottes polaires et une moindre réflexion vers l'espace de l'énergie reçue du Soleil : cette rétroaction positive déjà engagée, ne semble pas pour le moment devoir évoluer de façon catastrophique, mais un réchauffement trop intense pourrait la déclencher.

    Autre menace : la fonte du pergélisol.
    Les sols gelés des régions subarctiques contiennent d'énormes quantités de matière organique et de méthane. Le dégel de ces régions libérerait de grandes quantités de ce puissant gaz à effet de serre et accentuerait le réchauffement, favorisant d'autant plus le dégel : c'est encore là une rétroaction positive qui causerait un réchauffement incontrôlable.

    La végétation terrestre, on l'a vu, bénéficie pour le moment d'une concentration en gaz carbonique dans l'atmosphère plus élevée que par le passé, et constitue ainsi un puits de carbone. Mais les températures de plus en plus élevées, et les conditions de sécheresse qui progressent dans certaines régions, peuvent finir par nuire à la croissance des végétaux et par accélérer l'oxydation de la matière organique des sols. Le puits de carbone que constituent les écosystèmes terrestres perdrait ainsi de son efficacité, et réduire la concentration de l'atmosphère en gaz carbonique deviendrait alors d'autant plus difficile.

    La probabilité de la mise en route de ces rétroactions augmente à mesure que le climat se réchauffe. Elle augmentera donc tant que le réchauffement durera, c'est à dire tant qu'un déséquilibre radiatif positif sera à l’œuvre.  

    Le seul moyen de réduire cette tendance au réchauffement est de faire baisser la concentration en gaz carbonique de l'atmosphère le plus tôt possible :

    • réduire notre usage de l'énergie basée sur le carbone fossile,
    • stocker du carbone dans la biomasse végétale et dans la matière organique des sols,</>

    et, comme cela ne suffira pas, extraire par géoingéniérie du gaz carbonique de l'atmosphère, ce qu'on ne sait faire actuellement qu'à un prix très élevé.

    Voir aussi la News de octobre 2017 :

    Pour amener le climat à un état stable après la perturbation anthropique, il faudra retirer du gaz carbonique de l'atmosphère. Le coût en sera très élevé si nous ne réduisons pas rapidement nos émissions. Yves Dandonneau.

  • Quelles sont les constantes de temps et les rétroactions ?

    Yves Fouquart -Novembre 2018

    1. Introduction

      En un peu plus d'un siècle, la Terre s'est réchauffée d'environ 1°C. Ce réchauffement est très majoritairement dû à l'augmentation de la concentration de l'atmosphère en gaz à effet de serre (GES). Dans les prochaines décennies, les émissions vont continuer et le réchauffement continuera. La question qui se pose est donc de savoir quelle sera l'ampleur de ce réchauffement et quelle sera sa vitesse.

      L'augmentation de la concentration en GES impose au système climatique une contrainte qu'on appelle forçage radiatif (voir encart 1).

      Encart 1 : Forçages et rétroactions

      Les forçages (△F) sont des déséquilibres du bilan d'énergie de la planète, si △F >0 la Terre emmagasine de l'énergie et elle se réchauffe et, inversement si △F <0, elle se refroidit. Une rétroaction résulte de l'influence de la variation de température résultante sur un élément du système climatique capable, lui-même de modifier le bilan radiatif. On peut faire l'analogie avec un amplificateur dans lequel le signal d'entrée est la variation originale du bilan radiatif, par exemple celle due à l'augmentation du CO2, le signal de sortie est la variation de température. Une rétroaction consiste à renvoyer vers l'entrée de l'ampli une partie du signal de sortie, c'est alors un amplificateur opérationnel bien connu des électroniciens. 

      Dans le cas du climat, l'amplificateur est le système climatique, il est représenté schématiquement sur la Figure 2. C'est l'ensemble de la planète que l'on peut diviser en un certain nombre de sous-systèmes capables de répondre individuellement à des contraintes et qui interagissent entre eux suivant des échelles de temps plus ou moins longues. Dans ce schéma, η est le gain de l'amplificateur en l'absence de rétroaction, pour le système climatique c'est donc la sensibilité climatique sans atmosphère et f est l'amplitude de la rétroaction et se mesure en (W/m2)/°K (Watt par mètre carré par degré Kelvin).

       


      Si l'on connaissait la sensibilité du climat à ces forçages, on pourrait en déduire directement l'ampleur du réchauffement. Comme on va le voir dans la suite de cet article, ce n'est pourtant pas si simple et si cette quantité reste fort utile, il est essentiel de garder en tête ses limitations et, en particulier, le fait qu'elle dépend fortement de l'échelle de temps considérée.

    2. Définition usuelle de la sensibilité climatique

      On définit usuellement la sensibilité climatique comme l'augmentation de la température moyenne de la planète qui résulte d'un doublement de la concentration de l'atmosphère en CO2

      Dans cette expression δT est la variation de température et δF le forçage radiatif correspondant au doublement de la concentration en CO2.

      Pour mémoire, la concentration en CO2 au début de l'ère industrielle était C0 = 280 ppmv, elle est aujourd'hui de C= 400 ppmv et la concentration augmente grossièrement de 2 à 3 ppmV par an. Une bonne approximation du forçage radiatif du CO2 est

      δF = 5,36*ln (C/C0)

      Pour un doublement de la concentration (560 ppm), le forçage du seul CO2 est de 3,68 W/m2

      Pour une Terre sans atmosphère, le forçage serait une variation de l'irradiance solaire, on démontre aisément (voir encart 2) que pour un forçage solaire de 3,68 W/m2, s = 1 K.

      Encart 2 : Sensibilité climatique sans atmosphère, démonstration

      Sans atmosphère et donc sans effet de serre, la Terre émet comme un corps noir suivant la loi de Stefan :

      F = σ T4

      Et donc

      δ F / F = 4 δ T / T

      À l'équilibre la Terre émet toute l'énergie qu'elle reçoit du soleil, or elle reçoit la lumière du soleil sur un disque de surface πR2 mais elle rayonne sur toute la sphère de surface 4πR2.

      Donc F = (1-α) F0 / 4

      α = 0,30 est l'albédo de la Terre et F0= 1360 W/m2, l'irradiance solaire, soit F=238 W/m2 ce qui équivaut à une température d'émission (conformément à la loi de Stefan ci-dessus) de 254 K et δT/δF=T/4F= 0.27 K/(W/m2)

      Donc pour un doublement (δ F = 3,68 W/m2), la sensibilté à l'équilibre est seq= 1 K

    3. Le système climatique

      La Terre comporte une atmosphère, des océans, des glaciers, de la végétation. L'ensemble constitue le système climatique, chaque sous élément constitue un sous-système qui possède sa propre dynamique plus ou moins rapide et qui interagit avec les autres sous-systèmes. Le climat de la planète résulte de l'ensemble de ces interactions. La figure 1 en est une représentation schématique. Les flèches représentent les interactions entre les sous-systèmes.

      La notion de constante de temps des différents processus est essentielle. La figure 2 résume les échelles de temps caractéristiques des différents sous-systèmes, c’est-à-dire leur temps d'évolution vers un équilibre.

      L'atmosphère est le sous-système le plus dynamique. Les échelles de temps concernées vont de la quasi instantanéité des processus de condensation, à quelques heures pour la convection, la semaine pour le cycle de vie des perturbations, et quelques semaines pour les ondes planétaires.



      L'océan a une capacité thermique 1 000 fois supérieure à celle de l'atmosphère. Il constitue donc un puissant amortisseur des perturbations climatiques. L'océan est très dynamique mais son inertie est beaucoup plus grande que celle de l'atmosphère. Les courants marins ont en surface des vitesses typiques de l'ordre de qq km/h pour les plus rapides (Kuroshio, Gulf Stream) et quelques dizaines de cm/s en profondeur, à comparer à plusieurs dizaines de km/h pour les vents modérés et jusqu'à 300 km/h pour les courants jets.



      Dans l'océan, les constantes de temps sont donc beaucoup plus longues. Par ailleurs, l'océan est stratifié : l'eau chaude étant moins dense que l'eau froide a tendance à naturellement rester en surface. Le mélange a lieu grâce à l'action du vent mais il ne concerne que les premières centaines de mètres (couche limite océanique, CLO). C'est dans les interactions entre l'atmosphère et la CLO que les constantes de temps sont les plus courtes, de l'ordre de quelques années.

      Avec les couches plus profondes, le mélange a lieu quand le refroidissement en surface est assez puissant pour permettre à l'eau de surface d'être encore plus froide et donc plus dense que l'eau sous-jacente. Ceci ne se produit qu'aux très hautes latitudes Nord et Sud. La formation de la glace de mer renforce le processus. On comprend que ce mécanisme ne met en jeu que des débits assez faibles. En conséquence, cela agit comme un goulet d'étranglement et la circulation de l'eau en profondeur est largement commandée par le débit de ces régions de formation d'eau profonde. La circulation dans l'océan à l'échelle globale est souvent appelée le tapis roulant océanique. L'image a le mérite d'être parlante même si la réalité est nettement plus complexe. La constante de temps de ces mouvements océaniques à l'échelle planétaire est de l'ordre du millénaire.

      La cryosphère comprend la neige et glace de mer qui sont saisonnières, les glaciers de montagne et les calottes de glace du Groenland et de l'Antarctique. Les variations du volume et de l'étendue des glaciers de montagne ont des temps caractéristiques de l'ordre de la dizaine d'années comme en témoigne l'évolution des glaciers des Alpes.

      En ce qui concerne les calottes glaciaires, il faut distinguer ce qui relève de l'accumulation ou inversement de la fonte et ce qui relève de la dynamique des calottes.

      Dans le premier cas, les échelles de temps caractéristiques sont de l'ordre du millénaire. À titre d'exemple pour faire fondre la totalité des glaces des deux calottes en utilisant l'intégralité du déséquilibre énergétique de la planète dû à l'augmentation de l'effet de serre, il faudrait plus d'un siècle.
      La dynamique des calottes est, quant à elle, responsable de la dislocation des glaciers qui provoque la libération d'icebergs qui peuvent être gigantesques. C'est un processus hautement non linéaire qui peut donc être très brutal.

      L'influence de la géosphère sur le climat s'exerce aux très grandes échelles de temps via la tectonique des plaques et la position des continents qui gouverne la circulation océanique. Aux courtes échelles de temps, son influence s'exerce par l'intermédiaire des éruptions volcaniques. Il s'agit d'évènements sporadiques dont l'influence sur le climat par l'intermédiaire des aérosols volcaniques a typiquement une constante de temps de l'ordre de l'année. (Voir les éruptions récentes d'El Chicon et du Pinatubo).

    4. Forçages et rétroactions

      Les forçages sont les contraintes appliquées à l'ensemble du système (voir Encart 1) , on y trouve les forçages naturels (variation de l'énergie solaire incidente, variations de l'éclairement solaire dues aux variations de son orbite autour du soleil ou encore les aérosols issus des éruptions volcaniques) et les forçages anthropiques (perturbations de l'effet de serre, émissions d'aérosols, changement d'usage des sols…).

      La sensibilité climatique dépend très fortement du signe et de l'intensité des rétroactions (voir Encart 1) mais celles-ci ont des constantes de temps très diverses. Elles peuvent concerner un ou plusieurs sous système. Les rétroactions rapides sont celles qui concernent l'atmosphère (nuages, vapeur d'eau, convection ..), les rétroactions les plus longues mettent en jeu l'océan global et les calottes glaciaires.

    5. Sensibilité climatique à l'équilibre, sensibilité transitoire

      Pour tenir compte du stockage temporaire de la chaleur dans l'océan, on écrira plutôt :

      Δ Q = δ E - λ Δ T

      λ = δ F / δ T représente la fraction du déséquilibre radiatif qui a permis une augmentation Δ T de la température de l'atmosphère, Δ Q est la fraction stockée dans l'océan ou encore l'augmentation du contenu en chaleur de l'océan. À l'équilibre Δ Q= 0 et λeq est alors l'inverse de la sensibilité climatique seq. Hors équilibre, λ est donc l'inverse d'une sensibilité climatique transitoire (λ = 1/str ) C'est typiquement celle que l'on peut espérer déterminer expérimentalement aujourd'hui. Pour les prévisions, on a précisé cette notion : la sensibilité transitoire str est celle qui est obtenue après 70 ans d'augmentation linéaire de la concentration atmosphérique en CO2 à raison de 1% par an.

      La figure 3 présente diverses estimations de cette sensibilité :


    Fig3   Sensibilite climatique

     

     

     

    Figure 3: Différentes estimations de la sensibilité climatique. Les courbes représentent les probabilités des estimations, les segments représentent leurs dispersions et les rectangles précisent les valeurs les plus probables (>66%)

    Comme le montre clairement cette figure, ces estimations sont très variables, mais cette dispersion provient pour une part de ce qu'on ne mesure pas réellement la même quantité.

    5.1 Approche par la modélisation

    Avec un modèle climatique, on peut instantanément doubler la quantité de CO2 et voir quelle est la nouvelle température obtenue après un temps simulé suffisamment long pour que le modèle se stabilise. On obtient alors directement la sensibilité à l'équilibre seq.

    L'avantage est que les forçages ainsi que la variation de température sont parfaitement connus. La question qui se pose est évidemment celle de la validité du modèle. Celui-ci décrit-il correctement l'ensemble des rétroactions, c'est à dire avec leur intensité et leur variation spatio-temporelle et représente-t-il correctement la variabilité climatique ? La réponse est évidemment non : les modèles ne sont qu'une représentation simpliste de la réalité et quelles que soient les améliorations dont ils font l'objet, ils le resteront.

    La dispersion des estimations de la sensibilité par les modèles traduit les différences des représentations des différents processus conduisant aux rétroactions. On ajoutera que les forçages eux-mêmes ne sont pas véritablement identiques, c'est le cas des aérosols pour lesquels les propriétés optiques et même la quantité varient entre les modèles mais c'est même le cas pour les GES parce que le calcul du forçage radiatif qu'ils produisent n'est pas parfait.

    Les contraintes

    On peut donc légitimement penser que parmi les modèles existants certains sont plus réalistes que d'autres. Pour faire le tri, on regarde la manière dont les différents modèles satisfont certaines contraintes expérimentales. Peu ou prou, elles ont toutes trait à la variation spatiale ou saisonnière de la température et du bilan radiatif tel qu'il peut être observé depuis satellite. Cette approche conduit à des sensibilités seq plutôt supérieures à 3°C (Caldwell et al, 2018, Evaluating Emergent Constraints on Equilibrium Climate Sensitivity ) Une autre contrainte (Emergent constraint on equilibrium climate sensitivity from global temperature variability, Peter M. Cox, Chris Huntingford & Mark S. Williamson) consiste à discriminer les modèles suivant leur aptitude à simuler non plus la tendance mais la variabilité climatique observée. Cette méthode restreint la fourchette des sensibilités en excluant les valeurs les plus élevées (>4.5 K) et les valeurs les plus faibles (<1.5K) pour une sensibilité la plus probable de 2,8 K.

    5.2 Approche expérimentale

    Avec les données expérimentales, on ne fait évidemment pas ce que l'on veut. Dans le cas où l'on s'intéresse à la période instrumentale (en gros depuis la fin du 19e siècle), ce que l'on détermine au mieux, c'est la sensibilité transitoire. La sensibilité à l'équilibre est, elle, estimée sur des périodes plus longues comme par exemple les transitions glaciaire – interglaciaire. Dans les deux cas, il faut évidemment connaître le forçage radiatif et la variation de température associée.

    Période instrumentale (sensibilité transitoire)

    Dans ce cas, les rétroactions les plus longues ne sont mises en jeu que partiellement, voire pas du tout.
    On sait que depuis la fin du XIXe siècle, l'augmentation de température est voisine de 1°C mais le problème est de distinguer ce qui résulte d'une possible variabilité multidécennale de ce qui résulte des forçages anthropiques et naturels et de les estimer précisément. Les forçages des GES sont assez bien connu (2,8 +/- 0,3 W/m2), l'incertitude principale vient du forçage des aérosols anthropiques (-0,9+/-1W/m2). Avec les autres forçages anthropiques comme le changement d'utilisation des sols, le forçage anthropique total est alors compris entre 1,1 et 3,3 W/m2 soit str compris entre 0,33 et 0,9 K/(W/m2). En extrapolant, pour un doublement de la concentration en CO2 (δ F = 3,68 W/m2), s2*CO2 est donc compris entre 1,2 et 3,4 K mais cette extrapolation ne tient pas compte des rétroactions plus lentes que sont l'océan profond et les calottes glaciaires, il s'agit donc d'une sensibilité transitoire à distinguer de celle que calculent les modèles.

    Dernier maximum glaciaire (sensibilité à l'équilibre)

    Les incertitudes concernent à la fois la variation de température et les forçages. En effet, le facteur déclenchant des glaciations/déglaciations est la variation de l'ensoleillement aux hautes latitudes de l'hémisphère Nord, variation qui résulte des variations de l'orbite de la Terre autour du soleil et de celle de son axe. C'est elle qui module l'enneigement des continents de l'HN et par suite, la rétroaction -albédo (voir Encart 1). Elle n'implique qu'une très faible perturbation du bilan radiatif qui, en soi, n'est pas la cause de la modification du climat. Ce qui se passe peut se résumer de la façon suivante (cas de la déglaciation):

    1. l'ensoleillement des hautes latitudes augmente,

    2. la couverture neigeuse diminue,

    3. les températures augmentent aux hautes latitudes,

    4. l'océan s'y réchauffe et commence à relarguer du CO2. La fonte des calottes est non linéaire et provoque des refroidissements temporaires brutaux

    5. la circulation océanique transporte cette chaleur dans l'hémisphère sud,

    6. l'océan s'y réchauffe et relargue à son tour du CO2

    7. l'effet de serre du CO2 réchauffe progressivement l'ensemble de la planète.

    Tout cela s'accompagne de modifications de la végétation et de la concentration de l'atmosphère en poussières par la diminution des surfaces continentales et péricontinentales dénudées.

    Puisque ce mécanisme met en jeu la circulation océanique globale (voir figure 2), les temps caractéristiques sont de l'ordre de plusieurs siècles. On peut voir sur la Figure 3 que pour cette méthode seq est compris entre 2 et 4 K.

     

    1. Conclusion

      Comme concept, la sensibilité climatique a l'avantage de la simplicité : à un forçage donné, on peut facilement faire correspondre une augmentation de température mais comme on l'a vu tout au long de cet article, cette simplicité est tout à fait trompeuse et il n'est donc pas du tout surprenant que plus d'un demi-siècle après les premières estimations par S. Manabe et par le groupe de travail que présidait G. Charney, on n'en ait pratiquement pas réduit l'incertitude (1). C'est aussi un concept dont l'utilité réelle est finalement limitée en ce sens que ce qui est réellement important, c'est l'évolution de la température surtout dans les décennies à venir. En revanche, les valeurs à l'équilibre déduites des données paléo-climatologiques renseignent sur le comportement à long terme du système incluant les processus non linéaires à effet de seuil et, donc, sur les risques éventuels d'un basculement vers un tout autre état moyen du climat.

      (1) D'après ce groupe , seq = 3+/-1,5K, pour comparaison, les modèles contraints donnent seq entre 1,5 et 4,5K, les observations récentes conduiraient en extrapolant au doublement du CO2 à s2*CO2 entre 1,2 et 3,3 K mais sans tenir compte des rétroactions les plus lentes et les estimations sur la dernière période glaciaire donnent entre 2 et 4 K.

  • Bilans climatiques 2012-2019

  • Bilan climatique 2019

  • Yves Dandonneau, d'après les propos échangés par les Argonautes

    Résumé en langage courant

    Comment périodes chaudes et glaciations alternent elles sur Terre?

    La Terre n'a pas toujours connu le climat qui règne depuis 12 000 ans et qui caractérise la période actuelle, nommée l'holocène. Ce sont les géologues qui, les premiers, en ont trouvé que la Terre avait connu des périodes glaciaires au cours desquelles une grande partie de l'Europe du nord avait été, à plusieurs reprises, recouverte de glace, après avoir identifié dans des plaines qui connaissent maintenant un climat tempéré des alignements des moraines telles qu'on voit à l'extrémité des glaciers de montagne.

    Comment cela a-t-il pu se produire, alors que la chaleur fournie par le Soleil au système climatique terrestre change très peu ?

    Les explications les plus probables ont été avancées par les astronomes, qui ont mis en avant le rôle des variations des paramètres de la rotation de la Terre autour du Soleil.

    L'explication donnée par les climatologues met en avant le rôle des rétroactions : sous le climat actuel, chaque hiver de l'hémisphère nord voit la calotte enneigée de l'arctique s'étendre. A la sortie de l'hiver, cette neige blanche réfléchit vers l'espace une partie du rayonnement solaire qui est ainsi perdue par le système climatique de la Terre. Cependant, avec l'allongement de la durée des jours et la montée du Soleil, elle finit par fondre en grande partie. Mais si l'excentricité de l'orbite terrestre est forte, que l'été a lieu lorsque la Terre est au plus loin du Soleil, et que de surcroît l'axe de rotation de la Terre est peu incliné, alors, il peut arriver que la neige tombée en hiver dans l'hémisphère nord ne fonde pas en totalité en été : davantage de neige, moins de rayonnement solaire absorbé par le système climatique, la rétroaction (dite « rétroaction de l'albédo ») s'enclenche et conduit à une ère glaciaire.

    Les ères glaciaires durent plus longtemps que les interglaciaires. Conformément aux précédents interglaciaires, celui que nous connaissons devrait donc s'achever dans quelques milliers d'années. Mais il se pourrait que nous bénéficiions encore longtemps du climat favorable qui a permis le développement de l'humanité. En effet, d'une part l'excentricité de l'orbite terrestre est actuellement très faible et le restera pendant encore plusieurs dizaines de milliers d'années, et d'autre part, en émettant massivement du gaz carbonique qui s'accumule dans l'atmosphère, nous avons mis en marche un réchauffement du climat dont les effets seront très longs à s'atténuer.

     

    En savoir plus... 

    Quelle est la cause de l'alternance de périodes chaudes et de glaciations sur Terre lors du dernier million d'années?

    La température qui règne à la surface de la Terre dépend de l'énergie reçue du Soleil, et de la façon dont la Terre l'absorbe avant de la réémettre vers l'espace.  Le rayonnement émis par le Soleil augmente très lentement depuis la formation du système solaire, mais pour les variations climatiques qui nous intéressent, nous pouvons le considérer comme constant.
    À la distance moyenne de l'orbite terrestre (149,6 millions de km), ce rayonnement est de 1 361 W/m2 d'après les estimations les plus récentes , soit, à la surface de la Terre, compte tenu de sa sphéricité, une moyenne de 340,25 W/m2.

    Les variations climatiques de la Terre au cours du temps sont liées aux variations des paramètres de la rotation de la Terre autour du soleil :

    • l'ellipticité (ou excentricité) de l'orbite,
    • l'inclinaison de l'axe de rotation de la Terre sur le plan de son orbite (écliptique),
    • et la rotation de cet axe autour d'une perpendiculaire au plan de l'écliptique.

    C'est l'astronome serbe Milutin Milankovitch qui a le premier montré en 1924 comment ces variations orbitales pouvaient influencer le climat de la Terre. Le météorologue belge André Berger a repris sa théorie en détail et a définitivement montré sa validité.

    I.- L'excentricité de l'orbite terrestre

    L'orbite de la Terre autour du Soleil n'est pas un cercle parfait, mais une ellipse dont le Soleil occupe un des foyers, et qui est perturbée par l'attraction des autres planètes et de la Lune.
    L'excentricité de cette ellipse, définie comme le rapport de l'écart entre les deux foyers au grand axe de l'ellipse, varie. Puisque les mouvements de la Lune et de chacune des planètes sont périodiques, leur combinaison fait apparaître des périodes dans les variations de l'excentricité.
    La variation de plus grande amplitude a une période de 400 000 ans, d'autres périodes apparaissant entre 90 000 et 120 000 ans.
    Plus l'excentricité est grande, plus l'orbite s'allonge. Sa valeur qui varie de 0,005 à 0,06 est actuellement faible, soit 0,017 (pour un cercle parfait, cette valeur serait nulle). Ainsi, lors de sa rotation autour du Soleil, la distance de la Terre au Soleil varie, ainsi que l'énergie qu'elle en reçoit puisque celle-ci est inversement proportionnelle au carré de la distance (Figure 1).
    Lorsqu'elle est au plus près du Soleil (147 millions de km au périhélie, actuellement vers le 5 janvier) le rayonnement solaire à la distance de la Terre est maximum, soit environ 1 410 W/m2. À l'opposé, il est minimum lorsque l'éloignement est maximum (142 millions de km à l'aphélie, actuellement vers le 5 juillet), et vaut alors environ 1 318 W/m2.
    La variation relative de l’énergie reçue du Soleil au cours d'une année entre le périhélie et l'aphélie est égale à quatre fois l'excentricité (soit, actuellement, 6,8 %, mais cette variation atteint jusqu'à 24 % lorsque l'excentricité est maximale). Le mouvement orbital, plus lent au passage à l’aphélie conformément à la loi des aires de Kepler, compense les variations d’insolation, de telle sorte que la quantité d’énergie totale reçue au cours de l’année reste la même pour chacun des deux hémisphères.

    Figure 1 : Lorsque l'orbite de la Terre autour du Soleil est quasi-circulaire, le rayonnement (en dégradé rouge) reçu par la Terre varie peu d'une saison à l'autre. Lorsque l'orbite est excentrée, le rayonnement reçu au périhélie est plus fort qu'à l'aphélie.

    II L'inclinaison de l'axe de rotation de la Terre

    L'axe de rotation de la Terre sur elle-même est incliné par rapport au plan de l'écliptique. L'angle entre l'axe et la perpendiculaire au plan de l'écliptique est actuellement de 23,5°, et sous l'influence des autres planètes et de la lune, il varie de 22° à 24,5°, avec une période voisine de 41 000 ans.
    L'inclinaison de l'axe de rotation de la Terre est la cause de l'existence des saisons (Figure 2), et plus cette inclinaison est forte, plus le contraste entre les saisons est élevé. Elle définit en particulier une zone, au delà des cercles polaires que le rayonnement solaire n'atteint pas durant quelques semaines autour des solstices d'hiver, tandis qu'elle est éclairée 24h/24 aux solstices d'été.
    La latitude des cercles polaires est le complément à 90° de l'inclinaison et varie donc de 65,5° à 68°.
    Dans l'hémisphère nord, à ces latitudes, il y a une majorité de terres émergées, qui sont couvertes de glace à la sortie de l'hiver. Milutin Milankovitch avait choisi la latitude 65°N pour mettre en évidence le rôle des paramètres astronomiques dans l'alternance de périodes chaudes et de périodes glaciaires : à cette latitude, le rayonnement solaire reçu au solstice d'été à la surface de la Terre augmente d'environ 30 W/m2 lorsque l'inclinaison de l'axe de rotation de la Terre passe de sa valeur minimale à sa valeur maximale.

    Figure 2 : Une obliquité faible réduit la zone limitée par les cercles polaires et atténue les contrastes entre les saisons. Lorsque l'obliquité est forte au contraire, le contraste des saisons est renforcé, et la zone affectée par la nuit polaire s'agrandit. Près du pôle nord où les continents dominent, cette nuit polaire s'accompagne d'un enneigement.

    III La précession des équinoxes

    L'axe de rotation de la Terre sur elle-même est actuellement dirigé vers l'étoile polaire, mais cela n'est pas immuable : dans environ 12 000 ans, il pointera vers l'étoile Véga.
    En fait, tout en gardant le même angle avec le plan de l'écliptique, cet axe tourne lentement en décrivant un cône, comme on l'observe en regardant les mouvements d'une toupie (figure 3 A).
    Une conséquence est qu'une position d'équinoxe de l'axe de rotation de la Terre se reproduit 20 minutes avant que la Terre ait fait un tour complet du Soleil. Ainsi, l'année telle que nous la définissons, commodément basée sur le cycle des saisons, est plus courte de 20 minutes que l'année sidérale qui correspond à une rotation complète de la Terre autour du Soleil. En conséquence, la position des solstices et des équinoxes n’est pas fixe sur la trajectoire de la Terre autour du Soleil et il en résulte que périhélie et aphélie occupent des positions variables dans le cycle des saisons.
    Ainsi actuellement le périhélie se situe début janvier et l’aphélie début juillet. C’était l’inverse il y a un peu plus de 10 000 ans. À raison de 20 minutes par an, un cycle complet devrait durer environ 26 000 ans.
    Mais un autre mouvement intervient simultanément : le grand axe de l'orbite terrestre tourne de telle sorte que périhélie et aphélie se déplacent eux aussi, de telle sorte que la période liée à la précession des équinoxes est d'environ 21 000 ans.

    Figure 3 :
    (A) L'axe de rotation de la Terre décrit un cône en 25 800 ans.
    (B) Le solstice d'été parcourt l'orbite de la Terre autour du Soleil, en passant notamment par le périhélie et l'aphélie. La durée de ce parcours n'est cependant pas 25 800 ans, mais environ 21 000 ans (voir l'encart sur les périodicités)

    Périodes

    L'orbite de la Terre autour du Soleil est une ellipse dont le Soleil occupe un foyer, et l'excentricité de cette ellipse varie, de même que l'orientation de son grand axe. De plus, la Lune et les autres planètes, en particulier Jupiter et Saturne, les plus massives, exercent leur attraction sur la Terre, en fonction de leurs propres orbites.
    Venus tourne autour du Soleil en 225 jours, Mars en un peu moins de 2 ans, Jupiter en un peu moins de 12 ans, et Saturne en 29 ans.
    Dans un système aussi complexe, il n'y a pas de périodicité bien établie. Toutefois, il se dégage des intervalles de temps correspondant à chacun des paramètres orbitaux.
    L'excentricité de l'orbite terrestre varie avec une période dominante de 400 000 ans, et d'autres périodes entre 90 000 et 120 000 ans avec une moyenne vers 100 000 ans. L'inclinaison de l'axe de rotation de la Terre varie avec une période de 41 000 ans environ.
    En raison de la précession des équinoxes, l'emplacement sur l'orbite où l'axe de rotation de la Terre pointe vers le Soleil au solstice d'été boréal (appelons ce point E) se déplace, et fait le tour de l'orbite terrestre en 25 800 ans environ. Au cours de ce périple, il passe par l'aphélie, et par le périhélie. Mais pendant cette longue durée, le grand axe de l'orbite de la Terre (ou : axe des apsides, les apsides étant le périhélie et l'aphélie) tourne lui aussi, en sens inverse. Après être passé par l'aphélie, le point E y passera donc de nouveau avant d'avoir effectué un tour complet d'orbite. La période de rotation du grand axe des apsides est d'environ 135 000 ans. En combinant cette période avec celle de la précession des équinoxes, on calcule, que d'un passage à l'autre du solstice d'été à l'aphélie, il s'écoule environ 21 700 ans. C'est cette période qui est pertinente pour le climat.

     

    Aucun de ces paramètres orbitaux à lui seul n'est capable de donner lieu à une ère glaciaire. C'est lorsque leurs effets se superposent qu'une glaciation peut s'initier, et le forçage le plus intense interviendrait lorsque l'excentricité est maximale (tous les 400 000 ans, ou tous les 90 000 à 100 000 ans), alors que l'axe de rotation est peu incliné (tous les 41 000 ans), et que le solstice d'été boréal a lieu à l'aphélie (tous les 21 700 ans).
    Conformément aux travaux d’André Berger ou de Jacques Laskar sur le système solaire, le calcul des variations temporelles de  l’insolation, à une latitude élevée (80 degrés nord) et sur une période de 800 000 ans, indique, d’après  une analyse spectrale, que trois périodes prédominent outre celles de l’excentricité vers 400 000 et 100 000 ans : les périodes  de 41 000, 19 000 et 23 000 ans; elles sont  importantes sur le plan de l’étude climatique et montrent que le lien entre les périodes astronomiques et les périodes climatiques est complexe.

    IV Comment s'installent les périodes glaciaires

    Le rayonnement solaire qui parvient à la distance moyenne Terre – Soleil peut être considéré comme constant.
    L'énergie reçue par la Terre varie certes entre ses passages au périhélie et à l'aphélie, et cette variation est d'autant plus importante que l'excentricité de l'orbite est grande (jusqu'à 24 %), mais lorsque la Terre parcourt une orbite entière, en une année, l'énergie totale reçue est sensiblement la même quelles que soient les conditions orbitales ou d'inclinaison de l'axe de rotation de la Terre.
    En effet, lorsque la Terre est à l'aphélie, son mouvement orbital est plus lent et ceci compense exactement la diminution du rayonnement solaire reçu qui est lui aussi inversement proportionnel au carré de la distance Terre – Soleil. Selon les mêmes principes, les deux hémisphères reçoivent au cours d'une année la même quantité d'énergie. Qu'est-ce donc qui déclenche les périodes glaciaires ?

    Notons d'abord que tout le rayonnement solaire qui atteint la Terre ne contribue pas à son climat : une partie est réfléchie et repart immédiatement vers l'espace. Cette fraction du rayonnement qui est réfléchie (l'albédo) est principalement causée par l'enneigement (l'albédo des surfaces enneigées est d'environ 80 %). L'enneigement se produit en hiver et se poursuit jusqu'au dégel au printemps et en été. Dans la période chaude où nous sommes actuellement, toute la neige tombée en hiver fond et ne s'accumule donc pas, ce qui permet à l'année qui suit de se dérouler dans les mêmes conditions. Mais imaginons qu'il y ait eu un enneigement exceptionnellement étendu, et que le printemps et l'été suivants soient anormalement froids : toute la neige en excès ne fond pas et réfléchit vers l'espace plus d'énergie qu'à l'accoutumée. La Terre se refroidit donc, et les surfaces enneigées ont tendance à s’accroître : plus il y a de neige, plus la Terre réfléchit vers l'espace l'énergie reçue du Soleil, et plus il fait froid ; une rétroaction s’amorce alors et s'auto-entretient, car plus il fait froid, plus les surfaces enneigées s'accroissent. Cet accroissement de l'enneigement n'est possible que dans l'hémisphère nord où se trouvent la majorité des terres émergées, car dans l'hémisphère sud, l'Océan Antarctique oppose une barrière à un éventuel accroissement.

    Le départ d'une ère glaciaire se situe donc dans l'hémisphère nord. Les conditions propices à l'établissement d'une glaciation sont de fortes précipitations neigeuses suivies par des étés relativement froids au cours desquels une partie croissante de cette neige persiste. Ceci se produit lorsque l'excentricité de l'orbite terrestre est forte, et que le passage à l’aphélie a lieu en été boréal : le rayonnement reçu en hémisphère nord y est alors minimum, l'été est froid, et la neige n'y fond pas en totalité. Ce processus est accentué lorsque l'axe de rotation de la Terre est peu incliné, le contraste entre les saisons étant alors moins marqué : l'hiver est alors relativement doux, ce qui favorise des précipitations neigeuses abondantes, et l'été moins chaud, ce qui empêche en partie la fonte de la neige. Par ailleurs, le système climatique terrestre comporte des interactions entre les océans, l'atmosphère et la cryosphère, qui rendent l' articulation avec les forçages orbitaux très complexes. C'est aux latitudes proches du cercle polaire boréal, où s'étendent surtout des surfaces continentales, que le processus de glaciation s’amorce. Le rayonnement qui parvient à 65°N diminue de 30 W/m2 au solstice d'été lorsqu'on passe d'une situation de forte inclinaison à une faible inclinaison, et lorsque ce solstice se produit à l'aphélie en période d'excentricité maximale, le rayonnement solaire n'y est que de 1 311 W/m2 au lieu de 1 361. De plus, ces conditions propices à l'établissement d'une époque glaciaire ne sont pas éphémères : elles s'exercent pendant plusieurs centaines d'années, car les périodicités à l’œuvre s'expriment, elles, en dizaines de milliers d'années. La rétroaction de l'albédo, ainsi que d'autres rétroactions (vapeur d'eau, gaz carbonique) et l'effet sur la circulation océanique, conduisent alors à une ère glaciaire. Le retour à un interglaciaire a lieu lorsque, contrairement aux conditions précédentes, la Terre est proche du Soleil en été boréal, et que les surfaces enneigées se réduisent, mettant ainsi en marche, mais dans le sens opposé, la rétroaction climatique de l'albédo. Ce retour s'effectue toutefois de manière beaucoup plus chaotique, avec des oscillations dites événements de  Dansgaard-Oeschger marquées par de  brusques épisodes de froid brusques épisodes de retour du froid

    V Où en sommes nous ?

    L'été boréal a actuellement lieu lorsque la Terre est proche de l'aphélie et que l'énergie qu'elle reçoit du Soleil est à son minimum. À l'opposé, en hiver, elle est proche du périhélie et l'hiver boréal est moins intense. C'est là une des conditions d'établissement d'une ère glaciaire, et c'est ce que certains mettaient en avant il y a quelques dizaines d'années pour minimiser la menace d'un réchauffement climatique dû aux émissions de gaz carbonique. Mais l'excentricité de l'orbite de la Terre est actuellement faible, et va encore diminuer au cours des quelques prochains millénaires. D'autre part, l'obliquité de l'axe de rotation de la Terre diminuera durant la prochaine dizaine de milliers d'années, tendant à diminuer le contraste entre été et hiver et ainsi à favoriser des étés boréaux relativement frais. Compte tenu de ces évolutions des paramètres orbitaux, et en attendant le passage suivant du solstice d'été à l'aphélie, l'interglaciaire actuel, l'Holocène, durera plus longtemps.

    Se superpose à cette situation de très faible forçage vers une glaciation, un changement important de la composition de l'atmosphère dû aux émissions anthropiques de gaz carbonique et d'autres gaz à effet de serre, changement d'une telle amplitude que le risque de voir les calottes glaciaires s'avancer sur nos terres agricoles est repoussé à des configurations orbitales lointaines.
    Au contraire, actuellement, et en dépit de conditions qui, sans l'action humaine, tendraient vers des étés frais et par conséquent vers une glaciation, la calotte glaciaire de l'hémisphère nord se réduit.

    Historique

    La mise en évidence du rôle des paramètres orbitaux dans l'alternance des périodes glaciaires et interglaciaires est récente, mais elle s'appuie sur des découvertes et des calculs beaucoup plus anciens. Hipparque au deuxième siècle avant J.- C. a le premier observé que la position du Soleil par rapport aux étoiles à l'équinoxe de printemps se déplaçait lentement d'est en ouest. La même observation aurait théoriquement pu être faite pour les solstices, mais il est plus facile de repérer le jour où le Soleil se couche exactement à l'ouest que celui où il culmine. C'est probablement pour cette raison que la rotation autour d'un cône de l'axe de la Terre est désignée par «précession des équinoxes» plutôt que par «précession des solstices», alors que cette dernière formulation aurait été plus parlante pour l'alternance climatique des périodes glaciaires et interglaciaires. Au temps d'Hipparque d'ailleurs, on ignorait qu'il y avait eu des épisodes glaciaires.

    Kepler en 1609 a démontré et formulé le mouvement elliptique des planètes, mais c'est surtout Newton qui, avec les lois de la gravitation universelle publiées en 1687 dans les Principia Mathematica a fourni les bases théoriques qui vont peu à peu permettre de comprendre les interactions entre les astres du système solaire et la nécessité de les prendre en compte.

    Le mathématicien suisse Euler s'attaquera lui aussi au XVIIIème siècle aux calculs astronomiques, mais c'est surtout Joseph Louis de Lagrange, puis Pierre Simon Laplace qui mettront en place les outils modernes permettant de comprendre et de prévoir avec précision les mouvement des planètes. Le premier a publié un traité général de plusieurs volumes parus en 1785 et 1786 sous les titres Théorie des variations séculaires des éléments des planètes et Théorie des variations périodiques des mouvements des planètes dans lesquels il traite de problèmes de stabilité et de perturbations, comme la question du mouvement séculaire des nœuds d'une orbite, celle de la diminution de l'obliquité d'une écliptique, celle des variations de l'excentricité et des périhélies. Le second a repris ces calculs afin de rechercher les causes des altérations dans les orbites des planètes (allant jusqu'à envisager l'influence des comètes), et en appliquant à Jupiter et Saturne le principe de la conservation de l'énergie, il met en évidence l'interaction gravitationnelle des planètes. Mais d'après lui, leurs orbites elliptiques sont immuables, or, ceci devrait conduire à des collisions de la Terre avec Mars. Tous deux en viennent à l'idée que les ellipses ne sont pas stables, et que leur excentricité varie, ce qu'ils démontrent d'abord pour Jupiter et Saturne, puis pour la Terre, avec de très longues périodes. Le Verrier s'appuiera ensuite sur leurs travaux pour calculer des orbites de planètes et annoncera la nécessité de l'existence de la planète Neptune avant que celle ci soit découverte en 1846.

    Mais jusque là il n'était pas question de relier la variabilité des orbites des planètes à des variations amples du climat dont on ignorait encore l'existence. C'est Louis Agassiz en 1840 qui donnera les preuves de l'existence de périodes anciennes très froides, seule explication à la présence de blocs de pierre caractéristiques d'un transport par des glaciers trouvés à des latitudes tempérées. Peu après, en 1875, l'écossais James Croll aura l'intuition que la variation des paramètres orbitaux est à l'origine de ces glaciations et identifiera les variations d'excentricité de l'orbite terrestre et la précession des équinoxes comme les causes principales. Il proposera en particulier une périodicité de 22 000 ans pour ces glaciations (qu'il envisagera aussi pour l'hémisphère sud, ce qui est maintenant contredit). Enfin, Milankovitch, reprenant à son tour l'hypothèse d'une influence des paramètres orbitaux sur le climat, montra que ces paramètres avaient une forte influence sur les températures d'été aux hautes latitudes de l'hémisphère nord, et que ceci pouvait être à l'origine des périodes glaciaires. Ses conclusions ne furent pas unanimement acceptées, et il fallut attendre que les paléoclimatologues accumulent des données de l'évolution des températures au cours des ères géologiques (notamment les rapports isotopiques de l'oxygène dans les foraminifères fossiles par Shackleton) pour valider les travaux de modélisation du paléoclimat parmi lesquels ceux de André Berger, travaux qui ne cessent de se perfectionner depuis.
    Ainsi Jacques Laskar a refait les calculs sur l’évolution des paramètres du système solaire en les étendant par ailleurs  le plus loin possible dans les temps géologiques, soit en pratique jusqu'aux environs de 50 millions d’années car au-delà il n’est plus possible de faire des prédictions, le mouvement chaotique du système solaire prévalant alors. 

     

     Mise à jour mars 2020

  • Océanographie des astronomes 
  • La disparité des unités de mesures observée avant la Révolution française avec notamment des mesures agraires qui diffèrent entre deux villages voisins, voire au sein du même village

  • Bilan climatique 2020

  • Bilan climatique 2021

  • Début mai 2022, la presse s’est fait l’écho de la publication de l’étude NZ SeaRise:

  • Ma thèse d'Etat portait sur l'analyse des spectres d'absorption présents dans la lumière solaire réfléchie par Vénus.

  • Une semaine seulement après la fin de l'année 2022, Meteo France est déjà en mesure de publier un article :

  • Bilan climatique 2022

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