Le Groupe Intergouvernemental pour l’Étude du Climat (GIEC) est perçu comme un groupe de scientifiques

de Kari De Pryck ((postdoctorante, boursière du Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS), et chercheuse associée au laboratoire PACTE de l'Université Grenoble Alpes)
Édition : Presses de Sciences Po
Recension d'Yves Dandonneau.
Le Groupe Intergouvernemental pour l’Étude du Climat (GIEC) est perçu comme un groupe de scientifiques qui fournissent périodiquement aux décideurs une analyse, la meilleure possible, sur les connaissances que l’on a du climat et de son évolution, en particulier celle liée aux rejets de gaz à effet de serre. L’ouvrage écrit par Kari de Pryck est consacré au fonctionnement de cette institution et ne commente pas les résultats mis en avant par ses trois groupes de travail. Il décortique sa composition, son mandat, son articulation avec ses tutelles, l’adéquation de ses rapports avec l’attente de celles ci, son évolution, et les complexités sous-jacentes à tous ces aspects. C’est donc une vision politique du GIEC et de son articulation avec le monde de la recherche, les états et les organisations internationales. Après un rappel du pourquoi et des conditions qui l’ont conduite à écrire ce livre, elle détaille les principes qui doivent être respectés pour le choix des membres qui composent l’assemblée générale et les groupes de travail, au sein desquels figurent des scientifiques et aussi des représentants des états, et les contraintes qui résultent de la nécessité de respecter autant que possible une variété correspondant aux grandes régions du globe et au partage entre pays développés et pays en développement. Présenter de manière objective, claire et précise l’ensemble des connaissances sur l’état du climat est une tâche inédite pour un groupe aussi large et diversifié que l’est le GIEC. La polémique née par exemple autour d’une erreur sur une disparition prochaine des glaciers de l’Himalaya publiée dans la littérature grise et reproduite dans le rapport final (l’Himalaya Gate) montre bien la difficulté de la tâche. Les rapports des trois groupes sont le reflet des connaissances publiées dans des revues à comité de lecture au moment où ils sont rédigés. Depuis sa création, le GIEC n’a pas cessé d’améliorer les procédures d’élaboration et de correction collective des rapports afin d’aboutir au meilleur résultat possible tout en restant neutre sur les éventuels sujets de désaccord. Les assemblées du GIEC ne comprennent pas que des scientifiques, mais aussi des représentants des états qui discutent parfois certaines conclusions qui seraient mal acceptées dans leur pays. L’approbation des rapports fait donc l’objet de négociations et d’une recherche de consensus sur ces points litigieux. Les travaux du GIEC sont étroitement coordonnés avec les activités de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) qui indique d’éventuels points à approfondir, adresse des demandes particulières aux groupes de travail du GIEC (rapport sur un réchauffement de 1, 5°C, rapport sur les océans et la cryosphère), et qui définit l’ordre du jour des COP annuelles (Conférences des parties), où les états s’appuient sur les conclusions du GIEC pour définir leur politique en matière de Climat. Compte tenu de l’interaction de plus en plus forte du GIEC avec la politique de lutte contre le changement climatique, et du caractère non prescriptif de ses conclusions, la communication auprès des médias doit être contrôlée. Cette tâche est de plus en plus difficile à mesure que la question du changement climatique devient de plus en plus préoccupante. Le livre se termine par une réflexion sur la possibilité pour le GIEC de répondre à des problèmes qui se ramifient dans des particularités régionales et sont perçus différemment selon les groupes sociétaux. Tous ces enjeux sont expliqués en détail avec une compétence aiguë. La masse de documents consultés, le grand nombre d’interviews de personnalités du monde scientifique impliquées dans l’activité du GIEC, sont impressionnantes, et font de ce livre une source très utile pour prendre conscience de la complexité à laquelle l’humanité est confrontée face au changement climatique.