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  • Il existe de très nombreux ouvrages sur le cycle de l'eau et les ressources en eau à toutes les échelles, planétaires, continentales, régionales, locales, parcellaires. Nous conseillons en particulier la lecture de deux d'entre eux auxquels des Argonautes ont contribué :

    L eau un tresor en partage Marsily L Eau a decouvert CNRS

    Ghislain de Marsily,
    avec une préface d'Erik Orsenna

    256p. ISBN 978-2-10-051687-2
    2009, Dunod

    sous la direction d'Agathe Euzen, Catherine Jeandel et Remy Mossery

    365p. ISBN 978-2-271-08829-1
    2015, CNRS Editions

     

    Les articles qui constituent ce dossier, ainsi que ceux des FAQ associées ne sont donc que des informations scientifiques élémentaires sélectionnées pour fixer les idées et mieux aborder certains des articles de blog de ce site.

    (Dossier en cours de développement)

     

  • Jean Labrousse 

    Il est bon de rappeler, tout d’abord, que l’on appelle circulation générale de l’atmosphère la circulation moyenne de l’air sur la terre.
    Lorsque le vent arrive sur un relief, il est obligé se s’élever pour passer cet obstacle. L’air subit donc une perturbation. Les conséquences de cette perturbation sur l’écoulement de l’air ont un aspect dynamique et un aspect thermodynamique.

    Pour ce qui concerne l’aspects dynamique, l’onde créée par le soulèvement du vent par la chaîne montagneuse, va se propager en aval de l’obstacle. Ce phénomène est identique à celui créé par un rocher dans une rivière. La perturbation est visualisée par les vaguelettes et les tourbillons qui se forment à la surface de la rivière, en aval de l’obstacle. 
    Dans le cas de l’atmosphère, pour un relief isolé la perturbation concerne une tranche d’atmosphère dont l’épaisseur est de l’ordre du tiers de la hauteur de la montagne.
    Les trains d’ondes ainsi formés peuvent se propager très loin de l’obstacle et, si l’humidité de l’air est suffisante, se concrétiser par des nuages Ils prennent la forme d’une lentille, on les appelle d’ailleurs lenticulaires, parfois empilés comme des assiettes, à des centaines de km de la montagne Ceci correspond à une atmosphère stable, ce que l’on appelle un écoulement laminaire.
    Dans le cas d’une atmosphère instable cela peut générer des lignes de nuages de type orageux. 
    Dans le cas de reliefs très élevés et perpendiculaires au flux d’air, c’est le cas par exemple des Rocheuses, aux latitudes moyenne où le vent est de dominante Ouest, ces ondes peuvent devenir planétaires. 

    Pour ce qui concerne maintenant l’aspect thermodynamique, on se rappellera que l’air, lorsqu’il est soulevé, se refroidit tandis qu’il se réchauffe en descendant. Le taux de variation de la température dépend de l’humidité de l’air. Plus il est sec plus ce taux est élevé, passant de presque un degré par cent mètres, pour de l’air sec, à un peu plus d’un demi-degré par cent mètres, pour de l’air à saturation. 
    Lorsque l’air s’élève au vent d’une montagne sa température diminue. S’il contient suffisamment de vapeur d’eau, c’est par exemple le cas d’air qui est passé sur la mer, la vapeur d’eau se condense et forme des nuages.
    En général les nuages vont donner de la pluie. L’air qui va descendre derrière la montagne, va donc être sec. En descendant, il va se réchauffer, plus qu’il ne s’était refroidi en montant: si une grande et haute montagne se situe en travers du vent, c’est le cas par exemple des Rocheuses, l’air sous le vent des Rocheuses va être plus chaud et plus sec que celui d’avant ces montagnes, d’où la création de déserts. Un autre exemple est celui du climat de la plaine d’Alsace, sec et chaud par rapport à celui de la Lorraine. C’est la conséquence de l’existence des Vosges.
    On doit enfin signaler le cas des moussons. Ces moussons d’Asie, sont dues au contraste thermique entre la mer et le continent indien. La mousson existerait donc même si la chaîne himalayenne n’existait pas. Cependant les hauteurs d’eau considérables qui tombent sur la face sud de cette chaîne sont dues à l’amplification du phénomène dynamique par ce phénomène thermodynamique.

  • Arbre fontaine, attrape-brouillard et oasis brumeuses.

    Comment s’abreuver quand il ne pleut pas et que l’eau souterraine est inaccessible ? L’extraire du ciel tout simplement.
  • Tableau des stocks entre lesquels s’organisent les flux annuels du «cycle de l’eau»  
  • Isabelle et Pierre Bauer 

    Dans son remarquable ouvrage intitulé «Histoire du climat depuis l’an mil» publié en 1967, Emmanuel Le Roy Ladurie retrace l’évolution du climat (français, voire européen, pour l’essentiel). Il s’appuie largement sur des données de dendrochronologie et sur les dates des vendanges. Sachant que les dates des vendanges, depuis des temps immémoriaux, sont fixées administrativement pour faciliter l’organisation des équipes de vendangeurs mais aussi la collecte de l’impôt, on peut s’interroger sur la pertinence en termes de climat d’un tel indicateur. En fait la détermination de ces dates, les bans des vendanges, a toujours pris en compte la date de floraison de la vigne et une période de 100 jours pour atteindre la maturation du raisin. Des réseaux de suivi de la maturation du raisin sont désormais en place afin d’optimiser la date des vendanges pertinente pour un vignoble donné.

    L’idée du lien entre le développement végétal de la vigne au cours du printemps et de l’été avec la température moyenne d’une année donnée est confortée par des études menées pour le compte de l’Observatoire national d’étude du réchauffement climatique (ONERC) comme l’indique la courbe ci-dessous qui donne pour le Saint Émilion la relation entre la date de début des vendanges et la somme des températures moyennes journalières (degrés jours) excédant le seuil de 10°C. En effet le développement végétal de la vigne ne se produit qu’au-dessus de ce seuil avec un taux de croissance qui augmente avec la température. La date des vendanges est d’autant plus précoce que cette somme des températures est élevée. Elle suit une loi de variation remarquablement linéaire.

    C’est ce que confirme également une autre étude menée conjointement par L’Institut Pierre-Simon Laplace, Météo France et l’INRA avec Emmanuel Le Roy Ladurie (Daux et al , 2007) qui donne les dates des vendanges pour différentes régions viticoles en fonction de la moyenne des températures journalières maximales entre avril et août. On retrouve bien une loi de variation linéaire, spécifique pour chacune des régions viticoles, entre la date des vendanges et la moyenne des températures maximales.

    Moyenne des températures maximales journalières

    Il est intéressant à ce stade de replacer l’évolution récente de la date des vendanges dans son contexte historique. On dispose pour cela des données de dates des vendanges en Bourgogne D’Emmanuel Le Roy Ladurie sur cinq siècles complétées jusqu’au début des années 2000 par Rochard et al (2005). La figure ci-dessous donne la moyenne mobile décadaire de la date des vendanges de1490 à 2003 ainsi que les dates extrêmes de vendanges. Sur plus de cinq siècles le record absolu de précocité est fourni par l’année 2003 (dépassant de peu l’année 1556). 2003 est l’année de la fameuse canicule dont il sera question spécifiquement un peu plus loin. Un autre phénomène remarquable correspond àl’avancement d’une quinzaine de jours en moyenne mobile de la date des vendanges depuis la fin des années 80.

    Qu’en est-il spécifiquement pour Le Beaujolais ?

    Le mémoire de Master de Yohan Lafragette (2013), dont a été tiré une grande partie des éléments de cette FAQ, s’intéresse précisément au Beaujolais et plus généralement aux vignobles du Nord-Est de la France. Yohan Lafragette présente en premier lieu, dans la figure ci-dessous, l’évolution de la température moyenne annuelle de 1960 à 2012 captée par un réseau de 7 stations météorologiques du Beaujolais. En séparant en 2 les données (de 1960 à 1987 et de 1988 à 2012), il fait apparaître une augmentation moyenne de la température entre ces 2 périodes de 0,4°C. On peut retenir également qu’en dépit d’une forte variabilité d’une année à l’autre, la tendance moyenne de l’augmentation entre 1960 et 2012 est de l’ordre de 1°C, ce qui est considérable ! 

    En fait l’essentiel pour la vigne est la valeur de la température au cours de son développement végétatif, soit en première approximation d’avril à août. Les données présentées ci-dessous mettent en évidence des évolutions distinctes des moyennes, en Beaujolais, de températures maximales diurnes, moyennes diurnes et minimales diurnes entre 1993 et 2012. La croissance de la moyenne des températures maximales diurnes pendant la période végétative atteint un niveau de 1,9°C par décennie, alors que celle des températures minimales est du même ordre de grandeur que celle des températures moyennes annuelles (0,2°C par décennie).Il s’ensuit que la vigne est particulièrement sensible à la hausse des températures maximales.

    Les conséquences sur la phénologie du vignoble du Beaujolais de l’évolution récente de la température sont, comme l’indiquent les 3 figures ci-dessous, multiples :

    • Apparition plus précoce des bourgeons (débourrement)

    • Apparition plus précoce de la floraison

    • Avancée de la date des vendange

    • Réduction de la durée de développement végétatif

    Quelles sont les conséquences du changement climatique récent sur la viticulture du Beaujolais ?

    • La précocité de la période de floraison accroît le risque lié aux gelées tardives. En effet, l’augmentation observée de la température n’entraîne pas la disparition de phénomènes de gels tardifs.

    • Les températures plus élevées ont pour effet d’accroître le degré potentiel d’alcool du vin, ce qui permet de moins  chaptaliser. Elles augmentent, par contre, le recours à l'acidification.

    • L’avancée de la période de maturation du vignoble du Beaujolais de septembre à août augmente la température du raisin au moment de la récolte, ce qui a un effet sur la vinification. Il faut alors décaler les vendanges vers l’aube et posséder une bonne capacité frigorifique pour refroidir les cuves de vinification.

    Le cas de la canicule de 2003

    Le cas de la canicule d’août 2003, elle-même précédée par un événement de très fortes chaleurs en juillet, a soumis les vignobles à des températures excessives grillant littéralement les baies alors que la maturation n’était pas achevée. Afin de sauver ce qui pouvait l’être, la date des vendanges a été avancée et des mesures d’acidification ont été appliquées afin d’aboutir à une vinification acceptable…ce ne fut ni une grande année sur le plan quantitatif ni une bonne année sur le plan qualitatif.

    Conclusion

    Le vignoble du Beaujolais a subi des changements très sensibles en réponse au changement climatique (phénologie, date des vendanges, degré d’alcool…), certaines pratiques vinicoles ont évolué (refroidissement de la vendange, diminution de la chaptalisation, besoin accru d'acidification).

    Faudra-t-il bientôt procéder à des modifications plus radicales comme par exemple le choix de nouveaux cépages mieux adaptés que le gamay aux fortes températures ?

    Références

    Daux Valérie, Pascal Yiou, Le Roy Ladurie Emmanuel, Mestre Olivier, Chevet Jean-Michel et l’équipe d’OPHELIE, Température et dates de vendanges en France, 2007.

    Lafragette Yohan, Le changement climatique dans le Beaujolais et les vignobles du Nord-Est de la France :Etude de l’évolution des stades phénologiques en Beaujolais, Alsace, Bourgogne,Champagne et Jura, 2013, Mémoire de M2 EDMR Paris VII

    Le Roy Ladurie Emmanuel, Histoire du climat depuis l’An mil, 1967, Ed. Flammarion

    Ministère de la Transition écologique et Solidaire Dates des vendanges à Saint Émilion

    Rochard Joël, Clément Jean-Rémy, Srhiyeri Abdelhaq, Zonage et modification du climat : évolution des dates de vendange, création d’un observatoire phénologique de la vigne, 2005. 

  • Quelle a été l’intensité des sécheresses au 20e siècle? Quelle est leur prévision au 21e siècle?

    Katia Laval 

    Les sécheresses peuvent avoir de très graves conséquences sur de nombreux secteurs de l'économie. Les scientifiques cherchent à mettre en évidence les évolutions de leur intensité et de leur fréquence détectées dans le passé et à en prévoir le devenir. Pour atteindre ces objectifs, ils définissent des indices, rassemblent des données du climat du passé et en particulier les précipitations, et étudient le climat futur grâce aux modèles. Ces travaux ont mis en évidence la complexité de ces estimations, et le besoin de recherches supplémentaires pour obtenir des prévisions plus fiables.

    1- Définir une sécheresse

    On peut définir une sécheresse de manière simple comme une situation d'absence prolongée ou d'insuffisance marquée de précipitations, entrainant un manque d'eau pour certaines activités ou pour certains groupes.

    Plus précisément, en suivant le quatrième rapport du GIEC, on distingue :

    • La sécheresse météorologique liée au déficit prolongé de précipitations.
    • La sécheresse agricole liée au déficit d'humidité superficielle du sol (un mètre environ de profondeur de sol, correspondant à la zone racinaire).
    • La sécheresse hydrologique lié à un débit de cours d'eau ou à un niveau d'eau des nappes sous leur valeur normale.

    Ces sécheresses peuvent résulter de :

    • trop faibles précipitations pendant la saison de remplissage des couches superficielles et profondes des sols.
    • une fonte de neige anormalement faible.
    • une évaporation de l'eau trop intense, ce qui diminue les ressources en eau.
    • une modification de l'infiltration ou du ruissellement qui modifie la quantité d'eau stockée par les nappes ou les cours d'eau.

    2- Quelles seront, d'après les rapports du GIEC, les conséquences de l'accumulation des gaz à effet de serre (GES) contenus dans l'atmosphère sur l'aridité des surfaces dans le futur?

    Le changement climatique créé par l'augmentation des GES dans l'atmosphère affecte la distribution des précipitations. Certaines régions verront leur aridité augmenter alors que d'autres seront, au contraire, plus humides. On peut donc prévoir une modification des zones et de la fréquence des sécheresses.

    Mais peut-on affirmer qu'il y aura une tendance globale vers plus d'aridité ?

    Les politiques, les ONG et les médias évoquent souvent le fait que l'augmentation anthropique des gaz à effet de serre a pour conséquence un accroissement du nombre des sécheresses qui pourraient être plus intenses : ces propos, à juste titre, provoquent une vive inquiétude dans nos sociétés.

    Le rapport AR4 du GIEC en 2007, allait d'ailleurs dans ce sens puisque l'on pouvait y lire :

    ...."More intense and longer droughts have been observed over wider areas since the 1970s, particularly in the tropics and subtropics"
    Cette référence a souvent été reprise lors de débats d'experts pour évaluer les risques de sécheresse sur les populations.

    De nombreux épisodes de sécheresses survenues en Chine l'année 1997, entre 1999 et 2000 aux États Unis, et de 2002 à 2008 en Australie semblaient montrer que cet accroissement de l'aridité était déjà en cours sur tout le globe.

    Cependant, quelques années plus tard, en 2013, le nouveau rapport (l'AR5) du même groupe, le GIEC, aboutit à une conclusion différente puisqu'il indique :"A possible overestimation of the increase in regional and global drought".

    Pourquoi cette contradiction entre les 2 rapports, élaborés par la même communauté scientifique ? Doit-on accorder plus d'importance à la conclusion récente, qui devrait normalement s'appuyer sur des progrès obtenus par les scientifiques entre ces deux dates ? Quelles erreurs ou biais antérieurs du rapport 2007 avaient entrainé la révision de ces conclusions ? C'est cela que nous allons examiner.

    3- Les Indices

    Depuis de nombreuses années, plusieurs indices ont été proposés pour évaluer l'aridité d'une région. Ces indices dépendent de la source (la précipitation P) et des pertes d'eau. Ces dernières se composent de la transpiration des plantes, de l'évaporation de l'eau de pluie interceptée sur les feuillages et de celle du sol. La somme de ces trois termes est appelée par les spécialistes "l'évapotranspiration".

    Pour évaluer les dommages subis par les agriculteurs, on utilise fréquemment le PDSI (Palmer Drought Severity Index). Cet indice dépend du rapport entre la précipitation P et l'évapotranspiration "potentielle" (EP). Celle-ci est, en quelque sorte, la valeur maximale de l'évapotranspiration qui se produirait si la surface restait bien mouillée tout au long de l'année. C'est donc celle qui a lieu quand il y a suffisamment d'eau en surface pour répondre à la demande de vapeur d'eau par l'atmosphère.

    Si une surface est très humide comme un gazon mouillé, l'évaluation de l'évapotranspiration par une expression mathématique (sur laquelle nous allons revenir) ne comporte pas de difficulté majeure. Sa détermination est assez précise. Quand la surface s'assèche, l'évapotranspiration diminue car la plante impose une certaine résistance au transport de l'eau du sol vers les pores des feuilles. Ceux-ci, appelés stomates, se ferment, ralentissant l'échange vers l'atmosphère. Cette diminution est délicate à calculer, car elle dépend de nombreux facteurs comme les caractéristiques des plantes, celles du sol ou encore la concentration en CO2 de l’atmosphère.

    Le rapport P/EP permet de classer les situations, en fonction de leur aridité :

    Hyper aride si P/EP<0.05

    Aride si 0.05< P/EP<0.20

    Semi aride si 0.20< P/EP<0.50

    Sous humide si 0.50<P/EP/0.65

    Les indices PDSI s'échelonnent entre -10 et +10. Pour des valeurs inférieures à -3, la région est très aride alors qu'elle est très humide si la valeur de l'indice dépasse 3.
    Il faut noter que l'on donne ainsi à l'indice d'aridité une signification générale, mais que suivant la nature de la surface, le couvert végétal, les cultures, les dommages liés à la sécheresse peuvent être plus ou moins importants.

    4- L'Évaporation Potentielle

    L'évaporation potentielle EP est calculée de façon plus ou moins simple (ou simpliste) suivant l'usage et la précision que l'on veut atteindre. Souvent, dans le passé, l'indice PDSI a été déterminé en calculant cette EP comme une fonction croissante de la seule température (T), dont un exemple est la formule dite de Thornthwaite , souvent utilisée.

    Cette formule reliant directement l'EP à la température, le réchauffement du 20e siècle entraine une augmentation de l'EP, et partant, une diminution de cet indice.

    Il faut souligner qu'il suffit d'avoir des enregistrements de températures et de précipitations, pour aboutir à une évaluation de l'aridité. Cette simplicité explique la popularité de cette méthode.

    Cependant cette relation ne peut être utilisée de manière générale, et on a montré, depuis de nombreuses années, que cette évaluation peut conduire à des résultats biaisés.

    5- Les observations de l'aridité depuis l'ère industrielle

    La figure 1 (Dai, et al (2004)) montre l'évolution de l'indice PDSI sur la surface du globe de 1870 à 2002, calculée avec la formule de Thornthwaite. Elle indique une tendance à l'aridité particulièrement marquée pendant la deuxième moitié du 20e siècle.
    Ce résultat a deux causes :

    • la diminution de précipitations dans certaines régions,
    • et l'augmentation de température,

    qui induit un accroissement de EP.
    Le réchauffement constaté au cours du 20e siècle a donc renforcé l'aridité. La figure 1c montre que cette évolution est bien moins intense et moins étendue si l'on ne tient pas compte de la variation de température observée.
    La conclusion de cet article était : The global very dry areas have more than doubled since the 1970, with a large jump in the early 1980s due to an ENSO induced precipitation decrease and a subsequent expansion primarily due to surface warming".

    Ce résultat préoccupant, a, bien évidemment attiré l'attention des chercheurs et des médias. Il a été pris comme un facteur essentiel pour calculer les impacts de ce changement climatique sur la ressource en eau. Sachant que l'accroissement de la démographie conduit inévitablement à de plus grands besoins de cette ressource essentielle pour l'énergie, l'industrie, l'agriculture, les besoins domestiques, cette conclusion a suscité une certaine angoisse, tout à fait compréhensible.

    Figure 1: Distribution des variations de PDSI (exprimées en variation par 50 ans) calculées à partir des évolutions des précipitations et des températures pendant (en haut) 1900-49; au milieu (b) 1950-2002; en bas (c) le calcul est fait sans tenir compte de la variation de température. Les valeurs négatives (en rouge) indiquent un assèchement et les valeurs positives (en bleu) une humidification). Dai et al, 2004.

    Cependant les spécialistes des échanges entre la surface terrestre et l'atmosphère ont souligné les faiblesses de la formule de Thornthwaite. Le calcul de l'EP doit être plus rigoureux quand on compare des climats subissant des conditions météorologiques ou de rayonnement contrastés. L'évapotranspiration dépend non seulement de la température, mais aussi du rayonnement, de l'humidité de l'air et du vent, ces 3 autres facteurs jouant un rôle direct et bien connu sur l'évaporation (l'expérience familière du linge qui sèche sur une corde nous le rappelle). Une formule bien plus précise est la formule de Penman-Monteith qui tient compte de ces autres facteurs. Mais pour utiliser une telle relation sur toutes les surfaces terrestres, il faut avoir des enregistrements de toutes ces quantités. La détermination de ces autres paramètres climatiques pour la deuxième moitié du 20e siècle a permis de progresser.

    Sheffield et al, en 2012, s'appuient sur la formule de Penman-Monteith pour évaluer les changements d'aridité sur la planète. Bien que cette analyse soit en accord avec la précédente sur certaines régions (figure 2c), elle montre que la formulation de Thornthwaite, (Figure 2a) surestime cette tendance à l'aridité.

    Figure 2: Variations en moyenne annuelle de PDSI sur la période 1950-2008 (variation par an), calculées en utilisant (a) la formule de Thornthwaite et (c) la formule de Penman-Monteith (Sheffield, 2012).

    Figure 3: Série temporelle de l'indice PDSI global, calculé avec la formulation Thornthwaite (en bleu) et Penman Monteith (PM en rouge). La zone colorée représente l'écart obtenu en tenant compte de l'incertitude sur les précipitations (et le rayonnement pour PM) (Sheffield, 2012)

    Pour évaluer l'évolution de l'aridité globale, les auteurs prennent en compte tour à tour quatre banques de données de précipitations disponibles mais différentes. Cela leur permet d'évaluer un intervalle de confiance sur l'indice global. L'accroissement global de l'aridité n'est pas significatif quand on tient compte de ces incertitudes, comme le montre la figure 3.

    On ne peut que déplorer l'abandon d'un grand nombre de stations du réseau de mesures d'hydrographie continentale, notamment dans plusieurs pays de la zone ACP (Afrique, Caraïbes, et Pacifique).
    C'est hélas, au moment où il est crucial de quantifier l'impact du changement climatique en cours sur le cycle de l'eau, que les moyens d'observer cette évolution sont moins bien entretenus.

    Cette analyse démontre la difficulté d'aboutir à une conclusion tout à fait établie, sur l'accroissement de l'aridité globale déjà observé au cours du 20e siècle. On comprend dès lors la prudence du rapport AR5 du GIEC qui souligne "une possible surestimation de la tendance à l'aridité" estimée par le passé.

    6- Les sécheresses futures vues par les Modèles

    Peut-on affirmer que le réchauffement climatique dû à l'accroissement du dioxyde de carbone dans l'atmosphère augmente globalement le risque de sécheresses ?

    Les modèles climatiques représentent les circulations générales de l'atmosphère et de l'océan (les MCG) et prévoient donc les évolutions du climat. Ces modèles calculent, à la surface des terres émergées, la distribution de rayonnement, de température, de vent, d'humidité de l'air au cours du 21e siècle, en choisissant un scénario d'augmentation de la concentration des GES dans l'atmosphère.

    À partir des valeurs de ces paramètres du climat futur, des chercheurs ont calculé l'évolution de l'aridité sur la planète. Pour cela, très souvent, on utilise des modèles d'impact. Ceux-ci ont généralement une meilleure résolution que le modèle MCG, ou une représentation plus détaillée de certaines caractéristiques (la végétation mieux définie par exemple), ou de certains mécanismes (comme le transport de l'eau dans les couches plus ou mois profondes du sol). Ces modèles d'impact prennent donc les caractéristiques des climats futurs obtenus par les MCG pour calculer de manière plus précise l'aridité.

    De telles études, même récentes, ont souvent conclu que l'aridité augmentera globalement sur les régions semi-arides au 21e siècle.

    Pour comprendre l'origine de ces résultats, nous allons examiner les évolutions futures des paramètres hydro climatiques calculés par les MCG.

    D'abord, les MCG indiquent une augmentation globale des précipitations induite par l'augmentation des GES dans l'atmosphère. Cette conclusion est considérée comme un résultat robuste des Modèles. Il est alors surprenant que le climat devienne plus aride globalement.

    D'autre part, les modèles calculent aussi un accroissement de l'évaporation globale, et l'ensemble de ces deux résultats est souvent résumé par "le cycle hydrologique sera plus intense". Si l'aridité se répand au cours du 21e siècle, le changement de l'évapotranspiration calculé par ces modèles (MCG) est donc plus grand que celui des précipitations.

    L'estimation de l'évaporation globale sur les terres émergées a longtemps été délicate. En effet, il est difficile, à partir de mesures locales, d'en déduire une valeur de l'évaporation sur de grandes étendues. Cependant il a été possible, ces dernières années, de combiner au mieux plusieurs méthodes pour obtenir une évaluation de cette quantité. Des mesures satellitaires, des réanalyses des Centres de Prévisions Météorologiques, des évaluations sur des bassins versants (à partir des précipitations et des écoulements en utilisant un bilan d'eau), des modélisations ont permis de constituer des banques de données entre 1989 et 1995, qui ont été comparées aux calculs des MCG.

    En moyenne annuelle, l'évapotranspiration calculée par les MCG est supérieure à ces données. Ce biais est général quand les surfaces sont humides, donc pendant la saison pluvieuse. Au fur et à mesure que les pluies faiblissent, au cours des mois suivants, les réserves en eau diminuent rapidement, et une situation d'assèchement trop précoce et prononcé des sols peut subvenir dans les modèles. Les réserves en eau devenant trop faibles, l'évapotranspiration chute alors brutalement, et bien plus que dans la réalité.

    Ces remarques soulignent l'importance de la saison dans les écarts entre modélisation et données. On a montré que la surestimation de l'évapotranspiration globale en moyenne annuelle est une caractéristique de tous les modèles ayant participé au 5ième rapport du GIEC. Cependant, le contraire peut se produire en saison sèche sur certaines régions, (comme en été sur les moyennes latitudes, ou bien sur les régions semi-arides quand il ne pleut pas), où l'évaporation est alors sous-estimée.

    Or la température d'une surface dépend des échanges d'énergie entre la surface et l'atmosphère. Le rayonnement solaire est la source d'énergie ; il est équilibré par trois puits qui tendent à refroidir la surface.
    Ces termes sont : le rayonnement thermique, l'évaporation et le flux de chaleur.
    Or, la température dépend de l'importance de chacun de ces termes.
    Quand la surface est humide, l'évaporation est généralement le terme prépondérant.
    Quand la surface est sèche, ce sont les flux de chaleur et le flux radiatif qui compensent le rayonnement solaire.
    La dépendance en température de ces trois termes est très différente. La température croit quand l'évaporation diminue (pour les mêmes conditions météorologiques). C'est pourquoi on peut trouver en été une variation de température de 20° entre deux champs, dont l'un a été irrigué alors que l'autre parcelle est sèche.

    On associe souvent un climat sec avec une température chaude, mais c'est souvent le fait d'avoir une surface sèche qui provoque un réchauffement, et non l'inverse.

    Les modèles évoqués plus haut vont donc obtenir, en saison sèche, une température trop chaude. Ce biais amplifiera de manière irréaliste le réchauffement climatique créé par les émissions de GES, en été, dans les moyennes latitudes.

    Les modèles d'impact utilisés pour calculer l'aridité globale peuvent eux aussi avoir d'autres faiblesses. Ainsi, il est fréquent qu'ils ne tiennent pas compte de l'impact biologique direct de l'augmentation du CO2 dans l'atmosphère sur la végétation, ce qui conduit à une surestimation de la transpiration. En effet, l'accroissement de la concentration du CO2 atmosphérique déjà observé est en partie la cause d'un reverdissement des régions arides lié à une meilleure efficience de l'utilisation de l'eau par la végétation. Cet effet réduit la transpiration.

    Tous ces biais ont conduit les chercheurs à être prudents sur l'augmentation de l'aridité globale, créée par le changement climatique.

    7- Conclusion

    Le changement climatique provoque des modifications de la température et des circulations océaniques et atmosphériques. On peut s'attendre à ce que des régions deviennent plus arides et d'autres moins. Mais on ne peut, au vu des connaissances actuelles, affirmer que, globalement, les zones arides et semi-arides vont s'étendre sur de plus grands territoires.

    Une étude récente fait une évaluation des observations et des prévisions des modèles initiées par le dernier GIEC (CMIP 5) avec un titre évocateur: "elusive drought".

    Il y a cependant quelques régions particulières où un grand nombre d'études concluent à un risque d'aridité accru avec le changement climatique. Le pourtour méditerranéen en est un exemple. Les diverses analyses de ce climat semblent avoir suffisamment de cohérence pour que cette conclusion soit considérée comme fortement probable.

    En revanche, on a prétendu, que le Sahel deviendrait plus aride à cause du changement climatique. Or, les modèles contredisent cette prétendue "évidence". De plus, bien que le Sahel ait connu des sécheresses épouvantables durant les décennies 1970 et 1980, le Sahel reverdit depuis les années 1990, et les précipitations ont augmenté, du moins sur certaines régions.

    En conclusion, la connaissance du futur des sécheresses au niveau global reste donc un sujet d'études qui a progressé mais qui est encore difficile à cerner. Il est nécessaire de mieux analyser l'évolution saisonnière des bilans d'eau, car les faiblesses et biais peuvent être différents suivant la saison.

    N'est-il pas plus important que les chercheurs aient pour objectif de déterminer plus précisément les sécheresses régionales, que de rechercher une moyenne globale qui peut cacher une grandes diversité de situations ?

    Bibliographie

    Dai A., K. Trenberth and T. Qian (2004): A global data set of Palmer Drought severity Index for 1870-2002: Relationship with soil moisture and effects of surface warming, , J. of Hydrometeorology.

    Sheffield J., A. Wood and M. Roderick (2012): Little change in global drought over the past 60 years. Nature.

    Mueller, B. et al, (2013): Benchmark products for land evapotranspiration. Hydrol. Earth Syst. Sci.

    Laval K. et G. Laval (2013), Incertitudes sur le climat Belin.

    Cheruy F et al, (2014), Role of clouds and land atmosphere coupling in midlatitude continental warm biases and climate change amplification in CMIP5 simulations. Geophys. Res. Letters.

    Milly P. C. and K. Dunne (2016), Potential evaporation and continental drying, Nature climate change.

    Orlowsky B. and S. I. Seneviratne (2013), Elusive drought: Uncertainty in observed trends and short- and long-term CMIP5 projections. Hydrol. Earth Syst. Sci.

    Quelques définitions

    Giec : Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. En anglais IPCC pour Intergovernmental Panel on Climate Change.
    AR4 Fourth Assessment Report (2007) , AR5 Fifth Assessment Report (2014) - Rapports d'évaluation.

    Voir la FAQ : Comment fonctionne le GIEC (IPCC)?

    CMIP 5 est le projet d'intercomparaison des modèles couplés (Coupled Model Intercomparison Project Phase 5) organisé lors de la phase 5 du GIEC. Ce projet consiste à définir un cadre pour les expériences numériques réalisées avec les modèles de climat, afin de comprendre les causes des différences entre modèles, de déterminer la capacité des modèles à anticiper le climat sur des échelles décennales et jusqu'au 22e siècle, et de mieux cerner les rétroactions dues aux nuages et au cycle du carbone.

  • Pierre Chevallier et Bernard Pouyaud (1) 

    La question des glaciers continentaux revient très souvent dans la discussion sur le changement climatique. Ils servent tour à tour d’argumentaires ou de témoins pour des questions aussi diverses que la montée du niveau des mers, l’accélération de la croissance de la température, la diminution, voire la disparition, des réservoirs d’eau douce qu’ils constituent, les risques qu’ils induisent, etc. Ils sont même parfois utilisés comme contre-arguments par les climato-sceptiques, constatant leur avancement dans certaines, mais très rares, régions du globe.

  • Coup de chaud sur les montagnes, par Bernard Francou et Marie Antoinette Mélières

  • Début mai 2022, la presse s’est fait l’écho de la publication de l’étude NZ SeaRise:

  • Au début des années 1970, ma première prise de conscience d’un avenir pas forcément tout rose pour le futur ingénieur que je m’apprêtais à devenir date de la lecture du rapport Meadows

  • Je vais essayer de me rappeler de ma prise de conscience personnelle et progressive du changement climatique :

  • La Société Botanique de France a publié en novembre 2021 un intéressant Livre Blanc intitulé L’introduction d’essences exotiques en forêt .

  • Le satellite Swot doit ouvrir une nouvelle ère de la surveillance des océans lacs et rivières par sa capacité de mesure à haute résolution de la topographie de surface sur de vastes étendues d'eau.

  • En octobre 2020, un gigantesque ouvrage débuté en 2003 est entré en fonction :

  • L'évapotranspiration est un terme délicat du cycle hydrologique. Le glossaire de ce site la définit ainsi. Wikipedia en donne une description détaillée accompagnée de schémas.

     

  • Il s’agit de simuler le fonctionnement d’un glacier théorique (avancement, recul) soumis à des conditions climatiques de température et de précipitation pour deux saisons moyennes de 6 mois chacune, une d’hiver et une d’été.

  • L’eau et le changement climatique

    Pendant cette 201ème réunion du Club des Argonautes, nous avons beaucoup parlé d’eau, de pluies, et de ressources en eau.

  • Aurions nous hérité de l’évolution une angoisse de manquer d’oxygène ?

  • En décembre 2023, nous proposions une « brève » sur l’ouverture à tous des archives météorologiques de Meteo-France.

  • Cette vidéoconférence a été l’occasion pour les Argonautes de se rendre dans le Gers et d’y recevoir Mr Bezerra, maire de Montréal du Gers,

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