logo argo large new

bilan carbone

  •  La solution ou le problème ?

    Un cinquième de l’océan superficiel est riche en sels nutritifs, les «engrais» de la mer, mais il est

  • Au moment où des scientifiques s’interrogent sur l’éventuel rôle de puits des végétaux terrestres

  • Michel Petit

    Il est essentiel de réduire dès maintenant les émissions de Gaz à Effet de Serre

    En dépit des nombreuses réunions internationales, et du dernier rapport alarmant du Giec, force est de constater que  les émissions de gaz à effet de serre ne diminuent pas, bien au contraire.

    Les émissions des six gaz à effet de serre couverts par le Protocole de Kyoto (CO2, N2O, CH4, HFC, PFC et SF6) ont augmenté de 70% entre 1970 et 2004 et de 24 % depuis 1990 pour atteindre 49 Gt équivalent COen 2004. 

    Si l'on s'intéresse plus particulièrement aux émissions de CO(qui représente de l'ordre de 75% des émissions mondiales en 2004), et en se limitant au seul secteur de l'énergie produite à partir de combustibles fossiles (hors déforestation et autres décompositions de végétaux), le taux de croissance annuel des émissions a triplé. De moins de 1% par an sur la période 1990-1995, il est passé à 3% par an sur la période 1999-2004. En 2004, ces émissions mondiales de CO2  ont atteint le chiffre de 27 Giga tonnes, soit une augmentation de 30 % depuis 1990. Le schéma ci-dessous montre l'évolution depuis 1973. 

    Figure 23

    Émissions de C02 correspondant à la combustion d’énergie fossile, destinée à transformer une énergie primaire en énergie secondaire (production d’électricité, raffinage du pétrole, etc.) ou à être utilisée pour un usage final (carburant pour le transport, fioul pour le chauffage, etc.).
    * : Les émissions des soutes internationales maritimes et aériennes sont inclues sous la dénomination "bunkers"
    ** : Calculé selon le guide Giec et les IEA Energy Balance Tables.

    Le schéma suivant déduit des données précédentes donne une répartition des émissions de COpar pays hormis les "bunkers". 

    Figure 24

    Le développement de tous les pays sans exception est fondé sur la disponibilité d’énergie, actuellement  fournie à 80% par les combustibles fossiles. 

    Les besoins énergétiques de l’humanité ne cessent de croître tant à cause de la croissance de la population mondiale que du développement économique de certains pays. 

    Les courbes font ressortir que la part des pays de l'OCDE est passée de plus de 60% en 1973 aux environ de 40% aujourd'hui.

    La Chine est devenue depuis 2006 le premier émetteur de gaz à effet de serre (à noter que ses émissions servent surtout, à fabriquer des biens consommés dans le reste du monde, avec une efficacité énergétique globale médiocre). Toutefois, sa consommation par habitant demeure parmi les plus faibles du monde (quatre fois moins que celle de l'Amérique du Nord).

    Le constat est que, de 1972 à 2005, les émissions mondiales de CO2 ont quasiment doublé et  rien n'indique que ce rythme se ralentisse. 

    Aujourd'hui, nous avons atteint le niveau de 380 ppmv, c. à d. parties par million en volume (ou cm3 de CO2 / m3 d'air). Les scientifiques du GIEC ont simulé divers scénarios, notamment ceux construits pour de telles évolutions dites "non-interventionnistes", qui conduisent à des concentrations de CO2 de l'ordre de 750 à 1000 ppmv à la fin du 21 ème siècle. Il faut noter qu'un objectif déclaré, (et assez "volontariste"...), de l'UE est de ne pas dépasser 550 ppmv à cette échéance (soit le double de la concentration pré-industrielle, il y a 2 siècles). Cela permet d'apprécier combien les enjeux de la négociation post protocole de Kyoto, (de Bali en 2007 à Copenhague en 2009), sont cruciaux !

    Sources des données International Energy Agency (IEA) ,  Observatoire de l'Énergie, Mission Interministérielle de l'Effet de Serre

    Dernière mise à jour mars 2008

  • Yves Dandonneau

    Afin d’exploiter la différence de température entre l’eau profonde et l’eau superficielle pour en retirer de l’énergie, on doit amener de l’eau froide, profonde, jusqu’à l’usine chargée d’effectuer cette transformation (centrale ETM pour «énergie thermique des mers»). Or, cette eau froide est riche en carbonates et en gaz carbonique, et elle présente donc, en cas de contact prolongé avec l'atmosphère, le risque d’émettre du gaz carbonique vers l’atmosphère, réduisant ainsi l’intérêt de cette source d’énergie puisqu’elle contribuerait elle aussi au réchauffement climatique global induit par l’effet de serre dû à ce gaz.

    L’approche ci-dessous, combinant pompe physique et biologique, montre qu’il n’en est rien.

    Que se passe-t-il si de l’eau profonde est portée en surface vers une centrale ETM ?

    L’eau froide, riche en carbonates, a une pression partielle de gaz carbonique plus élevée que celle de l’atmosphère, et va donc émettre ce gaz vers l’atmosphère tant que la différence de pression partielle entre ces deux milieux ne se sera pas annulée. Pis, cette eau, exposée au rayonnement solaire, va se réchauffer ; or, pour une augmentation de 1 °C, la pression partielle de gaz carbonique de l’eau de mer augmente de 2,3 %. L’écart de température entre l’eau de surface et l’eau profonde requis pour un rendement satisfaisant d’une centrale ETM étant de l’ordre de 20 °C, une eau profonde dont la pression partielle de CO2 serait de l’ordre de 950 microatmosphères atteindrait ainsi, après avoir atteint la même température que l’eau de surface, une valeur proche de 1500 microatmosphères. L’évasion de gaz carbonique serait alors très intense.

    Heureusement, l’eau profonde n’est pas seulement riche en carbonates, mais aussi en sels nutritifs. Ces derniers, en présence de lumière, favorisent une croissance végétale intense au cours de laquelle du carbone est fixé sous forme de matière organique, puis entraîné vers la profondeur avec les débris planctoniques. Ce processus tend à faire diminuer de façon importante la pression partielle de gaz carbonique, et tend donc à contrecarrer l’effet purement physique précédent.
    Ces transformations prennent place dans un milieu océanique où les masses d’eau se répartissent en fonction de leur densité, c'est-à-dire, dans les régions favorables à l’exploitation de l’ETM (les centres des océans tropicaux), en fonction de leur température. Ainsi, l’eau froide, quelque peu réchauffée après usage, mais toujours plus dense que l’eau chaude de surface, tendra à rejoindre un nouveau niveau d’équilibre en profondeur.

    Il est difficile d’estimer la quantité de CO2 qui serait émise vers l’atmosphère par l’ETM…

    C’est seulement lorsque de l’eau originaire de la profondeur se trouve en surface qu’elle peut émettre du CO2 vers l’atmosphère. Le dégazage n’est donc théoriquement possible que pendant une courte période, avant que l’eau ne commence à s’enfoncer, ou du fait du mélange turbulent d’une partie de cette eau avec l’eau de surface. Notons que ce mélange doit être évité dans la mesure du possible, car il aurait pour conséquence de refroidir l’eau de surface au voisinage de la centrale ETM, et par conséquent d’en réduire le rendement. Certains projets prévoient d’ailleurs pour éviter cela de canaliser l’eau refroidie usagée par un tuyau jusqu’à sa nouvelle position d’équilibre à plusieurs dizaines de mètres de profondeur.
    Au contraire, d’autres projets, nombreux, envisagent de garder en surface l’eau profonde après usage, afin de produire de la biomasse grâce à la lumière et aux sels nutritifs qu’elle contient. Dans de tels cas, on doit s’attendre dans un premier temps à un dégazage intense, puis, au fur à mesure que la photosynthèse piège le gaz carbonique, à une inversion du flux de CO2, vers l’eau mise en incubation en surface.
    Enfin, la structure verticale de l’océan est légèrement modifiée par une centrale ETM, qui refroidit une partie de l’eau de surface et réchauffe une partie de l’eau profonde. Ceci peut avoir une incidence à long terme, difficile à évaluer, sur les mélanges verticaux auxquels est soumis l’océan.

    mais il est facile d’en estimer la limite supérieure.

    La concentration en carbone inorganique total (TCO2 = carbonates + bicarbonates +CO2gaz) des eaux de surface dans les régions favorables à l’ETM correspond à un état d’équilibre entre l’océan et l’atmosphère. Il s’agit d’eaux qui ont dérivé longtemps à la surface de l’océan, qui s’y sont réchauffées, et dépourvues de sels nutritifs car ceux-ci ont été incorporés via la photosynthèse dans des formes vivantes, devenues débris organiques, et qui ont sédimenté vers la profondeur. Elles représentent l’état vers lequel vont tendre les eaux profondes remontées en surface pour l’exploitation de l’ETM, au terme d’une évolution qui leur fera perdre une quantité de carbone en excès :

    Cexcès = Cprof - Csurf

    où Cprof et Csurf sont respectivement les concentrations en TCO2 de l’eau profonde et de l’eau de surface.

    Une part de ce carbone en excès va cependant être fixée par l’activité biologique permise par les sels nutritifs, notamment les nitrates. L’élaboration de la matière vivante s’opère en utilisant en moyenne 6,8 moles de CO2 pour une mole de nitrate. Finalement, le carbone émis vers l’atmosphère sera donc :

    Cémis = Cexcès – 6,8 Nitrateprof

    Où Nitrateprof est la concentration en nitrate de l’eau à la profondeur où est puisée l’eau froide pour la centrale ETM.

    Ce calcul simple effectué dans des régions où la température de l’eau de surface dépasse 25 °C, et en utilisant les concentrations en TCO2 et en nitrate (1) de l’eau profonde à une température inférieure à 5 °C, donne les résultats suivants :
     

     

    Nombre de données

    Potentiel d’émission de carbone

    Atlantique nord

    150

    40 µmole kg-1

    Atlantique sud

    178

    -65 µmole kg-1

    Océan Indien

    392

    125 µmole kg-1

    Pacifique nord est

    49

    131 µmole kg-1

    Pacifique nord ouest

    45

    131 µmole kg-1

    Pacifique sud est

    143

    38 µmole kg-1

    Pacifique sud ouest

    15

    91 µmole kg-1

    L’émission pour une production d’électricité de 1 MWh par une centrale ETM nécessitant 9 000 m3 d’eau profonde (2), serait donc, au maximum, de 16, -26, 50, 52, 52, 15 ou 36 kg de CO2 (3) selon les bassins océaniques.

    Il est à noter que dans l’Atlantique sud, les gradients respectifs de nitrate et de TCO2 sont tels que l’exploitation de l’ETM y constituerait un puits potentiel de carbone pour l’atmosphère et non pas une source ?

    Par comparaison, une centrale thermique fonctionnant au gaz émet au moins 500 kg de CO2 / MWh, et une centrale au fuel lourd en émet beaucoup plus. En fait, ces émissions maximales de l’ETM ne sont à considérer que dans les cas où l’eau froide serait gardée en surface pour produire de la biomasse. Dans le cas d’une centrale purement ETM, les émissions seraient beaucoup plus faibles.
    L’approche ci-dessus est basée sur le couplage entre nitrates et carbone. Or, lorsque les nitrates ont été épuisés par la photosynthèse, il reste environ 0,2 µmole kg-1 de phosphates dans l’eau de mer. Certaines cyanobactéries marines photosynthétiques (en particulier, les Trichodesmiums, sont capables de fixer du carbone en l’absence de nitrates en utilisant l’azote atmosphérique. Les 0,2 µmole kg-1 de phosphate résiduel pourraient ainsi fixer 22 µmoleC kg-1, à déduire du tableau ci-dessus. Toutefois, la croissance de ces cyanobactéries est très lente, et n’épuise généralement pas la totalité des phosphates en surface. La concentration moyenne en phosphates dans les zones examinées reste en effet de l’ordre de 0,15 µmole kg-1.

      En synthèse :

    Cette étude établit, pour la première fois à notre connaissance, les résultats suivants concernant le bilan carbone de l'ETM, selon de destin de l'eau froide profonde après usage :

    • en cycle fermé avec ré enfouissement naturel ou forcé, il n'y a aucun contact avec l'atmosphère et aucun risque de dégazage;
       

    • lorsque l'eau froide profonde est volontairement maintenue en surface après usage, et qu'elle a donc l'occasion de libérer dans l'atmosphère le CO2 qu'elle contient, l'effet de la pompe biologique est de réduire considérablement cet excès de gaz carbonique qui devient négligeable au regard de la production d'énergie par combustible fossile dans les zones tropicales;
       

    • dans l'Atlantique sud, compte tenu des gradients respectifs de nitrate et de TCO, l’exploitation de l’ETM constituerait même un puits potentiel de carbone.


    (1) les données utilisées pour ces estimations sont celles archivées au CDIAC.  Retour

    (2) Cette estimation est celle proposée dans l’ouvrage de William H. Avery et C. Wu : "Renewable Energy from the Ocean: A Guide to OTEC", Oxford University Press, New York. Elle est donnée ici à titre indicatif car elle dépend de nombreux facteurs tels que l’efficacité des échangeurs de chaleur, le choix du fluide de transfert etc… Retour

    (3) Quantités obtenues en multipliant les chiffres du tableau par 9 106 (pour 9 000 m3) puis en les divisant par 106 (afin d’obtenir des moles de carbone) puis en multipliant par 44 10-3 (pour obtenir des kg de CO2). Retour  

     

  • Et quelles sont les menaces?

    Yves Dandonneau 

    1 - Le carbone, puits et source d’énergie

    2 - Les isotopes du carbone

    3 - L’absorption du rayonnement infra rouge par le gaz carbonique et les autres gaz à effet de serre

    4 - Concentration et pression partielle de gaz carbonique et quelques raccourcis de calcul

    5 - Le cycle naturel du carbone : puits et sources de gaz carbonique

    6 - La perturbation anthropique et le cycle du carbone

    7 - Questions et menaces

    Le carbone est un élément très abondant dans les roches terrestres, l’eau et l’atmosphère. Il a tendance à se combiner à l’oxygène pour donner du gaz carbonique (CO2) en dégageant de la chaleur, et cette réaction fournit l’essentiel de l’énergie utilisée par l’homme. Le CO2 absorbe le rayonnement infra rouge et cette propriété contribue à déterminer la température à la surface de la Terre, là où nous vivons. Du fait des activités humaines, la teneur en CO2 de l’atmosphère augmente donc (figure 1), et cette augmentation entraîne un réchauffement du climat.

     

    Soluble dans l’eau, intervenant dans les réactions géochimiques ainsi que dans celles de la vie, le carbone suit des cycles complexes qu’il faut connaître pour prévoir comment évoluera le climat en réponse à la perturbation anthropique.

    1 - Le carbone, puits et source d’énergie

    En brulant du carbone (c'est-à-dire en le combinant à l’oxygène), on obtient de l’énergie. L’état d’oxydation le plus abouti est le gaz carbonique. Entre le carbone et le gaz carbonique, il existe une multitude de formes plus ou moins oxydées, la plupart d’entre elles résultant de réactions du monde vivant.

    Le tableau I donne la chaleur produite par quelques formes du carbone. On remarque que la combustion d’une mole de méthane (CH4) produit environ deux fois plus de chaleur que celle d’un atome de carbone graphite : la raison est que pour le méthane, l’oxydation du carbone s’accompagne de celle de 4 atomes d’hydrogène. Celle d’une mole d’éthanol (C2H5OH) en produit plus de trois fois plus : en plus de l’hydrogène qu’elle contient, elle comprend deux atomes de carbone. Si on décompose la combustion du carbone en 

    1. production de monoxyde de carbone (CO),
      puis

    2. production de gaz carbonique, cette seconde combustion dégage à elle seule près des trois quarts de l’énergie produite par la combustion de carbone en gaz carbonique.

     

    MégaJoule/kg

    kWh/kg

    kiloJoule/mole

    Graphite

    33

    9

    394

    Méthane

    50

    14

    802

    Ethanol

    29

    8

    1 330

    Monoxyde de carbone

    10

    3

    283

    Tableau I : Chaleur spécifique de combustion de quelques formes de carbone

    Les réactions chimiques qui produisent du gaz carbonique dégagent de la chaleur.
    Inversement, pour réduire du gaz carbonique, il faut fournir de l’énergie. Ainsi, l’oxygène étant abondant à la surface de la terre, la totalité du carbone devrait à terme se trouver sous forme de gaz carbonique. Ce n’est pas le cas, à cause de la photosynthèse opérée par les végétaux terrestres, les algues et les cyanobactéries, par laquelle le gaz carbonique est réduit en hydrates de carbone selon la réaction simplifiée suivante :

    6 CO2 + 6 H2←→ C6H1206 + 6 O2 (1)

    C’est l’énergie lumineuse, par l’intermédiaire de la chlorophylle, qui permet cette réaction. La respiration, la mort des cellules et leur décomposition, ramènent le carbone de sa forme réduite à la forme stable gaz carbonique. Toutefois, localement, dans certaines niches où l’oxygène manque, une petite fraction de ces hydrates de carbone reste préservée de l’oxydation : c’est ainsi que se sont lentement formés les gisements de charbon et de pétrole au cours des ères géologiques, gisements que l’activité humaine exploite à une vitesse folle, réinjectant dans l’atmosphère le gaz carbonique des ères géologiques passées.

    2 - Les isotopes du carbone

    Le carbone comporte six électrons et six protons, et, sous sa forme la plus abondante (98,89 %), six neutrons, ce qui lui confère une masse atomique de 12. Environ 1,1 % des atomes de carbone contiennent sept neutrons : c’est le carbone 13. Ces deux isotopes sont stables, au contraire du troisième isotope, le carbone 14, radioactif, de période 5 730 ans, formé dans la haute atmosphère par substitution d’un proton par un neutron dans un atome d’azote. Lors de sa décomposition par radioactivité, le noyau du carbone 14 émet un électron, revenant ainsi à l’état du noyau d’azote.

    La plus ou moins grande abondance de ces isotopes n’a aucun effet sur le climat, mais témoigne de certains processus :

    • Les molécules de gaz carbonique qui ont un atome de carbone 13 sont plus lourdes et ont davantage d’inertie que celles, beaucoup plus nombreuses, qui ont l’isotope 12, et ont donc une probabilité moindre d’être captées par la réaction de photosynthèse. La matière vivante est donc de ce fait appauvrie en isotope 13 par rapport au milieu environnant, et cette particularité est préservée dans les gisements de charbon et de pétrole. De ce fait, lorsqu’on brûle du pétrole, les masses d’air contaminées par le gaz carbonique émis portent la signature de ce fractionnement isotopique ancien. Les mesures de concentration en 13CO2 dans l’atmosphère permettent de calibrer les modèles d’émission de gaz carbonique et de circulation atmosphérique.
       

    • Dans les années 60 ont eu lieu des expérimentations nucléaires dans l’atmosphère, qui ont émis de grandes quantités de carbone 14. Une part de ce carbone 14 a été oxydée en gaz carbonique 14CO2, qui s’est comporté comme 12CO2 ou 13CO2 et a pénétré les océans. La mesure de la concentration en carbone 14 en de nombreux points de l’océan, représentatifs de sa totalité, a permis d’estimer à 2,2 GT de carbone la part des émissions humaines absorbée chaque année par les océans.

    3 - L’absorption du rayonnement infra rouge par le gaz carbonique et les autres gaz à effet de serre

    Composées de deux atomes, les molécules d’azote et d’oxygène, qui composent la quasi-totalité de l’atmosphère, sont transparentes pour le rayonnement infra rouge, de longueur d’onde comprise entre 4 et 70 microns environ émis par la Terre. Mais l’atmosphère contient aussi, en quantité moindre, des gaz dont les molécules sont composées de trois atomes ou plus, qui absorbent ce rayonnement. Au premier rang d’entre eux, la vapeur d’eau, relativement abondante, mais en quantité variable. Elle correspond à un stade du cycle naturel de l’eau sur terre, et en première approche, on peut considérer que son rôle dans le transfert du rayonnement infra rouge n’est pas affecté par le changement climatique en cours. Il n’en va pas de même pour le gaz carbonique dont la concentration dans l’atmosphère augmente régulièrement du fait des activités humaines. Le spectre d’absorption du gaz carbonique présente des bandes dans lesquelles ce rayonnement est fortement absorbé, vers 4 et 15 microns notamment. Lorsqu’un photon infra rouge émis par la Terre est intercepté par une molécule de gaz carbonique, il est aussitôt réémis sous la forme d’un autre photon infra rouge, mais celui-ci, au lieu de s’échapper vers l’espace, a 50 % de chances d’être renvoyé vers la surface de la Terre qu’il contribue alors à chauffer. La chaleur additionnelle acquise par la surface de la Terre se propage dans l’atmosphère par conduction thermique et convection : c’est ce processus qui constitue l’effet de serre.
    Le gaz carbonique n’est pas le seul gaz à effet de serre dont l’activité humaine fait croître la concentration dans l’atmosphère. Le plus puissant est le protoxyde d’azote N2O, appelé aussi «gaz hilarant» émis principalement par l’usage d’engrais azotés en agriculture, mais aussi par certains procédés industriels : à concentration égale, le protoxyde d’azote absorbe environ 300 fois plus d’énergie infra rouge que le gaz carbonique. Le méthane, CH4, en augmentation lui aussi du fait des pratiques agricoles (l’élevage et les rizières) est lui aussi un gaz à effet de serre beaucoup plus puissant que le gaz carbonique (environ 90 fois). Enfin, les lourdes molécules d'halocarbures, certains utilisés autrefois, mais maintenant interdits, comme gaz réfrigérants, ont un énorme pouvoir absorbant et leur durée de vie dans l’atmosphère dépasse le millier d’années. Heureusement, ils sont en concentration très faible. L’effet de la présence de tous ces gaz dans l’atmosphère sur le climat dépend bien sûr de leurs concentrations respectives, mais aussi de leur durée de vie : une même quantité de gaz introduite dans l’atmosphère n’aura évidemment pas le même effet sur le climat selon qu’elle y persiste 100 ans ou 1 000 ans. Afin de pouvoir évaluer cet effet, on a donc introduit la notion d’équivalent carbone (tableau II). 1 kg de méthane, 90 fois plus puissant que le gaz carbonique en termes d’effet de serre, mais dont le temps de résidence dans l’atmosphère est très inférieur, aura le même effet que 25 kg de gaz carbonique où que 6,8 kg de carbone (1 kg de gaz carbonique contient 0,27 kg de carbone) ; on dit alors que 1 kg de méthane vaut 6,8 équivalents carbone.

     

    Temps de résidence approximatif dans l’atmosphère

    Équivalent carbone

    Gaz carbonique

    100 ans

    0,27

    Méthane

    12 ans

    6,8

    Protoxyde d’azote

    120 ans

    81,3

    Halocarbures

    Jusqu'à 50 000 ans pour certains

    34 à 6 220

    Tableau II : Propriétés des principaux gaz à effet de serre d’origine humaine

    Bien que le gaz carbonique soit beaucoup moins efficace en termes d'effet de serre que d’autres gaz, il est beaucoup plus abondant, et est responsable des trois quarts de l’effet de serre (voir figure 2).


     4 - Concentration et pression partielle de gaz carbonique et quelques raccourcis de calcul

    Dans l’atmosphère, la concentration en gaz carbonique s’exprime simplement en moles (ou parties) par million (ppm). Rapportée à tous les gaz de l’atmosphère cette concentration peut varier selon les ajouts ou la condensation de vapeur d’eau dont le temps de résidence dans l’atmosphère est assez bref. Aussi exprime-t-on cette concentration par rapport à de l’air sec. C’est ainsi qu’elle est représentée sur la figure 1.

    Une autre notion est importante car c’est elle qui détermine les échanges de gaz entre l’atmosphère et les océans : la pression partielle (pCO2). Dans l’atmosphère, si la pression atmosphérique est «normale» (760 mm de mercure, ou 1,01325 bar) et s’il n’y a pas de vapeur d’eau, la pression partielle s’exprime en microatmosphère (µatm) par le même nombre que la concentration en ppm. Dans les conditions usuelles, la pression partielle de gaz carbonique est égale au produit de la pression atmosphérique par la concentration de ce gaz dans l’atmosphère, vapeur d’eau comprise.
    Dans l’océan, la pression partielle de gaz carbonique est égale à celle mesurée dans un volume d’air équilibré avec l’eau de mer. Cette mesure n’a d’intérêt qu’à l’interface océan-atmosphère à travers laquelle se produisent les échanges gazeux, et où l’atmosphère est à la même température que la surface de l’océan et saturée en vapeur d’eau. Le flux de gaz carbonique se fait du milieu dans lequel la pression partielle est la plus élevée vers celui où elle est la plus faible, et est proportionnel à la différence de pression partielle, et à un coefficient d’échange qui dépend de la vitesse du vent.
    L’océan et l’atmosphère se côtoyant depuis «belle lurette», ces deux milieux se sont équilibrés, avec, toutefois, des écarts de pression partielle qui peuvent localement et saisonnièrement excéder 100 µatm selon la circulation océanique et les variations de température (cet équilibre, avant l’ère industrielle, se situait aux environs de 280 µatm). La pression partielle de gaz carbonique dans l’eau de mer varie en effet avec la solubilité de ce gaz, laquelle est surtout fonction de la température. Elle varie aussi selon l’état du H2O + CO2 ←→ H+ = HCO3- ←→ 2 H+ + CO32- (2)

    Un retrait de gaz carbonique (par photosynthèse par exemple, voir réaction (1) où un retrait de carbonate (CO32-, par fabrication de calcaire) déplaceront cet équilibre dans le sens d’une atténuation de la perturbation. Une écriture simplifiée de l’équilibre (2) met en évidence le comportement dominant des carbonates et permet de comprendre les variations de la pression partielle de gaz carbonique face aux perturbations ;

    2 HCO3- ←→ H2O + CO32- + CO2 (3)

    Ainsi, un déséquilibre dû à un apport de gaz carbonique dans l’eau, c'est-à-dire un ajout à la partie de droite de l’équilibre, actionnera cette réaction vers la gauche : le déséquilibre sera corrigé par la fabrication d’ions bicarbonate HCO3-, accompagnée d’une acidification de l’eau. Un retrait de carbonate CO32-, c'est-à-dire un retrait à la partie gauche, qui se produit lorsque des organismes fabriquent du calcaire entraînera par compensation une diminution des ions bicarbonate, et une augmentation du gaz carbonique dissous et par conséquent, de sa pression partielle. On appelle «carbone inorganique total» la somme gaz carbonique + carbonate + bicarbonate.

    Le calcul de ces équilibres est assez complexe, mais il existe des relations empiriques simples qui répondent aux questions qu’on se pose le plus fréquemment.

    La première permet de calculer la réponse de la pression partielle de gaz carbonique dans l’eau à une variation de température Δt :

    pCO2 (t + Δt) = pCO2 (t) (1+ 0,023 Δt) (4)

    Dit plus simplement, la pression partielle de gaz carbonique augmente de 2,3 % par degré.

    La seconde définit le «facteur de Revelle» comme le rapport de la variation relative de la pression partielle de gaz carbonique à la variation de la concentration en gaz carbonique + carbonates (TCO2) :

    F = (ΔpCO2 / pCO2) (ΔTCO2 / TCO2)-1 (5)

    Roger Revelle a cartographié ce rapport qui varie de manière très cohérente, dans l’océan (voir figure 3). On voit que la pression partielle de gaz carbonique se comporte comme un amplificateur des variations du contenu en carbone inorganique total de l’eau de mer (entre 1,8 et 2,5 mM/kg), variations qu’elle multiplie par 8 à 16 selon les zones de l’océan.


    Figure 3 : variation du facteur de Revelle dans l’océan mondial

    5 - Le cycle naturel du carbone : puits et sources de gaz carbonique

    Les principaux flux de gaz carbonique entre l’atmosphère d’une part, et les océans et les terres émergées d’autre part, résultent de processus physiques (dissolution, transport et diffusion) et chimiques (transformations, équilibre avec les carbonates), ainsi que de l’activité biologique (photosynthèserespiration). Le cycle dit « naturel » est celui, supposé stable, qui régnait avant l’ère industrielle, et mettait en jeu des sources de gaz carbonique égales aux puits.

    • Processus physiques et chimiques

      Aux échelles de temps qui nous préoccupent, les processus physiques et chimiques d’échange de carbone entre les terres émergées d’une part, et l’atmosphère et les océans d’autre part, sont très faibles (voir figure 4) : il s’agit essentiellement d’altération des roches (0,2 Gt/an), et d’apport de gaz carbonique dissous dans l’eau de pluie (0,2 Gt/an), ces deux termes étant rejoints par 0,4 Gt/an de gaz carbonique issu de la décomposition des litières végétales, le tout étant entrainé vers l’océan par les fleuves.
      Il n’en va pas de même entre l’atmosphère et l’océan dans lequel la dissolution du gaz carbonique, et son évasion sont à l’origine de flux importants (environ 70 Gt/an dans chaque sens). Pour l’essentiel, le flux d’évasion vers l’atmosphère est dû à des remontées d’eaux froides en surface, ce qui se produit surtout dans les zones d’upwelling tropicales ; ces eaux profondes qui sont riches en carbone inorganique total ont une pression partielle de gaz carbonique qui peut être bien plus élevée que celle de l’atmosphère, et cette différence est amplifiée par le réchauffement qu’elles subissent à ces basses latitudes où le rayonnement solaire est intense. L’absorption de gaz carbonique par l’océan s’effectue surtout aux hautes latitudes, lorsque les eaux qui dérivent vers les pôles, transportées par le Gulf Stream dans l’Atlantique nord ou par ses équivalents des autres bassins océaniques, se refroidit et voit donc sa pression partielle de gaz carbonique baisser et devenir inférieure à celle de l’atmosphère.
      D’autre part, les mouvements au sein de l’océan sont à l’origine de flux de carbone inorganique total du même ordre de grandeur (90 Gt/an de l’océan superficiel vers l’océan profond, 100 Gt/an dans le sens inverse). Ces flux sont dus au mélange turbulent entre l’océan superficiel peu concentré en carbone inorganique total et l’océan profond plus concentré, et aussi à des transports massifs, vers le bas dans les hautes latitudes où se forment les eaux froides profondes, et vers le haut aux basses latitudes.

    Figure 4 : Cycle global du carbone.

    Les principaux flux annuels de l’époque pré-industrielle sont indiqués par les flèches noires, en GtC an–1, et les flux ‘anthropogéniques’ par les rouges. Les contenus en carbone des différents compartiments sont indiqués en GtC dans les rectangles blancs, en noir pour les stocks naturels, en rouge pour les changements intervenus depuis le début de l’ère industrielle (établi pour les années 90, 4ème rapport du GIEC).

    • Processus biologiques

      Ces processus occasionnent des flux de gaz carbonique importants, que ce soit sur les terres émergées ou dans les océans, et leur bilan est à peu près nul, les flux de photosynthèse étant équilibrés par ceux de respiration et de dégradation de la matière organique : environ 120 Gt/an pour la vie terrestre (à l’origine des variations saisonnières dans l’atmosphère visibles sur la figure 1), et 50 Gt/an pour la vie océanique. La différence importante entre ces deux domaines est que sur les terres émergées, la matière organique qui résulte de la photosynthèse reste piégée dans les premières dizaines de cm du sol et au contact de l’atmosphère, tandis que dans l’océan, une partie des débris issus de la matière vivante sédimente vers l’océan profond et s’y décompose en libérant du gaz carbonique. C’est ce processus de sédimentation  de la matière vivante qui est à l’origine de la différence entre un océan de surface pauvre en carbone inorganique total et un océan profond riche.
      A noter dans l’océan un processus très lent et dont les résultats ne sont sensibles qu’aux échelles de temps géologiques : la biocalcification. Il s’agit de fabrication de pièces calcaires (CO32-, carbonate de calcium), coquilles de mollusques chez les Ptéropodes, ou coccolithes chez les algues microscopiques dites coccolithophoridés. Ces pièces calcaires sédimentent à travers la colonne d’eau, et celles qui parviennent à la surface du sédiment sans être totalement dissoutes retirent ainsi, peu à peu, du carbone au système océan – atmosphère – terres émergées. Paradoxalement, la biocalcification fait augmenter la pression partielle de gaz carbonique : on voit en effet qu’un retrait de carbonate de l’eau de mer actionne l’équilibre chimique (3) vers la droite, dégageant ainsi du gaz carbonique.

    6 - La perturbation anthropique et le cycle du carbone

    Depuis le début de l’ère industrielle, soit depuis 1860 environ, l’activité humaine utilise du carbone, sous forme de charbon, de pétrole ou de gaz, pour ses besoins en énergie. On a ainsi transformé en gaz carbonique, c'est-à-dire «brûlé» 244 Gt de carbone (voir figure 4), à raison de 6,4 GtC/an dans les années 90. Ce chiffre est maintenant largement dépassé : en 2012, ces émissions ont atteint 9,7 Gt, auxquelles s’ajoutent 0,4 Gt dues à la production de gaz carbonique lors de la calcination du calcaire dans la fabrication du ciment. S’y ajoutent également 1,6 Gt/an provenant d’un changement d’affectation des sols : lorsqu’une forêt est défrichée pour être transformée en champs, la biomasse constitutive de la forêt est brûlée et l’humus du sol est rapidement oxydé. Tous ces rejets de gaz carbonique dans l’atmosphère y font augmenter l’effet de serre naturel sont à l’origine du réchauffement global du climat. Cependant, une partie de ce gaz carbonique anthropique ne perdure pas dans l’atmosphère et est au contraire absorbée, selon deux processus principaux :
    D’une part, une atmosphère riche en gaz carbonique stimule la photosynthèse et est favorable à la croissance des végétaux terrestre. Ainsi, la biomasse des végétaux sur les terres émergées tend à augmenter, au taux estimé de 2,6 GtC/an.
    D’autre part, l’injection permanente de gaz carbonique dans l’atmosphère fait que la pression partielle de ce gaz est maintenue à une valeur supérieure à sa valeur moyenne dans l’océan, ce qui entraîne un flux additionnel de 2,2 GtC/an de l’atmosphère vers l’océan.
    Les émissions anthropiques excèdent donc largement les capacités d’absorption (2,6 + 2,2 = 4,8 GtC/an) des systèmes naturels, et la concentration en gaz carbonique de l’atmosphère ne cesse d’augmenter (figure 1).

    L’évolution de cette perturbation dépendra du rythme de nos émissions de gaz carbonique. Mais quel que soit ce rythme, la résorption de l’excès anthropique de gaz carbonique se fera surtout par l’océan et prendra beaucoup de temps : l’équilibre entre l’océan de surface (les 50 à 150 premiers mètres) et l’atmosphère s’établit assez rapidement, en six mois environ, puis est remis en question au fur à mesure que cet océan superficiel se mélange avec un océan profond dont le contenu en carbone inorganique total résulte d’un équilibre antérieur, préindustriel même en ce qui concerne l’océan très profond. On estime que si on stoppait totalement les émissions, il faudrait 30 ans pour en résorber la moitié, et que 50 ans plus tard, il en resterait encore 20 %.

    7 - Questions et menaces

    Un arrêt brutal des émissions de gaz carbonique n’est évidemment pas envisageable, et la concentration de ce gaz dans l’atmosphère continuera de croître. Les puits de carbone risquent alors de perdre en efficacité.

    L’entrée de gaz carbonique, un gaz acide, dans l’océan y augmente l’acidité et y réduit donc la solubilité de ce gaz. Cet effet apparaît dans les variations du facteur de Revelle (figure 3) qui est plus élevé aux hautes latitudes qu’aux basses. La raison en est que le gaz carbonique est plus soluble dans les eaux froides des latitudes élevées qui en contiennent donc davantage et sont (on constate déjà une acidification des océans) plus acides. Dans ces eaux, l’ajout d’une même quantité de gaz carbonique y entraînera une augmentation plus grande de la pression partielle de gaz carbonique. Au final, un océan qui a absorbé tout ou partie du gaz carbonique anthropique sera plus acide et aura une pression partielle de gaz carbonique plus élevée : ce sera à l’atmosphère de s’y ajuster.

    Un climat plus chaud peut s’avérer néfaste pour la végétation terrestre qui pourrait en souffrir. La capacité des écosystèmes terrestres à absorber une partie du gaz carbonique anthropique devrait alors diminuer, voire même s’annuler.

    Sous un climat plus chaud, la matière organique des sols sera oxydée plus rapidement, occasionnant un dégagement de gaz carbonique dans l’atmosphère. Ceci est spécialement préoccupant aux latitudes élevées où d’importantes quantités de carbone organique sont piégées dans les sols gelés (pergélisols) ou dans les tourbières, principalement sous forme de méthane.

    Enfin, jusqu’à preuve du contraire, les écosystèmes marins n’ont pas été affectés par le réchauffement climatique et ne jouent donc aucun rôle dans l’absorption du gaz carbonique anthropique (figure 4). Sous l’influence du réchauffement global, l’écart de température (et donc de densité) entre l’océan superficiel et l’océan profond devrait s’accroître, freinant les échanges turbulents entre ces deux couches, ou les remontées d’eaux profondes. Or, ce sont ces mélanges ou ces remontées qui fournissent les sels nutritifs nécessaires à la croissance des algues. Si la photosynthèse par ces algues diminue, ce n’est pas 11 GtC/an que cet écosystème émettra vers l’océan profond (figure 4), mais une quantité moindre, ce qui y ralentira l’exportation du carbone anthropique. On pourrait aussi assister à des modifications de cet écosystème marin sous ces nouvelles conditions, sans qu’il soit possible d’en prévoir dès maintenant les conséquences en termes de puits de carbone.

    Si les grands traits du cycle du carbone sont relativement bien connus, les flux indiqués sur la figure 4 sont des estimations et souffrent souvent d’une forte imprécision. Les éléments les mieux connus sont les stocks de carbone dans les milieux fluides : atmosphère et océan, au sein desquels les mélanges conduisent à une certaine homogénéité. Les émissions anthropiques de carbone sont elles aussi connues avec précision via les données sur la consommation de pétrole, de charbon et de gaz. Mais les flux entre les compartiments atmosphère, océans, et terres émergées sont très difficiles à estimer à cause de leur très forte variabilité dans l’espace et le temps. Mieux connaître ces flux et leurs variations est indispensable pour comprendre et prévoir l’évolution du système climatique. Ceci passe par des mesures sur le terrain bien plus nombreuses que ce qu’on a pu réaliser jusqu’à présent, et qui ne pourront être réalisées que dans le cadre d’une action internationale coordonnée.


    Voir aussi :

    FAQ :

    Quel est le rôle du gaz carbonique sur l'évolution du climat?

    Y a-t-il saturation de l'effet de serre?

    Dossier Climat :

    VII bis - Le cycle du carbone et le climat

  • À propos d’Emiliana huxleyi, de son petit nom Ehux…
  • Yves Dandonneau

    Les chercheurs ont désormais des certitudes... 

    Les stocks de carbone dans le système climatique

    La perturbation anthropique 

    Quelques évolutions à moyen et long terme

    Brûler des hydrocarbures est à la base de l’activité industrielle des hommes, et le carbone ainsi consommé finit en gaz carbonique dans l’atmosphère, dont il augmente l’effet de serre, causant un réchauffement du climat.
    Ce réchauffement est toutefois ralenti car tout le gaz carbonique émis ne reste pas dans l'atmosphère : ce gaz est en effet soluble dans l’océan, et aussi, dans la vie, de telle sorte qu'une partie des émissions anthropiques de gaz carbonique y est absorbée. Le monde vivant à la surface des terres émergées, constitue un réservoir de carbone de petite taille comparé à l’océan, et est baigné par l’atmosphère. Le gaz carbonique qu’il en soustrait ne peut aller que dans une augmentation de sa biomasse. C’est ce qui se passe actuellement, car davantage de ce gaz dans l’atmosphère stimule la croissance de certains végétaux.

    Les stocks et les flux de carbone dans le système climatique avant la perturbation anthropique.

    La figure 1 est extraite du 5ème rapport du Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat. Elle montre les différents stocks et flux de carbone dans les réserves d'hydrocarbures et de charbon, les biosphères terrestre et océanique, et les océans. Le cycle naturel (avant l'ère industrielle) est indiqué en noir, tandis que la part due à l'action de l'homme est indiquée en rouge. On peut y voir que le contenu actuel de l'atmosphère, soit 589 gigatonnes de carbone (GtC) auquel l'activité humaine a ajouté 240 GtC, est faible comparé aux réserves de charbon et d'hydrocarbures (environ 1 000 GtC), au contenu des sols et de la végétation terrestre (environ 2 500 GtC), aux 1 700 GtC immobilisés dans le permafrost, et surtout aux 37 000 GtC dissous dans l'eau de mer sous forme de gaz carbonique et de carbonates. Tous ces stocks échangeant du carbone, on conçoit que des perturbations de ces échanges dues à l'action de l'homme et au changement climatique puissent affecter sensiblement le contenu de l'atmosphère en gaz carbonique, et son bilan radiatif.

    Figure 1 : en noir, stocks et flux de carbone dans le système climatique avant l’ère industrielle, et en rouge modifications intervenues du fait de l’activité humaine, telles qu’estimées dans le 5ème rapport du GIEC. L’unité est la gigatonne de carbone (1 GtC = 109 tC), à ne pas confondre avec la gigatonne de CO2 (1 GtCO2 = 3,7 GtC).

    C’est donc l’océan (Figure 1) qui, de très loin, renferme les plus grandes quantités de carbone, avec 37 100 Gt avant l’ère industrielle. Ce carbone est principalement sous forme d’ions carbonate CO32- ou bicarbonate HCO3-. Ces ions participent à l’équilibre des carbonates :

    2 HCO3 H2O + CO32- + CO2

    dans lequel apparaît le gaz carbonique : ce stock interagit donc avec l’atmosphère car le gaz carbonique est soluble et traverse l’interface, du milieu où règne la pression partielle la plus élevée vers celui où elle est plus faible. Les échanges annuels qui prévalaient avant que débutent les rejets de gaz carbonique par l'homme sont estimés à 60 GtC de l'atmosphère vers l'océan, et 60,7 GtC de l'océan vers l'atmosphère (figure 1). Le léger déséquilibre de 0,7 GtC/an résulte de la différence entre 0,9 GtC/an apportés par les rivières à l'océan et 0,2 GtC/an déposés sur le fond des océans par des processus biologiques. Des flux de carbone importants ont lieu au sein de l'océan, soit par simple mélange ou transport vertical de l'eau de mer (90 GtC de la surface vers l'océan profond, 101 GtC/an en sens inverse) soit par fixation biologique par photosynthèse (50 GtC/an) et respiration (37 GtC/an), la sédimentation des particules vers la profondeur et la reminéralisation du carbone qu'elles contiennent maintenant l'équilibre (voir encart « Diversité du cycle vivant du carbone »).
    Les réserves de carbone dans la biosphère terrestre sont plus modestes. Le carbone y est stocké dans la végétation (450 à 650 GtC) et dans les sols qui recueillent les racines et les débris de ces végétaux ainsi qu'une microfaune variée (1 500 à 2 400 GtC). La photosynthèse y ajoute chaque année 108,9 GtC, pris à l'atmosphère, à laquelle la respiration de ces écosystèmes terrestres restitue 107,2 GtC, la différence, soit 1,7 GtC/an représentant le carbone organique dissous exporté par les rivières, lequel est restitué à l'atmosphère ou aux océans, ou enfoui dans les sédiments lacustres.

    La perturbation anthropique

    Les flux présentés sur la figure 1 sont basés sur des observations comportant des marges d'erreurs, et sont ajustés de telle sorte que le bilan soit en équilibre. Cet équilibre correspond à une longue période, depuis la dernière déglaciation, où le climat est resté assez stable. Cependant, depuis le début de l'ère industrielle vers 1850, les activités humaines brûlent du charbon et des hydrocarbures pour fournir de l'énergie, et le produit de cette combustion, le gaz carbonique, s'ajoute à celui qui préexistait dans l'atmosphère : La concentration en gaz carbonique de l'atmosphère s'accroît régulièrement (figure 2) et cette accumulation tend à réchauffer le climat, ainsi qu'on l'observe depuis une trentaine d'années.

    Figure 2 : augmentation de la concentration en gaz carbonique de l'atmosphère (source : NOAA)

    Ce gaz carbonique est soluble dans l'eau, et sur les 7,8 GtC qui sont rejetées chaque année dans l'atmosphère (ce chiffre a augmenté d'année en année mais tend à se stabiliser depuis 2014), auxquelles il faut ajouter 1,1 GtC provenant du changement d'usage des sols (le déboisement principalement), les océans absorbent 2,3 GtC/an, ce qui correspond à la quantité nécessaire pour mettre la couche supérieure de l'océan en équilibre avec l'atmosphère (voir encadré « quelques outils pour comprendre comment l'océan absorbe ou émet du gaz carbonique. »). C'est ensuite par mélange turbulent que ce gaz carbonique anthropique capté par l'océan pénètre lentement dans l'océan profond. Les flux de carbone associés à la vie marine restent inchangés (figure 1).
    Ce n'est pas le cas des écosystèmes terrestres dont les plantes profitent de l'accroissement de la teneur en gaz carbonique de l'atmosphère, qui facilite leur photosynthèse. De ce fait, la quantité de carbone présente dans la biomasse s'accroît de 2,6 GtC/an. Le puits océanique et le puits terrestre de carbone contribuent ainsi à limiter le changement climatique.

    Tableau 1 : évolution des puits océanique et terrestre de CO2 au cours des années récentes

    La consommation de carbone fossile (augmentée de la production de gaz carbonique dans les cimenteries) a augmenté d'année en année, passant de 5,5 GtC/an dans les années 80 à 8,3 GtC/an de 2002 à 2011 (tableau 1). En réponse à cette augmentation, le puits océanique s'est renforcé (de 2 GtC/an dans les années 80 à 2,4 GtC/an en 2002-2011), la couche supérieure de l'océan absorbant du gaz carbonique jusqu'à atteindre l'équilibre avec l'atmosphère. La photosynthèse terrestre a augmenté de 1,5 à 2,6 GtC/an entre les années 80 et les années 90, mais plafonne depuis, tandis que l'apport de gaz carbonique à l'atmosphère du au changement d'usage des sols est en diminution, de 1,5 GtC/an dans les années 90 à 0,9 GtC/an actuellement, du fait de programmes de reboisement .

    Quelques évolutions à moyen et long terme

    Lorsque du gaz carbonique est ajouté dans l'atmosphère, sa contribution à la pression atmosphérique (c'est à dire, sa pression partielle) augmente, et devient supérieure à celle dans les océans. Du gaz carbonique pénètre donc dans les océans jusqu'à ce que les pressions partielles dans les deux milieux s'égalisent. Ce processus n'a pas de raison de s'arrêter, et le puits océanique de carbone devrait donc continuer à prendre environ 1/4 des émissions de gaz carbonique. Toutefois, on peut prévoir une diminution de l'efficacité de ce puits, car l'accumulation du gaz carbonique dans les océans rend peu à peu ceux ci plus acides et augmente la réponse de la pression partielle de gaz carbonique à la dissolution de ce gaz dans l'océan (voir l'encart «Quelques outils pour comprendre comment l'océan absorbe ou émet du gaz carbonique»). De plus, à contenu en carbone constant, la pression partielle de gaz carbonique dans l'océan est sensible à la température : elle y augmente de 4 % par ° C. Enfin, si la vie marine n'a pas semblé jusqu'à présent affectée par la perturbation anthropique (voir figure 1), le réchauffement de la surface des océans et la stabilité accrue de la stratification de l'océan qui en résulte pourraient renforcer le frein à la remontée des sels nutritifs nécessaires à la photosynthèse. Cela, ainsi qu'éventuellement d'autres modifications de la dynamique des océans, pourrait conduire à une diminution de la production primaire marine comme certains articles récents semblent l'indiquer ; l'affaiblissement de la pompe biologique océanique de carbone qui en résulterait créerait un déséquilibre pendant plusieurs décennies entre les flux descendants et ascendant associés à cette pompe, les premiers diminuant aussitôt alors que les seconds se maintiendraient encore longtemps.
    La biosphère terrestre bénéficie comme on l'a vu de l'accroissement de la teneur en gaz carbonique, gaz qui est indispensable à sa croissance. De ce fait, sa biomasse s'accroissant, elle constitue un puits pour le gaz carbonique anthropique. Mais il n'existe pas de réservoir qui soit isolé de l'atmosphère pour cette biomasse, et d'ici quelques dizaines d'années, la respiration et la dégradation par les bactéries s'ajusteront à ce stock et équilibreront la photosynthèse : le puits «végétation terrestre» devrait donc peu à peu tendre vers zéro. D'autre part, le changement climatique en cours soumet la végétation à des modifications du régime des pluies et à des températures plus élevées, auxquelles les écosystèmes doivent s'adapter. Le stress résultant est lui aussi de nature à faire décroître ce puits. Enfin et surtout, les 1 700 GtC que renferment les sols gelés des régions arctiques (permafrost, voir figure 1) sont menacés d'oxydation par le réchauffement très marqué qui caractérise les hautes latitudes, et du gaz carbonique additionnel serait alors émis vers l'atmosphère.
    Un retour aux conditions préindustrielles (une atmosphère à 280 ppm de gaz carbonique) est pratiquement impossible. Si les rejets de gaz carbonique cessaient (ils cesseront nécessairement si les réserves de carbone fossile viennent à épuisement), on estime que 60 % du gaz carbonique serait absorbé par les océans et par la biosphère terrestre au bout d'une centaine d'années (figure 3). Après un millier d'années, il n'en subsisterait que 25 % environ. La lenteur de ce retour aux conditions initiales s'explique par la lenteur du temps de renouvellement de l'océan (de l'ordre de 1 000 ans) et aussi par le fait que, après absorption des premiers 60 %, les océans sont devenus plus acides et ont une capacité moindre à dissoudre le gaz carbonique. Il faut alors remettre à niveau l'alcalinité de l'océan, ce qui se fait lentement et incomplètement par dissolution des dépôts de carbonate de calcium dans les sédiments marins. Au delà (10 000 à 100 000 ans), l'absorption du reste du gaz carbonique est limitée par l'excès d'acidité des océans induite par le CO2 absorbé préalablement. Le retour à une alcalinité plus élevée propice à une absorption de gaz carbonique repose sur l'érosion des silicates (la réaction du gaz carbonique avec du silicate de calcium donne du carbonate de calcium et de la silice). La quantité restante du gaz carbonique injecté après cette très longue dernière phase dépend de la force de la perturbation : pour une injection anthropique de 100 GtC, il n'en subsistera que 10 à 15 %, mais pour 5 000 GtC, il en restera encore plus de 20 %, ceci à cause de l'acidité accrue des océans (Figure 3).

    Figure 3 : temps de résidence d'une injection de gaz carbonique dans l'atmosphère.

    Encart : quelques généralités sur le carbone :

    Le carbone est un élément très répandu dans le système terrestre. Il est très réactif, et le plus souvent associé à d’autres molécules :

    • à de l’oxygène pour former les carbonates des roches, ou le gaz carbonique de l’atmosphère ;

    • à de l’hydrogène et à d’autres atomes (oxygène, azote, phosphore etc…) pour former la matière vivante et tous les composés qui résultent de sa dégradation, y compris le pétrole et le gaz naturel, sources d’énergie pour l’activité humaine.

    On le trouve à l’état pur dans les gisements de charbon… et de diamants (...auxquels nous ne nous intéresserons pas car ils sont en quantité négligeable!)

    L’oxydation du carbone dégage beaucoup d’énergie (33 kJ par gramme de carbone pur). Symétriquement, la réduction du gaz carbonique en carbone ou en hydrates de carbone est gourmande d’énergie. Elle ne se produit dans la nature que par les réactions vivantes : photosynthèse de la matière organique par les végétaux, et, intéressante mais quantitativement négligeable, chimiosynthèse dans les sources thermales sous marines.
    Au cours de la photosynthèse, l’énergie lumineuse émise par le soleil et captée par la chlorophylle est transmise aux «centres de réaction de la photosynthèse», merveilleux assemblages de molécules au sein desquels huit photons peuvent «casser» une molécule de gaz carbonique. C’est cela qui a donné naissance aux gisements de charbon et d’hydrocarbures. Pour revenir à l’état de gaz carbonique, il suffit d’oxygène et d’une allumette.
    Le gaz carbonique est soluble dans l’eau, où il donne des ions carbonate (CO32-) et bicarbonate (HCO3-) et se comporte en acide faible. La haute teneur de l’eau de mer en carbonate et en bicarbonate ainsi qu’en autres sels y influence fortement la solubilité du gaz carbonique.

    L’isotope du carbone le plus abondant est le carbone 12. Il existe aussi, en faibles proportions, du carbone 13 et du carbone 14. Ce dernier est radioactif et sa diminution permet des datations. L’isotope 13, plus lourd que l’isotope 12, est moins réactif lors de la photosynthèse, de telle sorte que les produits dérivés de la photosynthèse (et en particulier : le pétrole) en contiennent proportionnellement moins que le gaz carbonique ou que les carbonates. Cette propriété est utilisée dans l’étude du climat pour identifier l’origine des masses d’air.

     

    Encart : quelques outils pour comprendre comment l'océan absorbe ou émet du gaz carbonique.

    Le gaz carbonique est soluble dans l'eau de mer et y pénètre ou s'en échappe selon que sa pression partielle (pCO2) y est moins forte ou plus forte que dans l'atmosphère. Le flux de gaz est fonction du vent, de la différence de pression partielle entre l'océan et l'atmosphère, et de la solubilité du gaz carbonique :

    F = k s Δ pCO2

    où k est proportionnel au cube de la vitesse du vent et s est la solubilité du gaz carbonique dans l'eau de mer. La vitesse du vent n'a d'influence que sur le temps que mettra la masse d'eau pour s'équilibrer avec l'atmosphère (un ordre de grandeur pour une couche océanique de surface de 100 m d'épaisseur en région tropicale est de 6 mois). C'est la solubilité qui définit la quantité de gaz carbonique qui sera passée d'un milieu à l'autre une fois l'équilibre atteint, et celle ci décroît lorsque l'acidité augmente et lorsque la température augmente (d'environ 4 % par ° C).
    La quantité de gaz carbonique que doit absorber l'océan pour atteindre une pression partielle donnée peut être estimée grâce au Facteur de Revelle (du nom d'un chercheur de la Scripps Institution of Oceanography qui a été très actif dans l'étude du rôle de l'océan dans le cycle du carbone), qui représente la variation relative de la pression partielle de gaz carbonique divisée par la variation relative de carbone inorganique total (TCO2) :

    F = (ΔpCO2 / pCO2) / (ΔTCO2 / TCO2)

    Dit plus simplement, si le contenu en carbone inorganique total d'une masse d'eau augmente de 1 %, la pression partielle de gaz carbonique dans cette masse d'eau augmente de F %. Le Facteur de Revelle rend donc compte de l'effet d'amplification de la réponse de pCO2 à une pénétration de gaz carbonique dans l'océan. Dans les conditions actuelles, ce rapport varie entre 8 et 15 (voir carte ci dessous), les valeurs les plus fortes se trouvant aux hautes latitudes, c'est à dire dans les eaux les plus froides. En effet, le gaz carbonique est plus soluble dans les eaux froides et celles ci, qui en contiennent davantage, sont plus acides ; pour un même apport de gaz carbonique, la pression partielle y augmente davantage. Ceci signifie que, pour un même rejet de gaz carbonique dans l'atmosphère, dans un monde où la pression partielle de gaz carbonique sera plus élevée, et les océans plus acides, ceux ci, pour atteindre l'équilibre avec l'atmosphère, absorberont une quantité moindre de gaz carbonique : l'efficacité du puits océanique de carbone diminuera.

    C'est ce que montre le graphique établi pour de l'eau de mer à 25 °C, avec une salinité de 35 %o et une alcalinité de 2 300 µmol/kg : si actuellement, avec une pression partielle de 400 µatm environ, une variation du contenu en carbone inorganique total entraîne une variation relative 9,3 fois plus forte de la pression partielle, lorsque celle ci sera de l'ordre de 500 µatm, ce sera 10,2 fois plus.

     

    Encart : Diversité du cycle vivant du carbone

    Qu'elle soit terrestre ou marine, la photosynthèse produit, à partir de gaz carbonique, d'eau, et de sels nutritifs, de la matière organique. Celle ci est la source de nourriture et d'énergie pour les écosystèmes marins ou terrestres. Les plantes ou les algues porteuses de cette matière organique, elles mêmes comportant des milliers d'espèces, sont la nourriture de brouteurs, dont la variété n'est pas moindre, et qui peuvent être à leur tour les proies de carnivores. Phytoplancton, zooplancton herbivore, zooplancton carnivore, anchois, thons en mer ; herbe, gazelles, lions, ou feuilles insectes oiseaux sur terre. A chaque niveau de ces chaînes alimentaires, des excréments constituent des pertes. Pas pour tout le monde : les bactéries en profitent. Elles se développent aussi aux dépens des cadavres qui jalonnent ces chaînes alimentaires à tous les stades. Et au final, la respiration des écosystèmes restitue le gaz carbonique qui a été fixé lors de la photosynthèse.
    La grande différence entre la filière terrestre et la filière marine est que la première se développe dans un milieu peu profond, pratiquement en contact en permanence avec l'atmosphère. Il n'y a pas de stockage à l'abri de l'oxygène. Le cycle du carbone y est relativement court. Au contraire, la seconde génère des particules qui, sous l'effet de leur densité, sédimentent lentement vers la profondeur. La matière qui les compose évoluera alors lentement à l'obscurité, dans l'eau froide, et ne réapparaîtra, sous forme de gaz carbonique ou de carbonates, qu'après un long périple qui peut durer un millier d'années. Ce transfert de matière de la surface vers la profondeur est la cause des différences de la fertilité des océans qu'on peut observer d'une région à une autre : sans ce transfert, les océans auraient partout la même teneur en éléments nutritifs.

     

    Voir aussi les FAQs :

    Quel est le rôle du CO2 sur l'évolution du climat ?

    Comment le carbone agit sur le climat? 

    Mis à jour avril 2016

  • Un paradoxe élucidé ?
  •  Long fleuve tranquille ou torrent tumultueux ?

    Yves Dandonneau 

    En absorbant le rayonnement infra rouge émis par la Terre, le gaz carbonique contribue à réchauffer le climat. Du fait de la combustion de charbon ou d'hydrocarbures pour satisfaire la demande d'énergie due aux activités humaines, la concentration de ce gaz dans l'atmosphère a fortement augmenté, passant de 280 parties par million (ppm) avant l’ère industrielle à plus de 400 ppm actuellement.
    Le réchauffement du climat causé par cette augmentation est régulièrement observé, et les trois dernières années ont été les plus chaudes depuis qu'existe un réseau d'observations météorologiques.

    Après des années d'études et de débats contre ceux qui doutaient que les rejets de gaz carbonique dus aux activités humaines aient un rôle dans le réchauffement climatique, les accords signés à Paris à l'issue de la vingt et unième conférence des parties en novembre 2015, ont semblé inaugurer une période de convergence de vues sur le changement climatique, et une forte volonté internationale pour prendre des mesures, afin de réduire ces émissions et de limiter le réchauffement en cours. Depuis cet accord historique, pourtant, on assiste à davantage de controverses que de mises en œuvre des mesures qu'il conviendrait de prendre.

    En premier lieu, le temps imparti est souvent mal compris : il faudrait très vite prendre ces mesures, alors que le réchauffement n'est évoqué que pour la fin du 21e siècle. Il y a aussi la limite, fixée à + 1,5 °C par rapport à la période pré-industrielle, qui constitue un objectif très ambitieux (trop ambitieux ?), qui sera certainement difficile à respecter. De plus, la pollution de notre environnement et les menaces qu'elle fait peser sur la santé, la baisse de la biodiversité, constituent d'autres menaces, qui ont parfois les mêmes causes que le réchauffement climatique, mais pas forcément les mêmes remèdes. Et il y a la manière dont le monde est dirigé, organisé en États qui se sont définis au cours de l'histoire par des rivalités plus que par la coopération.

    Dans les lignes ci-dessous, nous tentons de fournir un cadre qui permette de situer dans les rouages de l'évolution du climat, les questions qui surgissent actuellement.

    L'effet de serre et le réchauffement climatique

    Le mécanisme par lequel l'accumulation de gaz carbonique dans l'atmosphère conduit à un réchauffement du climat, est désigné par le terme effet de serre (voir encart) et a déjà été analysé dans nos pages. Il a fait l'objet de nombreuses attaques de la part des climatosceptiques, prétendant en particulier qu'au delà d'une saturation que nous avons déjà atteinte, davantage de gaz carbonique dans l'atmosphère ne produirait plus aucun effet, ce qui est inexact. Or, il y a un effet, faible – aux concentrations actuelles en gaz carbonique, la Terre émet environ 1 W/m2 de moins que ce qu'elle reçoit du Soleil – mais durable. Cette différence constitue le «déséquilibre radiatif»

    Le gaz carbonique n'est pas le seul gaz dans l'atmosphère à absorber le rayonnement infra rouge émis par la Terre, mais c'est son injection par l'homme en grande quantité dans l'atmosphère qui est la cause principale du réchauffement du climat. La vapeur d'eau, le méthane, les oxydes d'azote, l'ozone, sont aussi des gaz à effet de serre.
    La vapeur d'eau contribue davantage à l'effet de serre que le gaz carbonique ; elle participe au cycle naturel de l'eau, et multiplie par 2 environ l'action du gaz carbonique car le réchauffement du climat a pour conséquence d'augmenter sa concentration dans l'atmosphère.


    À concentration égale à celle du gaz carbonique, le méthane possède un potentiel de réchauffement 30 fois supérieur. Heureusement, sa concentration est beaucoup plus faible, et il tend à se transformer en gaz carbonique par oxydation au bout de quelques années. Il représente toutefois une menace pour le climat si les réserves qui sont piégées dans les sols gelés venaient à être libérées dans l'atmosphère.

     

     

    Sur une Terre sans océans et sans glaces, la réponse de la température à l'effet de serre serait très rapide, de l'ordre de quelques jours. Mais les océans participent à ces flux d'énergie, et leur capacité calorifique est 1000 fois plus grande que celle de l'atmosphère. C'est un peu comme si on voulait ajuster le chauffage dans un appartement situé dans un immeuble non chauffé : avant d'atteindre un régime d'équilibre, il faudrait attendre que l'ensemble de l'immeuble ait été réchauffé lui aussi. Ainsi, 93 % de la chaleur emmagasinée par l'effet de serre est capté par les océans, 3 % étant capté par la fonte des calottes polaires et des glaciers. Ceci explique la lenteur de la réponse du système climatique, lenteur qui n'incite pas à prendre très vite les mesures qui conviendraient.

    Quand le réchauffement s'arrêtera-t-il ?
    À une concentration en gaz carbonique (ou, plus généralement, en gaz à effet de serre) donnée, correspond théoriquement une température d'équilibre du système climatique, et le réchauffement prendra fin lorsque cette température sera atteinte. Un doublement de la concentration en gaz carbonique (voir encart ci-dessous) dans l'atmosphère par rapport à la période préindustrielle (soit 560 ppm) correspondrait, en régime stabilisé, à une augmentation la température que l'on estime comprise entre 1,5 et 4,5 °C : la limite de 1,5 ou 2 °C fixée par l'Accord de Paris serait franchie.

    Deux processus contribuent à faire évoluer la température de la Terre vers une stabilisation :

    1. plus cette température est élevée, plus la Terre rayonne vers l'espace, ce qui tend à réduire l'écart avec le rayonnement reçu du Soleil, c'est à dire le déséquilibre radiatif, et
    2. les puits (océans, biosphère terrestre) et sources (carbone fossile) de gaz carbonique font évoluer la concentration en gaz carbonique de l'atmosphère, modifiant ainsi la cause de l'effet de serre.
    L'habitude a été prise de comparer les différentes prévisions de l'évolution du climat en prenant comme base l'hypothèse d'un doublement de la concentration en gaz carbonique de l'atmosphère. La réponse du système climatique à ce doublement est désignée par le terme de sensibilité climatique, « transitoire » si son calcul est basé sur les données dont nous disposons, ou « à l'équilibre » s'il se base sur des projections à long terme. Les estimations de la sensibilité climatique à l'équilibre divergent selon les modèles de climat utilisés, autour d'une valeur médiane de + 3 °C .
     

    Actuellement, nos émissions de gaz carbonique sont telles que sa concentration dans l'atmosphère continue d'augmenter, tandis que la hausse très lente de la température moyenne globale ne suffit pas à réduire le déséquilibre radiatif, qui s'accroît d'année en année. Réduire cette concentration est l'enjeu principal pour limiter le réchauffement climatique.

    Réduire la concentration en gaz carbonique de l'atmosphère

    Le gaz carbonique est introduit dans l'atmosphère (sources) par la combustion du carbone fossile, par la fabrication de ciment, et par le changement d'usage des sols (déforestation notamment). Il en sort (puits) par dissolution dans les océans et par absorption par la végétation.

    La combustion du carbone fossile a été, et demeure, notre principale source d'énergie, et malgré les engagements à la réduire, les émissions de 2016 ont été légèrement supérieures à celles de 2015, et ajoutent chaque année environ 2 ppm de gaz carbonique à celui qui était déjà présent dans l'atmosphère. Nous arrivons ainsi à 407 ppm en décembre 2017. Consommer moins de carbone fossile a de fortes implications dans toutes les activités humaines et ne se fera pas sans une forte volonté d'y parvenir.

    Les océans réagissent à l'ajout de gaz carbonique dans l'atmosphère en en absorbant rapidement environ 20 % des émissions annuelles, suffisamment pour tendre vers un équilibre de pression partielle de CO2 entre l'atmosphère et la partie superficielle des océans. L'absorption du CO2 se poursuit ensuite à un rythme beaucoup plus lent, conditionné par le mélange de la couche de surface avec les eaux profondes. On estime que si on stoppait totalement les émissions, il faudrait 100 ans à l'océan seul, pour résorber 20 % de la fraction du CO2 émis qui s'est accumulée dans l'atmosphère, et que 1000 ans plus tard, il en aurait absorbé 50%.
    Il ne faut donc pas compter sur les océans, dont il est irréaliste de penser modifier le comportement, pour résorber rapidement l'excès de CO2 de l'atmosphère.

    Les écosystèmes terrestres, eux, sont plus sensibles à l'action de l'homme. Ainsi, depuis des décennies, par nos pratiques agricoles (qui tendent à appauvrir les sols en matière organique) et par la déforestation, les hommes ont rejeté d'énormes quantités de CO2 dans l'atmosphère. Ce processus est réversible. Depuis une dizaine d'années, ces émissions décroissent légèrement. La mise en œuvre de pratiques résolument orientées vers un stockage accru de matière organique dans les sols pourrait contribuer à faire très significativement décroître la concentration en CO2 de l'atmosphère. Par ailleurs, l'augmentation de la concentration en CO2 stimule la croissance de la végétation terrestre, et cet effet fertilisant a pour conséquence une augmentation de la masse de carbone stockée dans les végétaux. Ceci peut constituer un puits pour environ 25 % de nos émissions de CO2.

    S'il est difficile de stimuler le puits océanique de carbone, la végétation terrestre et les sols offrent un réservoir très vaste où un changement de nos usages peut, pour un coût modéré, extraire du gaz carbonique de l'atmosphère. Cela ne suffira toutefois pas pour faire baisser la concentration de ce gaz dans l'atmosphère à un niveau compatible avec des températures supérieures de seulement 1,5 ou même 2 °C aux températures de l'époque pré-industrielle : il faudra en outre recourir à un coûteux piégeage industriel du CO2, basé sur des énergies renouvelables et non pas sur du carbone fossile, ce qui ne ferait qu’aggraver la situation.

    La route sera longue, mais sera-t-elle sûre?

    Le système climatique est porteur de menaces qui pourraient se traduire par un emballement du réchauffement en cours. Ainsi, la réduction des calottes de glace des pôles qui réfléchissent vers l'espace une part de l'énergie reçue du Soleil, s'accompagne d'un gain d'énergie pour le climat. Lequel gain d'énergie entraîne une réduction accrue de ces calottes polaires et une moindre réflexion vers l'espace de l'énergie reçue du Soleil : cette rétroaction positive déjà engagée, ne semble pas pour le moment devoir évoluer de façon catastrophique, mais un réchauffement trop intense pourrait la déclencher.

    Autre menace : la fonte du pergélisol.
    Les sols gelés des régions subarctiques contiennent d'énormes quantités de matière organique et de méthane. Le dégel de ces régions libérerait de grandes quantités de ce puissant gaz à effet de serre et accentuerait le réchauffement, favorisant d'autant plus le dégel : c'est encore là une rétroaction positive qui causerait un réchauffement incontrôlable.

    La végétation terrestre, on l'a vu, bénéficie pour le moment d'une concentration en gaz carbonique dans l'atmosphère plus élevée que par le passé, et constitue ainsi un puits de carbone. Mais les températures de plus en plus élevées, et les conditions de sécheresse qui progressent dans certaines régions, peuvent finir par nuire à la croissance des végétaux et par accélérer l'oxydation de la matière organique des sols. Le puits de carbone que constituent les écosystèmes terrestres perdrait ainsi de son efficacité, et réduire la concentration de l'atmosphère en gaz carbonique deviendrait alors d'autant plus difficile.

    La probabilité de la mise en route de ces rétroactions augmente à mesure que le climat se réchauffe. Elle augmentera donc tant que le réchauffement durera, c'est à dire tant qu'un déséquilibre radiatif positif sera à l’œuvre.  

    Le seul moyen de réduire cette tendance au réchauffement est de faire baisser la concentration en gaz carbonique de l'atmosphère le plus tôt possible :

    • réduire notre usage de l'énergie basée sur le carbone fossile,
    • stocker du carbone dans la biomasse végétale et dans la matière organique des sols,</>

    et, comme cela ne suffira pas, extraire par géoingéniérie du gaz carbonique de l'atmosphère, ce qu'on ne sait faire actuellement qu'à un prix très élevé.

    Voir aussi la News de octobre 2017 :

    Pour amener le climat à un état stable après la perturbation anthropique, il faudra retirer du gaz carbonique de l'atmosphère. Le coût en sera très élevé si nous ne réduisons pas rapidement nos émissions. Yves Dandonneau.

  • Les océans absorbent une partie importante de nos émissions de gaz carbonique.

  • Les océans absorbent environ un quart de nos émissions de gaz carbonique, et contribuent ainsi à ralentir le réchauffement climatique en cours. La «pompe océanique de carbone», qui réalise cette absorption, est classiquement séparée :

    • en pompe physique, basée sur des processus de diffusion, de solubilité, et de réactions chimiques,
    • et en pompe biologique, due à la vie marine.
  • Selon le site web de l'institut allemand MCC, la durée correspondant à l' épuisement du budget carbone

  • Les défis techniques et sociétaux

    Raymond Zaharia, Jacques Ruer, Yves Dandonneau

    La concentration en gaz carbonique dans l’atmosphère s’est accrue au cours des dernières décennies au rythme d’environ 2,5 parties par million (ppm) par an et s’élevait en août 2024 à 424 ppm. Cette hausse est due aux émissions qui résultent des activités humaines et à leurs conséquences sur l’environnement, et entraîne un réchauffement du climat. Réduire ce réchauffement implique non seulement de ralentir, puis d’arrêter nos émissions dès que nous en serons capables, mais aussi, par divers moyens, de retirer de l’atmosphère le gaz carbonique en excès que nous y avons accumulé.
    Ce retrait s’effectue naturellement grâce aux puits de carbone que sont l’océan, et la végétation terrestre, mais sa vitesse est très insuffisante pour éviter une hausse de la température qui mettrait la vie et les activités humaines en difficulté dans de vastes régions. Déjà planter des forêts, ou enrichir les sols cultivés en matière organique (ou plutôt : les ré-enrichir, car l’agriculture moderne les a considérablement appauvris) est un moyen, préconisé et encouragé, de renforcer le puits de carbone dans la végétation terrestre.
    Toutefois, la capacité d’absorption des océans, et de la biomasse des terres émergées ne permettra pas à elle seule de limiter le réchauffement du climat à +2°C, encore moins à +1,5°C.
    En effet, lorsque la concentration en CO2 de l’atmosphère cessera d’augmenter, les premiers ne pourront plus absorber une part significative de ce gaz. Pour ce qui concerne le réservoir de carbone organique des écosystèmes terrestre, il est soumis à une dégradation par des processus microbiens, de telle sorte qu’on peut seulement envisager de porter et maintenir sa biomasse à un niveau aussi élevé que possible : il ne se forme plus actuellement de gisements de charbon ou de pétrole tels que ceux qui se sont constitués à l’ère primaire. Une forêt en phase croissance accumule du carbone, mais un fois atteint son stade de maturité elle rejette autant de CO2 par la respiration et la dégradation de sa matière organique qu’elle n’en absorbe par photosynthèse.
    Le sixième rapport du GIEC, ainsi que les rapports du Haut Conseil pour le Climat [1] ou de L’Agence Internationale pour l’Energie [2] consacrés à la capture et au stockage du gaz carbonique de l’atmosphère dressent un panorama des diverses solutions existantes. Celles-ci sont nombreuses, variées, souvent insuffisamment explorées et mal connues, et les sigles par lesquelles elles sont désignées forment une jungle. Citons le DACS (direct air capture and storage, qui consiste à absorber le gaz carbonique de l’atmosphère et à le stocker), le BECCS (bioenergy with carbon capture and storage, qui utilise de l’énergie renouvelable pour cette capture), le CDR (carbon dioxide removal), LULUCF (land use, land use change and forestry, qui vise à accroître le puits de carbone dans l’écosystème terrestre).

    Le stockage à long terme du gaz carbonique dans des couches géologiques.

    L’un des moyens envisagés consiste à stocker le gaz carbonique capturé dans l’atmosphère dans des couches géologiques où il restera piégé pendant de très longues périodes. L’idée vient naturellement à l’esprit si on considère que les gisements de pétrole ou de gaz naturel y sont restés piégés pendant des millions d’années, et que les gisements épuisés, qui sont justement à l’origine des émissions anthropiques, offrent une très large capacité de stockage. Quelques sociétés industrielles ont déjà mis en œuvre ce stockage, mais à une échelle peu significative, très loin de la valeur approximative d’une gigatonne de CO2 par an qu’on espère atteindre en 2050 (soit 0,27 gigatonnes de carbone par an, alors que nos émissions actuelles sont d’environ 10 gigatonnes par an).
    Les difficultés sont nombreuses et bien réelles. Extraire le gaz carbonique de l’atmosphère où il est en concentration très faible, (et pourtant excessive pour un climat qui nous convienne), a un coût élevé. Extraire ce gaz carbonique dès son émission dans les sites industriels diminue évidemment ce coût, mais il ne devrait logiquement plus exister beaucoup de sites industriels émettant beaucoup de gaz carbonique en 2050, date à partir de laquelle les scénarios que nous devrions respecter prévoient des émissions nettes nulles (net zéro émissions). Si les sites d’enfouissement, qui sont entre autres d’anciens gisements d’hydrocarbures, sont éloignés des sites d’émissions, le transport du gaz carbonique capturé constitue un coût supplémentaire. Captage, transport et enfouissement du gaz carbonique pourrait coûter entre 60 et 150 € par tCO2, et davantage si les conditions ne sont pas optimales [2]. Il ne faudra évidemment pas recourir pour cela à de l’énergie fossile, ce qui annulerait en grande partie le retrait du CO2 de l’atmosphère, mais à des énergies renouvelables. Le coût des opérations nécessaires pour diminuer de quelques parties par million la concentration en gaz carbonique de l’atmosphère atteindra plusieurs milliers de milliards d’Euros (1 ppm, c'est 8 milliards de tCO2). Il faut y penser maintenant, alors que nos émissions augmentent chaque année cette concentration de plus de 2 parties par million.

    Quels acteurs pour la capture et le stockage du gaz carbonique ?

    Disposant déjà d’infrastructures et des connaissances de terrain, les compagnies pétrolières sont incontournables. Il n’est pas surprenant, alors que les émissions de gaz carbonique qui ont conduit au réchauffement climatique sont passées entre leurs mains, qu’elles soient les mieux placées pour mettre en œuvre le retour du carbone dans les couches géologiques d’où elles l’ont extrait. Ce qui peut heurter d’un point de vue éthique, c’est qu’après s’être beaucoup enrichies en fournissant les hydrocarbures dont nous avons eu besoin, et avons encore besoin, elles s’emparent du marché de la capture et du stockage du CO2 issu de ces hydrocarbures ! Il n’en reste pas moins que ces sociétés possèdent à l'évidence la technologie et la puissance industrielle pour s’attaquer au problème.

    La nécessité pour respecter les accords de Paris de limiter le réchauffement de la température moyenne globale à +2°C, voire +1,5°C rend indispensable de retirer de l’atmosphère une partie du gaz carbonique en excès. Mais ce ne sera pas une tâche facile, et mieux vaut qu’il y en ait le moins possible à retirer. Au contraire, une logique strictement financière tend à prolonger l’exploitation des hydrocarbures fossiles, génératrice de profits, en faisant croire qu’on saura réduire facilement la concentration en gaz carbonique de l’atmosphère plus tard. Il nous a été donné d’assister à des présentations données par des représentants de l’industrie pétrolière qui mettaient en avant leur compétence et leur disponibilité pour ces opérations de capture et de stockage dans les puits de pétrole épuisés. Les capacités de capture de CO2 en 2050 étaient estimées à 5 gigatonnes par an, alors que les chiffres avancés par des organismes officiels [2] se montent plutôt à 1 ou 1,5 gigatonnes.
    Le passé devrait nous inciter à la méfiance : certaines compagnies pétrolières ont financé des études qui montraient que l’accroissement de la teneur en gaz carbonique de l’atmosphère ne risquait pas de modifier le climat, alors qu’elles en savaient fort bien les conséquences. Les essais en Europe d’établir un marché des «crédits carbone» a débouché sur des escroqueries financières d’envergure. Et la compensation des émissions de gaz carbonique par la plantation de forêts s’avère bien souvent gérée au moindre coût et inefficace.
    Pour ce qui est de la capture et du stockage à long terme du gaz carbonique, l’horizon 2050 peut paraître lointain. Ce n’est pas une raison pour ne pas le préparer soigneusement.
    Si l’on peut douter, à ce stade, des annonces concernant une diminution significative de la quantité de CO2 présent dans l’atmosphère, (en raison d’un coût prohibitif [3] pour chaque ppm en moins), il existe des situations où la capture et l’utilisation du CO2 présentent un intérêt. Quelques projets ont déjà été lancés [2]. Une étape intéressante consiste à réutiliser le CO2 pour synthétiser des carburants artificiels dans le but de remplacer des combustibles fossiles. (cf. ce document interne du Club des Argonautes, rédigé il y  a ~10 ans : http://clubdesargonautes.com/Synthese_DE_CARBURANTS_AIR_rev3.pdf ) En effet, si on considère l’aviation, le pétrole possède des qualités difficiles à obtenir avec des solutions alternatives comme l’hydrogène ou les avions électriques.

    On parle de e-fuels obtenus en faisant réagir le CO2 avec de l’hydrogène produit par électrolyse de l’eau. Bien entendu, lorsqu’un avion consomme de l’e-fuel il rejette du CO2, mais si celui-ci est capturé à nouveau, il n’y a pas de soustraction de CO2 de l’atmosphère, mais un bilan nul, ce qui est un pas dans la bonne direction.
    Si une politique volontariste conduit à produire ces carburants de synthèse, la taille de l’industrie qu’il faudra développer pour le seul usage de l’aviation sera telle que les effets d’échelle permettront de réduire les coûts de façon significative.
    Ceci pourrait ouvrir la voie aux projets de capture et stockage géologique.

    _
    [1] Avis sur la stratégie de capture du carbone, son utilisation et son stockage (CCUS), Haut Conseil pour le Climat, novembre 2023, https://www.hautconseilclimat.fr/publications/avis-sur-la-strategie-de-capture-du-carbone-son-utilisation-et-son-stockage-ccus/

    [2] Direct Air Capture, A key technology for net zero, IEA, avril 2022, https://iea.blob.core.windows.net/assets/78633715-15c0-44e1-81df-41123c556d57/DirectAirCapture_Akeytechnologyfornetzero.pdf

    [3] voir: https://x.com/hausfath/status/1844790308459958705

Sauvegarder
Choix utilisateur pour les Cookies
Nous utilisons des cookies afin de vous proposer les meilleurs services possibles. Si vous déclinez l'utilisation de ces cookies, le site web pourrait ne pas fonctionner correctement.
Tout accepter
Tout décliner
Analytique
Outils utilisés pour analyser les données de navigation et mesurer l'efficacité du site internet afin de comprendre son fonctionnement.
Google Analytics
Accepter
Décliner
Unknown
Unknown
Accepter
Décliner