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Propos d'Argonautes (juin 2024)

(Temps de lecture: 5 - 10 minutes)

2021-2023 sécheresse en France, 2024 pluies abondantes

Quel est dans ces deux cas le rôle du changement climatique ? S’il est une loi physique que les médias et le public semblent avoir bien apprise et répètent à chaque occasion, c’est bien la loi de Clausius-Clapeyron,

selon laquelle la quantité de vapeur d’eau que peut contenir l’atmosphère augmente de 7 % lorsque la température augmente d’un degré Celsius. Cela étant acquis, certains en concluent que ce taux de 7 % s’applique aussi à l’évaporation et aux précipitations : c’est faux. Le contenu de vapeur d’eau de l’atmosphère est une masse, alors que l’évaporation et les précipitations sont des flux, et cette masse peut rester inchangée quels que soient les flux, à condition qu’ils s’équilibrent. Selon le modèle de Manabe, le taux de saturation de l’atmosphère en humidité ne change pas malgré le réchauffement du climat, et ce réchauffement entraîne donc bien une augmentation du contenu en vapeur d’eau de l’atmosphère de 7 %, avec, entre autres conséquences, celle de multiplier par 2 l’effet de la teneur en gaz carbonique sur la température moyenne globale. Manabe a reçu le prix Nobel de Physique en 2021 et son modèle est celui qui est utilisé dans les modèles climatiques actuels. L’augmentation de l’évaporation à l’interface entre l’océan et l’atmosphère ne serait, selon les estimations des modèles, que de + 2 %, et les conséquences sont très variables selon les régions. Une étude récente révèle que les pluies d’automne et d’hiver en Irlande et en Angleterre se sont accrues de 20 % à cause du réchauffement climatique : c’est beaucoup plus que 7 % par °C. La cause principale serait un déplacement du système des zones de haute et de basse pression atmosphérique dans l’Atlantique nord (symbolisé par la différence de pression entre les Açores et l’Islande, représentée par l’indice NAO (North Atlantic Oscillation). Les pluies extrêmes, en particulier les pluies d’orage, dépendent des mouvements ascendants de l’air humide dans les systèmes convectifs. Dans ces systèmes, la chaleur libérée lors de la condensation de la vapeur d’eau joue un rôle moteur : dans ces situations, davantage de vapeur d’eau dans l’atmosphère intensifie les mouvements ascendants, et la rétroaction positive ainsi mise en place peut entraîner des pluies très intenses. On voit dans ces deux exemples que le changement dans les régimes de pluies ne suit pas la règle des + 7 % / °C.
Une contrainte pour estimer globalement le transfert de vapeur d’eau des océans aux continents pourrait être fournie par le retour de l’eau douce à la mer, c’est à dire le cumul des débits de rivières, ces deux termes devant se compenser au moins approximativement. Grâce surtout aux hydrologues russes sous la direction de Shiklomanov au siècle dernier, les débits des grands fleuves et des rivières ont été enregistrés ou relevés régulièrement. Les données ainsi collectées ont permis d’estimer à environ 1 million de m³/s le débit global des fleuves. Cette estimation a été rehaussée à 1,1 millions de m³/s par les français Pardé, puis Ghislain de Marsily, à partir essentiellement de ces mêmes données compilées par les russes. Les réseaux d’observations des débits des cours d’eau ont en grande partie été abandonnés, et il n’est hélas pas possible d’observer un changement dans ce cumul qui serait causé par le changement climatique. Le lancement récent du satellite SWOT et les résultats très prometteurs qu’il fournit déjà pourraient permettre désormais un suivi de l’état des bassins fluviaux et de leur débit.

Les sécheresses mettent progressivement en route une cascade de conséquences

Utilisant une synthèse de nombreux travaux sur les épisodes de sécheresse dans trente trois bassins hydrologiques d’Afrique, une étude s’est penchée sur l’enchaînement des dommages causés. Les sécheresses affectent successivement l’humidité des sols, la végétation et les cultures, les débits des cours d’eau et les nappes phréatiques. Cette propagation de la sécheresse jusqu’à la totalité des paysages suit un schéma en cascade qui en relie les conséquences les unes aux autres. Les analyses des séries temporelles d’observations de tous ces bassins montrent de fortes similitudes : les manques de précipitations conduisent immédiatement à un déficit d’humidité des sols, puis après un mois, la végétation souffre, et au bout de deux mois, l’ensemble du système hydrologique est affecté.

Des grands canaux pour distribuer l’eau

Acheminer l’eau du Rhône vers le Languedoc est un vieux projet, Aqua Domitia, qui a connu des hauts et des bas. Vers 1997, il a même été envisagé d’aller jusqu’à Barcelone, qui manquait d’eau, mais la difficulté du franchissement des Pyrénées a vite fait abandonner cette extension. Actuellement, l’eau du Rhône arrive jusqu’à Montpellier par canal ouvert, et jusqu’à Béziers par conduite fermée. La très longue sécheresse qui sévit dans le Roussillon a redonné de l’élan à Aqua Domitia : les conduites d’eau seront prolongées jusqu’à l’Aude et les Pyrénées Orientales. Le développement de nombreux pays dans le monde offre une foule d’exemples de tels aménagements, certains très anciens : le pont du Gard, Assouan, etc... Un canal amène l’eau du nord de la Californie vers le sud. Les premiers grands travaux soviétiques ont été des travaux hydrauliques toujours source de fierté pour les peuples.

Le "Net Zero Emissions" en 2050 est-il possible ?

Plusieurs d’entre nous ont assisté à un séminaire sur ce thème. La tonalité générale était que réduire les émissions de carbone en Europe (où, plus largement dans les pays développés) coûtait beaucoup plus cher par tonne de CO2 évitée que dans les pays en développement. Selon cette logique, il serait donc plus facile de diriger les efforts de réduction d’émissions vers ces derniers. De plus, au rythme auquel les nations européennes réduisent leurs émissions, celles ci seront en quantité négligeable en 2050, et alors, le problème sera chez les pays nouvellement gros émetteurs. L’assistance semblait favorable à cette ligne, et peu consciente du risque grandissant de voir des régions entières devenir invivables à cause du réchauffement du climat. Heureusement, les émissions de gaz carbonique baissent en Europe, et il en est de même chez le plus gros émetteur : la Chine, qui semble respecter ses engagements.

Les forêts en souffrance : leur efficacité dans la capture du CO2 en déclin

Les spécialistes des forêts se creusent la tête pour trouver quelles espèces d’arbres pourront assurer un piégeage efficace du gaz carbonique de l’atmosphère, tout en résistant aux canicules, aux sécheresses, et aux insectes xylophages, et tout en assurant des revenus aux exploitants forestiers. On en vient sur le plateau de Millevaches à planter des variétés de pins corses. Une autre contrainte apportée par le changement climatique est que le démarrage des bourgeons au printemps se fait de plus en plus précoce, alors que le risque de gelées tardives reste entier. Ces gelées tardives obligent les arbres à bourgeonner de nouveau plus tard, et ceci raccourcit la durée de la végétation et réduit la croissance des arbres.
En France, la législation ne favorise pas toujours un développement optimal de la forêt. L’état, par exemple, au prétexte du « plan vert », incite les propriétaires de bois à couper sans limite, et finance sans contrôle la replantation. Résultat, la plupart du temps, ce sont des pins qui sont replantés. Incendies, sécheresse et insectes xylophages s’y ajoutant, la forêt française capte moins de carbone qu’au cours des décennies précédentes, malgré une superficie en augmentation. Ce déclin du puits forestier de carbone n’est pas propre à la France : l’Amazonie a subi des sécheresses en 2007, 2010 et 2015. Toutes les régions du globe ne montrent pas un tel déclin, mais dans l’ensemble, le puits de carbone dans la végétation n’est plus aussi prometteur qu’on le pensait il y a 20 ans.

Changement climatique : faut il envisager le pire ?

Canicules, inondations et incendies sont de plus en plus intenses et fréquents. Cela était annoncé régulièrement à chaque parution des rapports du GIEC, et n’est donc pas une surprise. Pablo Servigne il y une dizaine d’années, dans son livre « Comment tout peut s'effondrer : petit manuel de collapsologie à l'usage des générations présentes » a alerté sur les risques d’enchaînement des catastrophes et d’effondrement, mais on se comporte comme si on saurait éviter cela le moment venu. Un article paru dans PNAS considère que l’éventualité de ce risque majeur est insuffisamment étudiée et propose que l’on s’interroge sur quatre points : 

  • le changement climatique peut il conduire à des extinctions de masse ?
  • Quels sont les mécanismes qui pourraient donner lieu à des mortalités massives chez les humains ?
  • Quels risques entraîneraient pour les sociétés humaines des dommages initiés par le changement climatique ?
  • Comment en considérant tous ces dangers élaborer un instrument d’aide à la décision ?

Il faudra un jour prendre cela au sérieux.

Des politiques et des scientifiques

Le Conseil supérieur des programmes (CSP) a été mis sur pied pour formuler des recommandations à l’adresse du ministre de l’Éducation nationale, afin de modifier les programmes d’enseignement de l’école et du collège de telle sorte que le changement climatique y soit expliqué. Pour cela, le CSP a écouté 22 experts sur le climat. Stupeur : l’un d’entre eux, François Gervais, est un climatosceptique notoire, militant du climatoscepticisme, et qui n’a aucune compétence dans les disciplines de la climatologie. Qui a pu vouloir l’écouter ?
Alors, pour nous venger, rions un peu des politiques. Lors d’une réunion portant sur les énergies renouvelables, le représentant de l’ex Haute Volta, devenue Burkina Fasso (lui même, voltaïque, devenu Burkina-Bé), a demandé paraît-il qu’on remplace dans les rapports le terme « photovoltaïque » par « photoburkinabé ». Autre perle, en France, à un expert qui lui rétorquait que sa proposition n’était pas acceptable en raison de la loi de Carnot, ce député qui avait pourtant suivi une scolarité digne d’un pays développé, répondit : « si une loi est un obstacle, il n’y a qu’à l’abroger » !

Le satellite EarthCARE a été lancé

Ce satellite européen et japonais vise à recueillir des données sur les nuages et les aérosols. Ses points forts sont :

  1. un imageur multispectral pour les nuages, doté d’un champ plutôt étroit, et dont les deux instruments sont au nadir,
  2. un instrument pour le bilan radiatif qui regarde à deux angles différents le long de la trace, et
  3. un radar doppler et un lidar pour mesurer la vitesse verticale de l'air ainsi que les profils verticaux d'eau liquide et solide dans les nuages.

Les aérosols sont une composante du système climatique insuffisamment observée après l’arrêt accidentel de l’instrument Polder et celui du satellite PARASOL. Ces deux derniers permettaient des mesures de polarimétrie sur les aérosols, et on peut regretter que EarthCARE ne soit pas équipé d’un polarimètre.


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