Sur fond de COP 28, dont la tenue à Dubaï, place forte de l’exploitation du pétrole, a suscité beaucoup de critiques…. Il est vrai que nos activités ont besoin de pétrole.
Il est tout aussi vrai que ceci émet du CO2 et est donc néfaste. On ne peut donc pas avancer sans un schéma de transition qui couvre au moins une dizaine d’années. L’association Negawatt, l’Ademe, le scénario européen Clever, vont dans cette direction, mais des lobbies liés chacun à un type d’énergie renouvelables ou à un groupe d’usagers œuvrent dans tous les sens. Une transition énergétique ne se fera que si elle rapporte de l’argent à ceux qui la mettent en œuvre, or, la rentabilité n’est pas toujours au rendez vous. Mais les choses changent : l’électricité solaire est moins chère que celle produite avec du gaz. Le journal La Croix a publié une série de cinq articles, tous excellents, sur ce sujet.
L’océanographie spatiale devenue opérationnelle
Pour sa cent quatre vingt dix-neuvième réunion, le Club des Argonautes a accueilli un nouveau membre : Alain Ratier, Alain Ratier, ancien de Météo France, puis du CNES, ancien directeur général d'Eumetsat, au sein desquels il a œuvré au développement de l’observation des océans par satellites, à son évolution vers l’opérationnalité afin de rendre ces observations pérennes, et à la mise sur pied de services qui en assurent le traitement et la fourniture de produits élaborés (courants marins, vents) et d’analyses climatiques.
Depuis l’expérience franco américaine TOPEX POSEIDON dans les années 90, qui fut un succès en grande partie grâce à la France, l’observation des océans par satellite n’a pas cessé de grandir. TOPEX POSEIDON a fourni des mesures précises de la hauteur des océans qui ont permis de calculer les courants marins et de suivre leur variations de 1992 à 2008. Un succès tel qu’il était inconcevable qu’il s’arrête à la fin de l’expérience. Ce ne sont pas les États Unis d’Amérique qui ont pu lui donner une suite : leurs trois puissants organismes impliqués dans les programmes satellitaires que sont la NASA, la NOAA et les militaires ne sont en effet pas parvenus à s’entendre pour lancer un programme opérationnel d’observation de l’océan. C’est l’Europe qui y est parvenue, avec le programme JASON qui pérennise le suivi du niveau des océans, et la série des satellites Sentinel coordonnée par le service européen Copernicus qui élabore et fournit des données au niveau mondial telles que courants marins, couleur de l’océan, glace de mer, houle, vent, chimie atmosphérique. Copernicus est devenu une des toutes premières références mondiales pour observer et comprendre le changement climatique et l’environnement.
Les points de bascule : épées de Damoclés ?
Les annonces médiatiques sur le bouleversement du climat brandissent souvent des «points de bascule», limites à ne pas franchir sous peine de changements irréversibles du système climatique. La question fait l’objet de travaux scientifiques et un colloque y a été consacré en octobre dernier. D’un point ce vue théorique, les transitions d’un état du climat à un autre seraient prévisibles, mais dans la réalité, on connaît l’état qu’on quitte, mais pas celui où on va tomber. Dans le passé, les évènements de Dansgaard Oeschger, i. e. des refroidissement brusques suivis de débâcle glaciaire pendant la transition de la dernière glaciation vers l’interglaciaire actuel, sont des exemples de ces bascules. Les menaces actuelles se situent dans la fonte plus ou moins rapide des calottes glaciaires polaires, dans une mortalité massive, spécialement en Amazonie, de la végétation terrestre incapable de s’adapter au réchauffement, ou dans le mythe d’un arrêt du Gulf Stream illustré outrancièrement par le film catastrophe «Le jour d’après» (en fait, pour que le Gulf Stream s’arrête, il faudrait que la Terre s’arrête de tourner), ou plutôt d’un ralentissement du transport de chaleur par l’océan des latitudes tropicales vers les hautes latitudes. Tous ces points ont été évoqués, mais la probabilité qu’ils se produisent est mal connue.
L’intelligence artificielle est elle une rivale de la prévision météorologique ?
La nouvelle qu’un programme d’intelligence artificielle mis au point par Google Deepmind soit parvenu à dépasser les modèles actuels de prévision météorologique à moyen terme a pu résonner comme une défaite de toutes les constructions basées sur la connaissance de l’atmosphère et mises au service de la prévision météorologique face à l’inquiétante et tellement plus rapide intelligence artificielle. En fait, un programme d’intelligence artificielle serait totalement inopérant s’il n’était pas entraîné sur la masse de données élaborée par les services météorologiques et rendue accessible sous la forme de réanalyses, c’est à dire de reconstructions complètes des variations des propriétés de l’atmosphère sur de longues périodes, basées sur les observations disponibles et sur les modèles météorologiques. La prochaine réanalyse, ERA 6, qui sera lancée en 2024, couvrira le monde entier sur une période de 1940 à l’actuel à une résolution de 15 km. D’autre part, la météorologie fait déjà appel à la rapidité d’exécution de l’intelligence artificielle dans certaines tâches, consistant par exemple à estimer des propriétés de l’atmosphère à partir de données satellite. Le Centre National de Recherches Météorologiques travaille de longue date sur l'utilisation de l'intelligence artificielle appliquée à la météo et au climat, que ce soit pour le traitement des observations, pour le remplacement de certaines parties des codes à base physique par des paramétrisations utilisant l'intelligence artificielle, ou pour d’autres tâches. Il n’est pas question d’abandonner les méthodes de modélisation à base physique, qui sont les seules à ce jour à même de fournir des simulations de la qualité requise pour les prévisions opérationnelle de Météo France et ses homologues. Et puisque la qualité des programmes d’intelligence artificielle repose sur la qualité des données d’apprentissage, la prévision d’un climat futur, affecté par le changement en cours, ne peut pas se faire avec un programme d’intelligence artificielle qu’on aurait entraîné sur des données d’un climat qui n’a plus court.
L’hydrogène, une panacée ? il est encore un peu tôt pour rêver.
Nous avons appris à l’école qu’en trempant dans l’eau un fil relié à la borne - d’une pile électrique et un autre à la borne +, on obtient d’un côté de l’hydrogène, et de l’autre de l’oxygène. L’hydrogène pur ainsi isolé est un puissant carburant dont la combustion ne produit que de l’eau. N’est ce pas là la bonne formule pour fournir de l’énergie sans dommage pour le climat ? Deux sérieux obstacles rendent cette solution encore difficile à étendre. D’abord, le rendement énergétique de l’électrolyse est médiocre, et si on utilise l’hydrogène dans une pile à combustible, le rendement final n’est que d’environ 0,4 ; si on utilise l’hydrogène pour fabriquer des carburants de synthèse en le combinant à du gaz carbonique, le rendement final est comparable ; environ 0,5 seulement. Deuxième difficulté : l’hydrogène, trop difficile à stocker à l’état liquide, doit être chargé à 700 bars si on veut un équilibre raisonnable entre l’utilisation et la taille du réservoir : ce n’est pas insurmontable (on peut trouver en Californie des stations service qui en proposent) mais un réseau de distribution d’hydrogène à 700 bars n’est pas envisageable dans un proche futur. Actuellement, les batteries sont un moyen plus économique de stocker l’énergie.
Une autre piste a fait récemment l’objet d’articles dans la presse : on connaissait en certains endroits, notamment dans les grandes plateformes granitiques de Sibérie ou d’Afrique, des «ronds» à végétation rabougrie d’où s’échappe continûment de l’hydrogène naturel. Dénommé «hydrogène blanc», il est aussi émis en profondeur dans beaucoup d’endroits, par l’action de l’eau sur les roches. Il est exploité depuis quelques années au Mali et les mines de fer de Lorraine en seraient aussi une source importante ; des évaluations de ce potentiel sont prévues. Les quantités émises sont grandes, mais les flux par unité de surface sont très faibles. Pour le moment, cet hydrogène blanc s’échappe vers l’espace, à raison de 3 kg par seconde, après avoir traversé l’atmosphère. Attention : il réagit hélas avec les radicaux OH- dont on attend un rôle plus utile : participer à la transformation du méthane (gaz à effet de serre très puissant) en gaz carbonique, plus durable mais moins réchauffant. Dans toutes les activités utilisant l’hydrogène, il faudra donc veiller très soigneusement à éviter les fuites.
Des nouvelles du plan de formation des fonctionnaires à la transition écologique
Pierre Chevallier a participé à la première conférence-test de cette formation en Occitanie, consacrée aux ressources en eau. Y ont participé quelques universitaires, des fonctionnaires des impôts, et de l’agriculture, tous très intéressés par le discours. Trois volets sont prévus ; climat biodiversité ressources, et chaque fonctionnaire devra suivre au moins une conférence dans chacun de ces trois thèmes.. La première véritable conférence aura lieu en janvier prochain. L’ensemble du projet de cette formation vise 5 millions de personnes, ce qui n’ira sans doute pas sans difficultés si elle ne fait appel qu’à des spécialistes volontaires. Des solutions budgétaires pourraient s’avérer nécessaires.
Le déséquilibre énergétique de la Terre : effet de serre global et phénomènes régionaux
À cause de l’effet de serre induit par nos émissions de gaz carbonique, la Terre émet moins d’énergie qu’elle n’en reçoit. Ce déséquilibre énergétique (EEI, pour Earth Energy Imbalance) est estimé de diverses façons, soit par des mesures directes des rayonnements reçus et émis, soit par l’observation des changements dans la répartition de la chaleur accumulée dans le système climatique. Or, si la cause principale du réchauffement climatique, i. e. la concentration en gaz carbonique de l’atmosphère augmente très régulièrement, la température moyenne globale de la surface de la Terre présente des paliers et, par exemple, n’a pas augmenté entre 2016 et 2022. Cela est dû principalement aux caractéristiques des nuages et aux zones où la circulation atmosphérique les conduit. Les nuages en effet selon leur altitude peuvent renvoyer le rayonnement solaire dans l’espace, ou au contraire retenir celui émis depuis la surface. Le phénomène El Niño qui déplace d’ouest en est, puis d’est en ouest la zone de convection du Pacifique tropical modifie ainsi régionalement le rayonnement émis au sommet de l’atmosphère. Autre facteur de variabilité : les aérosols. La législation interdit maintenant l’usage des carburants soufrés par le transport maritime. Il en résulte une diminution des la quantité d’aérosols soufrés dans l’atmosphère, et cette diminution est très marquée dans les zones de trafic maritime intense que sont l’Atlantique nord et le Pacifique nord : dans ces zones, la part du rayonnement solaire qui était réfléchi vers l’espace par les aérosols a donc considérablement diminué.
Le trou d’ozone n’a pas disparu
En 1987, un protocole a été signé à Montréal qui interdit la production de certains gaz, notamment ceux utilisés pour la réfrigération, qui contribuent à la destruction de l’ozone dans la stratosphère. Dans les années 80 en effet, une zone de déplétion en ozone s’étendait de plus en plus loin autour du Pôle Sud, exposant les organismes vivants au rayonnement ultra violet. Ce «trou d’ozone» s’est considérablement rétréci après l’interdiction, mais il se reforme chaque hiver austral, sur une zone plus réduite. Les facteurs qui favorisent la destruction de l’ozone sont les aérosols, et les cristaux de glace formés par le froid intense, à la surface desquels se développent des réactions dites de chimie hétérogène entre phase solide et phase gazeuse. Chaque hiver austral, le vortex polaire de l’hémisphère sud réunit ces conditions et confine le trou d’ozone autour du Pôle Sud. Lorsque le vortex polaire se désorganise au printemps, la partie de la stratosphère qu’il maintenait enfermée se dilue peu à peu avec l’atmosphère globale, y ramenant de l’ozone et un air moins froid, ce qui conduit au comblement du trou. Cette année, le trou d’ozone a été particulièrement et durablement marqué, et les aérosols émis par l'éruption du volcan Hunga Tonga ont pu y jouer un rôle.
Divers
Les transferts d’eau d’une région à une autre à des fins d’irrigation modifient la répartition des zones d’évapotranspiration et, par suite, le climat local. Les Indiens en ont fait l’expérience : ces aménagements ont entraîné un déficit de pluie de 6 à 12 % dans les provinces du centre de l'Inde.
Protéger les glaciers, c’est bien, mais à quel prix ? Il a été envisagé de recouvrir un glacier en Suisse avec de la neige artificielle «écologique» : cette neige serait produite sans dépense d’énergie en captant de l’eau dans un lac situé 200 m plus haut, la pression qui en résulte suffisant pour produire de la neige. Solution de riches, car il reste à installer et entretenir un réseau d’asperseurs par dessus tout le glacier !
Les océans se réchauffent, et ce n’est pas sans incidences sur la faune marine. Les pêches de crabes en Alaska se sont effondrées après plusieurs années anormalement chaudes : le métabolisme des crabes a du accélérer, et leurs besoin de nourriture augmenter, mais ces eaux plus chaudes n’étaient pas plus riches en nourriture, au contraire. Certains oiseaux migrateurs doivent effectuer des voyages plus longs : pour eux aussi, il y a nécessité de trouver davantage de nourriture pour se constituer des réserves. Les études de la biodiversité ne bénéficient pas de réseaux d’observations aussi développés et précis que les sciences du climat ; un pas vient d’être fait pour améliorer la situation, avec une initiative portugaise de création de l’Atlantic Ocean Coupled Coastal Temperature and Biodiversity Observation Network qui mettra en réseau les chercheurs en biologie marine des côtes de l’Atlantique autour d’une infrastructure relativement simple et peu coûteuse.
Une étude basée sur la consultation de 400 000 articles scientifiques montre qu’un bon nombre d’entre eux ont été rédigés par des « moulinettes » : apport scientifique inexistant, contenu creux, voire trompeur. Il y en aurait eu 70 000 rien qu’en 2022. Médecine, biologie, chimie et sciences des matériaux seraient les plus contaminées par ces pratiques. Heureusement pour nous, les sciences de l’environnement (et parmi elles, celles du climat) font partie des bons élèves.
Tête de gondole paraît il dans au moins un Intermarché, et best seller par ailleurs, le livre de science fiction écrit par Kim Stanley Robinson et disponible en français «Le ministère du futur» imagine comment l’humanité peut se sortir des défis posés par le changement climatique. Plusieurs d’entre nous s’y sont plongés ; très bien et passionnant.
La Tournée du Climat et de la Biodiversité , exposition itinérante portée par l ‘association Météo et Climat et soutenue entre autres par la SNCF qui met sa logistique à disposition des organisateurs, s’est installée en novembre successivement à Saint - Denis, Nantes et Brest. Des chercheurs spécialistes de leur discipline y ont accueilli et informé des visiteurs dont de nombreux scolaires. Elle reprendra son circuit avec Lille, Dijon, Nanterre, Strasbourg, Lyon, Nice, Bordeaux, Segré et Avignon au premier semestre 2024.
Déficit de pluie : le lac de Gatun ne suffit plus à alimenter en eau le Canal de Panama dont le trafic s’est réduit de moitié. Si on y ajoute la grande vulnérabilité des chaînes d'approvisionnement mondiales révélée par le Covid 19, et les cyberattaques dans les ports australiens, le commerce mondial semble près de craquer. Faut il y voir la fin de la surconsommation et s’en réjouir ? Allons y doucement, certains pays qui ont organisé leur activité sur l’exportation de produits agricoles (exemple, les avocats du Pérou) en pâtiraient trop.