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Résumé en langage courant

Quel impact aura l’évolution en cours du climat sur la chimie et la biologie des océans ?
Sans des observations globales et permanentes, il est difficile d’y répondre. En effet, le seul système global dont on a disposé jusqu’à présent est l’observation de la couleur de l’océan depuis des satellites, qui permet d’estimer la concentration en chlorophylle à la surface, et, à partir de là, la photosynthèse marine. Ceci reste insuffisant lorsqu’on veut estimer les effets du changement climatique sur l’évolution des peuplements marins, sur le transfert de carbone en particules vers le fond, ou sur le contenu en oxygène de l’eau profonde.
Un réseau d’observations en gestation depuis 2007 monte actuellement en puissance et pourrait combler ce manque : Biogeochemical-Argo (BGC-Argo) est une extension du réseau des flotteurs Argo qui effectuent des mesures de température et de salinité entre la surface et 2000 mètres de profondeur. BGC-Argo ajoute à ces flotteurs des capteurs sensibles à des variables biogéochimiques, et la couverture globale de l’océan par au moins 1000 flotteurs est espérée avant 2030.

 

 

 Les êtres vivants dans les océans interagissent avec les propriétés chimiques de l’eau de mer de façon différente selon les endroits, les saisons, et à plus longue échelle, les ères géologiques. Ces interactions dépendent de la physique des océans : température, courants, salinité.

Une espèce donnée se caractérise par : 

  • une température optimale pour sa croissance,
  • des besoins en calcaire ou en silice pour sa carapace,
  • des préférences pour sa nutrition,
  • et une capacité à transférer la matière organique qui la compose vers la profondeur.

Si la température change, ainsi que la disponibilité des sels nutritifs ou des proies, si l’acidité augmente et dissout le calcaire de sa carapace, cette espèce déclinera et d’autres la remplaceront, qui exerceront une action différente sur les propriétés chimiques de l’océan : l’étude de ces interactions est le domaine de la biogéochimie marine, et vise à mieux comprendre le rôle de l’océan sur le climat et l’évolution des ressources marines vivantes. 

Les connaissances en biogéochimie marine reposent sur des observations effectuées pendant des campagnes océanographiques au cours desquelles des spécialistes d’éléments chimiques et d’espèces planctoniques variées ont élaboré une description aussi complète que possible des conditions qui régnaient au moment du passage du navire océanographique à cet endroit de l’océan.
Ces campagnes sont coûteuses, et il n’est pas envisageable de les multiplier pour tenter d’obtenir en permanence des données sur tout l’océan. Le seul outil qui permette une telle vision globale est l’observation de la couleur de l’océan par des satellites : SeaWiFS, lancé en 1997, le premier à être opérationnel, a été suivi par d’autres et les observations de la couleur de l’océan se poursuivent sans discontinuité depuis.
La couleur de l’océan est pour partie définie par les propriétés optiques de l’eau, et pour partie par les interactions de la lumière avec les particules vivantes ou détritiques, et en particulier avec les pigments photosynthétiques contenus par ces particules. À partir des données de couleur de l’océan, des algorithmes permettent de calculer la concentration en chlorophylle de l’eau de mer (Figure 1). La connaissance de cette concentration en chlorophylle et celle de la lumière incidente permettent de calculer la photosynthèse marine, qui transforme du gaz carbonique en matière organique. Il s’agit donc là d’un processus important, mais basé uniquement sur la couleur de la surface de l’océan, il ignore plusieurs aspects de la biogéochimie marine. En premier lieu, il ne constitue que le point de départ des chaînes alimentaires qui conduisent aux ressources marines vivantes. Et d’autre part, les structures des écosystèmes marins sous la surface ne sont pas visibles depuis les satellites.

figure 1 concentration en chlorophylle à la surface de l’océan

Figure 1 : concentration en chlorophylle à la surface de l’océan le 31 décembre 2020, calculée d’après des données satellite de couleur de l’océan (source Copernicus).

Ces limitations soulignent le besoin d’un monitoring de l’océan et ont conduit à élaborer un plan pour y observer les processus biogéochimiques de façon globale et permanente (Johnson et al., 2009). Le développement de nouveaux capteurs autonomes permettait alors d’envisager leur déploiement sur des bouées automatiques, à l’image de ce que fait le programme Argo depuis 1998 pour des mesures de température et de salinité entre la surface et 2000 mètres de profondeur (Claustre et al., 2010). Le principe et les outils de positionnement et de transmission des données sont ceux des flotteurs du programme Argo. Les capteurs biogéochimiques disponibles (Figure 2) sont soit chimiques (pH, oxygène, nitrate,) soit optiques (éclairement, rétrodiffusion de la lumière, fluorescence de la chlorophylle) :

  • La mesure du pH permet de suivre l’acidification des océans due à la pénétration du gaz carbonique anthropique, et renseigne sur l’augmentation de la teneur en carbonates de l’eau de mer .
  • la mesure de la concentration en oxygène est un outil essentiel pour suivre le développement des zones de minimum d’oxygène qui, s’étendent actuellement sans qu’on sache l’expliquer entièrement.
  • La mesure de la concentration en nitrate renseigne sur l’accès du phytoplancton aux sels nutritifs. Source d’oxygène en profondeur lorsque celui ci vient à manquer, les nitrates jouent aussi un rôle dans l’extension des minima d’oxygène.
  • La décroissance de l’éclairement en profondeur est directement liée à l’abondance des pigments photosynthétiques et des particules dans la colonne d’eau.
  • La rétrodiffusion d’un faisceau lumineux émis par le flotteur est une mesure indirecte de la concentration en particules dans l’eau de mer.
  • La fluorescence émise par la chlorophylle permet d’estimer la concentration de cette dernière et d’estimer au moyen d’algorithmes la photosynthèse marine.

Tout comme les flotteurs Argo auxquels ils sont attachés, les flotteurs BGC-Argo opèrent selon un cycle de dix jours : ils passent 9 jours à 1000 mètres de profondeur, soumis à une dérive passive par les courants et sans faire de mesures, puis ils descendent à 2000 (ou 4000) mètres, remontent jusqu’à la surface en effectuant des mesures, et une fois arrivés en surface, transmettent leurs résultats vers un satellite, puis ils replongent à 1000 mètres pour un nouveau cycle. Ils passent donc la majeure partie du temps à 1000 mètres de profondeur, là où la vie marine est peu abondante, ce qui met les capteurs à l’abri des salissures par biofouling, et où ils n’effectuent pas de mesures, ce qui prolonge la durée des batteries.

fig2 flotteurs Argo

Figure 2 : quatre types de flotteurs du réseau BGC-Argo

 

Ces mesures de seulement six paramètres biogéochimiques ne suffisent pas pour donner une image détaillée des écosystèmes observés, mais le réseau BGC-Argo possède deux points forts : d’une part, le nombre de profils verticaux effectués par les sondes BCG-Argo est supérieur de plusieurs ordres de grandeur à celui des campagnes à bord de navires océanographiques passées où à venir, donnant accès à une vision globale et permanente des océans (Figure 3), et d’autre part, chacun de ces profils peut être interprété en fonction des connaissances acquises pendant ces campagnes.

fig3monitoring ocean

Figure 3 : position des flotteurs BGC-Argo, au nombre de 425, en octobre 2021.À cette date, 220 d’entre eux étaient équipés d’un capteur de rétrodiffusion de la lumière, 61 d’un capteur d’éclairement descendant, 170 d’un capteur de pH, 151 d’un capteur de nitrate, 220 d’un capteur de fluorescence de la chlorophylle, et 418 d’un capteur d’oxygène.

Ainsi, par exemple, en combinant les données de nitrate, de fluorescence et de rétrodiffusion de la lumière par les particules obtenues lors d’un profil vertical, on peut rattacher ce profil à l’un des cas fréquemment rencontrés dans l’océan - soit nitrates présents et maximum de biomasse en surface, maximum de fluorescence et de biomasse en profondeur, ou maximum de biomasse dans la couche mélangée avec maximum profond de fluorescence – et interpréter ce profil selon les résultats des campagnes océanographiques qui se sont déroulées dans des conditions analogues (Figure 4).

fig4 profil de flotteur

Figure 4 : classification d’un profil d’un flotteur du réseau BCG-Argo équipé de capteurs bio-optiques.

Les flotteurs BGC-Argo constituent un support qui pourrait accueillir d’autres capteurs dès qu’ils seront mis au point.
En ligne de mire, des radiomètres hyperspectraux qui mesurent la lumière descendante dans la couche éclairée à toutes les longueurs d’onde, de façon à détecter des particularités dues à l’absorption de certaines couleurs par des pigments photosynthétiques spécifiques de groupes du phytoplancton. Ou encore, une caméra et un logiciel de reconnaissance d’image capable d’identifier certaines espèces de zooplancton de taille moyenne à grosse. Implanter ce logiciel dans le flotteur permet en effet de ne transmettre au satellite que le nom de l’espèce identifiée, ce qui représente un message beaucoup moins long que la totalité des pixels d’une image.
BGC-Argo accorde beaucoup d’importance à l’accès public aux données (Figure 5) dans des délais aussi brefs que possible. 
Les résultats des mesures sont archivés dans les centres de données des USA et de France.

fig5 carte interactive visualisation de données

Figure 5 : carte interactive de visualisation des données. En cliquant sur un flotteur, on obtient son déplacement (ligne verte dans la partie ombrée),  puis les dernières mesures effectuées.

Le principal pays contributeur au réseau BCG-Argo est les États Unis d’Amérique. Parmi les 12 autres pays qui y participent, la France est particulièrement active sous l’impulsion de Hervé Claustre du Laboratoire d’Océanographie de Villefranche. Outre le développement du réseau, sa maintenance représente un coût important, puisque la durée de vie d’un flotteur est d’environ trois ans :

Cette couverture globale des océans par BCG-Argo serait pleinement opérationnelle avec environ 1000 flotteurs déployés. Il faudrait donc en déployer 330 par an.

 Il y en a actuellement moins de 500, et il est prévu d’atteindre 850 flotteurs en 2026.


Claustre, H., Bishop, J., Boss, E., Stewart, B., Berthon, J.-F., Coatanoan, C., Johnson, K., Lotiker, A., Ulloa, O., Perry, M.-J., D'Ortenzio, F., Hembise Fanton D’Andon, O. , Uitz, J. (2010). Bio-optical profiling floats as new observational tools for biogeochemical and ecosystem studies. In: Hall, J., Harrison D.E. and Stammer, D. editor. Proceedings of the "OceanObs’09: Sustained Ocean Observations and Information for Society" Conference, Venice, Italy, 21-25 September 2009.

Johnson, K.S., W.M. Berelson, E.S. Boss, Z. Chase, H. Claustre, S.R. Emerson, N. Gruber, A. Körtzinger, M.J. Perry, and S.C. Riser. 2009. Observing biogeochemical cycles at global scales with profiling floats and gliders: Prospects for a global array. Oceanography 22(3):216–225.


Voir aussi Dossier océan du site : Observation de l'océan depuis l'océan - Mesures In-Situ

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