One Planet Summit, un sommet international pour agir face à l'océan a eu lieu à Brest du 9 au 11 février.
Il a réuni des scientifiques, ONG, politiques et entrepreneurs, appartenant à plusieurs dizaines de pays autour de la question de la sauvegarde des océans. L' objectif était une prise de conscience générale du rôle des océans dans la régulation du climat, et des questions clés telles que ressources notamment minérales, zones de pêche, pollution par le plastique, ....
Le Club des Argonautes se réjouit de l' annonce qui a été faite : "Mercator Ocean International va devenir une organisation intergouvernementale" . Le président Emmanuel Macron et la ministre française de la mer Annick Girardin ont choisi ce sommet pendant la présidence française de l' UE, pour que la France signe la «Déclaration de Brest» aux côtés de cinq autres États européens. Dans cette déclaration, l' Espagne, l' Italie, la Norvège, le Portugal, le Royaume-Uni et la France s' engagent à transformer Mercator Ocean International en une «institution internationale qui construira le premier océan numérique du monde". Voir la déclaration de Brest sur le site de Mercator Ocean International.
Dans son discours d'ouverture, un argonaute, écrivain et amoureux de la mer a, avec son talent, sa poésie, son humour parfaitement décrit la situation "désastreuse" de l' Océan. Voici l'intégralité du discours d' Erik Orsenna :
OCÉAN
Multiples sont les mers. Mais lui est unique. Il est là et il nous attend. L’Ocean.
Depuis trente ans, depuis Rio de Janeiro, le climat a ses rendez vous. Rendez-vous avec notre espèce, vous savez celle qu’on appelle «humaine». Rendez-vous qui alertent et qui, parfois, trop rarement, permettent d’agir. Mais l'Océan restait seul. Privé d’invitation. Et il ne comprenait pas, l’Océan, il n’était pas loin de perdre ses nerfs : n’avez vous pas réalisé, les petits loups, que c’est à deux, l’atmosphère et moi, que nous dansons depuis la nuit des âges ? Pardon Océan ! Nous voici ! L’oubli est réparé. Nous voici, enfin !
Il se trouve qu’à l’Académie française, j’ai l’immense et très intimidant et très illégitime honneur d’occuper le fauteuil 17, celui de Louis Pasteur et du commandant Cousteau. Le premier, né il y a tout juste deux cents ans, nous a révélé l’existence et les manigances de ces toutes petites bêtes nommées microbes, connaissance nécessaire pour nous soigner. Le second, mort il y a vingt-cinq ans, nous a fait entendre, entendre et voir, le dessous de la surface, le monde du silence. Si de l’épidémie qui nous frappe une leçon peut être retenue, c’est que la santé se moque des frontières : elle est Une, comme l’Océan. Et comme la Vie. Et chacun sait que la pollution des mers est d’abord celle des fleuves. Donc notre responsabilité à nous, et à nous seuls, terriens.
Alors se réunir, d’accord ! Mais pour quoi faire ?
Je te connais, Océan ! Je te connais bien pour m’être, vieux matelot, promené si souvent sur ton dos. Figurez-vous qu’il est comme nous, l’Océan. Ce ne sont pas des mots qu’il attend. Les bla bla, il s’en moque. Les paroles, tu t’en méfies, l’Océan ! Tu es encore plus taiseux que tes marins !. Mais ton murmure est immense et peut, sans prévenir, virer à la colère.. Oui ! Il est comme nous, l’Océan ! Il piaffe, il en a marre d’attendre ! Écoutez tous et toutes ce que ses flots nous disent : si, gentils messieurs et nobles dames, si vous n’êtes pas venus avec des actes, pourquoi vous être déplacés si nombreux, et en si luxueux équipages, passez votre chemin, retournez en vos palais ! Et laissez l’Océan couler ! Aujourd’hui, à Brest, Brest même, il ne s’agit pas de tourisme ni de diplomatie. Mais d’une menace et d’un gâchis. Si vous ne décidez rien. Ou si, ayant décidé, vous n’appliquez pas. Ou trop tard.
Pourquoi, mais pourquoi laissons nous se dégrader ce trésor ? Ces immenses et si diverses ressources dont nous, les générations à venir, seront privées si rien n’est fait pour les protéger ? Comment, sans lui, se nourrir ? Comment échanger ? Et comment rêver ? Comment sortir de sa prison ? Comment explorer le possible ? Pourquoi méprisons nous cet ami, ce bien plus qu’un ami puisqu’il nous a donné la vie, pourquoi dédaignons nous cet incomparable allié, ce trop indulgent allié dans notre lutte contre tous les dérèglements ? Océan, nous avons encore tant et tant de belles choses à faire ensemble !
Homme libre, toujours, toujours, tu chériras la mer ! Ce rendez vous de Brest, en cette mi février 2022, restera dans l’Histoire. Pour le meilleur. Ou pour pire ! Mesdames et messieurs, à nous mais d’abord à vous de jouer !