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La catastrophe hydrométéorologique ou « dana » du 29 octobre à Valencia

(Temps de lecture: 4 - 7 minutes)

In English

La catastrophe hydrométéorologique DANA qui a affecté le sud de Valencia le 29 octobre 2024, laissant derrière elle près de 230 morts, des milliers de sans-abri, 200000 véhicules inutilisables et des milliers de tonnes de boue putride, constitue un événement méditerranéen type cévenol, particulièrement intense en raison du dérèglement climatique.

 

[ DANA = Depresión Aislada en Niveles Altos ou dépression isolée à haute altitude]

Ses ingrédients sont une goutte froide stationnaire (isolement d'air froid polaire en altitude, quasi-stationnaire en position géographique et donc minimum de pression en altitude), une température de l’eau de mer très élevée et un vent marin qui accule une atmosphère chargée d’humidité sur un contrefort montagneux. La pluie intense, sur une très longue période, induit une vague gigantesque d’eau et de boue qui déferle en contre-bas.

[Voir la FAQ "Vortex polaire et vagues de froid"]

Les ingrédients de la « dana »

La goutte froide

Le « jetstream » ou courant-jet polaire est un flux d’ouest en est qui est maximum au voisinage de la tropopause (vers 10 ou 15 km d’altitude en général très utile pour les vols long courrier vers l’est), et qui sépare l’atmosphère polaire de celle des moyennes latitudes. Ce courant est parfois l’objet d’ondulations qui se coupent de l'écoulement à grande échelle, migrent vers de plus basses latitudes et deviennent stationnaires, maintenant des zones de forte instabilité : c’est le phénomène de la « goutte froide ». En zone côtière, la goutte froide est alimentée dans les basses couches par un flux l'air chaud et humide en provenance d'une Méditerranée très chaude. L'ensemble produit des précipitations intenses pendant une longue période. La situation atmosphérique au niveau de 500 mbar (~ 5500m) le lendemain de la catastrophe est illustrée dans la figure ci-dessous :

 Vortex&Dana

La température de la mer

La température de surface de la mer détermine sa capacité d’évaporation et donc d’alimentation de l’atmosphère en vapeur d’eau, or le 29 octobre elle atteignait 23ºC un niveau particulièrement élevé pour cette saison.

Vent marin et contrefort montagneux

Le vent marin transporte vers l’intérieur des terres une atmosphère très chargée en vapeur d’eau aspirée par la goutte froide. Cette atmosphère, au contact avec le contrefort montagneux, est poussée vers le haut et donc se refroidit. Ceci conduit à une condensation de la vapeur d’eau et une précipitation intense localisée sur le relief. La précipitation se produit sur une très longue période dans la mesure où l’atmosphère continue à être alimentée en vapeur d’eau par la Méditerranée. Les quantités d’eau mises en jeu ne peuvent être canalisées par le réseau hydrique et déferlent en aval entraînant la terre et la végétation.

Zone affectée par la catastrophe

Il s’agit du sud de Valencia et plus précisément du sud du rio Turia dévié après la précédente catastrophe de 1957. Elle englobe l’Albufera et la plaine qui s’étend jusqu’au contrefort montagneux à l’ouest et plus ponctuellement les zones viticoles sur le relief. Il est à noter que les zones les plus affectées n’ont pas eu de pluie au plus fort de la catastrophe ! La ville la plus affectée est Paiporta qui a été submergée par une vague de boue de 3m.

[La déviation a parfaitement joué son rôle et évité que la ville de Valencia soit touchée par la catastrophe. Le débit du fleuve modifié a atteint 2000 m3/s alors que sa capacité est de 4000 m3/s.]

 

dana1

Séquences des événements

  • Le jeudi 23 l’agence météo espagnole (AEMET) lance un avertissement (goutte froide) pour la région de Valencia ;

[Contrairement à ce qui se passe en France où les avertissements de Météo France sont relayées par les préfectures au nom de l’État, il revient aux collectivités territoriales (generalidades) de prendre en compte ou non les avertissements d’AEMET].

  • Le lundi 28 au soir l’AEMET précise son avertissement sur de possibles événements extrêmes pour les environs de Valencia ;
  • Le mardi 29 au matin l’AEMET précise que l’avertissement « goutte froide » concerne la proximité immédiate de Valencia : l’Université de Valencia ferme et certaines des villes concernées ferment leurs écoles, l’autorité régionale (Generalidad), qui a auparavant supprimé le service de prévention des catastrophes, n’en tient pas compte et ne déclenche pas d'activation des mesures de mise en sécurité et de protection des personnes et des biens ;
  • L’agence chargée de l’hydraulique lance un avertissement auprès du président de la Generalidad qui estime que la situation ne requiert pas d’intervention dans la mesure où les bassins de rétention sont vides !

[Le problème n’est pas dans la retenue de l’eau des trombes mais celui de son cheminement dévastateur.]

  • Divers signes sont inquiétants dont la saturation depuis minuit du « 112 » et l’apparition à 14h30 d’un flot de végétaux (voir figure ci-dessous) dans un cours d’eau à sec jusque-là ;

dana2

  • Le président de la Generalidad, auquel incombe la responsabilité de lancer une alerte, déjeune en toute quiétude avec une journaliste jusque tard dans l’après-midi en dépit de multiples appels ;
  • Le gros de la catastrophe a lieu entre 17h30 et 20h, dont la fameuse vague de 3m à Paiporta, alors qu’en l’absence de pluie aucun signe inquiétant n’était perçu par la population ;

[La ville de Paiporta a connu une accumulation de pluie de l’ordre de 5 mm sur la journée du 29 octobre alors que Turis situé à une trentaine de km à l’ouest en a accumulé 772 mm dont la majeure partie entre 15h et 19h30 (14 h UTC et 18h30 UTC), établissant un record de cumul pour l'Espagne en 1 à 12 heures, 184.6mm, respectivement 720.4mm. Ce record dépasse ainsi les cumuls jamais observés en France métropolitaine en 1 à 6 heures, selon un article de "La Météorologie" (n°128 - février 2025). La forme triangulaire du bassin versant avec une partie large à l'amont très arrosé et étroite à l'aval peu arrosé a fonctionné comme un entonnoir, accentuant la vitesse de l'écoulement dans la partie aval.]

  • L’alerte générale est finalement lancée sur les portables à 20h10 !

Conclusions

  • Près de 230 morts dont beaucoup dans des maisons basses dont les issues étaient bloquées par les véhicules charriés par la vague ;
  • Des destructions massives d’immeubles ;
  • Une économie exsangue dont la riziculture (pollution chimique et bactérienne de toute l’Albufera et des rizières qui la bordent), les plantations d’agrumes, la viticulture, les entreprises industrielles et commerciales ;
  • Une récupération très rapide pour certaines localités (Alfafar…) beaucoup plus problématique et sur une longue durée pour d’autres (Paiporta…) ;
  • Mais aussi, une solidarité exceptionnelle de toute l’Espagne et d’ailleurs ;
  • Le détournement du fleuve Turia a permis d’éviter que la ville de Valencia soit dans le périmètre de la catastrophe…il reste à faire en sorte que les localités de la périphérie sud bénéficient de la même protection…

Le comportement de la Generalidad est d’autant plus inadmissible qu’elle a pendant de nombreux jours refusé l’aide qui lui était proposée au niveau national mais ne pouvait lui être imposée !

 

 

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