Bilan climatique 2024
Après une valeur record de la température moyenne globale en 2023, prévisible en raison de l’occurrence d’un épisode El Niño, on attendait un repli en 2024. Il n’en a rien été, au contraire, 2024 a été encore plus chaud que 2023 bien que les conditions El Niño soient passées.
Le regard sur les indices climatiques en 2024 qui suit est une énumération de records de température moyenne à la surface de la Terre, de niveau marin, de concentration en gaz à effet de serre, de quantité de vapeur d’eau dans l’atmosphère, de déséquilibre du bilan énergétique de la Terre, et d’inondations ou incendies. Les recherches sont en cours pour connaître les causes de cet emballement : accélération du réchauffement climatique, ou simple manifestation de la variabilité du climat ? Nous terminons ce bilan par un examen des causes d’une éventuelle aggravation de l’évolution du climat, et les mécanismes qui pourraient y conduire.
Les grandes institutions nationales ou internationales qui s’intéressent au climat publient chaque année un bilan des conditions climatiques de l’an écoulé. Nous avons puisé dans leurs résumés l’essentiel de ces pages. La liste de leurs sites internet est fournie à la fin de cet article.
Sommaire
- 2024, plus chaud encore que 2023
- La cryosphère
- Le niveau marin
- Le contenu thermique des océans et le déséquilibre énergétique de la Terre
- Les émissions anthropiques de gaz à effet de serre
- Précipitations
- Évènements marquants en 2024 dans le monde
- Et en France ?
- Que peut-on dire pour 2025 ?
- Sources d’informations utilisées pour ce bilan.
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2024, plus chaud encore que 2023
La température moyenne à la surface du globe en 2024 s’est élevée à 15,1 °C (soit entre 1,45 et 1,61 °C au dessus de la moyenne préindustrielle selon les institutions qui sont en mesure de l’évaluer, par des méthodes légèrement différentes), et dépassant de 0,12 °C la valeur moyenne atteinte en 2023, et de 0,1 °C le seuil de 1,5 °C demandé lors des accords de Paris en 2015 (Figure 1). Après le record atteint en 2023, qui était attendu en raison des conditions El Niño qui ont régné cette année là, une diminution de la température moyenne globale était prévue, comme cela s’était produit après les conditions El Niño de 2016. Il n’en a rien été, et le brusque réchauffement intervenu en avril 2023 perdure encore.
Figure 1. anomalie de température moyenne à la surface du globe par rapport à la moyenne de la période préindustrielle de 1850 à 1900 (source : Copernicus)
Le réchauffement observé ne s’est pas appliqué uniformément sur la surface de la Terre. On sait qu’il est beaucoup plus marqué près des pôles, et moins aux basses latitudes. La figure 2 montre la répartition des anomalies de température moyenne en 2024 par rapport à la moyenne des années 1991 à 2020. On y voit que le réchauffement a été très marqué au Canada, en Sibérie, en Europe centrale, dans l’Océan Pacifique vers 40 ° de latitude, et en Antarctique. Par endroits, les océans Arctique et Antarctique, ainsi qu’une bonne partie du Pacifique sud-est, montrent au contraire un refroidissement.
Figure 2. anomalies de température de l’air en surface en 2024, par rapport à la moyenne de la période de 1991 à 2020. (Source : Copernicus)
La cryosphère
- Les banquises
Pendant la plus grande partie de l’année, l’étendue des glaces autour de l’Antarctique est restée à des niveaux historiquement bas. Le minimum, atteint en février, se classe au troisième rang, tandis qu’à partir du mois de juin, l’étendue de banquise de l’hémisphère sud s’est maintenue au second rang derrière 2023 (figure 3).
Figure 3 : surface de la glace de mer autour de l’Antarctique, en millions de km²
(source : Copernicus)
Dans l’Arctique, l’étendue des glaces est restée proche des valeurs moyennes de la période 1991 – 2020 jusqu’au mois de juin, et a ensuite décru rapidement au cours des mois suivants. L’étendue minimale pour 2024 a été atteinte en septembre, se situant au 5ème rang selon les observations par les satellites.
Glaciers
Le recul des glaciers se poursuit à un rythme alarmant. En 2023, les glaciers avaient perdu l’équivalent en eau d’environ 1,2 mètres d’épaisseur, une perte qui dépassait celle des années précédentes et marquait donc une accélération (voir figure 4). Cette réduction du volume des glaciers devrait se confirmer lorsque les données de 2024 seront disponibles.Notons toutefois que le niveau moyen global des océans ne montre pas de forte hausse en 2024 (voir figure 5).
Figure 4 : perte de masse des glaciers depuis 1970, en équivalent de mètres d’eau (source : WMO)
Le niveau marin
Alors que le niveau moyen des océans s’était accru de 8 mm environ en 2023, il est resté relativement stable en 2024. Par rapport à 1993 où on a commencé à évaluer ce niveau avec précision, il s’est accru de 11,5 cm (figure 5). Cette hausse est due à parts à peu près égales à la dilatation de l’eau de mer sous l’effet du réchauffement, et à l’apport d’eau par la fonte des glaces. Rappelons que depuis que des estimations sont disponibles, on observe une accélération de la hausse, passée de 2,14 mm/an de 1993 à 2002 à 3,32 mm/an de 2003 à 2012, et à 4,72 mm/an depuis 2013. S’y ajoute un terme variable constitué par la quantité d’eau présente sur les continents..
Figure 5 : hausse du niveau moyen des océans en 2023 et 2024 (d’après les données AVISO)
Le contenu thermique des océans et le déséquilibre énergétique de la Terre
A cause de l’accumulation de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, l’énergie solaire absorbée par le système climatique terrestre est supérieure à l’énergie émise vers l’espace sous forme de rayonnement infra rouge, communément désignée par OLR (Outgoing Longwave Radiation). La conséquence de ce déséquilibre est que la Terre emmagasine de l’énergie, et plus de 90 % de cette énergie s’accumule dans les océans. Le contenu thermique des océans s’accroît donc d’année en année, et il a continué de s’accroître en 2024 (figure 6),
Figure 6. accroissement du contenu de chaleur des océans
entre la surface et 2000 m de profondeur (W/m²) de 1993 à 2023. (Source: Copernicus)
Le contenu de chaleur des océans augmente le plus rapidement dans les zones de convergence, à des latitudes comprises entre 40 et 50 ° où s’accumule la chaleur emmagasinée dans les régions tropicales. Aux latitudes élevées, quelques régions au contraire perdent de la chaleur.
A l’origine de ce gain de chaleur, le déséquilibre énergétique de la Terre tend à s’accroître. Estimé comme la différence entre l’énergie solaire incidente (corrigée de celle réfléchie) et l’énergie infra rouge émise, il varie d’année en année et s’établit actuellement à environ 0,86 W/m² (figure 7). Les mesures de rayonnement par les satellites indiquent que c’est dans l’Atlantique nord que ce déséquilibre est le plus marqué.
Figure 7 : déséquilibre énergétique de la Terre (Source : Berkeley)
Les émissions anthropiques de gaz à effet de serre
Les émissions de gaz carbonique (hydrocarbures fossiles et cimenteries) ont continué de croître en 2024, malgré les plans affichés par de nombreux pays de diminuer ces émissions. Estimées pour 2024 à 10,2 ± 0,5 gigatonnes de carbone (ou 37,4 ± 1,8 GT de gaz carbonique), elles dépassent le précédent record établi en 2023 à 10,1 GTC (figure 8a). Par conséquent, le taux de croissance de la concentration en gaz carbonique de l’atmosphère augmente lui aussi (figure 8b). Cette concentration a atteint 427 parties par million en juin 2024 (valeur moyenne pour cette année : 424,6 ppm). La plupart des plans affichés par les états pour atténuer le réchauffement du climat tablaient sur une réduction rapide de nos émissions : ce n’est manifestement pas ce qui se passe, et les signes d’un rejet grandissant des mesures pro-environnement sont inquiétants.
Figure 8 : a) émissions de carbone (hydrocarbures fossiles et cimenteries) de 1960 à 2024. b) taux d’accroissement de la concentration en gaz carbonique dans l’atmosphère. Unités : gigatonnes de carbone par an. La valeur pour 2024 et sa marge d’erreur sont indiquées en rouge. (source : Global Carbon Budget)
Le méthane est un gaz à effet de serre beaucoup plus puissant que le gaz carbonique (environ 80 fois plus puissant sur une période de 20 ans). Heureusement, il n’est qu’en très faible concentration dans l’atmosphère. Toutefois, sa concentration a augmenté du fait des activités humaines, en particulier à cause de l’extension de la riziculture, des déchets agricoles et de l’élevage intensif des ruminants, et cette augmentation s’est accélérée au cours des dernières années à cause notamment de l’exploitation du gaz pour fournir de l’énergie et des fuites occasionnées lors des forages et de la distribution. La concentration en méthane dans l’atmosphère a atteint près de 1900 parties par milliard en 2024, soit 2,6 fois plus élevée que pendant la période préindustrielle (figure 9). Par comparaison, la concentration en gaz carbonique n’a augmenté que d’un facteur 1,5 pendant la même période. Cette évolution correspond au plus pessimiste des scénarios considérés par le Giec.
Figure 9 : évolution de la concentration en méthane (source : Copernicus)
Précipitations
Potentiellement , une atmosphère plus chaude peut contenir davantage de vapeur d’eau, d’après la loi de Clausius Clapeyron, cette augmentation est voisine de 7% par degré de réchauffement. La figure 10 extraite du rapport COPERNICUS sur le climat de 2024 confirme l’augmentation du contenu en vapeur d’eau de l’atmosphère et la figure 11 qui compare l’augmentation observée (en ocre) à ce qu’elle serait si cette règle des 7% par degré était rigoureusement observée montre que cette règle est approximativement vérifiée, les écarts les plus notables se produisent en phase La Niña, avant les événements El Nino
Figure 10 : anomalies du contenu en vapeur d’eau de l’atmosphère par rapport à la période 1992 - 2020 ( COPERNICUS)
Figure 11 : comparaison entre (en bleu) les anomalies du contenu total en vapeur d’eau de l’atmosphère (eau précipitable) et ce qu’elles seraient si ce contenu augmentait rigoureusement de 7% par degré de réchauffement (en orange)
La répartition de la vapeur d’eau est très hétérogène (figure 12) et au vu de cette augmentation, on peut s’attendre à des épisodes de précipitations plus intenses. Cette augmentation est observée principalement près de l’équateur et aux latitudes moyennes, tandis que l’atmosphère des latitudes tropicales et celle des régions polaires présente par endroits une baisse.
Figure 12 : contenu en vapeur d’eau de l’atmosphère en 2024 comparé au contenu moyen entre 1992 et 2020 (source : Copernicus)
La distribution des précipitations observées est généralement liée à celle du contenu moyen en vapeur d’eau, avec des pluies anormalement fortes au nord du Canada, en Europe, en Sibérie, en Chine et en Afrique subsaharienne, et des déficits pluviométriques marqués en Amérique du sud et en Afrique australe (figure 13).
Figure 13 : anomalies pluviométriques de janvier à septembre 2024 (source : WMO)
La figure 14 montre que bien que 2024 ait vu la fin de l’épisode El Nino et le début d’une faible La Nina, l’anomalie des précipitations est très élevée, plus forte que lors des derniers El Nino
Figure 14 : moyenne annelle des anomalies des précipitations globales , les lettres indiquent les années El Nino ou La Nina ainsi que celle de l’éruption du volcan Pinatubo en 1991. Source : https://essic.umd.edu/review-of-global-precipitation-for-2024/)
Évènements marquants en 2024 dans le monde
Marquée par un réchauffement brutal, l’année 2024 a vu se développer des nombreux épisodes extrêmes, canicules, inondations ou incendies. La National Oceanographic and Atmospheric Administration en dresse un inventaire exhaustif ainsi qu’un aperçu rapide chaque année sur une carte que nous avons découpée en quatre parties pour plus de lisibilité (figure 15).
a)
b)
c)
d)
Figure 15 : évènements climatiques marquants en 2024 (source : NOAA).
a) Europe et Asie. b) Amérique du nord. c) Afrique, Océan Indien et Océanie
d) Amérique du sud
Et en France ?
La température moyenne en France en 2024 a été de 13,9 °C, ce qui se situe au cinquième rang des années les plus chaudes. C’est l’est de la France qui a subi les plus fortes chaleurs, alors que dans l’ouest le nombre de jours de chaleur (> 25 °C) a été faible. Les précipitations ont dépassé 1000 mm ce qui représente un excédent de 15 % par rapport à la moyenne de la période 1959 – 2024. Malgré ces pluies abondantes, les Pyrénées Orientales ont subi une longue période d’aridité et les nappes phréatiques y restent encore déficitaires. L’enneigement a fortement reculé dans la plupart des stations de sport d’hiver, prolongeant une tendance entamée depuis longtemps.
L’île de Mayotte dans le Canal de Mozambique a été très durement frappée par le cyclone Chido en décembre.
Que peut-on dire pour 2025, et après ?
Figure 16 : évolution de la température moyenne annuelle (source : NASA-GISS)
On s’en souvient 2023 avait été une année hors norme avec une anomalie de la température annuelle globale de 1,44°C par rapport au début du 20e siècle soit environ 0,2°C de plus qu’à la fin des années 2010 mais on pouvait mettre cela sur le compte d’El Nino, en partie au moins. 2024 était une année neutre sans El Nino elle est pourtant encore plus chaude avec une anomalie de 1,55 °C soit encore un dixième degré de plus que 2023, en deux ans la température globale a donc augmenté de plus de trois dixièmes de degré. En France, la température moyenne est déjà plus chaude de 2,2 °C que dans les années 1900. Tout cela s’accompagne d’un cortège de conséquences sur lesquelles nous reviendrons.
La figure 16 présente l’évolution de la température globale depuis le début de l’ère industrielle (données NASA GISS), La courbe ocre présente les températures lissées sur 10 années , on peut voir à quel point ces deux dernières années sont hors normes.
Figure 17 : évolutions journalières de la température globale : chaque courbe correspond à l’évolution pour une année particulière, les courbes en pointillés et tiretés correspondent à la moyenne et à l’incertitude sur cette moyenne. La courbe grise est celle de l’année 2023, celle en ocre l’année 2024 et en rouge, le début de 2025
C’est plus évident peut être quand on regarde les évolutions journalières de la température globale (figure 17, source Climate Reanalyser. Sur cette figure chaque courbe correspond à une année, les deux dernières années (2023 en gris et 2024 en ocre) se détachent très nettement et les débuts de 2025 ne semblent pas annoncer un retour rapide à la normale.
Figure 18 : évolutions journalières de la température de surface de l’Atlantique Nord globale : chaque courbe correspond à l’évolution pour une année particulière, les courbes en pointillés et tiretés correspondent à la moyenne et à la moyenne ± 2 s respectivement. La courbe grise est celle de l’année 2023, celle en ocre l’année 2024 et en rouge, le début de 2025
On sait que plus de 90 % du réchauffement part dans l’océan, la température de celui ci augmente donc aussi très fortement. La figure 18 montre l’évolution journalière de la température de surface de l’Atlantique Nord, les températures de ces deux dernières années sont près de 0,5°C supérieures à celles des années précédentes.
Ce réchauffement pose deux questions très importantes.
Y a t il vraiment accélération du réchauffement et si oui, la cause est elle dans un forçage supplémentaire ou dans une rétroaction non linéaire ?
Figure 19 : écarts de la température annuelle par rapport à la tendance (ligne continue), source : COPERNICUS 2024
La figure 19 extraite du rapport du rapport COPERNICUS sur le climat de 2024 montre les écarts des températures annuelles par rapport à la tendance générale. Pour l’essentiel les écarts positifs (en rouge) les plus importants correspondent aux années El Nino, les plus négatifs aux années La Nina. 2024 est bien hors norme mais au même titre que 1944 . Il ne semble donc pas exclu que l’anomalie de cette année soit le résultat d’un extrême de la variabilité interannuelle superposée au réchauffement anthropique . Il n’est plus question cependant d’un réchauffement plus ou moins régulier de l’ordre de 0,2°C par décennie : sur les 15 dernières années, le rythme est maintenant supérieur à 0,3°C par décennie (figure 20). Il semble donc bien qu’il y ait eu accélération du réchauffement mais par rapport à la tendance des 15 dernières années et 2024 n’est peut être pas si exceptionnel. Ce point fait l’objet d’intenses discussions parmi les spécialistes.
Figure 20 : évolution des températures globales corrigées de l’effet de l’ENSO, ajustement sur deux périodes 1970-2010 et 2010-2024, d’après Grant Foster alias Tamino
Sources d’informations utilisées pour ce bilan.
Le climat et son évolution sont devenus une préoccupation dominante des médias, et les grandes agences qui recueillent et analysent les données climatiques produisent de plus en plus rapidement des analyses climatiques complètes de l’année écoulée. C’est de ces analyses que proviennent la plupart des informations du bilan ci-dessous. Parmi les principaux sites, citons :
- Les services du programme européen Copernicus :
- L'organisation Météorologique Mondiale
- Météo France
- La NOAA (National Oceanic and Atmosphéric Administration, USA)
- Berkeley Earth
- Global Carbon Project
- et pour le niveau marin : Aviso