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(Temps de lecture: 5 - 9 minutes)

Indices climatiques 2019 

Yves Dandonneau.

Sommaire

La température
Le contenu thermique océanique
El Niño
Le niveau de la mer
Les calottes polaires
Groenland et glaciers continentaux
Le gaz carbonique
Événements remarquables
La COP 25
Conclusion

 La température

La température moyenne globale à la surface de la Terre en 2019 a été de 0,98°C plus chaude que la moyenne des années 1951 à 1980 d’après l’analyse GISTEMP de la NASA (fig1). Elle prend ainsi la place de deuxième année la plus chaude depuis les enregistrements modernes, après l’année 2016 qui avait vu une grande partie de l’Océan Pacifique tropical être touchée par des températures anormalement chaudes du fait d’un événement El Niño marqué. Plusieurs agences analysent l’évolution de la température à la surface de la Terre. Elles aboutissent à un classement identique, et montrent au cours des quatre dernières décennies un réchauffement global à la vitesse de 0,02 °C par an.

Fig. 1 : Évolution de la température moyenne globale depuis 1880

Comme observé lors des années précédentes, le réchauffement est beaucoup plus rapide dans les régions polaires, surtout en arctique, que sur le reste du globe (fig. 2).

Fig.2 : Distribution du réchauffement observé en 2019 à la surface de la Terre par rapport à la moyenne de 1981 à 2010 (Centre Européen de prévisions météorologiques).

En France, l’événement le plus remarquable a été la vague de chaleur qui a sévi du 21 au 26 juillet, au cours de laquelle les températures enregistrées ont battu des records sur une large partie du territoire. A Lille notamment, le précédent record égal à 37,6°C, qui datait de 2018, fut largement dépassé 41,5°C.

Le contenu thermique océanique

Du fait de l’augmentation de l’effet de serre, la Terre accumule de l’énergie sous forme de chaleur. La majeure partie de ce gain de chaleur (93 %) est captée par les océans où il pénètre en profondeur. Le suivi du contenu thermique des océans est possible grâce aux mesures de température effectuées lors des campagnes océanographiques, et est devenu beaucoup plus précis depuis le déploiement en 2000 du réseau de sondes ARGO qui réalisent en routine partout dans l’océan des profils verticaux de température jusqu’à 2000 m de profondeur (4000 m pour certains flotteurs) et transmettent les résultats par satellite. Le contenu thermique de l’océan a pu être estimé depuis 1958 où le nombre de mesures est devenu suffisant. Il augmente, et cette augmentation s’est accélérée à partir de 1987 environ (fig. 3). Il est à noter que les variations inter annuelles, probablement dues à l’échantillonnage irrégulier par les campagnes océanographiques n’apparaissent pratiquement plus à partir de 2002 grâce au déploiement du réseau ARGO (fig. 3). Ainsi, les cinq années où le contenu thermique des océans a été le plus élevé sont, sans surprise, dans cet ordre : 2019, 2018, 2017, 2016 et 2015.

Par rapport à la période 1980 – 2010, l’océan s’est réchauffé assez uniformément dans tous les bassins. Au cours de l’année écoulée, le gain de chaleur entre la surface et 2000 m s’est porté principalement sur l’Océan Indien, l’Océan Pacifique nord, et l’Océan Atlantique, tandis que l’Océan Pacifique équatorial et le Pacifique tropical nord ont perdu de la chaleur (fig. 4). Il est à noter que ce réchauffement des océans se traduit par une moindre solubilité de l’oxygène dans l’eau de mer, et donc par une perte d’oxygène des océans au profit de l’atmosphère.

Fig. 3 : Évolution du contenu thermique des océans de 1958 à 2019.

Fig. 4 : Gain de contenu thermique de l’océan entre 2018 et 2019.

 

El Niño

La température de surface de l’Océan Pacifique équatorial montre des anomalies légèrement positives mais qui restent très inférieures à celles de l’épisode El Niño de 2016 qui a eu des conséquences climatiques importantes. En particulier, de fortes anomalies positives de température dans une zone aussi vaste ont un impact sur le calcul de la température moyenne globale de l’année en cours. Ainsi, correspondant au fort épisode El Niño de 2016, l’année 2016 reste en tête du classement des années les plus chaudes. Rien de tel en 2019 : le Pacifique équatorial ne s’est pas éloigné d’un état moyen entre El Niño et La Niña.

figure5

Fig.5 :  Anomalie de température depuis 2000 dans la zone Nino 3.4. 

 

 Le niveau de la mer

La hausse du niveau marin déjà détectée à la fin du 20ème siècle se poursuit régulièrement et tend même à s’accélérer. Au cours des 27 dernières années, le niveau s’est élevé à la vitesse moyenne de 3,24 ± 0,3 mm/an, mais la vitesse de la montée des océans s’accélère : +45 mm de 2009 à 2019. Les dernières années montrent une progression très régulière. Pour rappel, cette hausse du niveau marin est due à l’expansion thermique en réponse au réchauffement, à la fonte des glaciers continentaux, et aux variations du stockage d’eau sur les continents.

figure6

Fig.6 : Évolution du niveau des océans depuis 1993
(ESA ,  CMEMS : Copernicus  ; en rouge pour l'année 2019 : mesures du satellite Jason 3). 

 Les banquises polaires

La superficie de la banquise arctique se réduit avec le réchauffement climatique, et montre depuis 2006 un fort recul en été. L’année 2019 confirme cette tendance, elle n’atteint pas le record de recul de 2012 (fig. 7), mais présente à la fin de l’été une superficie très réduite par rapport à la moyenne de 1981 à 2010 (fig. 8).En Mars, qui est le mois de maximum d’extension de la glace, une diminution est aussi observée, mais elle est inférieure à celle de l'été.

figure7

Fig.7 : Évolution de la surface de la banquise arctique : extensions maximale en mars (bleu) et minimale en septembre (rouge)

figure8

Fig.8 : Extension de la banquise arctique en septembre 2019.

La réduction de la banquise antarctique est beaucoup moins marquée. 

Groenland et glaciers continentaux

Le bilan des précipitations neigeuses du Groenland a été de 169 GT seulement, alors que la moyenne de 1981 à 2010 a été de 328 GT. Ce bilan a été le plus faible en 2012 (fig.9). Les pertes moyennes par vêlage des glaciers étant estimées à 498 GT/an, la réduction de la masse glaciaire du Groenland est donc d’environ 329 GT pour l’année 2019.

figure9

Fig.9 : Comparaison du bilan de masse neigeuse au Groenland en 2019 par rapport à la moyenne de 1981 à 2010, et à l’année record de 2012.

Les autres glaciers pour lesquels on dispose d’observations perdent eux aussi de la masse chaque année. 2019 est la trente deuxième année consécutive de réduction de ces glaciers fig.10).

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Fig.10 : Évolution du bilan de masse neigeuse des principaux glaciers terrestres (en bleu) et effet cumulatif sur la masse glaciaire (en rouge). 

 Le gaz carbonique

La croissance de la concentration en gaz carbonique de l’atmosphère se poursuit à un rythme inchangé (fig.11). Nous sommes en route pour bientôt atteindre 410 parties par million. Cette concentration était avant l’ère industrielle d’environ 280 ppm, et le «doublement» de cette concentration, soit 560 ppm, sur lequel reposent certaines des interrogations des climatologues, se rapproche.

figure11

Fig.11 : Concentration en gaz carbonique de l’atmosphère.

figure12

Fig.12 :  Évolution des émissions de gaz carbonique (d’après Global Carbon Budget).

Les émissions de CO2 en 2019 ont atteint un niveau à peu près équivalent à celles de 2018 (fig. 12), soit 36,4 GT (ou 9,9 GT de carbone), ce qui représente une augmentation de 61 % par rapport aux émissions de 1990.
Si les émissions totales semblent s’être stabilisées globalement en 2019, elles ont cru en Chine et en Inde, tandis qu’elles ont diminué aux Etats Unis d’Amérique et dans l’Union Européenne (table 1).

Emissions de gaz carbonique par grande région en 2019

Table 1 : Émissions de gaz carbonique par grande région en 2019

 

Événements remarquables

Incendies de forêts

Le déclenchement d’incendies de forêts nécessite une combinaison de plusieurs facteurs tels que la présence en abondance de biomasse sèche, du vent, et des imprudences. Le réchauffement climatique à lui seul ne suffit pas, mais il les favorise. 2019 a vu de très nombreux incendies se déployer dans des régions habituellement préservées de telles catastrophes (fig.13). Ainsi, le Groenland et l’Alaska, probablement les derniers endroits où on s’attendrait à en voir, ont été touchés. Ils ont été particulièrement étendus et nombreux en Sibérie, et aussi en Indonésie, en Afrique subsaharienne et au Brésil. Toutefois, dans ces trois dernières régions où les feux de défrichement sont traditionnels, 2019 ne se distingue pas particulièrement des années précédentes. Ces incendies ont été particulièrement dévastateurs en Californie et en Australie.

figure13

Fig.13 : Incendies de forêts en 2019. 

Les grandes manœuvres

Initiative de la nouvelle Commission européenne d’un «green deal»

Il s’agit de définir et mettre en place un ensemble de résolutions visant à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050, afin de permettre une transition écologique radicale du Vieux Continent.

La COP 25

Initialement prévue au Chili, cette 25ème conférence des parties s’est finalement tenue à Madrid du 2 au 14 décembre 2019. Avec le slogan «Time for action», son objectif était de faire progresser les accords internationaux après l’Accord de Paris, afin de lutter contre le changement climatique. Elle a été marquée par une incapacité à avancer, en décalage avec l’appel constant des jeunes, des scientifiques, à agir face à l’urgence climatique. Comme attendu, les grands pays émetteurs de CO2 (États-Unis, Australie, Brésil) ont bloqué les négociations, souvent rejoints hélas par des pays dont on attendait davantage (Canada, Japon, Chine, Inde). Il a fallu une alliance progressiste de petits Etats insulaires et de pays européens, africains et latino-américains, et une prolongation la COP de 42 heures pour parvenir la signature d’un accord minimal avec des pays plus divisés que jamais sur des sujets clés.

Conclusion

Les émissions de CO2 continuent à un rythme inchangé, et le climat continue de se réchauffer, avec ses conséquences : le niveau marin et le contenu thermique des océans sont en hausse, et la masse des glaciers continentaux se réduit de façon continue. Davantage soumises à la variabilité inter annuelle, la température moyenne globale, et la surface des calottes polaire, n'ont pas atteint des valeurs record cette année. À suivre.


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