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Propos d'Argonautes (avril 2024)

(Temps de lecture: 5 - 10 minutes)

À l’écoute des conférences et séminaires

Avec l’usage maintenant très répandu des outils de communication qui permettent d’assister depuis chez soi à des conférences ou séminaires, nous avons accès presque chaque jour à des exposés diffusés depuis les quatre coins du monde :

cette fenêtre ouverte permet de suivre en direct l’avancée des connaissances scientifiques.

L’Académie des Sciences à organisé au début du mois de mars un colloque intitulé "l'urgence climatique: un-tournant décisif ". Les exposés, par des conférenciers parmi les mieux connus sur des sujets dont nous parlons souvent, étaient tous d’une qualité remarquable et ont fait le point sur l’état du climat et de ses composantes, et sur les évolutions à prévoir en fonction de nos décisions futures. L’Académie des Sciences a donc définitivement tourné la page après une trop longue période, où des scientifiques climatosceptiques ont pu s’exprimer en son sein.

Un webinaire du programme de recherche TRACCS -Transformer la modélisation du climat pour les services climatiques– était consacré à l’Étude des épisodes méditerranéens de pluie intense : une approche par la modélisation climatique aux échelles kilométriques. À la question « l’intelligence artificielle, scrutée en permanence par les médias, peut elle aider à mieux comprendre et prévoir ces épisodes ? » il a été répondu que les observations pour permettre un apprentissage machine efficace sont encore trop peu nombreuses pour cela.

La dernière conférence du Bureau des Longitudes était consacrée à l’étude des « Déformations à la surface de la Terre : zoom et dé zoom avec l'interférométrie radar ». Si l’interférométrie radar a pu se montrer utile en certains sites pour la prévision et le suivi des éruptions volcaniques, les séismes résistent toujours à la prévision. Cette question n’a rien à voir avec l’étude de l’atmosphère, mais partage avec les atmosphériciens l’objectif de prévoir les catastrophes naturelles. Toutefois, climat et éruptions volcaniques pourraient bien avoir été liés à certaines époques de l’histoire de la Terre : à la fin de la dernière glaciation, chaque épisode de montée rapide des océans a été marqué dans les sédiments marins par l’abondance de cendres volcaniques. La cause probable est que la fonte rapide des calottes glaciaires pendant ces épisodes a déstabilisé l’équilibre isostatique de la croûte terrestre et provoqué des éruptions volcaniques plus nombreuses.

Cet hiver 2023-2024 a été fertile en records de chaleur, chaque mois étant le plus chaud en moyenne de la Terre entière depuis que le climat est observé. Pour expliquer cette hausse exceptionnelle des températures, trois évènements sont mis en avant : le déclenchement d’un épisode El Niño en mai 2023 (mais le réchauffement avait débuté avant), l’injection massive de vapeur d’eau dans la stratosphère suite à l’explosion du volcan Hunga Tonga, qui renforce l’effet de serre de l’atmosphère (mais l’explosion a aussi injecté des poussières qui réfléchissent le rayonnement solaire et tendent donc, au contraire, à refroidir le climat), et la réduction des aérosols dans les zones de trafic maritime suite à l’interdiction des carburants soufrés par les navires. Mais ces causes ne suffisent pas à expliquer en totalité la hausse des températures. Bien que très élevée, cette hausse reste cependant dans la fourchette des prévisions des modèles climatiques : si 2024 retrouve des valeurs conformes à celles des années précédentes, de 2010 à 2022, il se sera agi de variabilité naturelle du climat. Si la hausse de 2023 se maintient, la question d’une tendance plus forte que prévu sera posée.

La transition écologique : des grincements.

L’application des mesures annoncées pour lutter contre le changement climatique ne soulevait pas l’enthousiasme, mais semblait jusqu’à la fin 2023 ne pas rencontrer d’opposition forte. Le plan de formation des fonctionnaires par exemple, dont nous avons suivi l’élaboration, paraissait accepté dans ses grandes lignes. Le changement toutefois n’était pas assez rapide, comme l’a souligné récemment le Haut Conseil pour le Climat dans une lettre au Premier Ministre. Le mécontentement des agriculteurs dans toute l’Europe a été une douche froide : il faudra avancer avec beaucoup de prudence et de patience, et même souvent, reculer. Pire, les partis politiques délaissent ce thème de peur de perdre des électeurs. Les résultats des élections à venir, en Europe ou aux États Unis, sont incertains, et n’incitent pas à l’optimisme.
Si les efforts sont mal adaptés au niveau des états, ils semble que les discussions se passent mieux au niveau des collectivités. C’est ce qu’indique une étude sur la mise en œuvre de l'adaptation au changement climatique conduite à Saint Pierre et Miquelon. Là, plus que les postures politiques, c’est la nécessité de résoudre ensemble des problèmes que l’on partage, et la confiance entre la population et les organisations et responsables locaux, qui sont déterminants.

Fuite en avant vs juste besoin

On rapporte des réunions au cours desquelles d’anciens élèves de grandes écoles rejettent les mesures contraignantes pour faire face au changement climatique et objectent qu’il suffit d’envoyer dans l’atmosphère des aérosols, ou d’appliquer d’autres solutions technologiques. La mise en œuvre de techniques de géoingéniérie pour lutter contre le changement climatique divise la communauté scientifique. Ainsi, James Hansen de l’Université de Columbia aux États Unis, craint que quels que soient nos efforts pour réduire nos émissions de gaz carbonique, nous ne parviendrons pas à maintenir la hausse des la température moyenne globale au dessous de 1,5°C, ni même au dessous de 2°C. Pour rester à des niveaux de réchauffement acceptables, il faudrait donc recourir sans attendre à des techniques de géoingéniérie : atténuation du rayonnement solaire par des aérosols injectés dans l’atmosphère, enfouissement du gaz carbonique dans des gisements d’hydrocarbures épuisés, et autres techniques. Pour Michael Mann de l’Université de Pennsylvanie, les techniques de géoingéniérie sont mal maîtrisées et ne sont pas sans danger. De plus, les mettre en avant donne l’illusion que des solutions techniques corrigeront nos comportements de gaspilleurs d’énergie, et qu’il n’y a pas péril en la demeure.
À un niveau plus local, l’usage du bois comme source d’énergie « verte » a été brandi comme une solution viable. Cela peut être vrai à condition de veiller à ne pas aller au-delà de la faculté des forêts à se régénérer. Mais on voit se développer des projets de grandes dimensions qui gaspillent la ressource. Ainsi, les centrales à bois de Gardanne en France, et de celle du groupe Drax au nord du Yorkshire en Angleterre, fonctionnent à coups de subventions avec du bois importé de très loin, de forêts d’Eucalyptus au Brésil par exemple. Ce gaspillage est inquiétant, alors qu’il faudrait ancrer dans la société la notion de juste besoin.

Pénurie d’eau douce et mesures de préservation

La sécheresse s’installe dans le pourtour méditerranéen, comme l’indique la carte ci dessous produite par le Service Copernicus. Les déficits en eau en moyenne relative (en marron) et excédents (en bleu) ne concernent que la première dizaine de centimètres du sol à un moment donné, mais s’inscrivent dans une longue série, année après année, de déficits de pluie dans le bassin méditerranéen.

(https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/c4e6816d-d219-11ee-b9d9-01aa75ed71a1/language-en)

Comment s’y adapter ? Le manque d’eau dans la région de Barcelone fait penser au projet Aqua Domitia, qui consistait à y amener l’eau du Rhône. Ce projet n’a pas abouti, à cause du coût trop élevé du franchissement des Pyrénées, et de réticences locales, et il s’est arrêté à Béziers. Le prolonger jusqu’à l’Aude et les Pyrénées orientales frappées par la sécheresse est à l’étude. Souvent, les besoins sont modestes, et il suffit alors de disposer d’un réservoir, que l’on remplit avec l’eau de pluie qui tombe sur les toitures. Au Kirghizstan, si les conditions s’y prêtent, il n’est même pas besoin de disposer d’un réservoir : en zone montagneuse en hiver, une conduite d’eau depuis un lac déverse de l’eau à proximité d’un village, où elle gèle rapidement sur place, formant un mini-glacier qui perdure jusqu’à l’été. Cette solution bon marché, qui est également mise en œuvre dans d’autres pays où les conditions sont analogues, est préconisée, en particulier pour fournir de l’eau en été au bétail. Elle apporte aussi localement fraîcheur et humidité là où les étés peuvent être torrides.

Énergie : du plus fou au plus raisonnable

L’Arabie Saoudite manque d’eau, et souhaiterait elle aussi varier son approvisionnement en énergie, actuellement trop marqué par le recours quasi exclusif au pétrole. Le vent n’y manque pas, ni l’ensoleillement. Un projet gigantesque est à l’étude, dans lequel intervient EDF. Il s’agit de créer et d’alimenter une réserve d’eau (de mer) à une altitude suffisante par pompage, en utilisant de l’énergie éolienne et solaire, pour ensuite laisser cette eau s’écouler et faire tourner des turbines pour produire de l’électricité. Le principe est analogue à ce qui se pratique (STEP : station de transfert d'énergie par pompage) dans plusieurs sites hydroélectriques en France, où il permet d’harmoniser la production et l’usage de l’électricité. En Arabie Saoudite, les potentiels de production d’électricité éolien et solaire existent, mais comme ailleurs, ils sont irréguliers. Le dispositif d’un réservoir d’eau surélevé permettrait de pallier à cette intermittence. Mais le projet laisse pensif par ses dimensions : il serait associé à une mégalopole de 26 000 km² construite en plein désert, avec station de ski, et une « ville-gratte-ciel » de 500 m de hauteur et 170 km de longueur !
Après une telle ambition, un projet de récupération de chaleur dans le métro de Rennes à usage de chauffage domestique paraît peu de chose. Il vaut pourtant la peine qu’on s’y intéresse, pas seulement pour les calories qu’il permettra d’extraire du sol en hiver, mais surtout parce qu’il a été conçu avant la construction de la ligne de métro. En effet, pour de tels systèmes à basse énergie, il faut des infrastructures de grandes dimensions pour une production de chaleur modeste. Ouvrir un chantier pour cela sur une ligne de métro déjà construite serait ruineux. Mais l’intégrer dans un plan de construction avant le démarrage des travaux est possible sans que le coût du chantier s’envole. Ne devrait-on pas y penser à chaque fois qu’un projet de construction implique de remuer de grandes quantités de terre.

À lire

La lutte pour contenir le réchauffement climatique nécessitera des moyens matériels, et les volontaires pour s’y atteler, et ceux ci ne manquent pas. Il faudra aussi des financements gigantesques, la plupart du temps sans espoir de gain. Peut on imaginer une humanité marchant à sa perte simplement par manque de monnaie ? Hélas, les banques centrales qui règnent sur la création de monnaie veillent avant tout sur la stabilité du système financier. Pourtant, la monnaie n’est qu’une convention : lire « Le pouvoir de la monnaie » par Jézabel Couppey Soubéran, Pierre Delandre et Augustin Sersiron.


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